samedi 31 décembre 2022

Elif SHAFAK – La bâtarde d'Istanbul – Poche 10/18 - 2007

 

L'histoire

A Istanbul, Asya 19 ans est une adolescente en révolte contre sa famille. Fille née sans père, donc bâtarde, elle est élevée par sa mère (Tante Zeliha), ses «  sœurs, sa grand mère et « Petite Ma », l'arrière-grand mère. Entre ses désirs d'indépendance et les personnalités contrastées mais assez traditionnelles de cette famille exclusivement féminine, Asya se réfugie dans un café intello d'Istanbul. Puis elle va rencontrer Amy (Armanoush) une jeune américaine-arménienne, qui vit soit avec sa possessive mère remariée à un turc (ennemi juré des Arméniens) soit avec son père et sa famille arménienne à San Francisco où l'on cultive l'art de vivre arménien, d’être fidèle au pays sous une gentillesse un peu envahissante aussi. C'est pour retrouver ses origines arméniennes qu'elle part en cachette à Istanbul, où elle a appris que sa grand-mère y avait eu une maison. Et tout naturellement, elle s'installe dans la famille d'Asya puis que le mari de sa mère est le frère de des tantes. Comme si la vie des deux familles étaient déjà liées...


Mon avis 

Troisième roman que je lis de l'écrivaine turque, et la magie est toujours au rendez-vous. Dans ce roman totalement féminin, c'est aussi une part de l'Histoire de la Turquie et l'Arménie qui se joue. Le terrible génocide arméniens par la Turquie en 1915/1916 fit au moins entre 60 000 et 1 milion de morts, et plus d'1 millions d'arméniens furent déportés, torturés, les femmes violées. Ce génocide a également provoqué un exode massif (la diaspora arménienne) vers les États-Unis, l'Amérique latine, la France.

Le livre n'aborde pas le fond du conflit mais plutôt un appel à l’apaisement et au bien vivre ensemble. N'oublions pas que plus de deux millions d'arméniens (chrétiens) vivaient en Turquie avant les massacres, et qu'aujourd'hui encore 0,4% de la population turque est arménienne. Et c'est à travers la rencontre de deux jeunes filles, enquête de leur identité que cette rencontre va se faire. Asya, farouche et rebelle, ne connaît pas son père et étouffe dans cet univers féminin où chaque femme est caractérisée par un caractère bien trempé : sa mère Zeliha est belle, s'habille sexy et est tatoueuse de métier. La tante aînée, veuve, se trouve des dons de voyante, mais porte le voile et accommode Allah à sa façon. Les deux autres sœurs sont pour l'une rigoriste institutrice et pour l'autre déprimée chronique, le tout sous le regard de la mère qui tient à maintenir les traditions. Avec beaucoup d'humour et sans jamais tomber dans les clichés, Elif Shafak nous emmène en balade (une balade aussi très gourmande) dans un Istanbul vivant à travers ses différentes communautés mais surtout l'idée qu'on est avant tout un stambouliote, avec ses petites manies, les embouteillages, les nouveaux immeubles sur la rive asiatique, la pluie, et surtout la vie des femmes. Entre tradition et modernité.

Et puis Amy qui arrive de son Amérique avec sa double culture, à la recherche du passé perdu de sa famille, et très étonnée d'être reçue comme une princesse. Apparemment en Turquie (qui n'a toujours pas reconnu officiellement le génocide arménien) on ignore tout des arméniens, à part « qu'ils mangent comme nous » et que cette jeune fille si polie leur raconte des histoires fabuleuses sur cette Arménie voisine dont elles ignorent l'existence (les cours d'histoire en Turquie sont bien purgés d'allusions aux extorsions passées). Et pourtant ce fichu hasard va réunir deux familles bien plus proches qu'elles ne l'imaginent. Même jusqu'à un drame final mais qui n'est au fond que la justice des femmes

Drôle, sans tomber dans la caricature, le roman est extrêmement bien structuré, dans un premier temps, nous suivons les vies parallèle des deux jeunes filles. Ensuite l'action se passe à Istanbul dont nous visitons les endroits insolites. Chaque chapitre est le nom d'un ingrédient de la nourriture turque, et vous donne l'eau à la bouche, les plats sont aussi copieux que variés et abondants. L'écriture et les dialogues sont savoureux, entre poésie et absurde.Une réussite parfaite pour cette écrivaine féministe, qui se documente minutieusement et qui voyage énormément à travers le monde.

