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jeudi 30 janvier 2025

Sophie HENAFF – Drame de pique – Tome 4 des Poulets Grillés – Livre de poche - 2024

 

 

L'histoire

Cela ne va pas fort chez les « Poulets Grillés ». Ils sont logés au dernier étage d'un immeuble, rue des Innocents à Paris, et ils n'ont pas vraiment d'affaires. Mais à Paris, sévit une série de crimes : des personnes, sans liens apparents entre elle, tombent comme des mouches piquées ou vaporisées d'un sédatif puissant utilisés pour endormir les gros animaux sauvages des zoos. Aussitôt, la capitaine Cabestan, qui est depuis mariée et maman mobilise son équipe, avec la bénédiction pour une fois du nouveau chef de la PJ. Une enquête des plus sérieuses, menée par cette bande de « bras cassés », avec l'humour nécessaire qui fait la plume de l'autrice.


Mon avis

C'est toujours un plaisir de lire les enquêtes de la capitaine Cabestan et de son équipe de bras cassés. D'autant que c'est sans doute le meilleur de la série.

Nous sommes en 2022, la France sort à peine du Covid, mais notre 4ème brigade, celles des déprimés, de ceux qui ont des petites casseroles mais qui sont invirables s'ennuie ferme dans le dernier étage d'un vieil immeuble où ils sont désormais logés.

Mais un vent de panique commence à secouer la capitale. Un mystérieux tueur en série fait une hécatombe parmi la population, soit en les piquant avec une fine seringue soit en les aspergeant d'un produit vétérinaire très dangereux, utiliser pour endormir les gros animaux des zoos, lors d'interventions médicales. Quelques gouttes sur un humain et c'est l’asphyxie pulmonaire et la morgue.

Hors étrangement cette série de crimes coïncide à un sérial killer qui utilisait cette méthode il y a 20 ans et qui vient de sortir de prison, malgré sa condamnation à perpétuité. On peut facilement penser que l'assassin a remis cela, alors que le bonhomme a 77 ans, affaibli par des années de prison et pris en charge par sa fille qui avait déjà perdu sa mère, mais qui a su se trouver un bon mari et une bonne situation.

Avec l'autorisation d'enquêter de leurs côtés, malgré quelques bévues et entorses à la loi, notre fumeuse brigade va arriver à démêler les fils d'une affaire qui prend sa source lors du conflit entre serbes, croates et bosniaques après le démantèlement de l’ex-Yougoslavie.

Une enquête vraiment très travaillée, sur fond d'humour, de barbecues sur la terrasse, des folies dépensières de Dame Rosières, plus connue pour ses polars à succès que pour son travail, le petit génie informatique, monsieur La Poisse, rejoint par Lebreton à nouveau heureux en couple et le « major » qui a faussé compagnie à la maison de repos (plus psychiatrique d'ailleurs) car il se croit être la réincarnation de D'Artagnan, sans oublier la gaffeuse Evrard en grande forme. Totalement page tuner, on s'amuse bien avec cette bande de déjantés, mais l'énigme est tout aussi fascinante. Un total best-seller chez les lecteurs.



Extraits

  • Après un soupir, Mme Piver déposa son large sac sur la console du couloir et, tournant le dos, elle traîna des pieds jusque dans son salon où les policières la suivirent sans y avoir été véritablement invitées. La pièce était entièrement remplie de hiboux. Des hiboux et des chouettes de toutes tailles, en plâtre, en résine, en paille, en plastique, sur des étagères dédiées, dans les rayonnages de la bibliothèque vitrée, sur les coussins brodés, imprimés sur les rideaux et en motifs géométriques sur le tapis. Trois spécimens empaillés se dressaient sur une branche arrimée à la tringle à rideaux dans l’angle droit. L’un d’eux, ailes écartées, œil rond et menaçant, semblait prêt à fondre sur le café que l’hôtesse venait de servir à regret aux policières.

  • La serial killer utilise notre intelligence pour nous faire tomber dans des traquenards. Si on devient bête, c'est elle qui est piégée. On n'est plus prévisible, on n'aboutit pas aux mêmes endroits, elle ne peut plus nous devancer et attendre l'occasion de tuer. - D'un autre côté, en achetant des clous au lieu d'interroger des témoins, on risque aussi de ne pas résoudre l'affaire et de laisser galoper la fumière.

  • Ya plus que des jeunots là-bas ! Le mousseux leur sort du nez ! Ils n'ont pas fait le rapprochement avec la Main de Dieu. Ça va bien de mettre les vieux au rancart. sous prétexte que ça ne comprend pas les Macintosh, mais dès que l'information ne tombe pas toute cuite de la machine, ça se retrouve tout couillon et ça croit que Matt Pokora est le premier à avoir chanté "Ces années-là", fit Merlot en piquant de l'index la poitrine de Dax. - C'est un serial killer aussi, Matt Pokora ? demanda le lieutenant, confus.

  • Anne Capestan fixa le barbecue et se demanda à partir de quel moment son commissariat avait viré à la maison de campagne . Si la commissaire n’y prenait pas garde, un de ces jours, l’un ou l’autre de ses lieutenants irait coller leurs cellules en location sur Airbnb.

  • Avec sa tronche de directeur du digital, Marcus avait tout du type qui comptabilise ses pas sur smartphone et se tape un détour juste pour soigner sa ligne.

  • Arrêtez le bla-bla ! Vous m'avez déjà refilé des nuées de stagiaires, de CDD, de contrat bidule et de convention machin. Ils ne savent rien faire, on les paye au lance-pierre, et à condition que je les forme pendant 3 mois, ils me dépannent 15 secondes avant qu'on les vire. Je n'en peux déjà plus de votre monde nouveau, Marcus, et comme j'en avais ras le bol de l'ancien, je vais finir par tous vous abandonner au milieu du pont.

  • Rosière ne savait pas trop ce qui la prenait de vouloir se lancer comme ça, de se donner un de ces airs de jeunesse qui vous collent un coup de vieux.

  • Personne ne voyait jamais Evrard. Elle pouvait arriver quatorzième qu’on se pensait toujours treize à table. Sa pâleur, son châtain, sa taille, sa voix, son absence de beauté, de laideur, de relief, de lumière… Elle se déplaçait comme suspendue dans le gris de la ville, traversant les assemblées sans jamais imprimer les rétines ou frapper les tympans. Seul Dax l’apercevait, la contemplait même, grâce à son super-pouvoir de super-amoureux.

  • Rosière, tu me retrouves le juge Salto et vous lui faites une petite visite avec Lebreton. Il aura peut-être des infos qu'il n'a pas confiées à France 2. Et tant que vous serez au tribunal, vous me récupérez les minutes du procès.- Non, non, intervint Rosière. Capestan soupira - Quoi encore Eva ? - Non, rien à voir. Mais Salto je lui ai foutu une chaude- pisse dans l'épisode 7 de ma série télé, depuis on est en délicatesse...

  • Ah non ma chérie, tu vas pas te laisser enfumer par ces discours d'enculés ? C'est la grosse mode des managers à la con pour se dédouaner : je t'enterre avec une grande pelle et quatre larbins, toi t'es dans le trou, les mains liées dans le dos, mais si tu t'en sors pas, c'est de ta faute, parce que, équipée d'un minimum de volonté, t'aurais pu creuser une galerie avec les dents. Ras le cul des péteux qui suivent la route que d'autres ont goudronné et qui viennent t'expliquer la notion d'effort.

  • La haine s'éteignait ainsi de génération en génération, jusqu'à effacer totalement et rendre les guerres plus absurdes encore. Pour quelques anciens qui sursautaient en attendant de l'allemand, combien d'étudiants Erasmus fous de joie ? Tout le monde s'étripaient pour libérer Paris, et trois décennies plus tard des ados en voyage scolaire franco-allemand se coinçaient leurs appareils dentaires à force d'embrassades sur les auto-tamponneuses, parfaitement ignorant des terreurs de leurs parents. Est-ce que deux générations suffisaient ? Une ?


Biographie

Née le 09/08/1972, Sophie Hénaff est une journaliste, romancière et traductrice française. Figure emblématique du journal Cosmopolitan, elle est responsable de la rubrique humoristique "La Cosmoliste". Elle a fait ses armes dans un café-théatre lyonnais (L'Accessoire) avant d'ouvrir avec une amie un "bar à cartes et jeux de sociétés", le Coincoinche, puis, finalement, de se lancer dans le journalisme.

"Poulets grillés", paru en 2015, est son premier roman, et conte une enquête menée par une brigade composée d'éléments indésirables de la police. Il a reçu le prix Arsène Lupin, le prix Polar en séries et le Prix des Lecteurs-Le Livre de Poche 2016 .
En 2016 est publié "Rester groupés", la suite des aventures de la brigade parisienne dont on a fait la connaissance dans "Poulets grillés" et le troisième volet de la série "Art et Décès" en 2019.

