samedi 17 décembre 2022

MATEO ASKARIPOUR – Buck et moi – Editions Buchet Chastel – 2022

 

L'histoire

Darren, 22 ans vit dans le ghetto noir de Brooklyn et est barista dans un Starbucks de Manhattan. Il se fait remarquer et embaucher dans une start-up prometteuse, qui vend du bien-être par web interposé à ces clients. Après une formation expresse et difficile, Darren renommé Buck par l'entreprise devient un vendeur d'excellence, gravit l'échelle sociale mais en oublie ses valeurs, sa mère qu'il ne voit pas mourir, ses potes et sa petite amie. Mais le succès est parfois éphémère et le monde merveilleux des affaires n'est pas celui que l'on croit.



Mon avis

Élu meilleur roman de l'année par le New-York Times, et best-seller aux USA, le phénomène Mateo Askaripour arrive tout juste en France.

Avec une forme originale et amusante. Déjà l'auteur nous « admet » dans son monde et nous donne des conseils (écrits en gras) parmi les chapitres, nous prenant pour son ami, son client, son fidèle. L'humour est aussi présent que la violence qui habite Darren.

Ce jeune homme, intelligent et sorti major de sa promotion se la coulait douce, entre son travail certes peu rémunérateur mais à l'ambiance sympathique, ses potes et sa petite amie de son quartier « Bed Stuy » à Brooklyn, quartier réputé pauvre mais où tout le monde se connaît, s'entraide et vit dans cette communauté noire et arabe. Mais tout bascule quand Darren est repéré par un manager d'une start-up en vogue et se fait embaucher pour un salaire de rêve. La formation est difficile, il est le seul noir (métis en fait et très bel homme) dans cet univers. Malgré la difficulté du métier de vendeur d'un produit qui promet aux salariés des grandes entreprises d'avoir un coatch personnel joignable par internet à tout moment, Warren se fait sa place et devient même un excellent vendeur. Sumwun devient sa raison de vivre. Il croit que le boss fondateur est son ami, et il se voit vivre une vie de rêve : beaux costumes, appartement de luxe donnant sur l'Hudson, alcool (alors qu'il ne buvait jamais). Le voilà qui se met à mépriser son quartier. Il ne se rend pas compte que sa mère qu'il adore pourtant est malade (et hélas va mourir), il se fâche avec le père de sa fiancée, et même avec celle-ci, se bat avec son meilleur ami et vire l'homme qui cohabitait dans le petit immeuble qui appartenait à sa mère.

Bref il se met son quartier à dos. Lui qui avait été élevé dans le culte des Marthin Luther King, dans une certaine défiance des blancs ne se rend même pas compte qu'il est le « black » de service, que ses nouveaux amis de Manhattan n'en sont pas vraiment. Il perd ses valeurs, son âme même tant il se croit devenu quelqu'un de bien. Et Darren est violent. Il se retient en permanence de casser la tronche tout d'abord au manager débile qui lui inculque les règles de base d'un bon vendeur, puis envoie à l'hôpital son ami d'enfance, qui n'a pas réussi, vivant de petits deals, sans chercher à le comprendre. Bref il se conduit comme le parfait petit arriviste.

Mais à trop vouloir le succès et l'argent on finit par se brûler les ailes et oublier ce que l'on est vraiment.

Satire implacable des entreprises actuelles, dépendantes des actionnaires, où le mot travail est un mode de vie, avec pour compenser les soirées trop arrosées, la coke pour tenir, ce roman de 407 pages est vif, bourré d'humour mais aussi de violence. Celle du héros qui finit par ne supporter aucune critique de la part de ses amis, de sa mère. Le gentil mec cool de Starbucks qui vivait tranquille, sans grandes ambitions mais heureux se transforme sous nos yeux en monstre d'égoïsme, de monsieur-je-sais-tout. Jusqu'à la faille.

Et puis il y a aussi en très sous-jacent, la place des gens de couleurs dans les grandes entreprises américaines. Même en 2022, accéder à un haut poste est difficile pour les minorités américaines (où d'ailleurs). Il y a aussi cette méfiance chevillée au corps dans le quartier dont vient Darren envers les blancs. Triste constat après les mouvements Black Lives Matter. Mais au final, peu importe la couleur de peau, les amis, les vrais le resteront toujours. Et parfois se contenter de ce que l'on a est bien suffisant.



Extraits :

  • Alors soyons clairs sur ce que nous ne ferons pas. Nous ne vendrons pas des plaques en carton de merde comme si c’était du mobilier. On n’est pas chez IKEA, ici ! On ne vendra pas de la merde en bâton, pleine de graisse et mauvaise pour le cœur qui tue des milliards de personnes chaque jour. On n’est pas chez McDonald’s, ici ! Et on vendra encore moins dix fois son prix de la toile de jute de mauvaise qualité, assemblée en sacs dans des ateliers de misère à l’autre bout de la planète. On n’est pas chez American Eagle, Hollister, Aéropostale ou une de ces putains de marques à la con qui font du monde un endroit horrible.
    On est chez Sumwun, ici. Et ce que fait Sumwun, c’est contribuer à une vie meilleure pour chacun d’entre nous.