Elle a d'ailleurs risqué 3 ans de prison pour son évocation du génocide arménien et a eu la chance d'être soutenues par des artistes et écrivains étrangers qu'elle remercie d'ailleurs.


Extraits :

  • Ces foutus richards ! Ils accumulent de l'argent toute leur vie, pour quoi faire? C'est stupide ! Est-ce que les linceuls ont des poches ? Car nous finirons tous dans le même linceul de coton. Pas de vêtements chics, pas de bijoux. Ils pensent pouvoir emporter leurs smoking ou leurs belles robes de soirée dans leur tombe ? Qui dirige les cieux, selon eux ? Personne ? Dans ce cas, pourquoi le ciel ne nous tombe-t-il pas sur la tête ? Je ne vois aucune colonne pour le retenir, moi. Et vous?

  • Tu sais le mot Fin n’apparaît jamais quand tu termines un livre. Ce n’est pas comme au cinéma. Quand je referme un roman, je n’ai pas l’impression d’avoir terminé quoi que ce soit, si bien que j’ai besoin d’en ouvrir un autre, la taquina Armanoush, inconsciente de sa beauté exaltée par la lumière du soleil couchant…

  • Le samedi 24 avril 1915, à minuit, des douzaines de notables arméniens d'Istanbul furent arrêtés et conduits de force au quartier général de la police.
    Ils étaient tous vêtus élégamment, comme s'ils se rendaient à une cérémonie. On les garda longtemps sur place sans leur fournir d'explication, puis on les sépara en deux groupes et ils furent déportés à Ayach et à Cankiri.
    Un triste sort attendait le groupe d'Ayach.

  • Nous sommes piégés. Nous sommes coincés entre l'Est et l'Ouest. Entre des modernistes si fiers du régime séculier qu'ils ont instauré que la moindre critique est inacceptable, et des traditionalistes si infatués de l'histoire de l'Empire ottoman que la moindre critique est inacceptable. Ils ont l'opinion publique et l'autre moitié de l'Etat de leur côté. Que nous reste-t-il ?

  • Comment se libérer du joug familial alors qu'elle leur était si attachée ? Comment repousser la gentillesse de personnes qu'elle adorait ? Etait-il possible de repousser la bonté ?

  • À quoi bon lutter pour la liberté d’expression, se disait-il, quand la liberté d’humour n’existait pas ?

  • On avait tout à fait le droit de ne pas apprécier la pluie, main on ne devait sous aucun prétexte jurer en direction du ciel ; parce que tout ce qui en tombe n'en tombe jamais seul, parce que c'est là que se trouve Allah le Tout-Puissant.

  • On devrait tous se réunir sur le pont du Bosphore et souffler de toutes nos forces pour pousser la ville vers l'ouest. Et si ça ne marche pas, on essaiera dans l'autre sens. Ce n'est jamais bon d'être entre deux eaux. La politique internationale ne s'accommode guère de l'ambiguïté.

  • D'où te viennent ces idées absurdes ? Les femmes turques ont abandonné le voile il y a quatre-vingt-dix ans. Aucune de mes filles ne renoncera aux droits que le grand commandant en chef Atatürk a accordés aux femmes de ce pays. - Nous avons obtenu le droit de vote en 1934. Au cas où tu l'ignorerais, l'histoire marche en avant, pas en arrière. Enlève ça immédiatement !

  • Zeliha lâcha un chapelet de jurons. Consciente d'être la seule femme de sa famille, et l'une des rares Turques, à user d'un langage si grossier avec une telle véhémence, chaque fois qu'elle se mettait à jurer, elle le faisait copieusement, comme pour compenser la retenue des autres.

  • Un dîner sans pain constituait un grave péché qu'Allah pouvait pardonner, mais Banu, certainement pas.

  • Je n’ai jamais réussi à être arménienne. J’ai besoin d’aller à la recherche de mon identité. Vous savez ce dont je rêve secrètement? D’aller voir la maison de ma famille en Turquie. Grand mère parle sans cesse de leur magnifique demeure d’Istanbul. Il faut que je la voie de mes propres yeux. Que je retourne dans le passé des miens pour pouvoir enfin me tourner vers mon avenir. Le Paradoxe Janissaire continuera à me hanter tant que je n’aurai rien fait pour découvrir mon passé.

