samedi 15 juillet 2023

CHLOE ESPOSITO – Mad – Fleuve Noir ou Poche Pocket 2017

 

L'Histoire

Alvie Knithly, 26 ans, pourrait être jolie, avoir un bon métier et un chouette compagnon de vie, à 'instar de sa jumelle Beth. Si elles se ressemblent à s'y méprendre, Alvie vient de se faire virer d'un job peu satisfaisant à Londres et par ses colocataires, pourtant pas des vedettes. Mais Alvie n'a aucun sens de la propreté, elle picole sérieux, adore le sexe mais pas forcément vivre en couple, elle chaparde des trucs sans même sans rendre compte et elle est totalement fauchée. Mal fringuée, peu à cheval sur l'hygiène, son seul truc c'est son sens de l'humour totalement foldingue. Aussi accepte-t-elle l'invitation de sa sœur qui vit en Sicile. Beth est aussi distinguée, habillée en vêtements de luxe, que riche grâce à son mari, le très bel Ambrogio, vendeur d'art et elle vit dans une villa de rêve, comme on en voit dans les magasines très chics, des domestiques et une nourrice pour son petit garçon de 18 mois. Pourtant Alvie déteste Beth qui a toujours été la petite chouchoute de la famille.

Éblouie par le charme de la villa, la voiture de luxe, les cadeaux luxueux de sa sœur, les bons vins, elle accepte vu leur ressemblance totale de passer pour elle une demi-journée, Beth refuse de lui en donner la raison. Marché de dupes en fait. Et là tout dérape, rebondissements sur rebondissements et un final explosif.



Mon avis

Voici le 1er tome (sur 3) des aventures de la terrible Alvie Knithly, la fille qui n'a peur de rien et qui commence ici dans son apprentissage du crime.

Inutile de vous raconter l'intrigue sans spoiler, c'est rebondissements sur rebondissements, le tout dans le charme délicat d'une villa de rêve, de robes Dior, Chanel, Prada, de chaussures à talons vertigineux, de cocktails à volonté et de sexe (chastes personnes abstenez-vous même si vous avez sûrement lu bien pire. Alvie possède une collection sympathique de sex-toys, elle a un goût pour les hommes virils qui savent s'y faire comme on le dit.

En plus l'écriture de Chloé Esposito qui est anglaise est un délice : entre burlesque et grotesques, entre rires et frissons, vous avez le parfait manuel pour devenir une parfaite criminelle. Non pas qu'Alvie soit foncièrement mauvaise, mais une fois qu'on a goûté aux petits frissons d'un premier meurtre, en fait un accident, et que pour protéger sa peau, on en commet d'autres, avec les soutiens du moment (le propre mari de Beth dont Alvie a toujours été amoureuse, un amant de passage, un homme de main de la maffia locale), on finit par trouver la vie très amusante, et en plus on devient riche. Pourtant Alvie est aussi la reine de boulettes, mais elle se rattrape toujours. Sa culture se limite aux magasines féminins et à la télé où elle se rêve en mannequin ou en star de cinéma, et où elle fantasme joyeusement sur les beaux mecs, acteurs ou mannequins. Pour le reste, elle ne sait rien faire de ses dix doigts, à part viser et tirer en plein dans le mille, a des tendances pyromanes, adore conduire à 300 à l'heure une lamborghini flambant neuve.

Avec humour mais sans aucune pudeur de la part de l'autrice (et ça finalement on aime bien quand une autrice se lâche), Miss Esposito serait un mélange de Helen Fielding (Bridget Jones, le physique de rêve en prime), de Virginie Despentes et d'Agatha Christie.

Le roman est structuré en 7 chapitres au nom des 7 péchés capitaux, et écrit dans l'ordre chronologique, parfois entrecoupé de flash-back sur l'enfance et l'adolescence d'Alvie, avec une mère odieuse qui ne lui a jamais montré la moindre affection, et sa jumelle sachant tirer partie de la situation. Et non, pour une fois les jumelles monozygotes (celles qui physiquement sont quasi indifférenciables) ne sont pas fusionnelles.

Donc soit on adore et on le lit (l'autrice sait aussi distiller un léger sentiment de malaise) soit ce n'est pas ce qu'on aime.

Cela n'est pas un chef d’œuvre de la littérature bien sur, c'est très amusant, cela se lit tout seul, mais cela ne restera pas dans notre mémoire. Par contre la trilogie est devenue un phénomène en Grande-Bretagne et aux USA. Il a été adapté en série télé.


Extraits :

  • J'ai un gros faible pour les Italiens [...]. C'est surement dû à la langue. Je me sens toute chose quand j'entends ces sonorités. Écoutez : "figlio di puttana", mélodieux, pas vrai ? Ça veut dire : "fils de pute". "L'anima de li mortacci tua", magnifique ! Traduction : "Tu commences vraiment a me gonfler." "Vaffanculo", ce mot sort-il d'un poète de Pétrarque ? Non, c'est : "Va te faire foutre." Une discussion à propos de prostituées et de merde sonnera aux oreilles du profane comme un sonnet sur l'amour courtois. Mieux vaut que vous ne sachiez pas ce que signifie : "Ti prego, scopami in culo"... (J'ai appris plein de grossièretés en regardant du porno italien.)