Une adaptation télévisuelle est produite depuis 2022, dont Sophie Hénaff supervise les dialogues et est portée par Barbara Cabrita et Hubert Delattre, qui fait un gros carton d'audience aussi !

mardi 14 janvier 2025

Abir MUKEHERJEE – Avec la permission de Gandhi – Editions Lana Levi – 2022 -

 

 

L'histoire

En poste à Calcutta, le capitaine Whindham, accompagné de son fidèle sergent Sat, doit résoudre un crime odieux. Alors qu'un certain Gandhi prône l’indépendance de l'Inde, alors province anglaise, De plus le célèbre capitaine se rend compte de sa dépendance à l'opium mais est toujours présent pour les enquêtes, surtout celles où il n'a officiellement pas le droit d'y mettre le nez.


Mon avis

Ah, je retrouve avec plaisir l'écriture pleine d'humour et de dérision de l'écrivain Mukherjee et son fameux héros, le capitaine Wyndham.

Nous sommes en 1921, et Wyndham officie à Calcutta, la ville la plus bondée du pays. La situation est délicate, le futur roi d'Angleterre vient y faire une visite royale, et pendant ce temps, un certain Gandhi prêche l'indépendance de l'Inde mais sans violences. A Calcutta, il est représenté par un certain Basanti Das, un homme plus très jeune mais largement influent auprès de la population.

De plus, des meurtres rituels ont lieu sur des personnes qui ne se semblent pas se connaître : un trafiquant de drogue, une infirmière, un chercheur. Qui est donc ce tueur ? Malgré des mises en garde de sa hiérarchie et l'imposant bureau des services secrets de sa Majesté, Whyndham n'est pas du genre à lâcher cette affaire.

Pourtant le capitaine tente de se sevrer de son addiction à l'opium, tandis que son jeune lieutenant Sat Banerjee, indou, tente de l'aider, même si lui aussi pense à l'indépendance de son pays.

Raconté par le capitaine, cette aventure nous plonge au cœur de Calcutta, de ses quartiers riches aux plus mal famés. Et interroge sur le désir d'indépendance d'un pays déjà multi-culturel, entre les hindous, les népalais, les parsi, les tamouls.

Le tout avec un humour décapant et une intrigue bien ficelée, alliant des rebondissements au fil des pages qui vont rendent vite accro. Pour ce 3ème opus de la série Wyndham, l'auteur anglais est vraiment en grande verve.


Extraits

  • Je l'ai rencontré une fois, le prince Edward Albert Saxe-Cobourg Windsor, ou quel que soit son nom, dans les tranchées en 1916. A l'époque, comme maintenant, ils l'avaient envoyé pour nous remonter le moral. J'ai eu du mal à comprendre que la poignée de main d'un prince qui ne connaîtrait jamais les horreurs de la guerre puisse remonter le moral d'hommes dont l'existence consistait essentiellement à attendre la balle qui leur était destinée.

  • Le mort était probablement un fantassin d’un des gangs de l’opium en lutte permanente pour le contrôle de Chinatown : très certainement le Green Gang ou le Red Gang. Après tout, ce sont les plus gros acteurs du marché de l’opium chinois. Tous les deux sont basés à Shangaï, et Calcutta, porte d’entrée de leur drogue, est un bien précieux pour lequel ils sont prêts à verser le sang. Nous sommes parvenus à contenir leur querelle par le passé, mais aujourd’hui, avec le manque d’hommes, d’autres sujets sont devenus prioritaires, et les gangs en ont aussitôt profité pour se disputer le droit de remplir le vide que nous avons laissé.

  • Une des constantes de la vie ici est la bataille interminable contre les moustiques. Quelqu'un a décidé que c'était une bonne idée de construire une ville sur un marais, scellant ainsi le destin de Calcutta.

  • Nous ne pouvons dominer l'Inde que par la force des armes, mais la force est inefficace contre un peuple qui ne contre-attaque pas ; parce que vous ne pouvez pas tuer sans tuer aussi une part de vous-même.

  • Car trois choses allaient toujours se combiner contre elle : elle était pauvre, elle était indigène et c’était une femme. En Inde cela signifie que sa vie comptait peu, et qu’à moins de s’insérer dans une histoire plus vaste sa mort compte encore moins.

  • J'envisage de tout dire. Il paraît que la confession fait du bien à l'âme, mais en réalité tout dépend du confesseur.

  • Quand il me sert le verre je me félicite de ma fermeté. C'est typique de l'addiction et du deni: une petite victoire ici et là peut aider à camoufler les grandes défaites.

  • L'homme, dont le visage en sueur est déformé dans une grimace qui pourrait faire honneur à la scène du Theatre Royal, débite ses mots au rythme d'une mitrailleuse Gatling avec des gestes pleins d'emphase et en pointant un index boudiné vers le ciel. Un style oratoire souvent adopté par ceux qui ont très peu de choses à dire mais qui tiennent quand même à les faire avaler par tout le monde : un style bourré de slogans destinés à exciter la foule et écraser tout débat. Et malheureusement, c'est efficace.

  • Car ce que l'Englishman, ses lecteurs et le vice-roi n'ont pas saisi c'est que la menace ne vient ni du parti du Congrès, ni de ses Volontaires. Le véritable danger ce sont les millions d'opprimés muets qui constituent l'Inde réelle. Pour la première fois ces masses pauvres, illettrées, sans voix, qui représentent les neuf dixièmes de la population de ce pays sont en marche, et je ne doute pas, si on les met en colère, que leur seul nombre puisse balayer Gurkhas et Britanniques de la face de cette terre comme Gulliver s'est libéré des chaînes des Lilliputiens.

  • La première bouffée de la première pipe a été une délivrance. Avec la deuxième, les tremblements ont cessé, et avec la troisième mes nerfs se sont détendus. J’en ai demandé une quatrième. Si les trois premières répondaient à une nécessité médicale, la dernière serait pour le plaisir, en me mettant sur la voie de ce que les Bengalis appellent nirbon – nirvana.


Biographie

Né à Londres en 1974, Abir Mukherjee a grandi dans l’ouest de l’Écosse dans une famille d’immigrés indiens. Fan de romans policiers depuis l’adolescence, il a décidé́ de situer son premier roman à une période cruciale de l’histoire anglo-indienne, celle de l’entre-deux-guerres.
Premier d’une série qui compte déjà̀ quatre titres, "A Rising Man" (L’attaque du Calcutta-Darjeeling) a été́ traduit dans neuf pays.

En savoir plus ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Abir_Mukherjee



mardi 7 janvier 2025

Serena GIULANO – Félicità – Editions Laffont – 2024 -

 

L'histoire

Valentina est en deuil. La perte de sa meilleure amie, sa sœur de cœur est un choc terrible d'autant qu'elle laisse derrière elle, un mari et une petite fille dont elle est la marraine. Effondrée, elle ne doit pourtant pas oublier son travail qui consiste à organise des mariages grandioses au Lac de Côme, un des plus joli panorama de la région milanaise.


Mon avis

Comment faire son deuil ? Et même que veut dire cette expression usitée à tout bout de champs. Valentina, la trentaine reste effondrée par la mort accidentelle de celle qui était non seulement sa meilleure amie, mais sa sœur de cœur. Azzura qui laisse derrière elle un mari éploré et une petite fille de 18 mois, était un guide, une amie, toujours présente.

Alors Valentina apprend à vivre sans. Et pour cela elle a trouvé une ressource pas banale : pour sa filleule, elle crée une adresse mail et écrit la vie de sa mère, les bons souvenirs qu'elle compte offrir à ce bébé souriant pour ses 18 ans. Régulièrement elle se rend sur la tombe d'Azzura et lui parle.

Mais il y aussi le travail, où elle est entourée de personnes compétentes. Elle organise des mariages luxueux pour des familles fortunées au Lac de Côme, un paysage enchanteur, tentant de répondre aux demandes les plus folles, ce qui donne aussi énormément d'humour à ce roman simple, ni donneur de leçons, ni sombrant dans le pathos. Et puis il y a le malicieux Toto, ce teckel nain qui adore manger, se balader et se faire câliner. Entre des allées retours entre Milan, la Sicile où s'est installée le père et la filleule et la gestion des inévitables problèmes de dernières minutes des mariages, on ne s'ennuie pas une seconde dans ce cours roman.

Grâce à ces mails qu'elle envoie, aussi pour garder le souvenir de la disparue, la présence de son équipe discrète et sans commentaires mais efficace, et puis ce chien miniature, Valentina remonte doucement la pente.

A chacun sa façon de faire son deuil. La piste que nous donne l'autrice d'origine italienne n'est pas plus idiote qu'une autre. Souvent aussi le temps permet d'atténuer le chagrin, il en va du caractère de chacun.

Un livre qui ne sera pas le chef d’œuvre du siècle mais qui se lit, entre humour et tristesse légère et subtilement écrite par la plume de cette italienne qui écrit en français et vit à Metz.


Extraits

  • Le soleil brille comme jamais. Non mais comment ose-t-il ? Le ciel devrait être à mon image, en larmes. Il devrait pleuvoir comme je pleure, pleuvoir tout ce qu'il a dans le ventre, gronder, afficher une sale mine. Il m'est tombé sur la tête il y a quarante-huit heures, pourtant il a déjà repris sa place. Tout bleu, tout beau. Comme si de rien n'était. Comme si on pouvait continuer de vivre, alors que je n'arrive plus à respirer.