  • L'aube approche. Elle n'est plus qu'à quelques pas de cette zone étrange qui sépare la nuit du jour. Ce moment où il est encore possible de tirer du réconfort des rêves mais trop tard pour s'y replonger.


Bibliographie

Elif Shafak est née le 25 ocotbre 1971 à Strasbourg. Elle est la fille d’une diplomate turque. Élevée par sa mère après le divorce de ses parents, elle a passé son adolescence à Madrid puis à Amman, en Jordanie, avant de retourner en Turquie.

Diplômée en relations internationales de la Middle East Technical University d'Ankara, elle est aussi titulaire d'un master en genre et études féminines dont le mémoire portait sur la circulaire Compréhension des derviches hétérodoxes de l'islam.

En 1998, elle obtient pour son premier roman, "Pinhan", le Prix Mevlana récompensant les œuvres littéraires mystiques en Turquie.
Son second roman, "Şehrin Aynaları", entremêle les mysticismes du Judaïsme et de l'Islam dans une Méditerranée historique du xviie siècle. Mahrem confirme par la suite le succès de Şafak, lui valant
ainsi le Prix des écrivains turcs en 2000.
"The Saint Of Incipient Insanities" (2004) est le premier roman que Şafak écrit en anglais. Elle y raconte les vies d'immigrants musulmans à Boston et visite le sentiment d'exclusion que ceux-ci peuvent ressentir aux États-Unis. Lorsqu'elle y met la touche finale en 2002, Şafak est chargée de cours au Mount Holyoke College (dans le Massachusetts) auprès de la chaire de Women's Studies.Elle enseigne ensuite à l'université du Michigan dans la discipline “Gender and Women's Studies”. L'année suivante, elle devient professeur à temps plein au département des Études du Proche-Orient à l'université d'Arizona.
Elif Şafak écrit aussi des articles pour des journaux et magazines en Europe et aux États-Unis, des scripts pour séries télévisées et des paroles de chansons pour des musiciens rock. Mariée à Eyüp Can, journaliste turc, rédacteur en chef du quotidien Referans, et mère de deux enfants, elle vit à Londres. Elle reconnait aussi des relations homosexuelles.

En savoir plus :


En savoir Plus :

Sur le roman


Sur Istanbul :


Sur la condition des femmes en Turqie

Depuis 2021, la politique menée par le président turc Recip Erdogan durcit de plus en plus la conditions des femmes et des personnes LGBT.


Sur le génocide Arménien

Play-list

Johnny Cash qu'Asya écoute en boucle :

Galerie Photo



Tour Galata, le plus haut point d'Istanbul

Sivas en Turquie

Le quartier Sisli - rive asiatique

Le pont Galata à Istanbul

Petite rue typique sur la rive occidentale

Passage des fleurs Istanbul rive Occidentale

Une Konac, maison traditionnelle sambouliote

Le grand Bazar d'Istanbul

Café typique Istanbul rive occidentale

Achure, dessert turc



Femmes arméniennes vivant en turquie

le mémorial arménien de Mount Davidson à Sant Franscico

Le mémorial national arménien à Erevan (Arménie)

Pirkonik, village arménien détruit près de Sivas

lundi 26 décembre 2022

Arturo PEREZ-REVERTE – Le tableau du Maitre Flamand – Livre de poche - 1994

 

La partie d'échecs - tableau de Pieter Van Rhuys ( 1471


L'histoire

Julia est restauratrice d’œuvres d'art à Madrid. Quand elle doit restaurer et documenter un tableau du peintre flamand Pieter Van Huys peint en 1471 et qui représente une partie d'échecs, elle découvre une inscription masquée par le peintre lui-même « Qui a tué le cavalier ? ». En relation avec la partie d'échecs, c'est une énigme que doit décoder Julia, aidée par son ami de toujours César et un joueur d'échecs Munoz Mais la partie ne fait que commencer quand l'assassinat d'un ami de Julia fait voler en éclat les certitudes.


Mon avis

Dans le genre polar historique, pour ce 3ème roman, l'écrivain espagnol a fait très fort. Une double enquête qui mêle l'histoire d'un assassinat commis en 1469, deux ans avant que le tableau ne lui soit commandé et un jeu d'échecs.

