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vendredi 31 janvier 2025

Grégoire BOUILLIER – Le syndrome de l'Orangerie – Flammarion – 2024

 

 

L'histoire

Le détective Bmore refuse les affaires que lui soumet sa fidèle assistante Penny. Pour lui changer les idées, elle l'emmène voir les Nymphéas de Monet, à l'Orangerie. Mais au lieu de l'effet apaisant recherché, le détective sent sourdre en lui une sombre angoisse. Il lui faut alors remonter la vie du plus célèbre peintre impressionnistes pour comprendre. Une enquête hors-norme et complexe s'annonce.


Mon avis

Ce roman n'est nullement une biographie de Claude Monet, mais une enquête (ou une quête) personnelle du détective Bmore (le double de l'auteur). Vous allez visiter les nymphéas, 8 grands panneaux monumentaux peints entre 1914 et 1918 par le grand peintre. Souvent le ressenti est pacifique, même spirituel. Pour les avoirs souvent vus, j'en ai tiré une source de méditation profonde comme si j'étais dans une chapelle laïque.

Mais pas pour Bmore, qui ressort angoissé de cette visite où il identifie la mort. Il ne va alors chercher qu'une seule chose : comprendre le pourquoi de cette angoisse, donc comprendre la période où Monet a peint ses fameux panneaux. Le maître de l'impressionnisme voulait en faire don à l’état, aussi pour faire plaisir à son ami Clémenceau. Alors que l'art évolue avec les fauvistes, puis les cubistes, puis le début de l'abstraction, Monet reste fidèle à sa peinture, dans son jardin de Giverny. Enfin pas vraiment, le peintre perd la vue, atteint d'une cataracte dont il refuse l'opération douloureuse et sans résultats probants pour l'époque. C'est de mémoire, dans l'immense atelier de 300m2 qu'il fait construire ses tableaux. Monet a perdu un fils Jean en 1914, et le second Michel est envoyé sur le front de la Guerre 14-18, mais il revient heureusement sain et sauf.

Au fil de ses recherches, le détective se persuade que derrière les grands panneaux des Nymphéas se trouve la mort. La mort des proches, mais surtout les morts de la première guerre mondiale. Pour cela il réunit des éléments de la vie de Monet qui semblent coïncider avec les tableaux.

Avec ce livre étrange, qui nous fait passer des camps de concentrations à une correspondance avec une détenue, l'auteur prend comme prétexte les Nymphéas pour d'une part critiquer notre système actuel qui prive de libertés plus qu'il n'en donne, et d'autre part reprend la thèse émise par Duchamp : entre l'intention du peintre, la réalisation de l’œuvre, il y a le regard du spectateur, autrement dit son ressenti. Ici le ressenti négatif est une mise en abîme des maux qui accablent le monde, et les « preuves », lettres et biographies de Monet sont des témoins à charge,

Si l'idée est séduisante, le roman souffre de redites et de longueurs et d'éléments qui n'ont rien à voir avec la peinture et l’œuvre du peintre. C'est justement ce manque de recul qui, bien que le livre soit passionnant, qui fait basculer le livre dans un amalgame un peu cliché. Déconstruire une peinture ne peut être faite que par un autre artiste, toute l'histoire de l'Art en témoigne. Même si le parti-pris et l'éclairage sur les moments difficiles qu'a vécu Claude Monet sont très bien retracés, il n'y a pas de place à la poésie. Que sait-on exactement de la mentalité du peintre lorsqu'il peint les grands Nymphéas ? Seul lui pourrait nous répondre. Alors à nous de nous plonger si nous le pouvons dans les deux salles de l'Orangerie et y voir ce que nous nous avons envie d'y voir, car nous sommes des êtres subjectifs.

De plus l'écriture, avec ses longues phrases, et quelques clins d’œil aux lecteurs deviennent un peu envahissante, et le procédé est sans finesse.

Un avis mitigé donc, et finalement je conseille aux lecteurs de se plonger dans une très bonne biographie de Claude Monet, qui ne verra jamais les Nymphéas installés à l'Orangerie, il décède un an avant.


Extraits

  • Que voit-on d’un tableau ? On ne sait pas. On ne sait jamais. On ne nous a jamais appris à voir avec nos yeux. Raison pour laquelle, devant une peinture, nous nous dépêchons de lire le cartel qui indique le nom du peintre, le titre de l'œuvre, la date, etc. Nous nous empressons de prendre des informations afin d'avoir des mots. C'est important les mots. (J'en sais quelque chose.) Car nous voici sauvés ! Nous savons tout à coup le nom du peintre, le titre de l'œuvre, la date, etc. Voici que nous avons quelque chose à dire. Voici que nous avons l'impression de savoir et, donc, de voir. (Youpi !) À partir de là, nous ne voyons plus avec les yeux mais avec les mots. Nous voyons la peinture à travers les lunettes que les mots nous chaussent, comme si les mots permettaient de mieux voir et que c'étaient eux qui donnaient à voir, eux qui étaient nos yeux, tout à coup. (Grave erreur !) Car il s'agit d'un tour de passe-passe.
    Dans ce passage des yeux qui regardent le tableau aux yeux qui lisent ce qui est écrit dessous, il y a le passage de l'image à la parole, des sens à l'intellect, de l'individu à la société. Il y a que nous perdons de vue la peinture et que nous perdons la vue tout court. Loin de nous ouvrir les yeux, les mots ne font que mettre des mots sur notre cécité. Ils nous forcent à regarder ailleurs en socialisant notre regard et en nous empêchant de tomber dans le vide de notre rétine. Car l'œil ne sait pas ce qu'il voit. De même que les cartes ne savent pas qu’elles jouent au poker et, de ce fait, qu'elles se fichent du gagnant comme du perdant, les yeux ne savent pas ce qu'ils voient. Ils ne savent même pas qu'ils voient ! Comme aux animaux, il manque aux yeux la parole et ainsi ne peuvent-ils pas dire ce qu'ils voient. S'ils le pouvaient, ils auraient d'autres mots que ceux que nous plaquons sur la peinture.

  • Quittant l'embarcadère, j'avais repris la sente qui cheminait le long du bassin aux nymphéas, marchant au fil de l'eau et admirant autour de moi l'espace fait beauté, la nature faite culture (en accord avec elle). Rien ne troublait l'eau. Pas une ride. Si bien que le ciel s'y réfléchissait avec une netteté incroyable. On regardait le bassin et on ne voyait plus l’eau, non, on voyait le bleu du ciel, on voyait les nuages qui couraient et floconnaient, on voyait les arbres qui, de la berge, s'élançaient vers le haut en même temps que vers le bas de part et d'autre d'une ligne, traçant un nouvel horizon. Toute la réalité se trouvait incroyablement inversée. Absolument dédoublée. C'était fascinant. Il fallait venir ici pour se rendre compte que le bassin aux nymphéas était un miroir, à la fois immense et parfait. À l'eau, il substituait l'air. Il transformait, en le retournant comme un gant, l'incommensurable en commensurable. Il faisait descendre le ciel sur la Terre, jusqu'à devenir lui-même le ciel, le Très-Haut. Si, pour les catholiques, les âmes montaient au ciel, elles descendaient ici tout en bas, dans le Très-Haut. Façon pour le républicain convaincu qu'était Monet d'imaginer une solution laïque à d'épineux problème de la vie après la mort ? (Mon syndrome de l'Orangerie fait oui de la tête !)

  • C'est en 1920 qu’Aragon publia son poème « Persiennes » (au pluriel) dans lequel il répète vingt fois de suite le mot « persienne » (au singulier), comme si répéter vingt fois un seul et même mot suffisait à faire un poème. Et, de fait, cela peut suffire. Car dans ces vingt répétitions du mot « persienne », le mot « persienne » devient autre chose que le mot « persienne ». De l'un à l'autre, il ne cesse de changer de sens et même de sonorité, jusqu'à devenir un mot-valise, un mot dépourvu de sa signification propre et même de toute signification. Voici que le mot « persienne » devient un mot inconnu, un mot nouveau, un mot étranger, un mot vidé de tout contenu. Il peut aussi bien signifier « persienne » que son contraire. Signifier « jalousie ». Signifier « les horreurs de la guerre de 14 ». Ou « Tartempion ». Ou « Mèretien » si « Pèresienne ». Tout ce qu'on veut. Il suffit de répéter vingt fois le même mot pour, avec une économie de moyens formidable (la simple itération d'un mot), faire vaciller tout l’édifice du langage et, dans le cas de Monet, ce fut l'édifice de la peinture.

  • Les Nymphéas ne seront ouverts au public qu’en 1927, un peu moins d’un an après la mort de Monet. Mais au moins ses volontés furent-elles respectées en tous points. À savoir : deux salles aux murs arrondis formant une lente ellipse et reproduisant la forme ovoïde du bassin aux nymphéas qui, à Giverny, était divisé en deux parties avec le fameux pont japonais les enjambant. À propos de ces deux salles, on a parlé d’une espèce de ruban de Moebius, de signe mathématique de l’infini s’accordant symboliquement avec cette œuvre sans bornes ni horizon. Monet, lui, parlait de « deux anneaux ingénieusement enchaînés l’un à l’autre », pour une « immersion contemplative » quasiment au fil de l’eau.

  • Une bibliothèque dit beaucoup de son propriétaire. On voit ce qu’il aime, ce qui l’intéresse, à quoi il rêve, ses goûts et ses secrets, sa quête. On voit son intériorité. (Ce pourquoi les maisons sans livres n’ont pas d’âme.)

  • Que disait déjà Edgar Poe : « L’art consiste à exagérer des choses fausses afin d’en dissimuler de vraies. »

  • C’est lorsque le bien comprend qu’il ne viendra pas à bout du mal qu’il devient lui-même le mal absolu.