  • J’ai un trouble de l’attention avec hyperactivité – communément appelé TDAH –, qui a été diagnostiqué assez tard, et un peu par hasard. Ce qui m’a permis de m’expliquer tout un tas de particularités dont je faisais preuve depuis l’enfance. Comme ma peur panique de m’ennuyer, ma difficulté à aller au bout d’une tâche, mes nuits agitées et trop courtes, ou mon envie irrépressible de bouger sans arrêt qui me fait gesticuler ou passer d’une chaise à l’autre sans raison logique.J’éprouve aussi des problèmes d’attention, surtout lorsque le sujet ne m’intéresse pas, ainsi qu’une capacité de concentration proche de celle d’un enfant de deux ans. Par exemple, j’ai la phobie des gens qui parlent trop lentement, et je rêverais d’appuyer sur un bouton au milieu de leur front pour accélérer leur diction. Je propose de greffer un tel bouton sur le front d’un certain nombre de personnes, dont je tiens d’ailleurs la liste à disposition du scientifique capable d’un tel exploit.

  • Guido ... C'est toujours le coup du siècle au lit. Mais c'est à peu près le seul domaine où il excelle. Il a le corps d'un dieu grec et le QI d'un yaourt grec.

  • C’est à ça qu’on reconnaît la véritable amitié : lorsqu’une copine te traitera de folle, ton amie, elle, voudra être folle avec toi.

  • On croit qu'on a la vie devant soi. On remet tout à plus tard, et on se laisse dominer par la peur, au risque de passer à côté de moments précieux. N'oublie jamais de saisir l'instant présent, ma biche.

  • Avec mon chien, on marche beaucoup. Je m'impose les dix mille pas par jour conseillés pour rester en bonne santé. Mon père, ancien kiné, me l'a répété comme un mantra. Depuis ma plus tendre enfance, c'est ancré en moi.

  • C’est rare, les gens qui écoutent. Aujourd’hui, tout le monde court, et plus personne n’a jamais le temps de rien.

  • La mort peut bien venir tout gâcher : ceux qui s’aiment continueront de s’aimer malgré elle.

  • C’est exactement pour cette effervescence des heures qui précèdent la cérémonie que je fais ce métier et que je vibre. C’est ce moment précis où les mois de travail, de réflexion, de prise de tête, de négociations, d’angoisse et de petites victoires prennent tout leur sens. Ce moment où mes projets deviennent enfin réels et se concrétisent. J’ai l’impression que, chaque fois, je réalise mon rêve de petite fille.

  • Cette maladie qui vous broie le cœur, qui vous coupe l'appétit et dresse un barrage dans votre gorge, qui vous fait oublier la façon dont on sourit. Le deuil, ça s'appelle. Pas de traitement pour s'en sortir, pas de médicament pour soulager, Rien.


Biographie

Née à Salerne en 1982, Serena Giuliano est une romancière italienne vivant en France et écrivant en français.
Elle arrive en France, en 1994, à 12 ans et ne parle pas un mot de français. En trois mois, elle maîtrise la langue et se hisse au niveau de ses camarades de classe. Après un BTS dans le domaine bancaire, elle se lance comme conseillère en image et crée un blog mode et beauté.Mère de deux fils, elle crée son blog autour de la maternité, "Wonder mum", en 2013. Elle écrit - en français - sur les réseaux et sur papier.
Après trois ouvrages "Wonder mum" (2014-2016), elle signe avec "Ciao Bella" (2019) son premier roman.
"Mamma Maria" (2020) remporte le prix Babelio 2020, dans la catégorie littérature française, "Luna" (2021) - le prix des lecteurs U 2022. Elle a également publié "Sarà perché ti amo" (2022) et "Un coup de soleil" (2023).
Serena Giuliano vit à Metz.
Son site ici : https://serenagiuliano.fr/mes-romans/



mercredi 18 décembre 2024

Jessica CYMERMAN – Et que chacun se mette à chanter – Editions Nami – 2023

 

 

L'histoire

Eliette, vieille fille de 73 ans, Pierre bel homme, riche, la cinquantaine, Vincent trentenaire et homosexuel renié par ses parents et Élisa, orpheline 26 ans qui travaille en ehpad, voilà 4 personnalités que rien ne relit.... Sauf l'amour des chansons. Ils se retrouvent les lundis soir, dans une salle tranquille d'Aubervilliers pour participer à des séances de karaoké thérapie, initiée par la mystérieuse Valérie-Anne. Et que la musique résonne !!


Mon avis

Un gentil petit roman agréable à lire et qui nous rappelle que nous avons tous en tête des chansons que nous adorons ou que nous détestons.

Passionnée de chant et de musique, Valérie-Anne, discrète sur sa vie chaotique, réunit 4 personnes, pour faire l'expérience que chanter rend heureux. Et en face d'elle, elle a de drôles de participants. A commencer par Eliette qui est la seule à parler à la première personne, la plus âgée. Mais à 73 ans, Eliette qui n'a pas eu une vie très heureuse, dévouée à ses parents jusqu'à leur mort, n'ayant jamais pu concrétiser une histoire d'amour vit seule, avec ses petits rituels : son émission de télé favorite, et surtout son amour pour Mike Brandt (juif comme elle) mais aussi des chanteurs comme Bruel, ou des grands classiques de la chanson. Elle déteste Daho dont les paroles sont insipides à ses yeux. Pierre est un homme riche, très cultivé, un véritable Wikipédia de la musique où il écoute un peu de tout. Mais Pierre est seul aussi, divorcé, traité de ringards par ses 3 enfants qu'il ne voit jamais. Vincent subi les violences physiques et verbales de son père, parce qu'il est homosexuel et projette de se marié avec son compagnon. Lui se réfugie dans Queen, et d'autres musiques qui le réconforte. Timide et mal dans sa peau, il a du mal à prendre le micro. Élisa est orpheline, elle est plus branchée Rihanna ou Dua Luppa. Elle s'habille comme une djeune et travaille comme aide-soignante dans une maison de retraite. Élisa don prénom lui vient de la chanson de Serge Gainsbourg qu'adorait ses parents. Elle n'a pas son pareil pour créer des groupes What'sApp et est enjouée. La coach Valérie-Anne semble austère et pas toujours très aimable. Mais sa vie est aussi compliquée, pour élever sa petite fille, elle fait du pole dance et chante dans certains cabarets où se dénuder un peu est de mise. Une situation qui lui fait honte.

Mais voilà, Valérie-Anne sait très bien animer ses cours de karaoké, et apprends à ses élèves à respirer, placer leur voix puis s'essayer à tous les styles de chansons. Et au fil du temps, ce petit monde improbable noue des liens d'une amitié forte et durable. On s'invite, on se rend service, on se confie et puis les occasions sont belles aussi pour rire ou pour trouver l'amour le vrai avec un grand A.

On sait bien évidemment que la musique a un grand pouvoir sur nos émotions, qu'elle soit énergisante, douce, classique ou moderne. On a tous dans la tête des airs de chansons, souvent celles de notre génération, et on fredonne parfois sous la douche, et parfois même de ritournelles qu'on aime pas du tout, mais qu'on a tellement entendues qu'elles nous trottent dans les oreilles. Mais on ne chante pas. Le karaoké c'est surtout une spécialité japonaise et chinoise, mais personne, à part les passionnés ou ceux qui veulent être vedettes un jour n'achètera une machine à karaoké, avec casques, micros, et répertoire. Ici on passe de Mike Brandt à Whitney Huston, de Cloclo à Reggiani, de Dalida à Daho, bref un répertoire large de toutes ces chansons que l'on connaît plus ou moins selon notre époque, notre culture.

Bref, c'est joliment écrit, émaillé des paroles de chansons que tout le monde connaît, dans une écriture simple et sans fioritures.

Ça se lit, cela donne le moral. Et vous quelle est votre chanson préférée ??



Extraits

  • Il y a des jours, des mois, des années interminables où il ne se passe presque rien. Il y a des minutes et des secondes qui contiennent tout un monde ace, pas pour une nuit mais pour la vie.

  • Je ne sais pas ce qui lie les gens. Je ne sais pas si les liens choisis sont plus forts que les liens du sang. Je ne sais pas si j'ai tort ou raison. Je ne sais pas si Mike Brant aurait été un bon époux. Je ne sais pas si mes parents ont frôlé la joie un jour. Ce que je sais, c'est que celui qui chante se laisse emporter.

  • C'est si émouvant, Pierre. Tu es si touchant. Tu devrais ouvrir plus souvent le premier bouton de ta chemise.

  • Je ne saurais dire si je suis une éternelle enfant ou si j'ai toujours été une vielle personne.

  • J’ai besoin d’un fond sonore pour me sentir en vie. Le silence, c’est ma sœur au fond d’un puits, c’est mes parents juifs qui se cachent pendant la guerre, c’est mourir un peu.

  • Le seul qui tient encore la route, d'après moi, c'est Drucker qui finira par enterrer tout le monde.