Inutile d'être un joueur d'échecs pour comprendre le roman, des schémas explicatifs vous permettent de suivre la partie. Car une fois identifé l'assassin du Chevalier, la partie continue mais sur un autre terrain, 5 siècles plus tard et qui menace Julia, identifiée comme la Reine Blanche.

L'aide de ses amis César, un antiquaire homosexuel cultivé et qui joue le rôle de père et de mentor pou Julia et Munoz, un brillant joueur d'échecs recruté pour l’occasion un homme sans relief taciturne mais génie mathématiques.

Toute une galerie de personnages entourent les héros. De la galeriste volage mais largement intéressée par l'argent que peut lui rapporter ce tableau, au vendeur, un charmant monsieur érudit et grand amateur d'échec à des personnages plus louches, Perez-Reverte, sous l'apparence fausse des clichés, donne de l'épaisseur à tous ces personnages qu'il entraîne avec nous, dans une intrigue folle et bien pensée.

Au passage, nous en apprenons un peu plus sur le monde de l'art où l'argent est le but principal et sur la restauration de tableaux, la minutie exigée et la communion antre l'artiste et son restaurateur. Mais aussi entre l'artiste et son spectateur, nous, qui faisons aussi partie de l'enquête dont la fin brillante et le dernier chapitre poétique nous renvoie à la nostalgie du cercle de la vie, de la mort, du pardon ou de l'oubli.

J'ai maintes fois offert ce polar (qui a reçu un grand prix littéraire) notamment à des gens qui n'aiment pas trop lire. L'érudition dont fait preuve ici Perez-Reverte peut ouvrir des portes sur d'autres sujets d'intérêt : la peinture flamande du Quattrocento la musique de Bach, et une partie de l'histoire de France.Passionnant, ludique c'est devenu depuis un incontournable de la littérature policière. Avec les mots justes, en 346 pages (un petit roman), vous serez séduit.

Je vous conseille d’avoir la reproduction du tableau avec vous. Je vous la joins.


Extraits :

  • Il entend le claquement sourd de l'arbalète et se dit, en un éclair, qu'il doit s'écarter de la trajectoire du trait ; mais il sait qu'un carreau court plus vite qu'un homme. Et il sent que son âme laisse couler lentement une plainte amère tandis qu'il cherche dans sa mémoire un Dieu à qui confier son repentir. Et il découvre avec surprise qu'il ne se repent de rien, même si à dire vrai il n'est plus très clair qu'il y ait, en ce moment où la nuit tombe, un Dieu pour l'écouter. Alors il sent le coup. Il y en a eu d'autres auparavant, comme en témoignent ses cicatrices ; mais il sait que celui-ci n'en laissera pas. Il ne fait pas mal non plus ; à peine si l'âme semble s'échapper par la bouche. Alors tombe soudain la nuit irrémédiable et, avant de s'enfoncer en elle, il comprend que cette fois elle sera éternelle. Quand Roger d'Arras lance son cri, il n'est déjà plus capable d'entendre sa propre voix.

  • Plus encore que vous ne croyez, Bach, comme beaucoup d'artistes, aimait jouer de tours. Il recourait constamment à des stratagèmes pour tromper son auditoire : espiègleries avec des notes et des lettres, variations ingénieuses, fugues insolites et, par-dessus tout, un grand sens de l'humour... Par exemple, dans une de ses compositions à six voix, il introduit en catimini son propre nom, réparti entre deux des voix supérieures. Mais ces choses n'existaient pas seulement en musique : Lewis Caroll, qui était mathématicien et écrivain en plus d'être un grand amateur d'échecs, affectionnait les acrostiches... Il existe des manières fort habiles de cacher des choses dans une pièce de musique, dans un poème ou dans un tableau.

  • A le regarder marcher les mains dans les poches, à voir sa chemise élimée, ses grandes oreilles qui dépassaient au-dessus du col de sa vieille gabardine, il donnait l'impression d'être exactement ce qu'il était : un obscur employé de bureau qui ne fuyait la médiocrité qu'en se plongeant dans le monde des combinaisons, des problèmes et des solutions que les échecs pouvaient lui offrir. Le plus étrange en lui était ce regard qui s'éteignait lorsqu'il ne fixait plus l'échiquier ; cette manière de pencher la tête comme si quelque chose pesait trop lourd sur les vertèbres de son cou ; comme s'il voulait ainsi que le monde extérieur glisse de côté sans le frôler plus qu'il n'était nécessaire.