  • Je m'imaginais plus tard en poète mondialement connue, mariée à un mannequin/acteur beau comme un dieu ( Channing Tatum ? ), ou - mieux encore - à Ambrogio. J'aurai un bébé, une fille, aussi mignonne que sur un cliché d'Anne Geddes, une Range Rover, un teckel et un hôtel particulier à Chelsea.
    A quel moment c'est parti en vrille ?

  • Quel thé tu veux ? Earl Grey, Ceylan, Rooibos, Darjeeling ? J’ai aussi un excellent oolong tibétain en feuilles.— Euh, tu en as du normal ?— Je vais nous faire du oolong.— Super.Beth s’éclipse dans la cuisine, sa brillante crinière blonde flottant derrière elle. Elle ressemble à une poupée Barbie, à Brigitte Bardot. Elle a l’air d’une nouvelle version de moi-même, améliorée : Alvina Knightly 2.0. Ce n’est pas une impression agréable. Je pose les fesses au bord du fauteuil crème en tâchant de ne rien toucher pour ne pas salir, et à bonne distance de la table basse en verre qui me paraît terriblement fragile. J’ai la poitrine comprimée, comme si j’étais ligotée dans du scotch, incapable de gonfler ma cage thoracique. J’enfonce les ongles dans mes paumes moites en guettant le retour de ma sœur. Je me demande ce qu’elle attend de moi… je me demande ce que je fous ici.

  • Je me demande ce qu'elle manigance . Un braquage de banque ? Une fusillade ? Un casse chez Prada ? Non, pas Beth, pas cette sainte nitouche. Elle est beaucoup trop sage. Elle prévoit sans doute d'aller rendre des livres à la bibliothéque pour esquiver les pénalités de retard.

  • J'ouvre le tiroir de ma table de chevet et sors le numéro 1 de ma liste, mon amant et meilleur ami. J'hésite un instant à le coller contre le mur (il est doté à sa base d'une puissante ventouse permettant de le fixer en un tournemain au carrelage ou aux portes ), mais je ne m'en sens pas l'énergie. - Désolée, Dick chéri, je suis pas d'humeur. Un petit bisou et je le replace dans son tiroir.

  • Moi, je suis diplômée de l’université de la Vie, avec mention. On appelle ça être une « autodidacte », quand on aime employer les grands mots, mais nul besoin de jouer les polymathes.

  • De toute manière, à quoi bon aller à l’école ? Ça n’a plus aucun intérêt aujourd’hui, à l’ère d’Internet. Le Web sait tout sur tout. C’est incroyable tout ce qu’on peut y apprendre, et ce, sans avoir à se coltiner les poux, l’uniforme et la cantine dégueulasse.

  • J’aurai peut-être aussi besoin d’une manucure… et d’un soin du visage, d’un massage, ou même d’un de ces enveloppements de feuilles d’aluminium qui vous donnent l’air d’une dinde sortant du four. 

  • Je me trompe ou il est encore plus beau qu'avant ? Comment c'est possible, au bout de deux ans ? Enfin, c'est comme ça, chez les hommes : ils se bonifient avec l'âge, de la même façon que le fromage, le vin ou George Clooney.

  • Je m'extirpe péniblement du lit et pose le pied en plein sur ma pizza d'hier, dont je n'ai mangé que la moitié avant de m'écrouler vers quatre heures du matin. Me voilà avec de la sauce tomate partout sur le pied et une rondelle de salami entre les orteils. Je la prends et l'enfourne dans bouche avant d'essuyer la sauce avec une chaussette. Puis je m'habille avec ce que je trouve par terre ; une jupe en nylon ne nécessitant aucun repassage et un tee-shirt en coton qui en aurait eu besoin. Je me regarde dans le miroir et fronce les sourcils. Pas génial. Je me frotte les yeux pour effacer le mascara qui a coulé, j'ajoute une touche de rouge à lèvres prune, coiffe mes cheveux gras avec mes doigts. Je pars au travail. Je relève le courrier à la porte et je l'ouvre tout en marchant, une Malboro au bec. Des factures, des factures, des factures, une carte d'une entreprise de VTC, une broche pour des pizzas à emporter. " DERNIER APPEL", "AVIS D'HUISSIER","RÈGLEMENT EN URGENCE". Toujours le même refrain. Taylor Swift n'a pas à s'emmerder avec ça, elle. Je fourre les lettres dans les mains d'un sans-abri posté près de la bouche métro : maintenant, ce n'est plus mon problème.

  • Un octogénaire au bronzage berlusconien roupille, un cigare éteint entre les lèvres. Une soirée "bunga bunga" de trop, peut-etre ?

  • Je repose le livre sur la table. Je stresse suffisamment comme ça, autant éviter de lire des tragédies. Je commanderai un recueil de recueil de poèmes [...] demain matin ; un truc joyeux, Baudelaire par exemple.

  • Les deux moments les plus importants d’une vie sont le jour oú on vient au monde et le jour oú on découvre pourquoi. 


Biographie

Chloé Esposito est titulaire d'un BA et d'un MA d'anglais de l'Université d'Oxford. Elle est également diplômée de la Faber Academy. Elle a été consultant senior en management, professeur d'anglais dans deux des meilleures écoles privées du Royaume-Uni et styliste de mode à Condé Nast. "Mad" (2017) est son premier roman et le premier tome d'une trilogie. Originaire de Cheltenham, elle vit à Londres. Les deux autres livres de la série sont Bad et Dangerous.

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