Biographie

Né à Tizi-Ouzou, Algérie , le 22/06/1960, Grégoire Bouillier est né en Algérie française parce que son père y effectue alors son service militaire, il regagne avec ses parents la métropole dès l'âge de trois semaines et ne quittera plus Paris.
Il passe son enfance dans le quartier des Champs Élysées et publie son premier roman à 40 ans.
Sur ce qui s'est passé entre-temps, on pourrait évoquer ses attributions successives de peintre, d'homme à la rue, puis d'employé de bureau et enfin de journaliste. Il a été rédacteur en chef adjoint pour la revue "Science et Vie". Il écrit aussi pour les revues littéraires "L'Infini" et "NRF".
Le premier roman de Grégoire Bouillier, "Rapport sur moi", reçut le Prix de Flore en 2002. L'auteur publie deux ans plus tard "L'invité mystère" (2004), qui confirme son talent. Il est également l'auteur du "Cap Canaveral" (Allia, 2004, 2008) et du "Dossier M", Livres 1 et 2 (Flammarion, 2017 et 2018, prix Décembre), tous très remarqués par la critique. Ses récits autobiographiques, qui peuvent le classer comme un auteur de l'école de l'autofiction, ont été bien accueillis.

vendredi 22 novembre 2024

Linn ULLMANN – Fille, 1983 – Editions Bourgois - 2024

 

 

L'histoire

Roman ou récit, le dernier ouvrage de Linn Ullman est un retour entre passé et présent. A 16 ans, alors qu'elle vit avec sa mère à New-York, elle est remarquée par un photographe nommé A, alors qu'elle monte un escalator. Celui-ci l'aborde et lui présente la directrice de casting pour une agence de mannequin célèbre.

Contre l'avis de sa mère, elle s'envole pour Paris où elle pense faire une carrière prometteuse. Mais la capitale française n'a rien de merveilleux et le conte se transforme en cauchemar.


Mon avis

Un récit pas banal dans la forme comme dans le fond, qui nous livre entre pudeur et liberté la vie d'une adolescente de 16 ans, pas assez mûre, pas assez éduquée pour faire face au monde cruel du mannequinat.

Déjà, avant de partir, Karin vivait déjà l'adolescence avec un peu de drogue, pas mal d'alcool, des petits copains, en séchant l'école tout en le cachant soigneusement à sa mère.

Lors d'une balade, elle est remarquée par A, photographe de mode réputé. Celui-ci la fait venir à Paris pour de supposées séances de shooting pour le magasine Vogue . Débarquée dans une ville dont elle ne parle pas la langue, elle ignore le nom et l'adresse de son hôtel et se perd. Elle a juste l'adresse de A. qu'elle rejoint et qui la met dans son lit, avant de lui présenter un supposé sponsor entouré de jolies filles. L'homme sera condamné plus tard pour pédophilie, mais Karine échappe à son emprise entraînée par des copines pour finir la nuit dans des boites branchées. Ivre, incapable de se souvenir de l'adresse de son hôtel, elle retourne chez A. Ce qui suscite la jalousie des autres filles, même si A a 30 ans de plus qu'elle. Ce qu'elle prend pour de l'amour n'est que du sexe, et il n'y aura aucune photo de cette brindille venue du Nord. Bien au contraire, faussement enivrée par cette vie, on comprend qu'elle subi des viols d'hommes plus âgés mais dont elle a effacé le souvenir. Elle ne restera qu'un an à Paris.

Mais le passé ressurgit, et sans arriver à s'en souvenir, Karin passe de dépressions en insomnies, et divague entre ce passé lointain et sa vie actuelle, où elle vit Suède, entourée par sa fille Eva, militante écolo, sa mère vieillissante qui ne se plaint jamais et de son chien plus très en forme non plus.

Le récit semble décousu, alternant dans un même chapitre le passé, les moments heureux de sa vie, mais toujours hanté par quelque chose qu'elle n'arrive pas à nommer, ce traumatisme qui ne veut pas dire son nom, ce corps sali dans lequel elle doit vivre quitte à se dédoubler avec une sœur imaginaire. A la limite de la folie, seuls son travail, l'amitié des proches arrivent à la sortir de la dépression et de continuer sa vie de femme.

Dans un monde qui, bien avant l'affaire me-too, ne prenait pas en compte le consentement, surtout d'une mineure, dans l'infime solitude de n'avoir personne à qui se confier, c'est avec ses mots durs mais aussi parsemés d'instant de poésie dans la nature, de petits détails d'un quotidien sain à la campagne que Karin se confie. Les repères temporels sont bien inscrits pour permettre au lecteur de garder le fil de ce roman, qui fait aussi référence à Marguerite Duras, Annie Ernaux et d'autres noms ou lieu de la culture suédoise. Un livre âpre, violent dans ses non-dits que l'on imagine, mais aussi rédempteur car jamais l'autrice ne se présente comme une victime. Finalement les mots et l'écriture ne sont-ils pas les meilleurs alliés des troubles passés ?


Extraits

  • Je n’éprouve plus cette fureur contre la fille âgée de seize ans et baptisée Karin, et tant pis si personne ne l’appelait et ne l’appelle plus par ce prénom ; je n’éprouve plus cette honte envers elle, cette frénésie à la biffer, à l’oublier, à feindre qu’elle n’existait pas. Qu’elle existe. Et pourtant : le fait que nul ne se souvienne de ce qui m’est arrivé, que rien n’ait été écrit à ce sujet, me pousse à douter de la véracité de ce que j’ai vécu, j’en viens à douter que ça m’est effectivement arrivé, ou plutôt, je sais que ça m’est arrivé – Ce que tu peux être cruche comme gamine, t’as rien à faire ici –, mais je doute de la validité de ce que j’ai vécu, je doute de l’intérêt à le révéler. Et en même temps : si je n’écris pas à ce sujet, sous prétexte que je doute, sous prétexte que le doute engendre l’angoisse, sous prétexte que je fais n’importe quoi ou presque pour ne surtout pas être saisie par l’angoisse, sous prétexte que le doute et l’angoisse me transportent dans ce même état d’impuissance qui était le mien quand j’avais seize ans, dès lors j’oublie que, comme Annie Ernaux l’écrit, « les choses me sont arrivées pour que j’en rende compte ».

  • C’était comme de l’eau, mare après mare après mare, informe. Ce qui s’est passé avant, et ce qui s’est passé après, puis encore après. Je n’en suis pas certaine.

  • Tout ce sur quoi j’écris au fil de ces pages, ce qui s’est déroulé avant et après la photo qu’a prise de moi A, se compose principalement d’oubli, de la même manière que le corps se compose principalement d’eau. Ce dont je ne me souviens pas, qui ne jaillit que sous la forme de rêves, de pressentiments ou de douleurs, ne peut pas être écrit, même s’il doit pourtant l’être.

  • Peut-être vaudrait-il mieux, pour votre bien, que vous n’écriviez pas en ce moment où vous allez si mal, m’a dit ma psychologue, la première, une femme dans la cinquantaine. J’ai pensé à toutes les femmes enfermées, aliénées, déprimées, effrayées au fil des siècles à qui on a prescrit une cure de non-expression, de non-écriture, de non-divulgation-de-la-fureur-et-du-désespoir.

  • En écrivant ce qui m’est arrivé, en racontant l’histoire de la manière la plus véridique possible, je m’efforce de les rassembler dans un seul corps : la femme de 2021 et la fille de 1983. Je ne sais pas si c’est possible.

  • Dès que surgit l'intention de garder un secret, ce dernier commence à agir en nous. Sous la forme d'une inquiétude, d'une solitude, d'une mélancolie. 


    Biographie

Née à Oslo , le 09/08/1966, Linn Ullmann est la fille du réalisateur Ingmar Bergman et de l’actrice Liv Ullman. Enfant, elle a jouée dans certains des films de son père (Cris et chuchotements, 1972).
Elle vit à Oslo où elle exerce le métier de journaliste et critique littéraire.
Son premier roman Avant que tu ne t’endormes (Plon, 1999) l’a propulsée parmi les jeunes écrivains norvégiens les plus appréciés. Elle est aussi l’auteur de Vertiges (Plon, 2003).
Linn Ullmann est la femme de l'écrivain Niels Fredrik Dahl (1957).

En savoir plus ici :https://fr.wikipedia.org/wiki/Linn_Ullmann

Son site : https://linnullmann.no/


mardi 19 novembre 2024

Sandrine TOLOTTI – Les épopées minuscules – Editions Premier Parallèle – 2023 -

 

L'histoire

Sous le titre principal, se trouve une annotation « 100 contes vrais et autres histoires de la vie ordinaire ». Un charmant livre où ici sont rassemblées les petites histoires dont on ne parle jamais, qui ne font pas la Une des journaux. Des petites vies du quotidien avec pourtant ce qu'elles ont de magnifique.


Mon avis

Voilà un livre délicat qui pourra se retrouver sous le sapin de Noël, tant il est agréable à lire, et qui peut se lire un peu comme on veut. Par petits chapitres ou tout d'un seul, ce sera le choix de chacun.

Simplement structuré en 4 saisons , puis par les mois qui composent les dites saisons, avec minutie, l'autrice a recueilli des petites histoires pas banales vécues réellement par des personnes tout à fait ordinaires. Un travail de fourmi, pour retrouver ses anonymes qui n'ont pas découvert la théorie de la relativité ou l'Intelligence Artificielle, mais qui ont eu des vies ou des petits moments de vie extraordinaires.