  • La vie est une aventure incertaine dans un paysage diffus aux limites en perpétuel mouvement, où les frontières sont toutes artificielles ; où tout peut s'achever et recommencer à chaque instant, ou prendre fin subitement, comme par un coup de hache, inattendu à tout jamais. Où la seule réalité absolue, compacte, indiscutable et définitive est la mort.

  • Dieu déplace le joueur, et celui-ci la pièce. Quel Dieu derrière Dieu commence donc la trame ?

  • Parce que le jeu d'échecs est en effet un succédané de la guerre ; mais aussi quelque chose de plus... Je veux parler du parricide - il leur jeta un regard gêné, comme s'il les suppliait de ne pas prendre au sérieux ce qu'il allait dire. Il s'agit de mettre en échec le roi, vous comprenez ?... De tuer le père. Je dirais que les échecs sont encore plus proches de l'art de l'assassinat que de l'art de la guerre.

  • A partir d'un certain âge, certaines saisons finissent par ressembler horriblement à une parodie de vous-même.

  • L’impression de réalisme était si intense qu’elle réussissait pleinement à produire l’effet recherché par les vieux maîtres flamands : intégrer le spectateur dans le complexe pictural, le persuader que l’espace d’où il contemple la peinture est le même que celui qu’elle renferme ; comme si le tableau était un fragment de la réalité, ou la réalité un fragment du tableau.

  • Dans cette relation spirituelle délicate et souvent malaisée qui s'établit entre tout restaurateur et son œuvre, dans l'âpre combat que se livrent conservation et rénovation, la jeune femme avait la qualité de ne jamais perdre de vue un principe fondamental : une œuvre d'art n'est jamais remise sans graves dommages en son état originel. Julia était d'avis que le vieillissement, la patine, et même certaines altérations des couleurs et vernis, certaines imperfections, retouches, reprises se transforment avec le passage du temps en un élément aussi important de l’œuvre d'art que l’œuvre proprement dite.

  • Nous avons l'impertinence de chercher la clé de secrets qui au fond ne sont pas autre chose que les énigmes de nos propres vies.

  • La Partie d'échecs dépassait de loi la commande du seigneur duc. Car tout était là : la vie, la beauté, l'amour, la mort, la trahison.

  • L'homme n'est pas né pour résoudre le problème du monde, mais pour découvrir la nature du problème.

  • devant la dame absorbée par sa lecture près de la fenêtre, les deux joueurs poursuivaient une partie d’échecs qui durait depuis cinq siècles, représentée par Pieter Van Huys avec tant de rigueur et de maîtrise que les pièces paraissaient sortir du panneau, prendre un relief propre, comme les autres objets du tableau.

  • Dans le noir - c'était une autre de ses leçons - les choses sont pareilles qu'en plein jour; la seule différence, c'est qu'on ne peut les voir.


Bibliographie

Né en 1951, Arturo Pérez-Reverte est un écrivain, scénariste espagnol et ancien correspondant de guerre.
Diplômé en sciences politiques et en journalisme, il est grand reporter et correspondant de guerre durant une vingtaine d'années (1973-1994), pour la presse, la radio et la télévision. Il a notamment couvert la guerre de Chypre, diverses phases de la guerre du Liban, la guerre d'Érythrée (pendant laquelle il disparaît pendant plusieurs mois et survit grâce à ses amis guerrilleros), la campagne de 1975 dans le Sahara, la guerre des Malouines, la guerre du Salvador, la guerre du Nicaragua, celle du Tchad, la crise de Libye, les guérillas au Soudan, la guerre du Mozambique, celle d'Angola, le coup d'État de Tunis. Parmi les derniers conflits qu'il a couverts, on compte la révolution roumaine (1989-1990), la crise et la première Guerre du Golfe (1990-1991), la guerre de Croatie (1991), et la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1994).