  • Quel bonheur de se sentir bien ailleurs, bien partout.

  • Elle a fait attention à moi. Et c’est un fait suffisamment rare pour que ça me touche.

     

    Biographie

Journaliste à la plume prolifique et blogueuse pleine d’humour, Jessica Cymerman livre ses humeurs de mamans sur son blog Serial Mother.

Son insta : https://www.instagram.com/ze_serial_mother/?hl=fr


dimanche 3 novembre 2024

Gustavo RONDRIGUEZ – Les Matins de Lima – Editions de l'Observatoire – 2020 -

 

 

L'histoire

Trinidad est arrivée à Lima après une enfance malheureuse à travailler dans les mines d'or. Ayant réussi à monter sa petite entreprise de confection d'uniformes, elle vit chichement dans le quartier pauvre de Lima. Atteinte d'une maladie de reins, elle doit subir une greffe. Sa mère étant morte quand elle avait 10 ans, son seul espoir réside à retrouver son père, un chanteur qui a eu son heure de gloire, sous le nom de Danny en reprenant des titres cultes des années 80/90. Est-ce que ce père inconnu, réputé pour avoir des maîtresses dans chaque coin du Pérou acceptera-t-il d'aider cette jeune femme de 29 ans qui lui ressemble tellement physiquement ?


Mon avis

Voici le premier roman traduit en français de Gustavo Rodriguez, et on peut dire qu'il fait très fort en nous montrons les travers du Pérou, ce pays où les visiteurs viennent prendre un selfie devant le Machu Picchu ou boire un pisco sour dans les quartiers branchés de Lima, la capitale et ramener quelques souvenirs de l'artisanat des ethnies qui peuple ce pays entre océan pacifique et sommets andins.

Trinidad elle est bien loin de ses préoccupations touristiques. Ayant perdu sa mère dans une fusillade entre cartels de le drogue, dès 10 ans elle a travaillé pour l'extraction de l'or à Madre de Dios au sud du Pérou. Hors on extrait l'or avec du mercure, puis on sépare la matière précieuse et le mercure. Hors Trinidad n'a jamais eu d'équipements de protection, et elle a développé une maladie des reins qui l'oblige à passer par des dialyses une fois par semaine. Son seul espoir, que son père dont elle connaît le nom et a le numéro de téléphone accepte de la rencontrer et de lui donner un rein. Danny, homme vieillissant et charmeur, a sillonné tout le pays, avec un petit orchestre où il reprenait les tubes américains des années 80/90. Sans être pauvre, il trouve encore des salles et des bals pour l'accueillir. Surtout c'est un séducteur invétéré ce que supporte très mal sa compagne officielle, une péruvienne prétentieuse qui camoufle son âge sous des tonnes de maquillages et des tenues de minettes.

Dans ce roman qui se lit facilement, on y lit la dénonciation des mafias diverses, celles qui exploitent les mines d'or illégalement, en quasi-impunité, sans se soucier des conséquences pour les travailleurs, surtout des amérindiens pauvres et sans culture. Les cas de cancers se multiplient et souvent il est trop tard. Le Pérou est le 6ème producteur mondial d'or, mais aussi un pays pauvre avec un taux de chômage élevé et 26% de la population vivant sous le seuil de pauvreté (chiffres de l'INEI 2021).

Par ailleurs, ces mafias s'illustrent aussi dans la prostitution. Des recruteuses font miroiter aux jeunes filles très pauvres et souvent issues des minorités un bon emploi à Lima. Piégées, elles se retrouvent dans des bordels dans les quartiers chauds de Lima. Trinidad a au moins réussi à échapper à cela. Ayant économiser de quoi monter à la capitale, elle a travaillé comme caissière, serveuse, en économisant pour monter sa petite entreprise qui la fait vivre chichement mais dignement. Il faut dire que la jeune femme n'est pas considérée comme très belle. Trini est une métisse, au caractère fort, capable d'analyser rapidement la psychologie de la personne qu'elle a en face. Elle est secondée dans sa maladie par sa meilleure et seule amie, et malgré des rebondissements, elle finira par obtenir de façon inattendue sa greffe.

Voilà un livre choc, à la fois incisif et drôles. Les personnages, hormis notre héroïne et son père finalement très heureux de retrouver cette fille qui lui ressemble tant, sont caricaturaux à souhait. La maîtresse en titre, d'une jalousie maladive est le cliché total de la femme qui ne veut pas vieillir. La famille de Danny est hilarante, avec la mama capricieuse à souhait, mais cache aussi un secret. Les frères de Danny sont pour l'un livreur type uber qui passe son temps à fumer de la ganja entre deux missions et German, le petit dernier travaille justement dans une société qui exploite des mines en tant que chargé de la promotion de la société. Lui aussi cache ses petits défauts. Avec un don inné du récit, ce roman choral nous montre la fragilité des femmes dans un monde où le patriarcat a de beaux jours devant lui, les scandales liés aux exploitations des populations indigènes. Entre humour, propos un peu crus, petits moments de poésie, nos émotions sont grandes et c'est ce qui fait pour moi un bon roman. Pas de mots en trop, une maîtrise totale de son sujet jusqu'à la fin, et une dénonciation en règle d'une société péruvienne divisée.


Extraits

  • L’étalon est chaud bouillant, dit Nieves en soulevant sa lèvre supérieure, espiègle. Il m’envoie des photos de sa chambre d’hôtel avec écrit : « Manque plus que ton petit cul. » Tu te rends compte ? -Hyper-romantique, répondit Trinidad en souriant.

  • Tout le monde finit par s'habituer aux changements de sa vie, qu'il s'agisse de plaisirs comme de supplices, et si Trinidad se déplaçait aisément dans les rues de Lima, c'était non seulement parce qu'elle n'avait pas le choix, mais aussi parce que la vie l'avait soumise à un entraînement rigoureux. Mais pour savoir si elle exagère, laissons un instant Trinidad à sa petite monnaie pour revenir quinze ans plus tôt, en ce petit matin, où elle retrouva sa mère morte. Trinidad n'avait pas eu d'autres choix que de se rendre de Tarapoto, où sa grand-mère habitait. C'était un voyage de deux-mille kilomètres, du sud au nord de l'Amazonie, un trajet zigzagant parmi des dizaines de climats différents. Une réalité qu'un riche ne comprendra jamais, car s'agissant de voyages, seul l'argent peut acheter les lignes droites.

  • Il existe un fait irréfutable : à mesures qu’ils vieillissent, les gens ont de plus en plus de souvenirs et de moins en moins de projets.

  • De son côté, en l'attendant au restaurant, Daniel Rios vivait l'imminence de la rencontre comme une hémorragie de souvenirs diffus. Sa période Tarapoto était floue et il ne se souvenait pas vraiment de la mère de Trinidad. Avec combien de femmes avait-il couché durant ces années heureuses ? Et avec combien sans capote ? Un jour, en ce temps-là, son frère German lui avait dit souffrait du même mal que leur pays : une hyperinflation galopante. Il avait sans doute raison, pensa-il. Comme le surplus de monnaie finit par faire baisser la valeur des choses, trop de coup d'un soir tuent le coup d'un soir. De cette décennie turbulente, seules deux ou trois femmes émergeaient plus ou moins nettement, mais aucune d'entre elles n'était la mère de cette jeunette qu'il s'apprêtait à rencontrer, cerné de poulets rôtis.

  • Au fond de lui, il craignait une mort tragique, comme l’est souvent la vie de ces Péruviennes qui partent pleines d’illusions pour ces terres où paradis et enfer dorment enlacés.

  • Quand la bouche et le regard sourient en même temps, tu es foutue.

  • Si le souvenir ne te rend pas heureux, à quoi bon l’invoquer ?

  • Bon, je réponds ou pas ?
    Fais la lambiner un peu. ça t’est souvent arrivé d’avoir une bourge qui te supplie ?c’est la première fois. Moi,jamais. Mon boulot c’est de lécher des culs pour booster les ventes du magasin. Quelle plaie ma vieille. Heureusement qu’il y a ton étalon pour lécher le tien.Truie ! Grand bien te fasse.


    Biographie

Ce sixième roman de Gustavo Rodríguez, connu et reconnu au Pérou, est le premier publié en France. Né à Lima en 1968, il a aussi écrit de nombreux livres pour la jeunesse.

En savoir plus : https://es.wikipedia.org/wiki/Gustavo_Rodr%C3%ADguez_(escritor)

son site : https://gustavorodriguez.pe/biografia/


lundi 28 octobre 2024

Jonas Jonasson – Douce, douce vengeance – Presses de la Cité - 2021

 

 

L'histoire

Victor Akderheim est un sale type. Non seulement il adhère à des idées fascistes, mais il se débrouille pour épouser la jeune Jenny, fils du Galeriste qui l'a adopté comme le fils qu'il n'a pas eu, la ruine et l'isole dans un studio en lointaine périphérie de Stockholm n après avoir tenté d'assassiner son fils Kevin, noir de peau, en le lâchant en pleine savane. Mais c'est sans compter sur la société d'Hugo « La vengeance est douce SA » qui, tout en restant dans les voies de la légalité se charge de réparer quelques petits conflits (mésentente entre voisins, épouses bafouées etc). Ce qui est très lucratif car Hugo adore l'argent. Quand 2 clients fauchés, Kevin et Jenny justement arrive.... la douce vengeance sera terrible.