Avec finesse, sans mots superflus, nous faisons un tour du monde de ces petites gens qui eux aussi ont fait des travaux de fourmi. Comme ce musicien à la mémoire infaillible qui a recueilli les chants et poèmes des personnes détenues dans les camps de concentration pour les écrire plus tard et leur rendre hommage. Voilà cette chinoise, épouse, mère de plusieurs enfants, maltraitée par son mari qui un jour, après avoir économisé sous après sous, décide de tout plaquer et faire le tour du monde d'abord dans sa petite voiture, puis l'histoire s'étant répandue (le sort des femmes en Chine au milieu du siècle dernier n'était guère enviable) a pu s'offrir un camping car, puis divorcer de son époux malsain.

Un banc public qui raconte son utilité dans les rencontres sociales ou solitaires de qui mange son repas de midi, qui lit ou fait la sieste au soleil. Au total 100 histoires tout à fait réelles qu'il a fallu découvrir dans des archives de presse ou d'autres romans.

Un vrai régal de poésie, de loufoquerie où les petits riens sont sublimés, et où on prend le temps d'avoir le temps. Et de tacler toute en finesse cette société où tout va trop vite, où tout est marchandise et où il faut toujours avoir une occupation.

Le livre est joliment illustré par Laura Francese (en noir et blanc).Ici on aime les fleurs qui poussent dans les interstices des routes, le temps qui s'arrête un instant. Émotions garanties, ce livre est un recueil spécial qui nous invite aussi à écrire nos petits moments de gloire ou nos actions amusantes, poétiques ou loufoques ? J'ai adoré.


Extraits

  • En août 1929, à la fois pour permettre aux usines de tourner en permanence et pour diminuer l'emprise de la religion sur les esprits et sur les vies, l'économiste soviểtique Yuri Larin invente la« semaine de travail continue» et convainc Staline de l'adopter. La semaine n'est pas seulement continue. Elle se compose de cycles de cinq jours : quatre jours de travail, un jour de repos. La main-d'æuvre est répartie en équipes de cinq personnes, chacune ayant une journée de relâche différente. Ce dont le prolétariat ne tarde pas à se plaindre:« Que voulez-vous qu'on fasse à la maison si nos femmes sont à l'usine, nos enfants à l'école et que personne ne peut nous rendre visite ? Quel genre de vie est-ce, que de se reposer par roulement et pas ensemble, comme un prolétariat uni. Ce n'est pas congé, si on est seul', » Cette réforme qui abolissait le dimanche ne dura donc pas. Mais l'idéologie insista un peu et, de 1931 à 1940, I'Union soviétique adopta la semaine de six jours, toujours pour abolir le dimanche. Mais cette fois, tout le monde eut le même jour de pause.

  • La carte postale a quelque chose d'un texto avec de la texture. Le grain du papier. Les pleins et les déliés de l'écriture manuscrite. Parfois, les cicatrices glanées en route, surtout quand elle fut longue. Le destinataire se surprend alors à refaire son parcours, de la boite au sac, du sac au centre de tri, du centre de tri à d'autres centres de tri et de là au sac et du sac à la boîte, la sienne, le tout effectué å pied, à cheval, à bicyclette, en voiture, en camion, en avion, allez savoir ; peut-être est-elle passée des 50°C d'un désert aux 7°C de la soute ; peut-être a-t-elle entendu parler trois, quatre, cinq langues ; peut-être a-t-elle traversé des rivières, des lacs, des mers, des océans. Et l'on imagine, enchanté, sa marche lente.

  • Chaque année, en mars, les autorités de Genėve surveillent comme le lait sur le feu les branches du marronnier officiel de la ville : son premier bourgeon marque symboliquement l'arrivée du printemps. Car depuis 1818, Genève entretient la traditíon qui consiste à noter sur un même parchemin la date d'éclosion de la première feuille de l'arbre (nous en sommes au quatriême marronnier officiel), Aujourd'hui, cette suite de micro-événements constitue un document précieux sur l'évolution du climat.

  • Quand elle visite I'Iran en 2013-2014 (à moto), l'écrívaine-voyageuse Lois Pryce constate à son tour qu'à ce hobby pourtant so british, les Iraniens, ces pique-niqueurs " forcenés", battent « à plates coutures » les sujets de Sa Majesté :« Je pensais que nous, joyeux Anglais, écrasions tout avec nos plaids écossais de voyage et nos paniers en osier, mais vous n'avez rien vu si vous n'avez pas vu un pique-nique iranien. Avec, étalée sur un tapis persan plastifié facile à nettoyer, une débauche de matériel pour le thé, des minarets de Tupperware, des pyramides de grenades et des gâteaux et des confiseries et des chichas... » Sans oublier ce qu'il faut de riz aux épices, d'herbes, de yogourts, de pastèques, de pain frais... On ne pique-nique pas, on gueuletonne.

  • Toutes les vies comptent, tout le temps.

  • La poche est le soldat inconnu de la guerre pour la libération du vestiaire des femmes.

  • Grandma Moses fut de ces mouflettes qui ne renoncent jamais à leur tasse aux étoiles : la vie au grand air, la contemplation des paysages vallonnés, ses préférés, et surtout, surtout, la petite robe rouge que son père lui avait promise enfant, quil n'avait pu acheter car les magasins étaient fermés le jour dit et qui s'était transformée sous l'influence de sa mère conventionnelle en terrible robe rouille. L'adulte n'avait jamais transgressé l'éducation ainsi reçue, mais dans son tableau "Sugaring Time", elle s'était représentée vêtue de la robe rouge de ses rêves.

  • Tant que l'homme n'est pas mort, il n'a pas fini d'être créé (proverbe peul)

  • En ce début de la saison des asperges, rappelons la ténacité de sa réputation aphrodisiaque. Au XIX° siècle, le pharmacien et gastronome Stanislas Martin estimait encore dans sa "Physiologie des substances alimentaires" que l'odeur particulière des urines produites après avoir mangé le divin légume trahissait régulièrement la liaison adultère.


    Biographie

Sandrine Tolotti est journaliste, créatrice de la newsletter « L'Intimiste ».
Elle a été rédactrice en chef de la revue Books.
Elle est basée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.

En savoir plus ici : http://www.premierparallele.fr/auteur/sandrine-tolotti

Son Facebook :https://www.facebook.com/p/Sandrine-Tolotti-100012416588409/


vendredi 18 octobre 2024

Jim FERGUS – Chrysis – Éditions Le Cherche-midi - 2013

 

 

L'histoire

Qui se souvient aujourd'hui de la peintre française Gabrielle « Chrysis » Jungbluth qui fréquenta le Montparnasse d'entre-deux guerres et qui fut une des première femmes peintre a être totalement décomplexée, dans une société où la vie des femmes était encore réduite aux tâches ménagères ? Jim Fergus nous conte la vie de cette peintre exceptionnelle, inclassable et à la vie libre.


Mon avis

C'est en chinant chez un antiquaire niçois que Jim Fergus trouve un tableau signé Chrysis Jungbluth et peint en 1925. Il l’achètera un an plus tard, le fera restaurer et encadrer. Mais du coup, sa curiosité envers cette artiste est grande. Il lui faudrait faire des recherches et des voyages en France pour retracer la vie de cette femme au destin particulier.

Certes il y mèle une folle histoire d'amour avec un « cow-boy » nommé « Bogey », héros légendaire de la guerre 14/18, pour souligner le caractère passionné de cette artiste dont on sait peu de choses.

Gabrielle Jungbluth, née en 1907 à Boulogne-sur-mer, est une artiste peintre française. Son surnom de Chrysis vient du nom d'une héroïne de Pierre Louÿs, romancier alors très à la mode, roman érotique qu'elle n'aura jamais du lire. Elle choisira alors le prénom de Chrysis pour signer ses toiles.

En1925. Gabrielle Jungbluth, âgée de 18 ans, entre à L'Atelier de Peinture des Élèves Femmes de L'École des Beaux-Arts, pour travailler sous la direction de Jacques Humbert, qui fut le professeur de George Braque. Exigeant, colérique, cassant, Humbert, âgé de 83 ans, règne depuis un quart de siècle sur la seule école de peinture ouverte aux femmes. Il y enseigne la rigueur et la technique. A cette époque l'étude des nus masculins entièrement dévêtis est interdit aux femmes. Peut importe pour Gabrielle qui profitant de l'absence de ses parents, va aller dans un bordel fréquenté par tout le Montparnasse artistique de l'époque. Elle participera même à des orgies, et ne tardera pas à se perdre dans les plaisirs désinvoltes et à devenir l'une des grandes figures de la vie nocturne et émancipée du Montparnasse des années folles. De même elle va s'habiller de façon bohème, créant son style et sa mode. Ce n'est qu'à sa majorité qu'elle pourra s'affirmer devant ses parents. Elle présentera deux toiles au salon des indépendants de 1928. Bien qu'aucun biographe sérieux ne soit penché sur sa vie amoureuse, Fergus décides que son héroïne rencontrera Bogey Lambert, un cow-boy américain sorti de la légion étrangère, avec qui elle va vivre une folle histoire d'amour. Mais Bogey est né au Colorado et Chrysis sait que sa peinture, où elle n'hésite pas à présenter des toiles érotiques, ne peut se faire qu'à Paris. Bogey repartira dans son ranch où il épousera Lola, une prostituée qu'il avait connu à New-York, en attendant un bateau pour rejoindre la Légion Étrangère venue aider la France dans sa guerre contre l'Allemagne, et dont il sortira blessé mais aussi fortement marqué. Chrysis, elle, après son succès au Salon des Indépendants continuera de peindre avant d'épouser en 1938, un médecin martiniquais Roger Narfin qui soignera les blessés de la seconde guerre mondiale. Elle finira par vivre en Martinique jusqu'à sa mort en 1989 à l'âge de 82 ans. Elle continuera à peindre, des scènes de la vie quotidienne mais sans la fraîcheur des débuts. Elle doit aussi gérer la famille qu'elle a fondé avec Roger. Loin de Paris, où elle revint plusieurs fois, notamment pour le décès de ses parents, elle finit par être oubliée du milieu artistique.