Il a commencé sa carrière de romancier en 1986 (Le Hussard"). Ses romans, "Le Maître d'escrime" (1988), "Le Tableau du maître flamand" (1990, Grand Prix de Littérature policière 1993), "La Peau du tambour" (1995, prix Jean Monnet 1997, récompensant le meilleur roman européen), les sept tomes des "Aventures du capitaine Alatriste" (1996-2011) ou encore "Le Cimetière des bateaux sans nom" (2000, Prix Méditerranée étranger 2001) sont tous des succès mondiaux traduits en 25 langues.
Depuis 1991, il tient une page d'opinion, dans le magazine "XLSemanal", devenue une des plus lues de la presse espagnole avec près de 4 millions et demi de lecteurs. Il est membre de l'Académie royale espagnole depuis le 12 juin 2003.
Il a aussi collaboré en tant que scénariste aux films "Territoire comanche" (1997) et "Gitano" (2000).

En savoir plus :

En savoir Plus :

Sur le roman

Sur la peinture flamande du Quattrocentro


Sur Van Eyck


Sur Geronimus Bosh


Sur Peter Brueghel l'ancien


Les autres peintres


Sur le coté historique


Play-list


Musiques du Quattrocento :

La musique du Quattrocento est essentiellement religieuse ou sous forme de motets (musique profane), ainsi que le luth

Enfin si vous avez lu cet article jusqu'au bout, cliquez sur quelques liens, vous aurez des questions à me poser. Et là vous verrez que Perez-REVERTE a fait encore plus fort que vous ne le pensiez. Alors vous avez trouvé ? Laissez moi un commentaire sur Facebook.  





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samedi 24 décembre 2022

LEE SEUNG-U – La vie rêvée des plantes – Zulma 2022 -

 


L'histoire

Kihyon, est de retour chez lui à Séoul (Corée du Sud) où il retrouve sa famille. Son frère aîné promis à un très brillant avenir est hélas devenu handicapé. Son père est mutique et vit dans son jardin. La femme dont il était amoureux est devenue bibliothécaire, plus ou moins en ménage. Un mystérieux client de sa petite agence de détective le charge de surveiller sa propre mère, une femme qui ne semble pas lui avoir témoigné beaucoup d'affection. Quels secrets va-t-il découvrir ?


Mon avis

Malgré le résumé, il ne s'agit pas du tout d'un polar mais d'un roman sur la rédemption.

Dans cette famille silencieuse où chacun semble vivre sa vie de son coté, il y a le cadet, Kihyon qui s'est enfuit de chez lui à 16 ans, a bourlingué puis est rentré 7 ans plus tard. Il a appris que son frère aîné Uhyon, brillant et promis à un bel avenir (alors que lui était mauvais élève) a été amputé des jambes après un accident lors d'une manœuvre militaire. Ce frère aîné tant jalousé est aussi sujet à de terribles crises que seuls la mère ou le père peuvent gérer.Indirectement le héros de ce petit livre est à l'origine du drame. Il était tombé fou amoureux de la petite amie de son aîné, la belle Summi.

Et puis ce mystérieux client qui lui demande de surveiller sa mère. Une chose qu'il refuse puis accepte par curiosité. Des vieux secrets remontent. Et Kihyon qui peut avoir des réactions violentes, se sent soudain investit de la mission de ressouder sa famille et de redonner à son frère le goût de vivre.

Les éditions Zulma ont demandé une nouvelle traduction de ce livre emblématique de l'écrivain Lee Seung-U, qui colle plus au style. Nous retrouvons ici la délicatesse de l' écriture asiatique, cet amour de la nature et des choses simples dans un drame psychologique où l'auteur s'empare aussi d'un sujet tabou : la sexualité des personnes handicapées. La figure magistrale du frère aîné, plein de rancœurs et la perte de son amour le rendent cruel, tout comme a été cruel le cadet. L'auteur aborde aussi les violences faites aux femmes coréennes,

Et le rôle presque onirique de la nature et des arbres en fait un livre qui paradoxalement à son histoire rude nous apaise. Un livre intense qui nous rappelle que la littérature asiatique (coréenne et japonaise) ont en commun la délicatesse, la poésie de la nature et l'errance des sentiments humains.


Extraits :

  • Le taxi s'est arrêté sur une hauteur d'où l'on avait une vue plongeante sur la mer. Une mer écailleuse, qui étincelait, métallique, mue d'une impulsion perpétuelle. Je croyais buter sur une montagne, mais c'est la mer que je trouvais. Je ne m'y attendais aucunement et j'ai poussé un cri lorsqu'elle s'est offerte. On eût dit une forêt sauvage écartant soudain les pans de son manteau pour laisser paraître l'immense étendue d'eau. Qu'une forêt sauvage enveloppe la mer dans les pans de son manteau est une image qui ne peut qu'appartenir à un mythe ou à un conte. Toute forêt n'est-elle pas sacrée ? Elle enserre en elle-même la genèse première. Elle est le temple premier des dieux et, dans ce temple, certains arbres sont devenus objets de culte car ils sont habités par les divinités.