  • De mon temps, quand un Blanc vous donnait une chance, il y avait un prix à payer. On pouvait devenir son chauffeur, mais il fallait être tout le temps disponible, qu’on ait prévu d’aller quelque part avec sa famille ou pas. On avait le droit de vote, mais on nous cassait les jambes si on ne votait pas pour un certain candidat. En tout cas, une chance restait une chance et si on la saisissait et qu’on jouait le jeu, on pouvait réussir. 

  • Pas étonnant qu’elle ne se soit pas fait étriller pendant le jeu de rôle. Elle avait des relations. Les relations, comme les bons du Trésor, sont attribuées à tout riche blanc dès qu’il sort du ventre de sa mère. Chaque fois que l’un d’entre eux est défoncé et fracasse la bagnole de papa maman, chaque fois qu’il se fait pincer en train d’acheter de la coke par un flic sous couverture, chaque fois qu’il fricote avec de mauvaises fréquentations en vacances, il passe un coup de fil, envoie un texto, ou sort son AMEX.

  • Et c’est là, en sortant de son bureau sous le regard de centaines de vendeurs riant de la déchéance de leur courageux chef, que j’ai compris que c’était la liberté qui m’avait motivé depuis le tout début. Pas l’argent, pas le pouvoir, pas le besoin de me prouver des choses, ni même de rendre Maman fière de moi, mais la liberté de respirer où je veux, quand je veux, comme je veux, et avec qui je veux dans ma belle peau noire.

  • L’avantage d’être avec quelqu’un depuis plus de la moitié de sa vie, c’est qu‘elle nous connaît mieux qu’on ne se connaît soi-même. L’inconvénient, c’est qu’elle nous connaît mieux qu’on ne se connaît soi-même.

  • C’est marrant à quel point les riches finissent toujours par devenir encore plus riches.

  • Croire que l’on peut s’empêcher de changer est la plus sûre façon d’échouer. Dans la vie comme dans les affaire, rien ne reste jamais pareil.

  • Les pauvres et Dieu vont en général main dans la main parce qu’il est plus facile d’expliquer pourquoi certains ont tant et d’autres si peu quand il y a un grand dessein.

  • Uber est une société prédatrice qui profite des immigrés, néglige les règles de sécurité pour ses clients, surtout les femmes, et incarne tout ce qui ne tourne pas rond dans un monde dirigé par des hommes blancs étroits d’esprit et guidés par la seule recherche du profit.

  • u viens de Greenwich, une des villes les plus riches d’Amérique. J’ai grandi à Bed-Stuy, frérot, où la plupart des gens se battent, luttent et s’arrachent pour payer leur loyer en hausse parce que des morveux dans ton genre qui bossent pour des fonds d’investissement veulent se payer des appartements plus grands à moitié prix. Alors ne viens pas me dire que tu me connais, parce que c’est pas vrai.

  • Lecteur : Contrairement à la croyance populaire, la "justice" n'a pas sa place dans la vente. Ce n'est pas une méritocratie. Chaque vendeur participe au jeu avec des qualités et des défauts, et c'est en apprenant à optimiser ce qui nous rend unique qu'on réussit.

  • Il est du devoir de chaque homme et femme qui a réussi dans la vie de transmettre sa réussite, parce que, après notre mort, ce qui compte le plus n'est pas ce que l'on a accompli, mais ceux que nous avons aidés.

  • Lecteur : On trouve souvent deux catégories de vendeurs : ceux qui adorent gagner et ceux qui détestent perdre. Avant de rejoindre Sumwun, je faisais partie de ces derniers. Une fois qu'on connaît. Le goût de la victoire, qu'on gagne vraiment quelque chose d'important. - comme sa place au sein d'une équipe de rêve - , on fait tout pour la préserver. Prenez garde à la victoire, c'est une des choses les plus dangereuses qui puissent vous arriver.


Bibliographie

Mateo Askaripour est né aux Etats-Unis, d'un père jamaicain et d'une mère iranniene. Après avoir été directeur d'une start-up à l'âge de 24 ans, il s'est tourné vers l'écriture et œuvre aujourd'hui à l'intégration des minorités dans le monde de l'entreprise. Son premier roman, "Buck & moi" a reçu les éloges de la critique, entrant dés sa sortie sur la liste des best-sellers du New York Times. 

En savoir plus


En savoir Plus :

Sur le roman

Sur l'intégration des minorités à des postes de responsabilité aux USA


Sur New- York


Play-list  (suggérée par l'auteur)

Nota : ceux qui détestent le rap, le hip-hop et le r'&b peuvent toujours écouter la musique de leur choix ou le silence qui est toujours la plus belle des musiques.

 

Galerie photo New-York

Park avenue où est le siège de Sumwun


Park Avenue

 
West village, quartier paisible chic Manhattan

West Village

Brooklyn Quartier BED STUY  où vit Warren

Station du métro de Bed Stuy

Vue sur l'Hudson quartier chic de Manhattan

Quartier Bed Stuy

Quartier Bed Stuy

Quartier Bed Stuy     

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