Affichage des articles dont le libellé est Haiku. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Haiku. Afficher tous les articles

mardi 19 novembre 2024

Sandrine TOLOTTI – Les épopées minuscules – Editions Premier Parallèle – 2023 -

 

L'histoire

Sous le titre principal, se trouve une annotation « 100 contes vrais et autres histoires de la vie ordinaire ». Un charmant livre où ici sont rassemblées les petites histoires dont on ne parle jamais, qui ne font pas la Une des journaux. Des petites vies du quotidien avec pourtant ce qu'elles ont de magnifique.


Mon avis

Voilà un livre délicat qui pourra se retrouver sous le sapin de Noël, tant il est agréable à lire, et qui peut se lire un peu comme on veut. Par petits chapitres ou tout d'un seul, ce sera le choix de chacun.

Simplement structuré en 4 saisons , puis par les mois qui composent les dites saisons, avec minutie, l'autrice a recueilli des petites histoires pas banales vécues réellement par des personnes tout à fait ordinaires. Un travail de fourmi, pour retrouver ses anonymes qui n'ont pas découvert la théorie de la relativité ou l'Intelligence Artificielle, mais qui ont eu des vies ou des petits moments de vie extraordinaires.

Avec finesse, sans mots superflus, nous faisons un tour du monde de ces petites gens qui eux aussi ont fait des travaux de fourmi. Comme ce musicien à la mémoire infaillible qui a recueilli les chants et poèmes des personnes détenues dans les camps de concentration pour les écrire plus tard et leur rendre hommage. Voilà cette chinoise, épouse, mère de plusieurs enfants, maltraitée par son mari qui un jour, après avoir économisé sous après sous, décide de tout plaquer et faire le tour du monde d'abord dans sa petite voiture, puis l'histoire s'étant répandue (le sort des femmes en Chine au milieu du siècle dernier n'était guère enviable) a pu s'offrir un camping car, puis divorcer de son époux malsain.

Un banc public qui raconte son utilité dans les rencontres sociales ou solitaires de qui mange son repas de midi, qui lit ou fait la sieste au soleil. Au total 100 histoires tout à fait réelles qu'il a fallu découvrir dans des archives de presse ou d'autres romans.

Un vrai régal de poésie, de loufoquerie où les petits riens sont sublimés, et où on prend le temps d'avoir le temps. Et de tacler toute en finesse cette société où tout va trop vite, où tout est marchandise et où il faut toujours avoir une occupation.

Le livre est joliment illustré par Laura Francese (en noir et blanc).Ici on aime les fleurs qui poussent dans les interstices des routes, le temps qui s'arrête un instant. Émotions garanties, ce livre est un recueil spécial qui nous invite aussi à écrire nos petits moments de gloire ou nos actions amusantes, poétiques ou loufoques ? J'ai adoré.


Extraits

  • En août 1929, à la fois pour permettre aux usines de tourner en permanence et pour diminuer l'emprise de la religion sur les esprits et sur les vies, l'économiste soviểtique Yuri Larin invente la« semaine de travail continue» et convainc Staline de l'adopter. La semaine n'est pas seulement continue. Elle se compose de cycles de cinq jours : quatre jours de travail, un jour de repos. La main-d'æuvre est répartie en équipes de cinq personnes, chacune ayant une journée de relâche différente. Ce dont le prolétariat ne tarde pas à se plaindre:« Que voulez-vous qu'on fasse à la maison si nos femmes sont à l'usine, nos enfants à l'école et que personne ne peut nous rendre visite ? Quel genre de vie est-ce, que de se reposer par roulement et pas ensemble, comme un prolétariat uni. Ce n'est pas congé, si on est seul', » Cette réforme qui abolissait le dimanche ne dura donc pas. Mais l'idéologie insista un peu et, de 1931 à 1940, I'Union soviétique adopta la semaine de six jours, toujours pour abolir le dimanche. Mais cette fois, tout le monde eut le même jour de pause.