Jim Fergus achètera toutes les toiles qu'il trouvera de cette artiste si libre, ayant eu l'érotisme comme thème de prédilection pour ses toiles, une pionnière qui ne s'est jamais revendiquée d'un courant artistique ou politique, préférant vivre avec frénésie sa jeunesse.

Écriture fluide et simple où alterne les récits de Bogey et ceux de Chrysis. Fergus n'avait pas sans doute assez d'éléments biographiques malgré ses recherches pour écrire sur une artiste oubliée de l'histoire.

Le peu de toiles de Miss Hungbluth est visible sur le web. Elles ne semblent pas si choquantes que cela, les nus sont discrets, mais nous les voyons avec nos yeux du 21ème siècle.


Extraits

  • Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu en étais ? demanda Bogey une fois qu'ils furent dehors.- Pourquoi l'aurais-je fait ? demanda Jerome. Quelle différence cela fait-il ? Est-ce que tu m'as parlé de tes préférences sexuelles ? Ne t'inquiète pas, je n'ai jamais été intéressé par toi de cette façon. Tu n'es pas mon genre. Je repère les hétérosexuels à des kilomètres.

  • Gabrielle se rendit compte alors qu'elle avait jusque- là vécu avec deux personnalités distinctes et qu'elle avait toujours eu la capacité de faire taire sa vraie nature, de contrôler ses élans secrets. Elle était, d'un côté, une jeune fille bien élevée, la fille docile d'une famille de militaires de haut rang, une élève assidue de l'atelier d'un peintre classique de renom. De l'autre, elle était une fille forte, décidée, qui savait ce qu'elle voulait, dotée d'un sens artistique, qui se rebellait contre son éducation et son milieu privilégié, les prétentions et conventions de sa classe sociale, et les normes d'une société dominée par les hommes où les femmes étaient maintenues dans un état de soumission. Même quand elle était petite fille, elle avait toujours nourri une vague envie d'explorer un aspect plus caché, plus mystérieux de la vie, dont jusqu'à ce soir- là, elle connaissait à peine l'existence, sauf dans les rêves nocturnes défendus produits par son imagination.

  • Vous savez ce que Picasso dit des règles , n’est- ce- pas ? - Il dit que, pour le véritable artiste, les règles sont faites pour être enfreintes.

  • Jules Pascin se pendit dans son atelier en juin 1930 et cet évènement violent marqua la fin des Années folles à Montparnasse un peu comme la mort de Modigliani avait ouvert la décennie en 1920. Chrysis se joignit aux milliers de personnes endeuillées qui suivirent en cortège le cercueil de Pascin lorsqu'on le porta de son atelier sur le boulevard Clichy au cimetière de Saint-Ouen.  

  • Si tu ne revois jamais cet homme, une partie de toi l'aimera jusqu'à la fin de tes jours. Tu garderas toujours le souvenir d'un sentiment pur. L'amour concrétisé est rarement aussi durable. Si tu le revois, cela se terminera tristement. C'est presque toujours le cas. Il te quittera, ou tu le quitteras, et vous aurez mal, le coeur brisé, soit l'un soit l'autre, soit tous les deux. Voilà ce qu'est l'amour.

  • Ses lèvres rouges et pleines, son sourire fugace et chaleureux séduisaient les gens par leur innocence instinctive et, lorsque Gabrielle se tournait vers quelqu'un, il avait l'impression d'être la personne la plus importante au monde.

  • Lorsqu'il marcha jusqu'au portemanteau installé à côté de la porte, il passa devant sa table sans lui accorder un regard et Chrysis dit : "Excusez-moi, monsieur, je viens de vous dessiner. Voudriez-vous voir le résultat ?"
    L'homme s'arrêta, se tourna et la regarda sans ciller, de ses yeux saisissants. On aurait dit qu'il la voyait pour la première fois, qu'il n'avait pas vraiment compris ce qu'elle venait de lui dire, ou qu'il était surpris que l'on s'adresse à lui de cette manière. Chrysis se sentit rougir.

  • Elle savait qu'elle ne serait pas une bonne artiste tant qu'elle n'aurait pas saisi toutes les contradictions complexes inhérentes aux exigences de la chair, les grâces comme les disgrâces.

  • Chrysis s'imprégnait de tout. Avec l'objectivité pure de l'artiste douée d'un grand sens de l'observation, elle embrassait cette expression humaine de la passion et de la liberté jusqu'à la folie, cette manière de repousser les limites des conventions, qui était tout autant le fait des femmes.

  • En son fort intérieur, elle se demandait ce que le succès de Foujita devait à son excentricité et à son exotisme: elle trouvait qu'il avait bien plus de talent pour se promouvoir que pour peindre.

  • Le monde lui paraissait encore merveilleux, riche d'aventures, de promesses et d'espoirs infinis, plein de couleurs, de sensualité, de lumière et de rires, et c'était cela qu'elle voulait saisir dans ses peintures.

  • Il y a des pulsions chez nous, les êtres humains, une face sombre qui ne peut être totalement comprise, ni résolue,…

  • De fait, ce ne fut qu’en 1896 que les femmes eurent l’autorisation de fréquenter la bibliothèque de l’école et d’assister à des cours dans les salles de conférences. Et il fallut attendre l’année suivante pour qu’elles soient acceptées comme étudiantes à part entière. En 1900, les femmes aspirants peintres eurent finalement droit à un atelier qui leur était réservé. Pourtant, un quart de siècle après, lorsque Gabrielle commença à étudier sous la houlette du professeur Humbert, les femmes n’avaient toujours pas le droit de participer aux nombreux ateliers ouverts aux hommes, pour des raisons d’ « inconvenance.


    Biographie

Né à Chicago, Illinois , le 23/03/1950, Jim Fergus est un écrivain américain.
Né d'une mère française et d'un père américain, il se passionne dès l'enfance pour la culture Cheyenne alors qu'il visite l'ouest du pays en voiture avec son père pendant l'été. Ses parents décèdent alors qu'il a 16 ans et il part vivre dans le Colorado où il poursuit ses études.

Il vit ensuite en Floride où il est professeur de tennis avant de revenir dans le Colorado en 1980. Il s'installe dans le bourg de Rand, qui compte treize habitants, pour se consacrer exclusivement à l'écriture. Il publie en tant que journaliste de nombreux articles, essais ou interviews dans la presse magazine et collabore à des journaux.

Son premier livre, "Espaces sauvages" ("A Hunter's Road"), mémoire de voyage et de sport, paraît en 1992. Son premier roman, "Mille femmes blanches" ("One Thousand White Women"), l'histoire de femmes blanches livrées aux Indiens par le gouvernement américain pour partager leur vie, est publié aux États-Unis en 1998 et rencontre le succès. Il a sillonné seul avec ses chiens le Middle West, pendant plusieurs mois, sur les pistes des Cheyennes, afin d'écrire ce livre.
En 1999, il publie "Mon Amérique" ("The Sporting Road"), où il raconte six années de "pérégrinations par monts et par vaux" à travers les États-Unis.
Son second roman "La fille sauvage" ("The Wild Girl", 2005) raconte cette fois l'histoire d'une Apache enlevée à sa tribu en 1932.

Avec son roman "Marie-Blanche" (2011), Jim Fergus dévoile l'histoire de sa propre famille à travers celles de sa mère et de sa grand-mère et son ascendance française par les femmes issues de la famille Trumet de Fontarce.
Il a ensuite publié "Chrysis" ("The Memory of love", 2013), l'histoire (authentique) d'une jeune peintre Gabrielle Jungbluth dans le Montparnasse des années vingt.
En 2016, il publie "La vengeance des mères" ("The Vengeance of Mothers"), qui fait suite au premier ouvrage de l'auteur, "Mille femmes blanches", paru dix-huit ans plus tôt. Avec "Les Amazones" (2019), Jim Fergus achève la trilogie.

Son site ici : https://jimfergus.com/?lang=fr


mercredi 16 octobre 2024

Nathalie PIEGAY - 3 nanas, Saint-Phalle, Bougeois, Messager - Seuil 2024 -

 

L'histoire

Nathalie Piegay nous raconte en 3 parties l'histoire et la vie fascinante des ces trois femmes qui ont révolutionné l'art moderne pour le faire passer dans l'art contemporain. Qu'ont-elles en commun ? Se connaissaient elles ? Pourquoi chacune à sa manière a utilisé les arts mineurs ou artisanat (couture, tricot, collage) puis les matériaux de récupération, puis les nouveaux médiums comme la résine, le polystyrène, l'acier pour des œuvres provocantes, féministes et engagées ?



Mon avis

Si vous êtes amateurs d'art ou simplement curieux ou surtout ceux qui ne comprennent pas l'art contemporain et les installations, ce livre est pour vous.

Il retrace le parcours de trois femmes devenues célèbres de leur vivant grâce à leurs sculptures. Ou leurs installations gigantesques.

Elles ne se connaissaient pas intimement dans la vie, avaient sûrement vu le travail des autres, mais ne sont pas copiées, mais ont créés des univers biens à elles, loin des convenances, loin du travail au masculin, sans rejeter les hommes de leurs vies d'ailleurs. Elles ont donné à réfléchir au rôle de la femme artiste, et de la femme tout court dans nos sociétés. Elles n'ont pas signés de pétitions mais ont brisés des tabous de façon magnifique, mais dont la plupart des gens n'ont pas les codes pour comprendre.

Il y tout d'abord le vécu : viols par son père dans l'enfance pour Niki. Pour Louise c'est traumatisme de voir sa mère humiliée par le père qui la trompe ouvertement avec Sadie, la gouvernante. Et pour Annette, qui reste d'une discrétion absolue sur sa vie privée, peut-être la vision des infirmes et blessés de guerre de Berk-sur-Plage, sa ville de naissance, où avant de devenir une belle plage touristique, était un port de pêche, avec les marins réparant leurs filets, criant d'un bateau à l'autre.

