L'histoire
Hamnet , 11 ans, cherche un moyen de sauver sœur Judith malade. Agnès, la mère est partie rechercher des herbes médicinales en forêt et le père William est à Londres pour son travail. Mais le petit garçon est malade lui aussi. Une épidémie de peste sévit en Angleterre et touche aussi la région de Stratford où vit la famille. Un drame familial historique.
Mon avis
Ce dernier roman de l'irlandaise Maggie O'Farrell s'inspire d'une histoire vraie. Celle de la famille de William Shakespeare, marié à Agnès Hathaway et qui eut 3 enfants : l’aînée Susanna, puis les jumeaux Hamnet et Judith. Lors de l'épidémie de peste en 1556, le garçon mourût, rendant sa famille inconsolable. Environ quatre ans plus tard, Shakespeare écrivit sa plus célèbre pièce de théâtre Hamlet.
Mais ici, il ne s'agit pas de raconter la vie du grand
écrivain mais plutôt celle de sa famille, vivant à la campagne
dans le petit village de Stratford, et le rôle de cette mère Agnès,
une paysanne qui ne savait ni lire ni écrire, mais qui connaissait
le secret des plantes médicinales. Le futur grand écrivain tomba
amoureux de cette femme simple, et l'épouse malgré le refus
paternel. Le grand père d'Hamnet est un homme riche, mais malhonnête
et violent, ce qui oblige le fils a travailler dur à Londres pour
rembourser les dettes, loin de sa famille. Mais ce n'est pas
Shakespeare qui intéresse l'auteure, mais la vie à la campagne, le
poids des traditions, la différence sociale avec un époux qui
s'éloigne petit à petit pour rechercher le succès à Londres.
Agnès, femme forte et fragile, mère jusqu'aux bout des ongles ne
réussit pas à sauver son fils mais sauve sa sœur.
Le livre
alterne des aller-retour entre le passé et le présent, le passé de
l'amour fou qui a lié deux être différents et un présent qui est
douloureux. Agnès, presque sauvageonne, éprise de nature et qui
gambade dans les bois, lit dans les âmes mais ne pense pas qu'elle a
un don.
Et puis il y a cette nature magique, si bien dépeinte par l'autrice, cette région anglaise riche en rivières, forêts, prairies et fleurs, telle qu'on l'imagine au 14ème siècle, où l'on communique par lettres qui mettent longtemps à arriver, ou l'éclairage d'une bougie réchauffe un intérieur simple,
Il règne un climat étrange dans ce roman, envoûtant, triste mais beau, sublimé par l'écriture (le roman est écrit au présent, ce qui lui donne justement cette étrangeté). On sait que Maggie O'Farrell fait de la mort ou de la perte un de ces sujets de prédilection. Mais il n'y a pas de pathos larmoyant, juste une histoire universelle, celle d'un amour déjà condamné, celle de la perte d'un être cher, et la vie qui continue malgré tout.
Extraits :
Ce qui est donné peut être repris, à n'importe quel moment. La cruauté la dévastation vous guettent, tapies dans les coffres, derrière les portes, elles peuvent vous sauter dessus à tout moment, comme une bande de brigands. La seule parade est de ne jamais baisser la garde. Ne jamais se croire à l'abri. Ne jamais tenir pour acquis que le cœur de vos enfants bat, qu'ils boivent leur lait, respirent, marchent, parlent, sourient, se chamaillent, jouent. Ne jamais, pas même un instant, oublier qu'ils peuvent partir, vous être enlevés, comme ça, être emportés par le vent tel le duvet des chardons.
la maison d’Henley street fonctionne comme une structure hiérarchique : il y a d’abord les parents, puis les fils, la fille; viennent ensuite les cochons de la porcherie, les poules du poulailler, l’apprenti et, pour finir, tout en bas de l’échelle, les bonnes. Agnès dirait que sa position, en tant que nouvelle belle-fille, est encore floue, se situe entre l’apprenti et les poules.
Elle se souvient d’avoir examiné leurs paumes, à lui et à Judith, lorsqu’ils étaient bébé, allongés ensemble dans leur berceau. Elle avait déployé ces mains miniatures, avait promené leurs doigts le long de leur ligne : les mêmes que les siennes en plus petit. Hamnet avait une fossette profonde, bien marquée, au centre de sa paume, comme dessinée d’un coup de pinceau, annonçant une longue vie ; les lignes de Judith étaient quant à elles mal définies, incertaines, s’essoufflaient pour réapparaître plus franchement plus loin. Cette vision avait fait froncer les sourcils à Agnès, lui avait fait poser les doigts sur ses lèvres — ces lèvres qui les embrassaient, sans cesse, avec un amour presque féroce, presque dévorant.
Et un désir brûle en lui, force lui est de l'avouer, celui de retrouver les quatre murs de sa petite chambre où personne ne vient jamais, où personne ne le regarde, le le demande, ne lui parle, ne le dérange, où il n'y a qu'un lit, un coffre, un bureau. Il n'y a que là-bas qu'il peut échapper au bruit, à la vie, aux gens qui l'entourent ; il n'y a que là-bas qu'il peut oublier le monde, se dissoudre, n'être plus qu'une main tenant une plume trempée dans l'encre, et regarder les mots se déverser de sa pointe. Et c'est alors que ces mots viennent, les uns après les autres, qu'il parvient à s'absenter de lui-même, à se réfugier dans une paix si prenante, si apaisante, si intime, si joyeuse que plus rien d'autre n'existe.