  • Lui, il était supérieur, à moi, aux autres, de tous les points de vue. Dès son enfance, il avait fait la joie et la fierté de ma mère. Qu'un fils pareil fût réduit à cela devait être une souffrance intolérable pour elle. Les autres ne le voyaient peut-être pas, mais moi je m'en rendais parfaitement compte. Fallait-il pour autant qu'elle le porte sur son dos pour l'emmener voir les putes ? Son affection devait-elle aller jusqu'à s'occuper de ce genre de choses ? Était-ce sa façon de lui montrer qu'elle l'aimait sans limites ? Dans ce cas précis, pouvait-on parler encore de l'amour d'une mère pour son fils ? Là, j'avais du mal à comprendre.

  • Sous cet arbre qui plongeait et qui lançait ses palmes dans le ciel, elle s’était déshabillée sans aucune honte, telle Ève au jardin d’Éden, et elle s’était étendue sur le corps de l’homme. Nulle impudeur dans leur nudité. Par l’union de deux corps incomplets, ils avaient crée un seul corps. Cette scène curieuse avait tout d’un rituel. Oui, c’est bien la notion de rite qui rendait le mieux compte de cette scène, davantage en tout cas que les mots « hallucination », « mirage » ou « rêve ». Mais de quel rite s’agissait-il donc ?

  • Un arbre effectivement voluptueux, svelte et souple comme un corps de femme. Il enlaçait le pin dans une tendre étreinte. J'imagine que, sous terre, leurs racines s'entremêlaient dans une intimité encore plus scandaleuse.

  • la vie, ce n'était pas une chose si solennelle ni toujours bien composée, que c'était comme le temps, il fait beau, puis gris, il pleut, et puis, avec le retour du soleil, le beau temps revient.

  • Au fait, en regardant tes photos, je me disais qu'il y manquait quelque chose. Je ne savais pas quoi au juste, mais maintenant je sais. Il manquait les fleurs, les arbres, les nuages, la mer. J'aurais préféré que tes photos ne soient pas seulement des documents, qu'elles captent aussi la beauté. J'étais d'accord avec toi en général, mais j'aurais bien aimé que tu te places du point de vue des sens et de l'imagination, et pas seulement du point de vue de l'éthique. Je souhaitais, il me semble, que la vérité, tu ne la recherches pas uniquement dans l'histoire et la société, mais aussi dans la nature et les individus.

  • Dans la mythologie antique, les arbres sont des nymphes métamorphosées. Pour échapper au désir des dieux, les nymphes se transforment en arbres. C'est pourquoi en tout arbre se dissimule une histoire d'amour brisé.


Bibliographie

Né en 1959, Yi Seung-u est un écrivain sud-coréen.
Lee Seung-U passe son adolescence à Séoul. Tenté par la religion, il poursuit des études supérieures au Collège de théologie Yonsei de Séoul.
Il commence comme journaliste pour une revue protestante avant de devenir écrivain à plein temps. Depuis 2001, il enseigne la littérature coréenne et l'art d'écrire à l'Université de Chosun en Corée du Sud.

Il a publié sa première nouvelle, "Portrait d'Erysichton", inspirée de la tentative d'assassinat du pape Jean-Paul II, en 1981. Il reçut pour cet ouvrage le prix du Nouvel écrivain, décerné par la revue mensuelle Littérature coréenne.
Ses livres suivants se verront à leur tour récompensés par divers prix, comme le prix littéraire Daesan en 1993 pour son roman "L'envers de la vie" et le Prix littéraire Dong-in pour "Le Chant de la terre".

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Sur le roman

mercredi 21 décembre 2022

ELLEN G. SIMENSEN – La vérité du mensonge – Gallmeister 2021

 

L'histoire

Lars, policier à Honfoss (Norvège) doit enquêter sur l'assassinat d'un ami d'enfance puis sur celui présumé d'une petite fille Sofie qui est dans la même classe que sa fille Annie. Au même moment arrive une nouvelle institutrice Johanna, femme mystérieuse, craintive et dont le passé troublé va interférer avec l'enquête.