Et ces femmes qui hors de conventions, après des unions célèbres (Niki et Jean Tinguely, Louise et un riche marchand d'art, Annette femme de Boltanski) ont osé finir leur vie ou avoir des périodes amoureuses avec des hommes bien plus jeunes qu'elles : Jeremy, un galeriste new-yorkais de 30 ans son cadet, un certain Constantin qui supervise les tableaux du Jardins des Tarots (en Toscane). Niki fera construire dans la monumentale impérative un studio où l'on accède par le vagin. Seule Annette dont la vie intime est un château-fort imprenable semble avoir été restée toute sa vie avec Boltanski mort en 2021.

Le monumentalisme : alors que le mot sculptrice n'existait même pas du temps de Niki ou de Louise, voilà des femmes qui ont produit des œuvres monumentales. Que ce soient les nanas de Niki, ou les araignées géantes de Louise, même si elles ont été aidées par des artisans, il fallait avoir un sacré sens du génie pour concevoir des œuvres géantes 9 mètres de haut pour Maman la 1ère araignée avec son ventre contenant 10 œufs en marbres, dans une ossature légère faite de bonze cannelé. 15 mètres de haut pour certaines des Nanas de Niki. 5 m pour Annette qui préfère plutôt le format horizontal. Quand on sait que la sculpture est un art de l'équilibre, de répartition des masses (pour que l’œuvre tienne debout), on ne peut qu'admirer la prouesse. Les énormes nanas de Niki tiennent sur un pied, les araignées de Louise tient sur 8 pattes très fines. Comment ont-elles fait ??

Les matériaux innovants ou peu nobles : toutes ont travaillé avec des chutes de tissus, des tricots ou crochets qu'elles ont réalisé, des broderies. Autrement dit, elles ont récupérer « les ouvrages pour dames » pour en faire des œuvres d'art. Mais aussi des matériaux de récupération, comme Tinguely qui allait dans les casses récupérer de quoi monter ses machines, Niki ou Annette ont fait des des collages avec des matériaux de rebut, des tableaux en relief. Mais aussi l'utilisation de l'acier, plus léger que le bronze et moins onéreux, et les résines, le polystyrène, des matériaux issus du pétrole et dont les émanations très toxiques ont provoqué pour Niki de graves problèmes respiratoires. Les fabricants de l'époque ne mettaient pas en garde sur les dangers potentiels. Et pourtant, elles y ont découvert des possibilités techniques pour alléger les sculptures, et malléables pour imaginer des formes folles, plus souple que le plâtre qui fige trop vite et ne se taille pas vraiment.

En le plus important : l'engagement. Voilà 3 femmes qui ont milité contre le patriarcat (les nanas géantes de Niki, « la mort du père » de Louise, installation rouge sang, le Pinocchio au nez démesurément long d'Annette) De toutes Annette Messager va le plus loin : avec les photos « les yeux crevés » d'enfants, elle défend le sort des enfants privés de droits, ou massacrés. En enlevant le rembourrage des peluches, elle dématérialise la société de consommation, tout comme elle démembre des poupées. Toutes les trois ont travaillé sur le corps féminin pour le détourner de la plastique imposée par les médias, toutes ont eux comme symbole l'araignée qui tisse pour piéger ses proies dont elle va nourrir ses œufs.

Ces rapprochements, écrit dans la langue simple et parfois poétique de Nathalie Piegay, sont une excellente source d'information (elle nous donne une bibliographie en fin de livre). Elle-même raconte ses émotions, imagine des rencontres possibles mais reste toujours fidèle à la réalité.

Un seul regret : le manque d'illustrations pour éclairer son propos. Mais peut-être faut-il aller chercher nous-même sur Google les iconographies pour nous faire notre propre idée. Un livre passionnant et inspirant .


Extraits

  • J'étais alors en Suisse où je travaillais, et j'ai eu envie d'aller visiter les lieux où elle a habité, pour découvrir à la fois son œuvre et ce pays que je ne connaissais pas bien encore. Je n'avais pas la première idée de ce que j'allais découvrir ni de la force des obsessions qui allaient m'assiéger puis me conduire à vouloir tout connaître de la vie de cette femme. Pendant plus d'un an, de gare en gare, j'ai suivi Niki en Engadine, à Bâle où il y a le musée Tinguely, à Lutry, au bord du Léman, et à Fribourg, petite ville le long de la pauvre Sarine où se trouve l'espace Jean Tinguely - Niki de Saint Phalle. [...]. C'est en allant à Fribourg depuis Genève que j'ai pensé à ce récit pour la première fois : j'allais raconter l'histoire de Niki de Saint Phalle. Je ne savais pas alors qu'elle n'en serait pas la seule héroïne et que s'ouvrait devant moi un monde de folies, de violence et de révolte.

  • Un jour elle dit à Gunther qu’elle est tombée amoureuse du glacier de Morteratsch, qu’elle veut y aller, non pas pour escala- der les sommets de la Bernina mais pour l’épouser. L’épouser? Elle va s’y engloutir, oui s’y engloutir, s’y brûler, car elle le sait à présent, la neige et le froid brûlent comme le feu. L’hiver à New York peut être glacial mais c’est un froid d’une nature différente. Il n’a pas le feu des Grisons. Il coupe, il tranche, mais il ne brûle pas. Elle ira jusqu’à la station de Morteratsch, elle montera dans la moraine, elle marchera dans la direction du Piz Palü, elle écoutera craquer la glace, elle se perdra dans les hurlements de la terre qui s’ouvre, elle remontera le cours du temps, car le glacier est très ancien, plus vieux que la montagne elle-même, et à la fin le Morteratsch l’avalera. Dans une des fentes grises elle sera engloutie et elle sera brûlée comme dans un brasier d’avant le temps. La montagne la mangera sans faire plus de bruit que d’ordinaire. Elle rejoindra encore une fois le Grand Tout. 

      

    Biographie

Nathalie Piégay-Gros est spécialiste de la littérature française du XXe siècle.
Ancienne élève de l'École normale supérieure, elle enseigne la littérature française moderne et contemporaine à l'Université de Genève depuis 2015.
Elle a été professeur de littérature française à l'Université Paris-VII-Denis-Diderot.
Nathalie Piégay est spécialiste de Louis Aragon (1897-1982), de Claude Simon (1913-2005) et de Robert Pinget (1919-1997), en l'honneur duquel elle a organisé un colloque en 2009.
Elle a publié de nombreux articles et ouvrages sur Aragon, notamment "L’Esthétique d’Aragon" (Sedes, 1997), et a participé aux travaux du groupe Aragon de l’Item (Institut des textes et manuscrits modernes).
Elle a établi l’édition de "La Semaine sainte" pour la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard, Œuvres romanesques complètes, tome 4, 2008).
Une femme invisible" (2018), un roman historique consacré à Marguerite Toucas-Massillon, la mère de Louis Aragon, est son premier récit.


dimanche 1 septembre 2024

Peter FROMM – Indian Creek – Gallmeister Totem n°72 - 2024

 

L'histoire

Alors qu'il est étudiant en biologie à l'université de Missoula, Peter Fromm accepte sur un coup de tête et bercé par les livres des grands aventuriers un poste de garde-champètre à Indian Creek . Pendant 7 mois, il vivra seul dans une tente et son travail consistera à surveiller un élevage d'alevins de saumons, notamment à déneiger car les hivers sont rudes dans ce coin perdu entre le Montana et l'Idaho. De cette aventure il en fera un livre qui sera un best-seller aux USA.


Mon avis

En 1978, alors qu'il n'a que 19 ans, Pete Fromm s'engage dans des études de biologie à l'Université de Missoula dans le Montana. Mais les études le passionne moins que lire les récits des grands aventuriers.

Sans aucune formation spécifique, il se porte volontaire pour un poste de garde-champètre dans une région perdue de l'Idaho. Son rôle est de surveiller que les jeunes saumons se portent bien. Pour cela, il a juste à déneiger le bout de rivière où vivent les alevins et bien sur survivre dans ce milieu hostile. D'autant que ce n'est pas un quatre étoiles qui l'attend mais une tente d'environ 20m2, où il doit vivre. Il emporte avec lui un camion de nourriture (boites de conserves, riz, légumineuses, oignons, pommes de terre,mais aussi quelques cahiers, des guides de survie, un fusil de chasse (pourtant interdit). Sa priorité, avant que l'hiver neigeux et glacial n'arrive est de débiter assez de bois pour se chauffer (il lui faut 11 cordées de bois), de mettre à l'abri ses légumes en creusant dans la terre et en installant un système qui empêchera la glace de tout recouvrir. Il a à sa disposition un vieux camion (dont il faut ôter la batterie l'hiver pour éviter le gel), des raquettes, un poste de téléphone. Le premier habitat en dur, alimenté au gaz est à environ à 30 km, et une ligne téléphonique qui peut tomber en panne est à 500 m.

Avec pour seule compagnie une petite chienne Boones, Peter commence à ressentir très vite la solitude. Certes à la fin de l'automne, les chasseurs et les randonneurs sont passés le voir, lui ont offerts nourritures et quelques indispensables. Pour compenser sa solitude, le jeune homme commence à chasser des grouses (espèce endémique de très gros oiseaux dont le poids est celui d'un gros poulet) et des écureuils. Il pose aussi quelques pièges de trappeurs mais cela ne lui convient pas. Une fois tous les 2 mois environs, un ranger (garde-chasse officiel) lui apporte son courrier et s'assure que tout va bien). Mais ces visites rapides ne l'intéressent pas. En toute illégalité, il réussit à tuer un élan, et doit ramener des kilos et kilos de viande, non sans difficultés.