Mon avis

Lire un Jona Jonasson est un régal. Tel un inventaire à la Prévert, il réussit à réunir : un marchand d'art ignare et horrible, un gérant de société aimant l'argent, une jeune ingénue et son ami Kevin, fils rejeté mais sauvé, ainsi qu'un petit village massai perdu au Kenya dont le Chamane Ole Mbatian adopte Kevin comme son fils, un enquêteur de la police suédoise qui a du mal à démêler le vrai du faux et la peintre célèbre sud-africaine Irma Stern.

Avec un rebondissement par page au moins, des purs moments de cet humour absurde qui est sa marque de fabrique, l'auteur suédois se surpasse dans un polar réjouissant.

Mais au-delà des apparences, l'auteur règle quelques comptes avec le coté sombre d'une société suédoise où les idées nauséabondes survivent et infusent discrètement dans la société, mais aussi l'absence de développement de l'Afrique, ici le Kenya reculé où la médecine sérieuse manque et que les remèdes traditionnaux n'arrivent pas toujours à soigner.

Les personnages sont particulièrement haut en couleurs, mais sans tomber dans le cliché et l'écriture fluide et amusante de Jonasson prouve qu'à 61 ans, il en a encore sous le coude. Il rend aussi hommage à une peintre peu connue du public français Irma Stern (1894 – 1966) qui en tant que juive fuira l’Allemagne nazie pour se réfugier au Cap en Afrique du Sud. Plusieurs expositions lui seront consacrées au Cap

Bref un polar joyeux, qui se lit tout seul tant il est addictif !


Extraits

  • À Londres, certains commençaient à dire tout haut qu’ils ne trouvaient pas normal que l’empire s’empare de territoires à l’autre bout du monde et réduise quasiment en esclavage leurs occupants. Selon d’autres, cet engouement pour les nègres n’était qu’une forme de communisme primaire, mais le débat s’enracina dans l’opinion populaire. Un jour, les Britanniques furent contraints de laisser les Kényans se débrouiller tout seuls. Le 12 décembre 1963, le pays - Mombasa incluse – retrouva son indépendance.

  • Ah, le grand homme médecine au couteau émoussé. Tu es venu couper ce qui tient encore ?Vingt ans après il boudait toujours. -Non pour te demander d'être mon chauffeur en échange d'une vache. Pareil paiement en nature ne se refusait pas quand on travaillait dans une station service. -Où veux-tu aller ? - En Suède.Hector vit la vache s'envoler.-Connais pas. Ca risque d'être de l'autre côté du lac, encore plus loin que le Kilimandjaro.

  • Jusqu'à très récemment, il dirigeait une entreprise fondée sur une idée brillante : convertir en espèces sonnantes et trébuchantes le désir des gens de se nuire mutuellement. Cent pour cent d'entre subissaient une injustice à un moment ou un autre. Cinquante pour cent souhaitaient obtenir réparation. Dix pour cent avaient les moyens de payer. Si seulement 1 % sautait le pas, La Vengeance est douce SA aurait des perspectives d'avenir plus que douces.

  • Curieux, le conseiller décida de commencer par le jeune homme. Il cherchait donc un emploi de guerrier massaï ? Nul besoin de consulter la base de données pour répondre que l’offre était limitée. Pouvait-il envisager autre chose ? Chauffeur de taxi par exemple ?

  • La Bible avait une tendance, assez pratique, à se contredire souvent. Il suffisait de choisir le passage qui nous arrangeait le plus pour une situation donnée.

  • Il convoqua la directrice artistique et déplora que l'exposition manque de masques africains. Il suggéra que les femmes du chef en produisent dans une hutte à l'abri des regards. En les enfouissant dans la terre et en les arrosant d'une eau ferrugineuse, on pouvait les faire vieillir de 200 ans en une semaine.

  • La tendance actuelle était aux opiacés. Hugo avait lu qu'ils faisaient des ravages aux Etats-Unis. Le corps médical prescrivait des antidouleurs à base d'opioïdes à un rythme jamais vu, encouragé par les laboratoires. L'espérance de vie masculine avait chuté à une vitesse telle que, selon les estimations, si rien n'était fait, il n'y aurait plus d'hommes d'ici trois cent quatre-vingts ans.
    - C'est triste pour les hommes , dit Kevin. - Presque autant pour les femmes, je trouve, ajouta Jenny.

  • Merci, monsieur le policier d'être venu si vite, dit-il en essayant - comme l'exigeait la tradition - de l'embrasser sur les joues et le front.

  • Son professeur de sciences naturelles à Bollmora avait eu l'amabilité de leur parler des animaux sauvages du continent africain. Les plus affamés chassaient la nuit, pendant que les plus féroces dormaient. Quand l'aube arrivait, les rôles s'inversaient.

  • Hugo envisagea également de planter une haie de genévriers à la lisière du terrain de son voisin. Seul inconvénient, il lui faudrait attendre une ou deux décennies avant de savourer sa vengeance, le temps que les genévriers aient suffisamment poussé. Mais alors, la haie serait dense, elle atteindrait jusqu’à 20 mètres. Ces arbres étant sacrément coriaces, ils feraient de l’ombre au voisin et à son potager pendant au moins cinq cents ans.

  • Une épouse ne suffit pas, deux épouses sont un casse-tête.

  • On naissait, on apprenait à manier les armes, on était circoncis, on se mariait, puis on passait sa vie à déplorer cette union.

  • Pour remercier l’homme qui lui avait sauvé la vie, elle avait peint un portrait de sa première épouse sous une ombrelle, et de son fils aîné près d’un ruisseau.

  • Tandis que les politiciens, les médias traditionnels et la télévision nationale sombraient main dans la main au fond du gouffre, les gens se mobilisaient en silence.


    Biographie

Jonas Jonasson est un écrivain et journaliste suédois.
Après des études de suédois et d'espagnol à l'université de Gothenburg, il a longtemps travaillé comme journaliste, consultant dans les médias puis producteur de télévision. Il a travaillé comme journaliste pour le quotidien de Växjö "Smålandsposten" et pour le tabloïd suédois "Expressen" jusqu’en 1994. En 1996, il crée une société de médias, OTW, qui a compté jusqu’à cent employés. Il arrête de travailler en 2003 après deux grosses opérations du dos et du surmenage. Peu après, il vend sa société.

Décidant de commencer une nouvelle vie, il se met à la rédaction d'un manuscrit, vend tout ce qu'il possède en Suède et part s'installer dans un village suisse, près de la frontière italienne, dans le canton du Tessin. En 2007, il achève son premier roman, "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire" ("Hundraåringen som klev ut genom fönstret och försvann"). Il est publié en Suède en 2009. Bestseller international, il a été adapté au cinéma par Felix Herngren, sorti en 2013. L'Analphabète qui savait compter" ("Analfabeten som kunde räkna", 2013), son deuxième roman, traduit en plusieurs langues, a été un best-seller en Suède, en Allemagne et en Suisse. "Douce, douce vengeance" ("Hämnden är ljuv AB", 2020), son cinquième roman, est suivi de "Dernier gueuleton avant la fin du monde" ("Profeten och idioten", 2022).
Depuis 2010, Jonas Jonasson vit avec son fils sur l’île suédoise de Gotland.

site officiel : http://jonasjonasson.com/
En savoir plus : Irma Stern : onas Jonasson est un écrivain et journaliste suédois.

Après des études de suédois et d'espagnol à l'université de Gothenburg, il a longtemps travaillé comme journaliste, consultant dans les médias puis producteur de télévision. Il a travaillé comme journaliste pour le quotidien de Växjö "Smålandsposten" et pour le tabloïd suédois "Expressen" jusqu’en 1994. En 1996, il crée une société de médias, OTW, qui a compté jusqu’à cent employés. Il arrête de travailler en 2003 après deux grosses opérations du dos et du surmenage. Peu après, il vend sa société.

Décidant de commencer une nouvelle vie, il se met à la rédaction d'un manuscrit, vend tout ce qu'il possède en Suède et part s'installer dans un village suisse, près de la frontière italienne, dans le canton du Tessin.

En 2007, il achève son premier roman, "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire" ("Hundraåringen som klev ut genom fönstret och försvann"). Il est publié en Suède en 2009. Bestseller international, il a été adapté au cinéma par Felix Herngren, sorti en 2013.

"L'Analphabète qui savait compter" ("Analfabeten som kunde räkna", 2013), son deuxième roman, traduit en plusieurs langues, a été un best-seller en Suède, en Allemagne et en Suisse. "Douce, douce vengeance" ("Hämnden är ljuv AB", 2020), son cinquième roman, est suivi de "Dernier gueuleton avant la fin du monde" ("Profeten och idioten", 2022).
Depuis 2010, Jonas Jonasson vit avec son fils sur l’île suédoise de Gotland.

