L'histoire
La narratrice, la cinquantaine vit en colocation avec son mari, un professeur d'Université émérite, accusé d'avoir couché avec des étudiantes majeures et consentantes, ce qui est interdit. Pour des raisons financières, elle n'a pas divorcé, alors que le professeur est sous le coup d'une procédure disciplinaire. Et puis leur mariage était fondé, pour ces ex soixante-huitards, sur la libération sexuelle, où chacun pouvait vivre ses expériences. Elle même a eu quelques aventures très discrète. Et voilà qu'arrive le très beau jeune professeur Vladimir, un homme marié avec une enfant. Enfermée dans sa solitude de femme mature, elle se met à désirer cet homme trop beau. Mais est-ce juste un fantasme ? Une revanche sur son mari ?
Mon avis
Premier roman de Julia Jonas, ce livre a le mérite de s'intéresser aux femmes matures, aux seniors dans leurs ressentis.
Il y a le corps qui change face à la ménopause : prise de poids, peau moins ferme, et tous les complexes qui vont avec. La beauté de la jeunesse a disparu, le corps n'est plus un ami. Régimes, produits de soins luxueux, rien n'y fait. La narratrice doit vivre avec ce corps.
Son mari John, professeur émérite de leur petite université d'Albany, qui couche avec des étudiantes de 20 à 25 ans est convoqué pour un conseil de discipline, qui devrait l'exclure de sa chaire. Les deux époux ne se parlent plus, ils cohabitent dans leur jolie maison, se parlent peu et se disputent très souvent. Elle aurait pu divorcer. Mais elle, également enseignante, n'a pas des grosses ressources financières, et d'emblée de jeu leur couple s'est construit sur l'idée de la libération sexuelle, propre à leurs générations. Elle même a commis des petites incartades, très secrètes, et ne s'en vante pas.
Par contre à l'université où elle enseigne la littérature féminine et anime un atelier d'écriture, ses étudiantes, collées à leur smartphone, de la génération Me-too ne la comprennent pas. Pourquoi ne divorce-t-elle pas de ce monstre ? Et comme si cela ne suffisait pas, on lui conseille poliment de démissionner, ce qu'elle refuse.
Mais surtout, il y a l'arrivée de ce nouveau professeur, Vladimir, un homme séduisant, qui le sait et en joue. Sous le charme, notre héroïne fantasme sur cet homme qu'elle désire. Ils ont déjà une complicité intellectuelle. Marié à Cynthia, une très jolie femme, dépressive (à moins que cela ne soit qu'un caprice et une perversité déguisée, tant elle traite mal son mari), la narratrice la surprend dans les bras de son mari. Et c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Cynthia qui écrit un livre qui devrait être un succès lui pique le mari et est pressentie pour la remplacer. Elle monte donc un petit piège pour récupérer Vladimir et coucher avec lui. Mais au fond d'elle-même, ce n'est pas un réel désir. Elle n'a pas de sentiments pour cet homme, même si elle se persuade du contraire.
Ce premier roman est, à ma connaissance, l'un des rares qui s'intéresse à l'intimité et au ressenti d'une femme d'âge mur. Bercé de littérature, de projets de livres à écrire, il nous dresse le portrait d'une héroïne banale, tiraillée entre les démons de midi et l'amour qu'elle porte toujours, très enfoui, à son mari.
Même si elle juge que les jeunes étudiantes étaient conscientes et sûrement fascinées par un professeur charismatique, elle condamne tous ces hommes qui s'intéressent aux jeunettes, à leurs corps non entamé par l'âge, et se revendique elle aussi le droit d'avoir une aventure avec un homme plus jeune. C'est une autre forme de féminisme qui se joue là, et ce livre, malgré quelques longueurs a le mérite de nous faire réfléchir sur ces femmes moins désirables, parce que déjà vieilles aux yeux de tous, comme si la sexualité ne devait plus être une préoccupation. Combien de femmes de plus de 58 ans (l'âge de la narratrice) vivent seules, sans trouver un amoureux crédible et sincère ? Combien de femmes préfèrent aussi leur solitude et leurs routines pour ternir leur image et taire leurs besoins affectifs et charnels.
Pour le reste, je trouve le roman un peu long et une fin convenue. Mais notre héroïne dont on ne saura jamais le nom, n'est pas une femme d'action. C'est une intellectuelle qui a toujours « tout bien fait » dans sa vie. Une excellente scolarité, une fille au caractère bien trempé, qui vit avec une autre femme, des velléités d'écriture dans un milieu ou tout le monde veut écrire son livre, cette femme est touchante, dans ses doutes, ses questionnements, ses régimes ou ses excès d'alcool, ses relations compliquées avec sa fille, qui lui reproche son passéisme, ses collègues et ses étudiantes qui n'ont pas connu la belle époque des boomers et de la sexualité débridée.. Personnellement, je trouve que cette période post soixante-huitarde n'a pas été profitables aux femmes. Il fallait coucher pour être cool, pour se vanter auprès des copines, mais où est passé l'amour véritable, les sentiments et surtout celui de dire non quand le type ne vous plaisait pas.
Biographie
Née en 1981, Julia May Jonas est autrice, metteuse en scène et direc-trice d’une compagnie de théâtre. Elle a enseigné dans plusieurs universités américaines et vit à Brooklyn avec sa famille. Elle donne des cours de théâtre au Skidmore College. Le délicieux professeur V. est son premier roman.
Son site : https://www.juliamayjonas.com/
Les éditions Dalva donnent la parole à des jeunes autrices.

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