mercredi 13 décembre 2023

ROBERTO ZANNONI – Mes désirs futiles – Editions de la Table Ronde - 2023


 

L'histoire

Un conte pour grands enfants. Vous vivez dans une famille nombreuse de fouines, ces petites bêtes qui se nourrissent de baies, d'oiseaux et qui ont des tanières profondes. Vous êtes Archy, l'avant-dernier des garçons et votre mère vous place chez l'usurier Maître Renard, une bête pas commode du tout mais qui sentant sa fin prochaine lègue à son apprenti devenu un peu son fils, un secret : il connaît le langage des hommes, leur écriture et leurs croyances notamment de Dieu et de la mort. Que faire avec un tel bagage ?



Mon avis

Le tout premier roman de Bernardo Zannoni, tout juste 28 ans, a déjà reçu les prix littéraires les plus prestigieux d'Italie.

Il faut dire qu'il fait très fort, car il nous entraîne dans un monde d'animaux sauvages, ici des fouines, et le lecteur le sait dès les premières pages, où finalement la vie ressemble un peu à certaines vies : une mère veuve qui a 6 petits à charge, dans un hiver glacial, des enfants qui se chamaillent, la nourriture difficile à trouver, une pièce cuisine, une pièce dortoir, bon on se contente de peu dans ce règne animal où l'on doit apprendre à lutter pour sa survie : ne pas avoir faim, donc savoir chasser.

Mais Archy n'est pas un chasseur né, et il devient boiteux après un accident. Ne sachant plus quoi faire de lui, et contre une poule, sa mère le donne au vieil usurier Salomon, renard de son état. Cruel au début, il finit par adopter ce fils et lui enseigner ce qu'il sait. Et là nous entrons dans un conte philosophique.

Jusqu'à la fin, l'auteur ne quitte pas son univers qu'il maîtrise parfaitement, et cela jusqu'à la dernière page. Mais on ne peut pas parler de dystopie, même si ces animaux nous ressemblent étrangement. Il s'agit d'un roman d’initiation, et aussi d'un hommage à la connaissance, celle que l'on acquiert par des « passeurs de savoir » (nous en avons tous dans nos vies, nos professeurs, nos parents, des amis qui aiment partager leur passion, des compagnons de routes Tout comme nous éprouvons de l'amour ou vivons des amours. Et aussi la connaissance que nous transmettons.

Archy va découvrir tous les sentiments humains, plus un savoir qu'il ne pensait jamais avoir.

Bien sur on pourrait y lire une critique de la pauvreté, dans son inhumanité la plus horrible, mais Zannoni vise plus haut : nous faire prendre conscience de nos propres capacités, mais aussi de l'existence même de la vie, de notre destin. Non Archy n'est pas un super héros dans la catégorie fouine ou animal, il lui reste ses instincts premiers et le roman n'est pas drôle, justement par la présence de la sauvagerie, mais traversés par des fulgurances poétiques qu'on oubliera pas de sitôt. Et nous, que sommes nous ? Des animaux doués de paroles et de réflexions, mais nous avons tous nos failles, nos faiblesse, nos excès, nos appétits. Et de comprendre que seule la connaissance éclairée peut justement nous aider à mieux aborder un monde de plus en plus complexe.

Même si il a été écrit en 2021 (mais traduit et publié en France 2 ans plus tard, on peut y trouver des échos avec un monde qui a connu une grave pandémie, puis deux guerres toujours en cours.

Un livre que je recommande, la lecture est facile, et des très belles pages de pure poésie viennent faire contrepoints aux misères décrites.



Extraits

  • Le vieux renard m'avait appris à lire, écrire, et travailler dur. Il m'avait ouvert les yeux sur le monde et sur notre existence, douloureuse et éphémère. Il m'avait appris à adorer un dieu qui ne nous empêcherait pas de disparaître.

  • J'ai triomphé d'elle [la mort] à chaque page, me reflétant dans l'encre, dans les lignes que j'ai tracées. J'ignore où Dieu emportera mon âme, mon corps se répandra dans la terre, mais mes pensées resteront ici, sans âge, à l'abri des jours et des nuits. Cela suffit à me procurer la paix, comme le paradis pour Solomon.

  • Quand je passais trop de temps enfermé, la tristesse me rattrapait: elle ressurgissait du bois, où je l'avais semée la fois précédente, et le désir de voyage était le seul remède.

  • Une tristesse inconnue m'envahit: je me sentais prisonnier du soleil et de la nuit, indifférent à l'écoulement des jours.

  • La mort, tu la tues en n’y pensant pas.

  • Anthropomorphisme futile qui rend malgré lui (malgré lui?) ces désirs essentiels sinon moins obscurs, en tout cas... Grazie mille & Ciao Bello

  • Nous nous reverrons bientôt. Nous nous sommes déjà rencontrés (préface)

  • Tel est mon désir futile : fuir comme tout le monde, échapper à l'inévitable. Si Klaus doit revenir, qu'il donne mon corps à la terre ou au fleuve. Qu'il ne restitue aux autres, comme le vrai animal que je suis, parce que c'est ce que je suis. D'Otis à Salomon, de Louise à Anja, s'ils sont heureux dans un doux lieu ou bien disparus dans la nuit, je vais enfin le savoir. Je ne peux plus différer le moment, arrive cette dernière frayeur, que l'on doit affronter seul, du début à la fin.





Biographie

Bernardo Zannoni est né en 1995 à Sarzana (Italie).
Mes désirs futiles est son premier roman, vendu à plus de 20 000 exemplaires en Italie, couronné de nombreux prix et dont les droits ont été vendus aux États-Unis, en Allemagne, en Espagne et en Catalogne.

Voir ici : https://www.youtube.com/watch?v=BinA3bSHBKQ



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.