En savoir plus :

jeudi 10 octobre 2024

Philippe SEGUR – le gang du biberon – Editions Buchet-Chastel – 2022 -

 

 

L'histoire

Hank et Alma sont mariés depuis plus de 20 ans et ont trois « charmants » bambins, Marnie 8 ans, Lilirose 4 ans et Lino, le petit dernier. Déprimé par sa vie de bureau, les engueulades avec sa féministe de femme qui passe plus de temps à s'occuper de son association féministe radicale que de son foyer, Hank décide de tout lâcher, et d'emmener sa famille vers l’Espagne, sans PC, sans Smartphone, avec quand même une provision de couches, de lait maternel et quelques valises. Mais partir avec 3 petits monstres n'est pas de tout repos surtout dans un pays où on ne parle pas la langue même si c'est juste l'Espagne....



Mon avis

Un livre très amusant sur la vie d'une famille lambda, enfin pas si lambda que cela.

Il y a le père Hank, pas plus respecté par ses enfants qu'il amuse tout de même en leur racontant des histoires farfelues. Alma, son épouse est une fervente militante féministe qui exige le partage des tâches à la maison et se dispute souvent avec son époux. Et puis les 3 rejetons, de véritables terroristes à leur manière. Marnie, très intelligente qui ne loupe pas une occasion de se chamailler avec sa seur, Lilirose capable de piquer des colères monstres. La cadette a des idées très précise de ce qu'elle veut et pour les obtenir, elle n'hésite pas à piquer une scène haute en décibels. Enfin le bébé Lino, 9 mois, réclame son biberon tel une sirène d'alarme.

Hank est déprimé par son travail sans perspective, la vie citadine, les gens stressés, les smartphones qui sonnent sans arrêt, et aussi la mésentente latente avec son épouse. Aussi, après après négociations, il propose à la famille de partir à l'aventure, une semaine, direction l'Espagne voisine, mais sans ordinateurs, sans portables, ni GPS. Surtout il espère reconquérir les faveurs de sa femme qui lui refuse ostensiblement toute relation intime. De plus le voyage s'avère bien plus compliqué que prévu. Entre les erreurs de route, le fait de devoir donner son biberon de 250 ml au bébé surtout la nuit, les caprices de la cadette qui zozote le français sans que personne ne la reprenne, et l'aînée détachée de tout cela, voilà un road movie, raconté avec humour par Hank.

Qui un jour n'a pas eu envie de larguer les amarres, de tout lâcher pour foncer vers l'inconnu en laissant derrière soi la vie actuelle, où le travail n'épanouit pas, où l'on communique à travers des machines, où les amis ont aussi des familles à gérer et où le week-end, entre les courses du samedi, occuper les enfants ou les mener à leurs activités extra-scolaire et où l'on roupille à peine le dimanche car Bébé a besoin de son biberon.

Sous l'humour un peu déjanté de Hank, se cache une critique en règle de la société, juste avant qu'elle ne soit atteinte par le covid. On s'amuse d'autant plus que toutes les tentatives du mari pour recoucher avec sa femme se soldent par un échec cuisant : hurlements de bébé, caprice de Lilirose, cauchemars (les récits fantastiques de Papa laissent des traces dans l’inconscient). D'autant que Madame n'y met vraiment pas du sien. Entre migraine subite, réveil des enfants, endormissement rapide et sans réaction, on se doute bien que quelque chose ne va plus dans ce couple, qui finalement ne s'aime plus sans se le dire, tant leurs idéaux sont incompatibles. D'ailleurs la phrase fatidique « j'ai rencontré quelqu'un » finit par achever un mari arrivé au bout d'une histoire. Et juste le temps de repasser la frontière espagnole que le covid et le couvre-feu avec autorisation de sortie s'invite.

Les personnages sont volontairement assez caricaturaux, et l'écriture joyeuse et ironique vous promet quelques bons moments.

Hélas, je regrette la fin « ouverte » comme l'on dit, qui ne va pas du tout dans la logique du roman, assez court. Ici on ne fait pas dans l'analyse psychologique approfondie, mais on visite l’Espagne du sud (Andalousie) exactement comme un touriste qui est juste là pour un selfie (rappelons que la famille n'a pas de téléphone), avant de refaire des kilomètres et surtout gérer l'intendance !!

Bref c'est amusant, un peu prévisible, mais cela ne restera pas comme un excellent roman.


Extraits

  • Nous nous sommes approchés. Il y avait un papillon bleu sur le pare-brise. Un mot de bienvenue, certainement. Au cours de siècles, les Cordouans avaient été envahis par les Phéniciens, les Romains, les Wisigoths, les Arabes et maintenant les touristes. L'hospitalité n'avait plus de secret pour eux.

  • Elle avait des idées compliquées au sujet de ce que devait être un homme et la répartition des fonctions au sein du couple.Elle voulait un mec au sens le plus viril et testostérone du terme,mais en moins masculin,en plus sensible et aussi efféminé que possible. Ça donnait des trucs bizarres, des impératifs contradictoires, un idéal impossible de macho délicat et soumis, je n’y comprenais rien.

  • Les lèvres fines et ourlées de Lino se sont entrouvertes. Oui mon Linouchet ? Une déflagration gutturale m'a soufflé au visage un rot de supporter du Monchengladbach. Un vent acide de lait caillé qui a carbonisé mes sinus. J'ai tourné la tête sous la rafale, perdant un instant ma faculté d'orientation.

  • C'est vrai, les enfants sont capables de transformer n'importe quel divertissement en nouveau motif de crise, ce qui nécessite de les en distraire également, dans un mouvement potentiellement infini de diversion pour lequel on n'est jamais trop de deux, pourquoi croyez-vous qu'on a inventé le couple ?


Biographie

Né en 1964 à Lavaur dans le Tarn, Philippe Segur est un universitaire et écrivain ayant écrit sa première nouvelle, parue dans un magazine de la presse enfantine, à l'âge de onze ans. Il exerce d'abord de petits métiers (veilleur de nuit, employé de presse, ouvrier agricole, vendeur, illustrateur…) avant de soutenir sa thèse de doctorat en droit (1993) et de devenir professeur d’université sans pour autant cesser d’écrire. En 1994, il devient agrégé des facultés de droit.
Il attendra cependant l’âge de trente-huit ans pour publier son premier roman, "Métaphysique du chien" (2002), après avoir essuyé un grand nombre de refus. Le roman obtient de nombreux prix notamment le Prix Renaudot des Lycéens en 2002.
Il conçoit ses deux activités, universitaire et littéraire, mais il interrompt néanmoins sa carrière universitaire de 2006 à 2008 pour se consacrer à l’écriture avant de retourner à l’enseignement.
Il enseigne le droit constitutionnel et les libertés fondamentales à l'université de Perpignan Via Domitia.
Il a été membre du jury du Prix du Jeune Écrivain de 2005 à 2012 et chroniqueur littéraire pour le journal L’Indépendant (Groupe Sud-Ouest) de 2012 à 2013.
Philippe Ségur est également l’auteur de romans policiers sous le pseudonyme de A. W. Rosto.

vendredi 20 septembre 2024

Sophie HENAFF – Poulets grillés – Livre de poche 2016

 

 

L'histoire

Peut-être avez-vous les épisodes assez hilarants de « Poulets grillés » adaptés pour la télévision, avec Barbara Cabrita et Hubert Delattre, et avec la complicité de l'auteure.

La commissaire Capestan reprend du service après une bourde qui aurait pu lui coûter sa carrière professionnelle. Elle est nommée chef d'une brigade cachée, la 4ème brigade qui recense tous ceux qu'on ne peut pas virer : alcoolisme, coups de poings faciles, flemmards, autrice de polars devenue riche mais qui ne bosse pas des masses, et autres de cet acabit. Logés dans le grenier, qui sous l'impulsion de la téméraire commissaire se transforme en petit paradis pour ces drôles de flics, ils vont se pencher sur 2 cold cases comme on dit. Et au final, malgré quelques farfeluteries, résoudre deux enquêtes pour le prix d'une. Hilarant.



Mon avis

Dans les polars humoristiques mais à l'intrigue bien ficelées, vous vous amuserez bien avec ce premier livre des enquêtes de la 4ème brigade. Une bande de flics plus bras cassés que policiers efficaces, dont la commissaire Capestan prend la direction C'est sa sanction pour avoir commis une bavure policière qui aurait pu l'exclure de la police.

Cette brigade est confinée dans un grenier poussiéreux, sans aucun équipement de base. Et parmi ses zozos, il y a Lebreton qui ne se remet pas du deuil de son compagnon (mais qui est très professionnel), Rosières qui est ultra riche puisqu'elle est autrice de polars à succès et a un niveau de vie particulièrement élevé. « La poisse » est réputée pour faire des conneries et des maladresses, un ancien de la DGS fait de la figuration, et puis arrive un jeune genre rappeur qui se révèle être un hacker hors pair. Sans parler de Pilote, un chien qui ne ressemble à rien mais qui est le « bébé » adoré de Rosières. Sans parler d'alcoolos patentés, de déprimés, de joueurs complusifs ou de supposés parfaits crétins.