Ainsi continue ce récit et de cette étonnante aventure, il rédigera ce livre qui le fera connaître comme écrivain.

L'écriture est simple et réveille en nous notre petit coté globe trotter. On se délecte des petites mésaventures du héros, comme de sa ténacité. Car vivre par moins 40° en hiver, avec le gel et la neige demande un sacré courage. Quelques photos en milieu de livre (dans cette réédition) nous donne un aperçu des paysages grandioses et montagneux, ainsi que la simplicité de la tente. Un récit parfait pour la rentrée et pour prolonger encore un peu des vacances bien originales.


Extraits

  • Après le départ des gardes, la tente que nous avions dressée me parut encore plus petite. Je me tenais devant elle, et un frisson que je croyais dû à une bourrasque me parcourut le cou. Allais-je vraiment vivre là-dedans désormais ? Serait-ce là mon foyer pour les sept mois à venir ? Seul, durant tout un hiver ? Je jetai un coup d’œil vers la rivière sinueuse, entre les parois sombres et accidentées du canyon qui découpaient déjà le soleil de ce milieu d’après-midi. Il n’y avait rien au-delà de ces murs de pierre et de verdure, si ce n’est les étendues sauvages de la Selway-Bitterroot, à l’infini. J’étais seul, au cœur même de la solitude.

  • Il faisait toujours nuit noire à Magruder lorsque je me réveillai. J’allai à la porte pour juger du temps. Le ciel était si proche, si clair que les étoiles semblaient à portée de main. Mais je ne levai pas le bras. On aurait dit que les étoiles étaient l’essence même du froid, qu’elles pouvaient vider la moindre trace de chaleur de toute chose vivante.

  • De la mi-octobre à la mi-juin, j’allais être responsable de deux millions et demi d’oeufs de saumon implantés dans un bras entre deux rivières. La route la plus proche se trouvait à quarante miles, l’être humain le plus proche à soixante miles. Si j’étais intéressé, précisa-t-il, je n’aurais que deux semaines pour me préparer.
    J’entendais de moins en moins ce qu’il disait. Tout me semblait parfait. J’allais enfin découvrir le monde sauvage. Film ou réalité ? Galère ou liberté sans limite ? Mais, de toute manière, peu importe ce que j’allais découvrir, j’aurais une histoire à raconter plus tard, mon histoire.Je dis au garde que tout cela me semblait très intéressant. Si j’avais été plus attentif, j’aurais sans doute pu l’entendre secouer la tête. — Et le salaire, ça ne vous intéresse pas ? demanda-t-il.Je lui répondis que si, bien sûr, même si je n’y avais pas songé.— Deux cents dollars par mois, lança-t-il. — D’accord, répondis-je. C’était trop beau pour être vrai. Être payé, en plus. Il me conseilla d’y réfléchir et de le rappeler le lendemain.— Entendu, fis-je. Une formalité. Ma décision était prise.

  • Quand je montais assez haut, je me retrouvai à l’intérieur même des nuages, et la distance se transformait alors en un gris de néant, la pluie laissant sur mes vêtements détrempés de minuscules perles de cristal.

  • Chaque décision me plongeait dans une agitation extrême, car je savais qu'il fallait faire les bons choix, mais en même temps je commençais à deviner que tâcher de rester occupé allait sans doute devenir la plus importante de mes occupations.

  • En acceptant de venir ici, j'avais dans la tête une vague idée de liberté : n'obéir à personne, ne faire que ce que je voulais. Il me semblait maintenant avoir négligé le fait tout simple que, même si je pouvais faire tout ce qui me chantait, et à n'importe quel moment,  il n'y avait rien à faire.

  • Je souris en imaginant la bagarre frénétique des coyotes, tirant à hue et à dia, jusqu'au plouf final. Et voilà six coyotes, soudain silencieux, sondant les flots et regardant fixement l'endroit où avait glissé leur proie. J'imitai ce que j'imaginais être leur expression stupéfaite et rageuse, me tordant le visage en tous sens avant de prononcer : ''Dommage.'' Je partis d'un grand éclat de rire. Voilà qu'avaient disparu les dernières traces du lynx et du cerf, de l'aigle et des corbeaux. Si j'avais quitté Indian Creek, voilà ce que j'aurais manqué.

  • Je m 'assis et ouvris la trousse de secours pour lire les consignes à suivre en cas d'engelures, tout en me demandant si, dans les heures qui suivraient, je trouverais le moyen de faire encore quelques bonnes bêtises ou si j'avais épuisé tout mon potentiel.

  • Je m'arrêtai au poteau téléphonique dont le garde m'avait assuré qu'il serait mon seul lien avec le monde extérieur. Nous avions découvert la veille que le téléphone ne fonctionnait pas. Je le décrochai tout de même. J'écoutai son silence sourd, la voix du reste du monde.

  • Je plaçai la peau au centre du cadre et m’installai devant, armé d’une grosse pelote de ficelle. Avec mon couteau Green River, je me mis à faire des trous tout autour de la robe, en utilisant un bâton comme support. je la cousis au cadre, ma brochure sur le « Tannage par la cervelle à la manière des Sioux » posée près de moi dans la neige. Le paragraphe sur la quantité de cervelle à utiliser me fit éclater de rire. «Chaque animal dispose d’assez de cervelle pour permettre son propre tannage » précisait le guide. « Et le tanneur, lui, il en a assez ? » me demandais-je.

  • Pour autant, cette même neige qui poussait les écureuils à s'enterrer faisait aussi sortir des montagnes, là où les chasseurs l'avaient acculé, le gros gibier. Un matin, en ouvrant le rabat de la porte d'entrée de ma tente, je me trouvai nez à nez avec une harde d'environ soixante cerfs en train de souffler de l'air chaud sur la prairie. Ils m'avaient repéré les premiers, et ce jour-là, portant mon lourd fusil, je découvris la capacité du gros gibier à disparaître. Nouvel épisode humiliant.

  • La maximale était de moins vingt, et la minimale, la nuit dernière, indiquait moins trente- cinq degrés.

  • Je me glissai dans une baignoire en fer galvanisé et, armé d'un pichet, j'écopai l'eau chaude et la versai sur ma tête. Je me lavai rapidement les cheveux , et utilisai comme je pouvais l'eau qui descendait le long de mon corps pour laver le reste. Je ne disposais que d'une dizaine de litres d'eau chaude, et je finis par y mélanger de l'eau froide afin de pouvoir me rincer. Toute l'affaire fut précipitée et maladroite, et finalement peu agréable.

  • Le soir, pourtant, une fois le courrier relu si souvent que le charme en était rompu, l’excitation retomba et je sentis combien tous ces gens me manquaient. La soirée fut mélancolique. Mais déjà, après deux mois passés ici, ce sentiment s’était atténué et la solitude désespérée du début, cette solitude qui me prenait à la gorge, s’était muée en une émotion lancinante que je savourais presque.

  • Tuer un animal ne me dérangeait pas, à condition de ne pas gaspiller ensuite la viande.

  • Pendant tout ce temps passé à regretter ce que je manquais dans l'autre monde, jamais je ne m'étais rendu compte de ce que je manquerais en quittant Indian Creek. [...] Il me restait toute une vie à vivre dans la civilisation, mais à peine quelques mois à vivre ici.



Biographie

Pete Fromm est un écrivain américain, nouvelliste et romancier né en 1958 dans le Wisconsin
Après des études secondaires à Milwaukee, il étudie la biologie animale à l'Université de Montana. Il vient d'avoir 19 ans lorsque, fasciné par les récits des vies de trappeurs, il accepte un emploi de l'office de réglementation de la chasse et de la pêche de l'Idaho consistant à passer l'hiver à Indian Creek, dans les montagnes de l'Idaho, en plein cœur de l'aire naturelle protégée de Selway-Bitterroot, pour surveiller la réimplantation d'œufs de saumons dans la rivière, d'octobre 1978 à juin 1979. Cette saison passée en solitaire au cœur de la nature sauvage bouleversera sa vie.

À son retour à l'université, il supporte mal sa vie d'étudiant et part barouder en Australie. Poussé par ses parents à terminer ses études, il s'inscrit au cours d'écriture créative de Bill Kittredge - pour la simple et bonne raison que ce cours du soir est le seul compatible avec l'emploi du temps qui lui permettrait d'achever son cursus le plus tôt possible.
C'est dans ce cadre qu'il rédige sa première nouvelle et découvre sa vocation. Son diplôme obtenu, il devient ranger dans le parc national de Grand Teton, au Wyoming et commence chacune de ses journées par plusieurs heures d'écriture. Après avoir jonglé entre son activité d'écrivain et les différents métiers qu'il cumule, dont celui de maître-nageur à Lake Mead (Nevada), il décide finalement de se consacrer à plein temps à la littérature.
Il rencontre un modeste succès avec son premier recueil de nouvelles "The Tall Uncut" (1992). La reconnaissance médiatique vient avec ses chroniques d'"Indian Creek" ("Indian Creek Chronicles", 1993), un récit autobiographique où il relate son expérience au cœur des Rocheuses, à l'endroit éponyme Indian Creek, en hiver 1978-1979.
Aujourd'hui, Pete Fromm a publié plusieurs romans et recueils de nouvelles qui ont remporté de nombreux prix et ont été vivement salués par la critique. Il est notamment le seul auteur à avoir remporté cinq fois le prix littéraire de la PNBA (l'association des libraires indépendants du Nord-Ouest Pacifique), notamment pour "Indian Creek" en 1994, "Chinook" ("Dry Rain", 1997) en 1998, "Comment tout a commencé" ("How All This Started", 2000) en 2001, "Lucy in the Sky" ("As Cool As I Am", 2003) en 2004 et "Mon désir le plus ardent" ("If Not for This", 2014) en 2015. Il vit à Great Falls dans le Montana.

mardi 7 mai 2024

Pierre TIERZAN – Cela fait longtemps qu'on ne s'est jamais connu – Editions Quidam 2021 -

 

 

L'histoire

Pierre Tierzan nous raconte son année à Montréal, ou il fut animateur intérimaire pour les enfants dans les nombreuses garderies du Québec.