  • La carte postale a quelque chose d'un texto avec de la texture. Le grain du papier. Les pleins et les déliés de l'écriture manuscrite. Parfois, les cicatrices glanées en route, surtout quand elle fut longue. Le destinataire se surprend alors à refaire son parcours, de la boite au sac, du sac au centre de tri, du centre de tri à d'autres centres de tri et de là au sac et du sac à la boîte, la sienne, le tout effectué å pied, à cheval, à bicyclette, en voiture, en camion, en avion, allez savoir ; peut-être est-elle passée des 50°C d'un désert aux 7°C de la soute ; peut-être a-t-elle entendu parler trois, quatre, cinq langues ; peut-être a-t-elle traversé des rivières, des lacs, des mers, des océans. Et l'on imagine, enchanté, sa marche lente.

  • Chaque année, en mars, les autorités de Genėve surveillent comme le lait sur le feu les branches du marronnier officiel de la ville : son premier bourgeon marque symboliquement l'arrivée du printemps. Car depuis 1818, Genève entretient la traditíon qui consiste à noter sur un même parchemin la date d'éclosion de la première feuille de l'arbre (nous en sommes au quatriême marronnier officiel), Aujourd'hui, cette suite de micro-événements constitue un document précieux sur l'évolution du climat.

  • Quand elle visite I'Iran en 2013-2014 (à moto), l'écrívaine-voyageuse Lois Pryce constate à son tour qu'à ce hobby pourtant so british, les Iraniens, ces pique-niqueurs " forcenés", battent « à plates coutures » les sujets de Sa Majesté :« Je pensais que nous, joyeux Anglais, écrasions tout avec nos plaids écossais de voyage et nos paniers en osier, mais vous n'avez rien vu si vous n'avez pas vu un pique-nique iranien. Avec, étalée sur un tapis persan plastifié facile à nettoyer, une débauche de matériel pour le thé, des minarets de Tupperware, des pyramides de grenades et des gâteaux et des confiseries et des chichas... » Sans oublier ce qu'il faut de riz aux épices, d'herbes, de yogourts, de pastèques, de pain frais... On ne pique-nique pas, on gueuletonne.

  • Toutes les vies comptent, tout le temps.

  • La poche est le soldat inconnu de la guerre pour la libération du vestiaire des femmes.

  • Grandma Moses fut de ces mouflettes qui ne renoncent jamais à leur tasse aux étoiles : la vie au grand air, la contemplation des paysages vallonnés, ses préférés, et surtout, surtout, la petite robe rouge que son père lui avait promise enfant, quil n'avait pu acheter car les magasins étaient fermés le jour dit et qui s'était transformée sous l'influence de sa mère conventionnelle en terrible robe rouille. L'adulte n'avait jamais transgressé l'éducation ainsi reçue, mais dans son tableau "Sugaring Time", elle s'était représentée vêtue de la robe rouge de ses rêves.

  • Tant que l'homme n'est pas mort, il n'a pas fini d'être créé (proverbe peul)

  • En ce début de la saison des asperges, rappelons la ténacité de sa réputation aphrodisiaque. Au XIX° siècle, le pharmacien et gastronome Stanislas Martin estimait encore dans sa "Physiologie des substances alimentaires" que l'odeur particulière des urines produites après avoir mangé le divin légume trahissait régulièrement la liaison adultère.


    Biographie

Sandrine Tolotti est journaliste, créatrice de la newsletter « L'Intimiste ».
Elle a été rédactrice en chef de la revue Books.
Elle est basée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.

En savoir plus ici : http://www.premierparallele.fr/auteur/sandrine-tolotti

Son Facebook :https://www.facebook.com/p/Sandrine-Tolotti-100012416588409/


vendredi 29 avril 2022

Haikus traditionels

 

Basho

Mon père et ma mère 

sans cesse je pense à eux

le cri du faisan.


