Escalade la roche aux nobles altitudes. Respire, et libre enfin des vieilles servitudes, Fuis les regrets amers que ton coeur savourait. Dès l'heure éblouissante où le matin paraît, Marche au hasard; gravis les sentiers les plus rudes. Va devant toi, baisé par l'air des solitudes, Comme une biche en pleurs qu'on effaroucherait. Cueille la fleur agreste au bord du précipice, Regarde l'antre affreux que le lierre tapisse Et le vol des oiseaux dans les chênes toufus. Marche et prête l'oreille en tes sauvages courses; Car tout le bois frémit, plein de rythmes confus, Et la Muse aux beaux yeux chante dans l'eau des sources Théodore de Banville (1823-1891)
************************* C'était lors de mon premier arbre, J'avais beau le sentir en moi C'est loin et je ne sais pas trop Mais je sais bien qu'il plut à l'homme Qui s'endormit les yeux en joie pour y rêver d'un petit bois. Alors au sortir de son somme D'un coup je fis une forêt De grands arbres nés centenaires Et trois cents cerfs la parcouraient Avec leurs biches déjà mères. Ils croyaient depuis très longtemps l'habiter et la reconnaître Les six-cors et leurs bramements Non loin de faons encore à naître. Ils avaient, à peine jaillis, Plus qu'il ne fallait d'espérance Ils étaient lourds de souvenirs Qui dans les miens prenaient naissance. D'un coup je fis chênes, sapins, Beaucoup d'écureuils pour les cimes, l'enfant qui cherche son chemin Et le bûcheron qui l'indique, je cachai de mon mieux le ciel pour ses distances malaisées Mais je le redonnai pour tel dans les oiseaux et la rosée. Jules Supervielle - Le premier arbre.
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Il était une feuille avec ses lignes Ligne de vie Ligne de chance, Ligne de coeur Il était une branche au bout de la feuille Ligne fourchue signe de vie Signe de chance signe de coeur Il était un arbre au bout de la branche Un arbre digne de vie Digne de chance digne de coeur Coeur gravé, percé, transpercé, Un arbre que nul jamais ne vit. Il était des racines au bout de l'arbre Racines vignes de vie. Vignes de chance, vignes de coeur Au bout des racines il était la terre La terre court La terre toute ronde La terre toute seule au travers du ciel La terre.Robert Desnos - Feuille
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Que j'aime à parcourir votre ombrage ignoré Dans vos sombres détours, en rêvant égaré, J'éprouve un sentiment libre d'inquiétude, Prestige de mon coeur! je crois voir s'exhaler Des arbres, des gazons, une douce tristesse: Cette onde que j'entends murmure avec mollesse, Et dans le fond des bois semble encor m'appeler. Oh! que ne puis-je, heureux, passer ma vie entière Ici, loin des humains! Au bruit de ces ruisseaux, Sur un tapis de fleurs, sur l'herbe printanière, Qu'ignoré je sommeille à l'ombre des ormeaux! Tout parle, tout me plaît sous ces vo¸utes tranquilles: Ces genêts, ornements d'un sauvage réduit, Ce chèvrefeuille atteint d'un vent léger qui fuit, Balancent tour à tour leurs guirlandes mobiles. Forêts dans vos abris gardez mes voeux offerts, A quel amant jamais serez-vous aussi chères? D'autres vous rediront des amours étrangères; Moi, de vos charmes seuls j'entretiens vos désirs. - Chateaubriand - la Forêt.

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