Mon avis

Voilà un livre charmant et tout mignon, qui laisse la parole aux enfants (entre 2 et 7 ans). Pierre Tierzan part vivre un an avec sa femme québécoise à Montréal. Jeune auteur, il lui fait quand même un job pour vivre. Il s'inscrit alors dans une agence d'intérim chargé des trouvés des remplaçants aux animatrices ou animateurs des nombreuses garderies de Montréal, qui accueillent des enfants de 2 à 7 ans, que ce soit sous forme de crèche ou d'endroit où les parents qui travaillent peuvent laisser leurs enfants les jours sans école.

Hors souvent, il s'agit d'enfants des quartiers pauvres, dont les parents sont soit en difficulté sociale, soit dans des métiers aux horaires décalés ou des métiers difficiles.

Le récit est entrecoupé par les bons mots des enfants, et Pierre en a vu défiler. Entre les chamailleries, les activités de plein air, le parler canadien, et aussi l'impression que les canadiens n'apprécient pas tant que cela les français d'origine (un peu trop donneurs de leçons), Pierre noue des liens attachants avec tous ces gosses, dont certains ont déjà un sacré caractère.

Le texte est entrecoupé entre chaque petit chapitre des citations des enfants, vous savez les bons mots que sortent les petits et qu'on raconte dans chaque famille, devant le génie de sa progéniture !

Mais il pointe aussi du doigt des adultes dépassés, le manque chronique de personnel, les tâches ingrates. Mais le tout est sous le joug de la bonne humeur, de la joie que l'on a devant ces petits impertinents ou timides, joueurs, bagarreurs, philosophes à leurs heures. On rit beaucoup, sans oublier l'immense tendresse de l'auteur, face à ces petits, qu'il apprend à connaître et à aimer, et c'est bien réciproque. Les portraits de nos chères têtes blondes, brunes, rousses, métissées en tout cas sont particulièrement réussis, les bons mots et « l'imitation » des adultes très bien restitué. Voilà un livre qui nous rappelle notre enfance mais aussi notre part d'enfants en nous.

Une lecture facile, des plus réjouissantes. On en redemanderait encore !


Extraits

  • J’aime quand tu m’appelles Pierre, Gaëtan. Et j’aime quand tu me dis « bon matin ». On n’a pas ça chez nous, « bon matin ». C’est pour ça qu’on a des matins de merde. La bonne humeur québecoise, c’est quelque chose. C’est bien plus qu’une curiosité touristique. C’est un impératif moral, quasi religieux, un truc de pionnier. « Le cœur vaillant et débonnaire de notre peuple » m’a dit le daron de ma blonde, la première fois que je l’ai rencontré. Ça fout la pression. Tu te sens tout petit tout laid avec ta grosse massue plaintive. Souvent je me paie le soupir-massue, celui qui me caresse le plexus, qui m’aide à me sentir en vie. Quand y a plus de beurre, quand le recyclage déborde. Raaaa. Je jette mon grand vent froid sur la cuisine et ses habitants. Ma femme, ça la révolte. Elle me demande si je viens d’apprendre que j’ai le cancer. Elle veut me faire mal, la bitch. Elle trouve ça laid. Elle a pas tort. Faut tenir debout, question de culture. Avec leur « Bon matin », c’est radical, t’as l’impression de mettre le pied dans une comédie musicale. Tout devient rose et vert pastel et les décors se mettent à bouger. histoire était meilleure.

  • Nous avons été coupés par la Ministère. Nous n’avons plus de accounting pour le moment. – Comptable. – Oui… Dézoulé, it’s absolute chaos right now. –
    C’est pas grave. – Mais tu seras payé, don’t worry. Est-ce que tu es prévenu pour le bilingual daycare, Pierre ?– Ah ? C’est bilingue ?– Yes, of course. Do you… speak english ?– A litteul…– A little ?– Bit. A litteul bit. Un silence. Rebecca hausse les sourcils, découragée. – Tu peux parler le français si tu incommodes, les enfants peuvent switcher. Ça fait longue temps que tu travailles comme un remplaçant, Pierre ?– Non. Pas du tout. C’est mon premier jour.Nouveau silence. Rebecca écarquille les yeux, et se fige.– Ta première jour ? Ever ? And they send you here ? – Oui, pourquoi ? – Because… it’s fucking hell ! Elle rit à gorge déployée. Un rire de Nord-Américaine. Une explosion dans le couloir. La chevelure rousse qui frissonne et tout et tout.– My gosh, j’ai la pression qu’ils envoient ici toutes leurs nouveaux pour voir s’ils sont queupables. You know… « If you can make it here, you can make it anywhere… » Des années de rires frénétiques et d’emmerdements. Rebecca a la quarantaine, une voix nasillarde de chanteuse country, petite, avec une grosse tête à tignasse, une taille de guêpe et des fesses très larges. On dirait qu’elle a été assemblée au hasard, par un enfant de la garderie, comme une Madame Patate. Elle ramasse une botte rouge qui traîne et la met dans le casier de « JULIETTE ». Ça sent le pâté chinois, le hachis parmentier québecois, avec du maïs dedans. Le détergent, aussi. Le café filtre. Moi je me sens grand et mou, à la suivre dans le couloir comme Averell. Intrus. Naïf. Nouveau. C’est ça, la réalité du remplaçant : tu seras toujours nouveau, tout le temps, partout. Ce sera toujours ta première journée, à ta nouvelle job, comme ils disent.
    Soudain, Rebecca s’arrête devant une grande vitre. Un tableau animé. Ultra coloré. Lumineux. Le voici : le local. Mon bocal. Des plantes, du sable, de l’eau, des livres, des maracas, des matelas bleus, de la pâte à modeler, des costumes brillants, des blocs de bois, des petites chaises, des petites maisons, des petits ustensiles et, propulsés par une force surnaturelle, des petits corps, aléatoires, exponentiels, une houle de cheveux, de doigts, de morve, DES ENFANTS PARTOUT.

  • Lauren est forte. Elle s’en bat les couilles. Comme on dit. Elle me fascine. J’essaie de ne pas trop le montrer, mais je bois ses paroles comme un petit chevreuil au ruisseau. Elle parle sans chuchoter. Sans craindre que les enfants se réveillent. Elle m’explique que leur programme mise sur la fierté et la créativité engendrées par la connaissance des croyances collectives traditionnelles autochtones. La personnalité de l’enfant est conçue comme partie d’un tout (conception holistique), et non une fin en soi. (…) Les enfants ronflent. Ils sont en sécurité. Lauren les protège. Lauren a confiance en l’avenir. Moi aussi. D’un coup. J’ai confiance en Lauren.

  • C'est pas si pire, finalement. C'est même le fun, parfois. J'aime les enfants. L'enfer, c'est les adultes. Les enfants, d'où qu'ils viennent, sont des enfants. Les adultes, d'où qu'ils viennent, sont comme moi. Consommateurs moroses, citoyens désespérés.

  • Zoé, est-ce qu’on a le droit de crier à la garderie? -C’est pas moi qui a crié. C’est ma tête.

  • Personne n’ose le dire, mais les enfants, en vrai, c’est une bande skins dans une ruelle. Tu te fais marave.

  • Je m’acclimate. Par exemple, je m’habitue petit à petit aux prénoms à la con. Olivia-Juliette ? Brandon Junior ? Jean-Léon ? Logan ? Je croyais que c’était un nom de bagnole ? Ici les gens décident tout à coup de réinventer l’orthographe d’un prénom : Aimyle. Ah ? Ok. Enchanté. Moi c’est Pillaire.

  • A Saint-Michel, les enfants circonspects regardent leur assiette. - C'est du poulet? - On dirait du vomi. - Dans notre ventre, il fait noir. - Rouge et noir.- Dans notre ventre, y a des petits bébés.- Y'a des petits bébés et du vomi. - Mon grand-papa il a mangé trop de médicaments alors il a vomi du caca.


Biographie

Né en 1979, Dramaturge et metteur en scène, Pierre Terzian signe avec Crevasse son premier roman, il vit entre la France et le Québec.
Voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Terzian

Son site : https://www.pierreterzian.com/


dimanche 5 mai 2024

Alicia ZENITER – Je suis une fille sans histoires – Éditions de l'Arche 2021

 


L'histoire

Quelle est la place que l’on accorde aux romans ou aux films à la place. Souvent cantonnée à des rôles secondaires, à être la complice du héros, il y a encore peu de temps, la littérature et les œuvres de fiction laissaient la place aux hommes. Une histoire revue et corrigée de la fiction à travers les âges.


Mon avis

Avec ce petit ouvrage de 96 pages sans compter les références bibliographiques citées dans le texte, A. Zeniter nous retrace la place de la femme dans l'histoire, ou comment le récit modifie notre perception de la femme.

Cela commence avec homo sapiens à peine sorti de sa coquille. Au début, notre lointain ancêtre était un cueilleur (pour se nourrir), puis il est devenu « chasseur cueilleur ». Le mot chasseur implique l'homme et sa force, mais aussi des outils très virils : lances, massues. L'histoire ne nous dit pas si des femmes étaient aussi des chasseresses, et il était fort possible qu'elles le soient, comme les lionnes qui chassent alors que le roi lion roupille au soleil dans la savane.