Sur le bureau traînent deux affaires jamais élucidées, la mort d'une vieille dame qui n'avait pas d'ennemis connus, et la noyade étrange d'un homme qui se trouvait sur un paquebot de croisière accidenté.

Malgré le manque de moyens, le peu de motivation des troupes, la commissaire Capestan va réussir à motiver tout ce petit monde et quitte à faire des petites entorses aux règlements, va réussir à boucler cette drôle d'enquête.

Très vite on s'attache à cette bande de joyeux déjantés qui va finalement faire (bien motivés par la commissaire) de l'excellent travail et résoudre 2 énigmes en moins de temps que prévu.

Évidemment, ce genre de polar est hilarant, il y a des petites divergences avec la série TV mais cela se lit tout seul et cela vous remonte le moral plus vite qu'une boite de médocs très mauvais pour la santé.


Extraits

  • Capestan n'avait pas élevé la voix, mais la salle se tut. La réunion virait à la séance de démotivation, il fallait intervenir. La commissaire survola l'assemblée du regard sans viser quiconque, mais, fait rarissime, elle s'adressa à eux sans sourire : - dans les films de guerre, celui qui dit "on va tous crever", il n'aide personne. Donc on arrête ça tout de suite et on ne refait pas l'histoire avec des "avant, avant". Avant d'atterrir là, on était déjà au rancart. Tous,. Pas la peine de joueur les anciens barons des Orfèvres, la punition ne date pas d'aujourd'hui. Les front se baissèrent, les regards se détournèrent, penauds. Capestan ne voulait pas pour autant que l'équipe reste sur cette sensation. Elle se leva du coin du bureau sur lequel elle était assise. - Sauf qu'aujourd'hui, justement, la paperasse qui prend 70 % du boulot : fini. Les rondes de nuit, les corvées de cimetière, les camés qui tapissent les toilettes du commissariat : fini. On est libres de faire le métier tel qu'on le rêvait quand on s'est engagés. On enquête sans pression, sans procédure à remplir, sans comptes à rendre. Alors, on profite au lieu de geindre comme des ados privés de boum. On appartient toujours à la Police judiciaire, on forme juste une branche à part. Une chance pareille, il n'en passera pas deux.

  • T'es marié ? questionna Rosière en désignant les anneaux d'argent sur la main gauche de Lebreton. - Veuf. - Oh, désolée. Depuis longtemps. - Huit mois et neuf jours. Rosière eut un raclement de gorge gêné, mais son tempérament l'incita à pousser un peu. - Elle s'appelait comment ? - Vincent. - Ah. Ca ne ratait jamais. Ce "Ah" à la fois étonné et soulagé. Là, on ne parlait pas de famille brisée, aucun drame véritable. Lebreton avait vécu douze ans avec Vincent, mais le monde semblait penser qu'il ne souffrait pas vraiment, en tout cas, pas pareil. Louis-Baptiste avait l'habitude, mais chaque "Ah" plantait une banderille de plus. Il finirait l'année avec un dos de porc-épic. Dans cette brigade comme ailleurs.

  • Merlot entama son cheese avec une mine d'aventurier explorateur. Il découvrait les terres vierges de la malbouffe et mordit gaillardement le pain mou. Un flot de ketchup s'échappa à l'arrière du hamburger. Tel un surfeur vacillant, le cornichon en rondelles glissa sur la sauce et vint s'échouer sur la cravate déjà maculée du capitaine. Sans s'émouvoir, celui-ci attrapa une serviette en papier et, d'un frottement rapide, décrocha le condiment qui atterrit sur les tomettes de la terrasse. Le chien alla renifler l'impact mais, peu convaincu, il préféra attendre la chute du steack.

  • Impatiente et, pour tout dire, gonflée d'espoir, Capestan déboucha au pas de course sur la place où glougloutait la fontaine des Innocents. Le vendeur d'une boutique de sportswear remontait son rideau couvert de graffitis. L'odeur de friture des fastfoods s'insinuait dans l'air encore frais. Capestan se tourna vers le 3 de la rue des Innocents. Ce n'était ni un commissariat ni un hôtel de police. Juste un immeuble. Et elle n'avait pas le code. Elle soupira et entra dans le café à l'angle pour le réclamer au patron. B8498. La commissaire le convertit en Bateau-Vaucluse-Champion du monde pour le mémoriser.

  • Et toi, Eva , de la famille ? - Oui . Un chien et un fils . Mais des deux , c'est encore le chien qui téléphone le plus souvent.

  • L'histoire du mec qui part seul en guerre avec sa bite et son couteau, ça pue toujours le drame , commenta Rozière .

  • Je sais, je n'aurais jamais dû fuir comme ça, je suis désolé, vraiment je me suis trompé. C'est à cause de...Je menais des recherches personnelles. Ma mère est morte dans le naufrage d'un ferry en 1993, dans le golfe du Mexique.

  • Quant à Rosière (...) elle philosophait avec Merlot qui, le cul dans son fauteuil, aidait psychologiquement.
    - Plutôt mer ou plutôt montagne ! cracha Rosière. Pourquoi imposer un camp ? On peut pas tout prendre, peut-être ? Cette manie qu'ont les gens ! C'est toujours : t'es plutôt Beatles ou Rolling Stones ? - Pink Floyd ! fit la voix de Dax dans le fond. - ... Hallyday ou Eddy Mitchell ?... - Sardou ! aboya Dax qui, à défaut de comprendre, avait le mérite de l'enthousiasme. - Chien ou chat, sucré ou salé, je suis plutôt ci, je suis plutôt ça... Conneries, oui ! Pourquoi pas : t'es plutôt table ou plutôt chaise ? conclut Rosière. - Absolument, chère amie ! Le choix, toujours le choix, exactement ce que je disais.

  • Puis il attendit, simplement, étirant l’instant pour laisser le champ libre à la paranoïa qui, à coup sûr, grimperait. Torrez faisait cet effet. En sa présence, les flics évoluaient tels des arachnophobes dans un panier de mygales. Les plus téméraires se dispensaient juste de courir. Parfois une tête brûlée se faisait le coup du toréador et s’approchait, le corps en alerte. Un regard et il repartait. Les fous jouent avec la mort, mais pas avec la poisse. La poisse vous promet le pire : la maladie, la ruine, l’accident, pour vous, vos proches, à petit feu et sans gloire. La poisse gangrène là où on ne l’attend pas.

  • Tu votes à chaque fois que tu payes dans notre société. Les urnes, on s'en tamponne, c'est le caddie qui compte !

  • Vous êtes là uniquement parce qu'on ne peut pas vous révoquer ! coupa Buron en martelant chaque syllabe. Ça va rentrer ? On vous paye pour jouer aux dominos ou tricoter. Demandez à Evrard de vous apprendre la belote et fichez-moi la paix une bonne fois pour toutes, commissaire.

  • Il y avait Dax, un jeune boxeur qui avait abandonné autant de sueur que de cervelle sur le ring. Le nez épaté et le sourire content, il observait la vie avec l'enthousiasme d'une otarie dans les vagues.

  • Remarquez, le bermuda en cette saison... il est réchauffé. - Les ados, niveau vêtements, c'est pas la température qui compte pour eux.- Vous avez un ado aussi ? - J'ai de tout, répondit T. sérieusement.

  • Enveloppé d'une odeur de pinard a faire décoller le papier-peint, il entama sa conversation mondaine. Il palabra, elles reculèrent, il palabra derechef, elles abdiquèrent.

  • Torrez revint à son volant. Il tergiversa quelques secondes avant de confesser :
    - Vous savez, le poste du répudié, je l'occupe depuis des années. Sauf qu'avant j'étais seul, maintenant on est une brigade. Pour moi, c'est plutôt un progrès.


Biographie

Sophie Hénaff est une journaliste, romancière et traductrice française, née en 1972.
Figure emblématique du journal Cosmopolitan, elle est responsable de la rubrique humoristique "La Cosmoliste". Elle a fait ses armes dans un café-théatre lyonnais (L'Accessoire) avant d'ouvrir avec une amie un "bar à cartes et jeux de sociétés", le Coincoinche, puis, finalement, de se lancer dans le journalisme.

"Poulets grillés", paru en 2015, est son premier roman, et conte une enquête menée par une brigade composée d'éléments indésirables de la police. Il a reçu le prix Arsène Lupin, le prix Polar en séries et le Prix des Lecteurs-Le Livre de Poche 2016 .
En 2016 est publié "Rester groupés", la suite des aventures de la brigade parisienne dont on a fait la connaissance dans "Poulets grillés" et le troisième volet de la série "Art et Décès" en 2019.