Mon avis

 Entre roman nostalgique et angoissant et polar, voici une expérience de lecture pas inintéressante.

Le livre s'ouvre sur une femme qui se suicide, on ne sait ni où ni quand. Et puis on entre dans le vif du sujet.Lars, policier se voit confier la responsabilité de commissaire, son supérieur voulant rester auprès de sa femme très malade. Ce qui lui vaut l’inimitié d'un collègue plus ancien ; De plus les relations avec son ex-femme sont difficiles et il ne voit pas souvent sa petite fille adorée Annie. Un meurtre est commis dans cette bourgade dans un hiver qui se prolonge, un univers blanc et gelé.

Et peu de temps après c'est une petite fille, dont les parents, tous deux enseignants vivent des moments difficiles. Sofie, 8 ans, se prend pour la reine de la classe et persécute Annie, la fille de Lars qui n'en sait rien. Quand Sofie est retrouvée morte dans un coin de forêt au bord d'un lac gelé, les questions se posent et l'enquète piétine.

Johanna arrive avec peu de bagages et son chien, pour un remplacement. Femme silencieuse et fragile, elle remarque le comportement de Sofie et se prend d'affection pour Annie qu'elle tente de protéger. Lars est sous le charme de cette femme, au comportement étrange. Par ailleurs un homme identifié comme « le conteur », attire des enfants pour leur raconter des histoires mortifères.

Deux enquêtes qui se rejoignent sur fond d'enfances brisées. La noyade en 1995 d'une autre petite fille (classée comme accidentelle mais l'es-t-elle vraiment), des figures surgies d'un passé dans un fjord près de Bergen, village d »éleveurs, des taiseux, de gens très pauvres qui ne se soucient pas plus que cela de leurs enfants et essayent de vivre avec le peu qu'ils on., le modèle norvégien éducatif a aussi ses failles.

Mais l'écriture particulière, qui nous rappelle sans cesse le froid glacial, l'isolement aussi bien physique que mentale nous plonge dans un univers étrange, assez inédit. Le rebondissement final nous donne un nouvel éclairage et nous permet de résoudre nous aussi cette enquête qui semble interminable et qui ne laisse que peu d'espoir pour les principaux protagonistes.Roman et polar d'atmosphère, qui cite ouvertement les contes d'Andersen, qui prend son temps de nous décrire une Norvège loin des idées que l'on peut s'en faire.



Extraits :

  • Ensemble nous nous allongeons et contemplons le ciel infini où passent des nuages cotonneux.
    — Tu vois l’éléphant ? dis-je.
    — Non, mais je vois un rhinocéros, répond-elle en pointant un doigt en l’air.
    — Maintenant, c’est un lapin, dis-je tout excitée.
    Il y a un véritable monde là-haut. Nous restons allongées en silence et observons les boules de coton qui changent de forme, passent de vaches à trolls, avant de devenir des palais magnifiques peuplés de princes et de princesses. Johanna rit aux éclats de toutes les créatures que j’invente.

  • J’ai juré de me taire, tu comprends ? C’est lui qui l’a exigé jusqu’à ce que je cède. Mais les promesses se trahissent, même si c’était une question de vie ou de mort. De toutes façons, il s’agit ici d’autre chose. Il y a plus qu’une promesse en jeu si tu apprends la vérité. L’un de nous doit gagner, ça ne peut pas se terminer en match nul.

  • chaque enfant devrait vivre avec quelqu’un qui prend soin de lui, même si ce quelqu’un n’est pas son « vrai » parent.


Bibliographie

Née en 1975, Ellen G. Simensen vit à Ringerike, près d’Olso. Elle est professeur et conseillère d’orientation professionnelle. Elle a intégré l’école d’écriture de fiction policière de Cappelen Damm et anime le podcast sur la criminalité Helt Kriminelt. Elle organise également des cours d’écriture créative pour les jeunes. La vertu du mensonge est son premier roman.


En savoir Plus :

Sur le roman

Sur la Norvège


Sur Andersen (Danois mais connuu dans tout le monde nordique)


Sur les contes populaires norvégiens


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Honefoss 

 
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Statue du roi Olav V controversée