Cet automne-ci

pourquoi donc dois-je vieillir ?

oiseau dans les nuages


D’après moi

l’au-delà ressemble à ça -

soir d’automne


Le son de la rame

frappant les vagues glace mes entrailles

cette nuit - des larmes


Rêves éphémères

les pieuvres dans les amphores

lune de l’été


Sur une branche morte

Un corbeau s'est posé

Soir d'automne

**********************************

Buson Yosa (1716 - 1783)

Un cerf-volant flotte

Au même endroit

Où il flottait hier.


Pas une feuille ne bouge

comme il est effrayant

le bois d’été !


Douleur. Dans la chambre à coucher

j'ai marché sur le peigne de ma femme

morte.


Ah ! quelle douleur

le peigne de ma femme morte

sur le sol de ma chambre


Pluie d'hiver

une souris passe

sur le koto.


Sur la cloche du temple

un papillon dort

profondément.


La pauvreté

m’a saisi à l’improviste

ce matin d’automne


Une solitude

plus grande que l’an dernier

fin d’un jour d’automne

**********************************

Issa (1763 - 1827)

On lui demande son âge

Elle montre une main

Elle est vêtue d'été


Porte de bois

en guise de cadenas

cet escargot.

 

Libellule rouge,

Tremblante, sur la carcasse

D'un bateau échoué !

**********************

Seegan Mabesoone

Dans l'odeur des fleurs

D'orangers, se dresse une île !

Pays de ma mère.


Le père et son fils

Dorment sous la même tombe,

Au coeur du printemps.

***********

Toshi Harada

Cerisier sauvage

Au bout d'une branche

Un village

 ********************

Oono Rinka (1904-1984)

Dans le ciel estival

Du vieux palais impérial,

Un minuscule nuage !

****************

Teiko Takagi

Il rit, le bébé !

Dans sa main immaculée,

Un piment écarlate.

***********

Kanta Ômori

Derrière le papier

De la lanterne, ils grésillent,

Les grillons bleutés !

**************

Issa Kobayashi

Frelon d'hiver

cherche un endroit

pour décéder

***********

Murakami Kijô

Plein midi d'été. La mort

les yeux mi-clos

regarde un homme

************

Seisensui

Copulations de coccinelles

mottes de terre

stupidité.

************

Kusatao

Sieste

la main cesse

de mouvoir l'éventail



vendredi 1 avril 2022

Haiku du printemps

 

Pluie de printemps
Un parapluie et un manteau
se promènent en devisant (Buson)

Un seul pétale
Choit du cerisier
Silence de la montagne (K. Tanemura)

Longue journée de printemps !
Nous baillons en coeur
Et nous nous quittons (N. Soseki)

Où l'on trouve des mouches
On trouve aussi des humains
Et des bouddhas (Issa)

L'alouette chante
Tout le jour
Et le jour n'est pas assez long (Bashô)

Réveilles-toi, réveilles-toi
Tu seras mon ami
Papillon qui dort (Bashô)

De temps en temps
les nuages nous reposent
De tant regarder la lune (Bashô)

Pas de discours vains
Les nuages sont dans le ciel

L'eau est dans le puits (Yao Chan)

Haiku contemporain

 

"Le premier principe de la magie est que si vous ne mettez pas d'âme dans vos vers, cela ne sera qu'un rêve dans un rêve " (Kikaku, traducteur de Bâsho)

Poème court japonais composé de 3 vers (de 5 pieds, 7 pieds et 5 pieds), le haiku reste bien vivant actuellement au Japon. Bien évidemment le monde a changé. Après la seconde guerre mondiale et le séisme d'Hiroshima, avec l'urbanisation, l'arrivée de nouvelles technologies, le haijin (l'auteur de haiku) se doit d'intégrer ce nouveau Japon dans sa vision du monde.

Quelques haikus contemporains.