Ce qui est donné peut être repris, à n'importe quel moment. La cruauté la dévastation vous guettent, tapies dans les coffres, derrière les portes, elles peuvent vous sauter dessus à tout moment, comme une bande de brigands. La seule parade est de ne jamais baisser la garde. Ne jamais se croire à l'abri. Ne jamais tenir pour acquis que le cœur de vos enfants bat, qu'ils boivent leur lait, respirent, marchent, parlent, sourient, se chamaillent, jouent. Ne jamais, pas même un instant, oublier qu'ils peuvent partir, vous être enlevés, comme ça, être emportés par le vent tel le duvet des chardons.
Et c'est alors qu'Agnès comprend une chose : elle peut tout supporter, mais pas la souffrance de son enfant. la séparation, la maladie, les coups, la naissance, le manque de sommeil, la faim, l'injustice, le rejet des autres, Agnès peut tout endurer, mais pas cela : pas son enfant fixant du regard son jumeau décédé. Pas son enfant pleurant la mort de son frère. Pas son enfant accablé de chagrin.
Elle sort le cadre de la ruche, s'accroupit pour l'examiner. La couche grouillante qui le recouvre semble se mouvoir comme une seule et même entité, brune, striée d'or, aux ailes semblables à de tout petits cœurs. Cette couche est composée d'abeilles, de centaines d'abeilles, serrées les uns contre les autres, agrippées au cadre, à leur trophée, au fruit de leur travail.
Chaque arbre répond aux caprices du ciel à un tempo différent de son voisin, ploie, frémit, projette ses branches, comme par nécessité de fuir l’air, de fuir le sol même que le nourrit.
What is the word, Judith asks her mother, for someone who was a twin but is no longer a twin? Her mother, dipping a folded, doubled wick into heated tallow, pauses but doesn’t turn around.
If you were a wife, Judith continues, and your husband dies, then you are a widow. And if its
parents die, a child becomes an orphan. But what is the word for what I am? I don’t know, her mother says. Judith watches the liquid slide off the ends of the wicks, into the bowl below. Maybe there isn’t one, she suggests. Maybe not, says her mother.Le nuage au-dessus de sa tête s’assombrit, empeste de plus en plus. Agnes aimerait poser la main sur son bras, aimerait lui dire, Je suis là. Mais si ses mots ne suffisent pas ? Si le baume qu’elle voudrait être ne fonctionne pas sur ce mal sans nom ? Pour la première fois de sa vie, elle ne peut aider quelqu’un. Ne sait pas quoi faire. (…)
Tandis qu’elle ramasse les assiettes, Agnes s’étonne, qu’il est facile de passer à côté de la douleur, de la colère qui peuvent habiter quelqu’un, surtout si cette personne ne dit rien, les garde pour elle comme une bouteille trop bien fermée où la pression s’accumule, s’accumule jusqu’à ce que… quoi ?
Agnes ne le sait pas.Agnès a planté des pommiers le long du haut mur en briques. Quatre poiriers de part et d'autre de l'allée principale, des pruniers, un sureau, un bouleau, des groseilliers, de la rhubarbe aux pieds rouges. Elle prélève une bouture sur l'églantier au bord de la rivière qu'elle plante près du mur chaud du grenier à houblon. Puis repique un sorbier à côté de la porte du jardin. Elle sème partout sur le sol des graines de camomille, de souci, d'hysope, de sauge, de bourrache et d'angélique, d'absinthe et de partenelle; installe sept ruches dans le coin le plus éloigné; par les chaudes journées de juillet, il est possible de les entendre bourdonner depuis la maison.
Bibliographie
Née en Irlande
du Nord en 1972, Maggie O’Farrell est une romancière et
journaliste britannique. Elle a grandi entre le Pays de Galles et
l'Écosse. A l'âge de huit ans, elle est frappée par un virus qui
l'empêche d'aller à l'école pendant un an. Cet événement sera
repris dans l'un de ses romans, "La distance entre nous"
("The Distance Between Us", 2004, Prix Somerset-Maugham
2005).
Après des études littéraires à l'Université de
Cambridge, elle exerce de nombreux emplois, notamment celui de
critique littéraire. Parallèlement à son activité de romancière,
Maggie a travaillé comme journaliste, notamment à Hong Kong. Elle a
également enseigné l'écriture créative.
Face au succès de son
premier roman, "Quand tu es parti" ("After You'd
Gone", 2000, Betty Trask Award), elle prend la décision
d’abandonner sa carrière de rédactrice en chef des pages
littéraires de l’Independent on Sunday pour se consacrer à
l’écriture.
"Cette main qui a pris la mienne" ("The
Hand That First Held Mine") est lauréat du prestigieux Costa
Book Award 2010.
Les romans de O'Farrell tournent autour de thèmes
récurrents : la complexité des relations entre deux sœurs, la
perte d'un être cher et les conséquences que celle-ci entraîne
dans l'existence de ses personnages.
Elle est mariée au romancier
William Sutcliff, avec lequel elle vit à Édimbourg.
Voir aussi :
http://evene.lefigaro.fr/celebre/biographie/maggie-o-farrell-34478.php
son site : https://www.maggieofarrell.com/
En savoir Plus :
Sur le roman
Sur Shakespeare et Agnès Hathaway
https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_Hathaway_(femme_de_William_Shakespeare)
https://www.youtube.com/watch?v=BM9zjuVc7X0
Sur Hamlet
Sur Stratford
https://www.visitstratforduponavon.co.uk/
https://www.visitbritain.com/fr/fr/angleterre/centre-angleterre/stratford-upon-avon
Play List
https://www.maisondelaradioetdelamusique.fr/article/shakespeare-langleterre-la-musique
https://www.youtube.com/watch?v=rKvFnn_tW04&list=PLZESwLovMTq3R2o_FFbOi2pTpG56GTSjj
https://www.youtube.com/watch?v=aFx7UrPZVvo

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