De même les héros grecs sont masculins : Ulysse parcourt un monde fantasmagorique pendant que sa femme Pénélope travaille à sa tapisserie. Certes il croise des femmes, des méchantes ou des amoureuses sans succès, mais il reste le héros incontestable de l'Odyssée. Que des pharaonnes aient régné sur l’Égypte est oublié des livres d'histoire, ce n'est qu'un détail, Cléopâtre est une héroïne tragique, trahie par deux hommes qu'elle aime et son destin est écourté, la reléguant à un mythe dont le cinéma s'empare pour stariser une Élisabeth Taylor à l'apogée de sa beauté mais aussi faire découvrir celui qui sera par deux fois son mari, Richard Burton, sorte de « Marlon Brando » à la virilité assumée.

Où sont les héroïnes dans les bandes dessinées de notre enfance ? Tintin reste un gamin solitaire, ayant pour amis (on parle aussi d'adjuvants, des personnages qui vont entouré le héros) des hommes. Comme on va parler des opposants, les méchants de l'histoire. Astérix et Obélisque forment un couple de potes inséparables, la stroumpfette bleue est la seule femme pour tout un bloc de stroumpfs. Dans le cinéma, la femme est starisée pour sa beauté, mais James Bond agit seul, avec toujours une jolie minette (soit amie, soit ennemie) à ces cotés. Dans la saga Star Wars du début, seule Natalie Portmann aux tenues les plus folles, puis sa fille la princesse Leïla se battent avec deux jedi, mais rarement en autonomie.

Livré sous forme de dialogue avec le lecteur, l'ouvrage est assez érudit car il nous montre aussi l'intervention des philosophes, et une histoire de l'écriture (que ce soit un roman ou un scénario), ce qui peut être aussi un guide précieux pour celles et ceux qui veulent se mettre à écrire.

Mais heureusement, les temps changent. De plus en plus les jeunes auteurs et autrices créent des personnages féminins centraux, que ce soit avec la Turtle de Gabriel Tallent qui a ouvert la voie avec « My absolute darling », à Betty de Tiffany Mc Daniels ou les sœurs de Jean Hegland (Dans la forêt), puis des femmes détectives, aussi géniales que Sherlock Holmes. N'oublions pas non plus Carson Mc Cullers qui donne le rôle principal à Mick, la jeune fille du « cœur est un chasseur solitaire ».

Ouvrage à avoir dans sa bibliothèque je pense, tant il est riche d’enseignement et de schémas dessinés pour mieux nous faire comprendre les ressorts d'un récit.


Extraits

  • Ursula Le Guin se demande comment notre civilisation de chasseurs-cueilleurs a pu devenir le berceau de récits qui ne parlent que de chasseurs. Elle met en balance le fait que la viande occupait une part minime de l'alimentation (entre 65 et 80 % de la nourriture des humains était cueillie) et la place énorme occupée sur les parois des grottes et dans les esprits. Ce n'est pas parce que la viande était cruciale que les chasseurs se sont imposés, c'est parce que leur histoire était meilleure.

  • Si les récits peuvent élever des ponts entre des sous-mondes, ils peuvent aussi monter des murs, peut-être ? Dans un des romans d'Eco, il y a un personnage qui demande : « Qui pensons-nous être, nous pour qui Hamlet est plus réel que notre concierge ? » C'est une bonne question, non ? Qui pensons-nous être ? Nous pour qui Jon Snow est plus émouvant que le cheminot en grève...

  • Dans une grande partie de la production cinématographique américaine récente, l'adjuvant est le fameux « Black Best Friend » : un personnage intelligent, drôle, cool mais sans buts qui lui appartiennent en propre, à part aider le sujet (et montrer que celui-ci n'est pas raciste). Dans la chasse au mammouth, il aidera à creuser la fosse dans laquelle attendre l'animal et il se peut même qu'il fournisse les lances. Sans enjeux personnels, le BBF pourra facilement mourir au point culminant (écrasé par le mammouth), suscitant ainsi une émotion considérable mais sans perturber la quête (sa mort viendra même en renforcer l'importance car le héros fait désormais de la chasse au mammouth une revanche obsédante). Même un dessin animé où les humains existent très peu, comme Shrek, a reproduit cette division des rôles puisque l'âne (adjuvant) qui accompagne l'ogre (sujet) est doublé par un acteur noir : Eddie Murphy dans la version originale et Med Hondo dans la version française. Fin de la parenthèse.

  • Moi je n'ai jamais pleuré sur Anna Karénine: elle m'agace. Pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire, c'est une femme mariée qui tombe amoureuse d'un autre homme et qui se jette sous un train. A ne pas confondre avec Madame Bovary qui est une femme mariée amoureuse d'un autre homme et qui s'empoisonne. A ne pas confondre, non plus, avec la Princesse de Clèves qui est une femme mariée qui tombe amoureuse d'un autre homme et puis son mari meurt alors elle pourrait épouser l'autre homme mais non, elle entre au couvent pour mourir socialement. Clairement, pour les récits de femmes-qui-font-des-trucs, on n'est pas encore tout à fait au point...

  • Parce qu'on se raconte tous des histoires, tout le temps. Et on en écoute, lit ou reçoit en permanence aussi. En réalité, nous sommes pétris de mises en récit que nous ne détectons même plus. Nous avançons sur des lignes de textes là où nous croyons voir du réel, là où nous pensons que nous avons les deux pieds bien plantés dans les faits...

  • Peut-être que nous sommes pris en permanence dans une lutte textuelle. Auquel cas, la sémiologie, la narratologie ou la linguistique devraient être considérées comme des outils de première nécessité pour analyser les énoncés qui nous entourent.

  • La Poétique (Aristote), c'est un excellent moyen de comprendre quelle est la forme de récit sur laquelle se sont basées nos sociétés occidentales. Et, par ailleurs, en la relisant pour les besoins de ce livre, je me suis dit qu'Aristote ressemblait à une version démoniaque et dictatoriale de moi quand je donne un
    atelier d'écriture.

  • Donc, on peut rire du sexisme d'Aristote mais je préfère ne pas oublier que nos formes de récits actuelles en ont hérité. Une bonne histoire, aujourd'hui encore, c'est souvent l'histoire d'un mec qui fait des trucs. Et si ça peut être un peu violent, si ça peut inclure de la viande, une carabine et des lances, c'est mieux.

  • Je parle beaucoup de Sherlock Holmes. Il y a une raison très simple à ces répétitions : je suis amoureuse de lui. A un moment de ma vie de lectrice, j'ai quitté Enjolras pour lui, en quelque sorte, même si aucun des deux ne le sait. C'est évidemment un des gros avantages des relations amoureuses avec des personnages fictifs. Elle ont aussi leurs inconvénients.

  • C'est la force du roman, il nous arrache aux coordonnées d'une existence qui nous ont été attribuées arbitrairement à la naissance : tu seras femme, française, fille d'immigré. D'accord. Et quand j'étais au collège, ma mère m'a prêté ses livres des Rougon-Macquart et j'ai été tour à tour mineur de fond, vendeuse dans un grand magasin, banquier et paysanne.

  • Et si je tends l'oreille, il y a parmi les bruits du vent des histoires qui, un temps, ont été jamais-dites mais qui ont fini par venir a la parole. Parce que Toni Morrison. Parce que Maya Angelou, Monique Wittig. Parce que Maryse Condé, Sarah Kane, Virginie Despentes, Léonora Miano, Zoe Leonard, Rosa Montero, Zadie Smith, Anne Carson, Chimamanda Ngozie Adichie...
    Leurs noms et leurs voix, un peu partout au milieu des arbres, une assemblée de Guérillères, comme une autre forêt, mouvante, que je peux emporter avec moi sur le chemin du retour...



Biographie

Née à Clamart , le 07/09/1986, Alice Zeniter est une romancière, dramaturge et metteur en scène française.
Née d'un père algérien et d'une mère française, elle est entrée à la Sorbonne Nouvelle en même temps qu'à l’École Normale Supérieure (Ulm). Elle a suivi un master d’études théâtrales, suivi de trois ans de thèse durant lesquels elle a enseigné aux étudiants de la licence. Elle est partie en 2013, sans mener à bien son doctorat, pour se consacrer uniquement à ses activités artistiques.

Elle a vécu trois ans à Budapest où elle enseigne le français. Elle y est également assistante-stagiaire à la mise en scène dans la compagnie théâtrale Kreatakor du metteur en scène Arpad Schilling. Puis elle collabore à plusieurs mises en scène de la compagnie théâtrale Pandora, et travaille en 2013 comme dramaturge pour la compagnie Kobal't.

Alice Zeniter a publié son premier roman, "Deux moins un égal zéro" (Éditions du Petit Véhicule, 2003), à 16 ans. Son second roman, "Jusque dans nos bras", publié en 2010, chez Albin Michel, a été récompensé par le Prix littéraire de la Porte Dorée puis par le Prix de la Fondation Laurence Trân.
En janvier 2013, elle publie "Sombre dimanche", qui décrit la vie d'une famille hongroise et reçoit le prix du Livre Inter ainsi que le prix des lecteurs de l’express et le prix de la Closerie des Lilas. Elle publie "Juste avant l'oubli" en 2015. Il obtient le Prix Renaudot des Lycéens 2015.

Son roman, "L'Art de perdre" (2017), qui retrace, sur trois générations, la vie d'une famille entre la France et l'Algérie, a reçu de nombreux prix littéraires, dont le Prix Goncourt des lycéens.
Elle est dramaturge et metteuse en scène
Alice Zeniter écrit aussi pour le théâtre dont "Spécimens humains avec monstres" (2011), lauréat de l'aide à la création du CnT, "Un ours, of course ! ", spectacle musical jeunesse paru chez Actes Sud en 2015, "Hansel et Gretel, le début de la faim" (2018).

Voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alice_Zeniter

Sa page Facebook : https://www.facebook.com/AliceZeniter/