L'histoire
Kihyon, est de retour chez lui à Séoul (Corée du Sud) où il retrouve sa famille. Son frère aîné promis à un très brillant avenir est hélas devenu handicapé. Son père est mutique et vit dans son jardin. La femme dont il était amoureux est devenue bibliothécaire, plus ou moins en ménage. Un mystérieux client de sa petite agence de détective le charge de surveiller sa propre mère, une femme qui ne semble pas lui avoir témoigné beaucoup d'affection. Quels secrets va-t-il découvrir ?
Mon avis
Malgré le résumé, il ne s'agit pas du tout d'un polar mais d'un roman sur la rédemption.
Dans cette famille silencieuse où chacun semble vivre sa vie de son coté, il y a le cadet, Kihyon qui s'est enfuit de chez lui à 16 ans, a bourlingué puis est rentré 7 ans plus tard. Il a appris que son frère aîné Uhyon, brillant et promis à un bel avenir (alors que lui était mauvais élève) a été amputé des jambes après un accident lors d'une manœuvre militaire. Ce frère aîné tant jalousé est aussi sujet à de terribles crises que seuls la mère ou le père peuvent gérer.Indirectement le héros de ce petit livre est à l'origine du drame. Il était tombé fou amoureux de la petite amie de son aîné, la belle Summi.
Et puis ce mystérieux client qui lui demande de surveiller sa mère. Une chose qu'il refuse puis accepte par curiosité. Des vieux secrets remontent. Et Kihyon qui peut avoir des réactions violentes, se sent soudain investit de la mission de ressouder sa famille et de redonner à son frère le goût de vivre.
Les éditions Zulma ont demandé une nouvelle traduction de ce livre emblématique de l'écrivain Lee Seung-U, qui colle plus au style. Nous retrouvons ici la délicatesse de l' écriture asiatique, cet amour de la nature et des choses simples dans un drame psychologique où l'auteur s'empare aussi d'un sujet tabou : la sexualité des personnes handicapées. La figure magistrale du frère aîné, plein de rancœurs et la perte de son amour le rendent cruel, tout comme a été cruel le cadet. L'auteur aborde aussi les violences faites aux femmes coréennes,
Et le rôle presque onirique de la nature et des arbres en fait un livre qui paradoxalement à son histoire rude nous apaise. Un livre intense qui nous rappelle que la littérature asiatique (coréenne et japonaise) ont en commun la délicatesse, la poésie de la nature et l'errance des sentiments humains.
Extraits :
Le taxi s'est arrêté sur une hauteur d'où l'on avait une vue plongeante sur la mer. Une mer écailleuse, qui étincelait, métallique, mue d'une impulsion perpétuelle. Je croyais buter sur une montagne, mais c'est la mer que je trouvais. Je ne m'y attendais aucunement et j'ai poussé un cri lorsqu'elle s'est offerte. On eût dit une forêt sauvage écartant soudain les pans de son manteau pour laisser paraître l'immense étendue d'eau. Qu'une forêt sauvage enveloppe la mer dans les pans de son manteau est une image qui ne peut qu'appartenir à un mythe ou à un conte. Toute forêt n'est-elle pas sacrée ? Elle enserre en elle-même la genèse première. Elle est le temple premier des dieux et, dans ce temple, certains arbres sont devenus objets de culte car ils sont habités par les divinités.
Lui, il était supérieur, à moi, aux autres, de tous les points de vue. Dès son enfance, il avait fait la joie et la fierté de ma mère. Qu'un fils pareil fût réduit à cela devait être une souffrance intolérable pour elle. Les autres ne le voyaient peut-être pas, mais moi je m'en rendais parfaitement compte. Fallait-il pour autant qu'elle le porte sur son dos pour l'emmener voir les putes ? Son affection devait-elle aller jusqu'à s'occuper de ce genre de choses ? Était-ce sa façon de lui montrer qu'elle l'aimait sans limites ? Dans ce cas précis, pouvait-on parler encore de l'amour d'une mère pour son fils ? Là, j'avais du mal à comprendre.
Sous cet arbre qui plongeait et qui lançait ses palmes dans le ciel, elle s’était déshabillée sans aucune honte, telle Ève au jardin d’Éden, et elle s’était étendue sur le corps de l’homme. Nulle impudeur dans leur nudité. Par l’union de deux corps incomplets, ils avaient crée un seul corps. Cette scène curieuse avait tout d’un rituel. Oui, c’est bien la notion de rite qui rendait le mieux compte de cette scène, davantage en tout cas que les mots « hallucination », « mirage » ou « rêve ». Mais de quel rite s’agissait-il donc ?
Un arbre effectivement voluptueux, svelte et souple comme un corps de femme. Il enlaçait le pin dans une tendre étreinte. J'imagine que, sous terre, leurs racines s'entremêlaient dans une intimité encore plus scandaleuse.
la vie, ce n'était pas une chose si solennelle ni toujours bien composée, que c'était comme le temps, il fait beau, puis gris, il pleut, et puis, avec le retour du soleil, le beau temps revient.
Au fait, en regardant tes photos, je me disais qu'il y manquait quelque chose. Je ne savais pas quoi au juste, mais maintenant je sais. Il manquait les fleurs, les arbres, les nuages, la mer. J'aurais préféré que tes photos ne soient pas seulement des documents, qu'elles captent aussi la beauté. J'étais d'accord avec toi en général, mais j'aurais bien aimé que tu te places du point de vue des sens et de l'imagination, et pas seulement du point de vue de l'éthique. Je souhaitais, il me semble, que la vérité, tu ne la recherches pas uniquement dans l'histoire et la société, mais aussi dans la nature et les individus.
Dans la mythologie antique, les arbres sont des nymphes métamorphosées. Pour échapper au désir des dieux, les nymphes se transforment en arbres. C'est pourquoi en tout arbre se dissimule une histoire d'amour brisé.
Bibliographie
Né
en 1959, Yi Seung-u est un écrivain
sud-coréen.
Lee Seung-U passe son adolescence
à Séoul. Tenté par la religion, il poursuit des études
supérieures au Collège de théologie Yonsei de Séoul.
Il
commence comme journaliste pour une revue protestante avant de
devenir écrivain à plein temps. Depuis 2001, il enseigne la
littérature coréenne et l'art d'écrire à l'Université de Chosun
en Corée du Sud.
Il a publié sa première nouvelle,
"Portrait d'Erysichton", inspirée de la tentative
d'assassinat du pape Jean-Paul II, en 1981. Il reçut pour cet
ouvrage le prix du Nouvel écrivain, décerné par la revue mensuelle
Littérature coréenne.
Ses livres suivants se verront à leur
tour récompensés par divers prix, comme le prix littéraire Daesan
en 1993 pour son roman "L'envers de la vie" et le Prix
littéraire Dong-in pour "Le Chant de la terre".
En savoir plus :
En savoir Plus :
Sur le roman
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.