Dans cet amas de cristal
Les premiers signes
du printemps (O. Minoru)

Aux poignées suspendues du métro
les zombies du mois d'avril
accrochent leurs mains (H. Fumio)

Drapeau en berne
les jours
rallongent (A. Seiho)

Tokyo en mai
un serpent d'acier
en incubation (H. Fumio)

Fleurs de pêcher
Mon habit de tous les jours
Mon coeur de tous les jours (H. Akayo)

Mille branches en fleurs
Mon vêtement de deuil
est une seconde peau (H. Takako)

Un pétale de cerisier
Deux pétales
Je pense à toi (M. Madoka)

Côte à côte
Avec le moine zen
Le chaton fait la sieste !! (H. Kai)

Si il pouvait parler
Ce papillon mourant
Qui appellerait-il ? (T. Shuji)

Même derrière les barreaux
On peut souffler
Une bulle de savon (H. Seito)

Comme ceux qui on vécu longtemps
Mes pupilles s'entourent
D'un halo laiteux (K. Tôta)

Les azalées flamboient
Tout ce que vit
va vers la mort (U. Arô)

Haikus d'été

 

Sous un ciel en feu
Une voile dans le lointain
La voile de mon coeur - Y. Sheishi -

Quand je me retourne
Dans l'odeur fraîche des nattes de paille
L'été a commencé - Y. Tsien Ya -

Pense à la naissance et à la mort
Le lotus
Déjà a fleuri - Soseki -

Une fois la lampe éteinte
Les étoiles fraiches
Sont entrées par la fenêtre - Soseki -

Ne pleurez pas, insectes
Les amants, les étoiles elles-mêmes
Doivent se séparer - Issa -

Un soleil rouge
Plonge dans la mer
Chaleur de l'été - Soseki -

L'alouette
Chante tout le jour
Et le jour n'est pas assez long - Bashô-

Dans le chant de la cigale
Rien ne dit
Qu'elle va bientôt mourir - Bashô -

Des lucioles en plein vol
Aimerais-je dire à quelqu'un
Mais je suis seul - Taigi -

Ou l'on trouve des mouches
On trouve aussi des humains
Et des Bouddhas - Issa -

Lune d'été
Y a-t-il des raccourcis
Dans le ciel ? - Dame Sutejo -

Pensés tressées
de coton
Femmes du solstice d'été - Kimiko -

Haikus d'automne


 Sur une branche dépouillée
Un corbeau seul
C'est un soir d'automne (Bashô)

Nuit de lune
L'oie sauvage s'envole
Le long de la voie ferrée (Shiki)


Belle de jour
Beauté qui ravit
Rêve évanoui (Sôseki)

Pleine lune d'automne
Sur la natte de paille
L'ombre du pin (KIkaru)

Après-midi d'automne
Trois nuages blancs
Traversent l'étang (P. Neubaumer)

Lune si lune !
Même le voleur
s'interrompt pour chanter (Buson)

Feuilles, demander à la brise
laquelle d'entre vous tombera la première
des arbes verdoyants (Soseki)

Soir d'automne
Les genoux dans les bras
Comme un saint (Issa)

Odeur de l'automne
Le coeur languit
Après la chambre aux quatre nattes (Bashô)

Vent d'Ouest
Les feuilles mortes
Se rassemblent à l'Est (Buson)

Givre nocturne
Tremblent les ailes
Des canards mandarins (Sôgi)

Haikus d'hiver

 

Je suis là
Tout simplement
Sous la neige qui tombe (Issa)

Sans savoir pourquoi
Je me sens attaché à ce monde
Où nous ne venons que pour mourir (Soseki)

A travers la neige
Les lumières des maisons
Qui m'ont claqué la porte au nez (Buson)

Froid oui !
Mais ne t'approche pas du feu
Bouddha de neige (Sokan)

Derrière la fenêtre, la neige
Une femme dans un bain chaud
Qui déborde (Nobuko)

Vivant à la ville
Il faut avoir de l'argent
Même pour faire fondre la neige (Issa)

Puits d'hiver
Un plein seau
D'étoiles (Toshimi)

Fin de l'année
Et toujous avec mon chapeau de paille
Et mes sandales (Bashô)