En savoir plus ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sophie_H%C3%A9naff

Sur la série TV aussi hilarante : https://fr.wikipedia.org/wiki/Poulets_grill%C3%A9s_(s%C3%A9rie_t%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9e)


vendredi 9 août 2024

Célestine ITIURA VAHITE – L'arbre à pain – Chroniques de Tahiti – Tome 1 sur 3 – Poche 10/18 - 2020

 

 

L'histoire

A FAA'A, banlieue pauvre de Papeete, vivent Materna, Pito et toute la famille élargie, cousins, cousines, oncles, tantes, amis. Materna a eu trois enfants de Pito dont l'aîné à 11 ans. Mais ce qui préoccupe cette mère de famille « femme de ménage professionnelle » c'est l'envie d'un beau mariage avec son tàne, son compagnon. Celui-ci y fait des allusions surtout quand il a bu une bière de trop ou que l'équipe locale de foot a cartonné. Si elle anticipe déjà, une jolie robe, une liste de mariage, une chose nouvelle arrivée à Tahiti avec les français, rien n'est gagné.


Mon avis

Voilà donc le premier tome des fameuses « Chroniques de Tahiti » traduites en 27 langues et qui ont un succès fou en librairie. J'ai lu les tomes 2 et 3, donc dans le désordre, mais rassurez-vous, vous ne perdrez rien au change, avec une Materena plus en forme que jamais.

Pas de carte postale des plages sous les cocotiers. Nous sommes dans les quartiers pauvres de Papeete, là où les logements sont construits en bois et tôle. Même si Materena tente de rendre sa maison accueillante et jolie, en récupérant ici ou là des objets, sa préoccupation principale est le mariage avec Pito, son amoureux de toujours, qui travaille dans une scierie et va boire quelques pintes de bière au pub du coin après le travail avec ses acolytes. Hors Pito évoque plusieurs fois le mariage mais sans faire de demande officielle. Il n'en faut pas plus à sa jolie femme pour immédiatement se faire des films ! Elle se voit déjà en robe de mariée, avec la foule familiale, mais surtout, découvre, grâce à une vendeuse d'un grand magasin de meubles, la possibilité d'une liste de mariage. Car il y a ce lit king-size bien confortable mais onéreux sur lequel la jeune femme fantasme. Et que les invités pourraient financer. Elle sonde donc son entourage. Mais les gens ici ne sont pas riches, ils ont des petits boulots, quand ils en ont, et la vie est chère.

Alors mariage ou pas ?

En tout cas nous visitons un autre Tahiti, avec son franc-parler, ses expressions purement tahitiennes (un lexique en fin de livre nous aide à comprendre), les petits drames et les petites joies du quotidien. Un joli voyage exotique, plein d'humour, et de tendresse. Un régal, et si possible lisez les 3 tomes dans l'ordre, même si chacun peut se lire indépendamment des autres. On adore ce petit peuple de braves gens, leurs coups de gueule, leurs histoires à n'en plus finir, le tout sous le regard bienveillant de « Notre Dame-qui-comprend-tout ».



Extraits

  • Mama Roti préfère aussi que les gosses jouent dehors parce que, de son point de vue, les gosses ne devraient pas être à l'intérieur quand le soleil brille.
    Autrefois, elle ne permettait jamais à ses enfants de traîner dans la maison quand le soleil brillait dehors, ce qui explique peut-être pourquoi, aujourd'hui, Pito peut passer une journée entière vautré sur le canapé quand le soleil brille dehors.

  • Loana dit que maintenant elle est fiu (fatiguée) des hommes et bien contente comme ça. Elle va où elle veut aller, pas besoin d'autorisation, de permis de sortie, personne l'embête, personne lui demande où tu vas, quand tu reviens, avec qui tu sors, et patati et patata. D'ailleurs elle ne sort pas. Elle aime bien rester dans sa maison.

  • A ia ia, les enfants, on croit que quand ils sont grands, c'est fini les soucis, mais les soucis, c'est jamais fini

  • C'est bien d' être enterré à côté de sa mère, dit Loana. Tout le monde a envie d'être enterré à côté de sa mère."" Et si Pito veut qu'on m'enterre à côté de lui à Punaauia ? "Loana lâche la main de sa fille et sa réponse claque : " Tu fais comme tu veux, c'est ton cadavre après tout."

  • Quand Mori s'est fait tatouer sur la poitrine ce dragon rouge et vert qui crache le feu, sa maman a fait une crise. Elle trouvait que ça donnait à Mori l'air de sortir de prison, ce qui était le cas, mais c'était pas la peine de faire savoir à tout le monde.

  • En fait, Materena prie seulement Notre-Dame-Qui-Comprend-Tout. Sa prière la plus fréquente est de ne pas survivre à ses enfants parce que les enfants, c'est pas comme les hommes, on ne peut pas les remplacer.

  • La couleur est un peu bizarre, dit Materena. Enfin, je veux dire - pour une moquette. - Ah oui, maintenant que tu le dis. Cette moquette-là, on dirait un peu de l'herbe, hein ? - Mais quand on donne quelque chose cadeau, faut pas se plaindre de la couleur. - Ah oui alors, c'est vrai ça. On fait pas attention la couleur. On prend seulement.

  • Loana a été amoureuse plein de fois, et deux de ses amants lui ont donné des enfants. Un, c'était un militaire "farani" ( français) qui est rentré dans son pays et l'autre un tahitien qui est rentré chez sa femme.

  • D'après Rita, quand un homme et une femme se mettent ensemble, il faut acheter un matelas 'api, parce que le matelas, c'est vraiment important. Le matelas, c'est pour faire l'amour, le matelas, c'est pour les mots d'amour - le matelas, c'est l'intimité.

  • Mama Roti, qui assistait à la scène, a bien vu qu'elle était déçue. Elle a secoué la tête et marmonné "Qu'est-ce qu'un homme peut bien faire, de nos jours, pour rendre sa femme heureuse ?" Elle a levé les yeux au ciel et n'a pas arrêté de dire que le cadeau de son fils était bien choisi - une femme a toujours besoin d'une poêle à frire. Mama Rôti a inspecté la poêle en hochant la tête. Elle a tapé dessus du bout des doigts et déclaré : "ça, c'est pas de la camelote, c'est une poêle à frire de bonne qualité. Pas trop grande, pas trop petite, moyenne, bien, quoi."

  • Le problème dans les maisons tahitiennes, c'est que les autres de la famille sont libres de venir téléphoner chez toi, passer des heures devant ta télé, manger tout ce qu'il y a dans ton frigidaire, boire tout ton Coca, laver leurs linges dans ta machine, prendre tes linges dans le placard. C'est mal élevé de fermer la maison à clé. Parce que, si un autre de la famille il a vraiment besoin d'emprunter quelque chose et tu n'es pas là et c'est urgent, hein ? Mais ensuite, résultat : il n'y a plus de sous pour payer les factures. - Le problème avec les Tahitiens , c'est qu'on a trop de cousins qui n'ont pas de travail. Le problème avec les Tahitiens, c'est qu'on a trop de cousins, point final. - C'est quand même bien d'avoir de la famille" finit par dire Teva. - Des fois, oui, dit l'électricien. Mais pas tout le temps...

  • Mais Materena se met à penser au mariage. Elle se dit que ça serait bien d'être mariée-mariée. Elle joint ses mains nues et imagine une alliance en or à son doigt. Elle voit le certificat de mariage encadré sur le mur du salon. Elle s'entend dire aux gens : "Mme Tehana, c'est moi."

  • Il y a très longtemps, commence Loana, il y avait Ta’aroa. Il s’était créé tout seul et il vivait dans une coquille. Cette coquille ressemblait à un œuf. Cet œuf était dans l’espace et il n’y avait pas de ciel, pas de terre, pas de lune, pas de soleil, pas d’étoiles. Il n’y avait rien, ma fille. Ta’aroa s’ennuyait un peu dans sa coquille, alors un jour il l’a cassée et il est sorti pour voir ce qu’il y avait dehors. Dehors, c’était noir, dehors il n’y avait rien. Alors là, Ta’aroa s’est rendu compte qu’il était seul, tout seul.  Il a brisé sa coquille en morceaux et il a créé les rochers et le sable. Avec ses vertèbres il a créé les montagnes. Les océans, les lacs et les rivières sont venus avec ses larmes. Il a fait les écailles des poissons et des tortues avec ses ongles. Avec ses plumes il a fait les arbres et la brousse. Et Ta’aroa a fait l’arc-en-ciel avec son propre sang. Puis Ta’aroa a décidé de créer l’homme. La voix de Loana n’est plus qu’un murmure. - En tout cas, c’est ce que raconte la légende, dit Loana en regardant les statues de la Vierge Marie qui ornent son salon. Mais ça ne veut pas dire que l’histoire d’Adam et Ève est une histoire inventée. 

  • Les films d'amour chavirent le coeur de Materena et il lui arrive même d'imaginer qu'elle est l'héroïne.

  • Loana avait prévenu Materena que si jamais elle avait un tane sans lui dire, et qu'elle l'apprenait par radio-cocotier, elle aurait droit à des bonbons caramel - c'est-à-dire une bonne paire de gifles.

  • Ma fille, attendre un homme, c'est comme attendre le jour où les poules auront des dents.


Biographie

Célestine Hitiura Vaite est une écrivaine polynésienne , née à Papeete, en Polynésie française, en 1966 qui vit en Australie.

Voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9lestine_Hitiura_Vaite