mercredi 4 septembre 2024

Tim DUP – Je suis fait de leur absence – Stock 2024 -

 

 

L'histoire

Pierre 21 ans, vit avec sa campagne dans une maison à Roseville sur Mer, petit bourg proche de Honfleur. Il se remémore l'année de sa rencontre avec Victoria 1 an plus tôt et surtout médite sur le drame qui a entaché sa propre vie : la mort de sa mère en 2001, par son propre père, après des violences conjugales. L'un des premiers féminicides de ce siècle. Comment peut-on vivre avec cette absence brutale qui va changer à jamais son destin et la vie de cette famille petite-bourgeoise où le silence est de mise ?


Mon avis

Il est étonnant qu'un homme écrive sur les féminicides. C'est pourtant bien avec ce premier livre que Tim Dup s'empare d'un sujet difficile.

Il avait un peine 1 an, quand son propre père a tué sa mère, après une suite de violences conjugales. Il a été élevé par ses grands-parents maternels qui ont fait comme ils ont pu, en essayant de minimiser le drame.

Pierre vit dans la maison de vacances familiale près de Ronfleur, où il passé beaucoup de sa jeunesse. La maison doit être mise en vente, mais sans obliger Pierre qui se retrouve avec la compagne qu'il s'est choisi, une femme simple qui attend un enfant de lui.

Mais sans cesse, il songe au drame, à l'absente, à ce qu'il aurait peu faire. Le récit alterne 3 époques, le présent (2020), l'été précédant (2019) et les années juste avant et après le drame. Mais de sa mère, il n'a presque pas de souvenirs, peu de photos comme si elle était taboue.

Dans un contexte familial où les non-dits sont légions, Pierre ne peut qu'imaginer cette mère, et passer les étapes d'un deuil quasi impossible. Colère, haine pour sa famille et pour les institutions de l'époque, qui bien qu'au courant de la situation de la jeune femme n'ont pas pris les mesures adéquates pour la protéger, comme l'envoyer dans un foyer spécialisé, prendre des sanctions pour le non respect du coupable qui n'a pas respecter son injonction d'éloignement etc.

Un tableau terrible de ce que peut-être une vie gâchée par un tél drame, dans une écriture magnifique, presque poétique par moment.

On connaît l'engagement de l'auteur auprès des associations féministes et sa lutte contre les féminicides, mais ici, c'est le point de vue de la principale victime qui est donné. Avec ses angoisses, ses crises de colères, ses coups de folie qui lui font perdre son permis, pourtant vital dans cette région parsemée de petits villages, cette Normandie typique avec son crachin, ses ciels nuageux, et des endroits encore marqués par le débarquement de 1944. Le silence aussi, car les normands sont des taiseux.

Seul regret, une fin ouverte où l'on ne sait pas ce que le narrateur va faire au juste, même si il est résolu à vivre pour son fils à venir, pour la femme qu'il aime, il fonce comme un fou sur les routes sinueuses qui doivent le reconduire chez lui.


Extraits

  • Mon grand-père m’a éduqué, trivialement, comme on éduque un garçon, en ravalant son cœur, accolé à l’image d’Épinal du mâle alpha avec laquelle lui aussi a tenté de jouer, comme Vincent, sans grande réussite. Les gens sensibles élevés à grand renfort de baffes et de désaffection, comme mon père, reproduisent souvent les schémas de sécheresse qui leur ont fait du tort. Je ne suis donc pas perplexe quant à la facilité avec laquelle je m’approprie la même colère. Le monde est ainsi fait depuis le néolithique, comment pouvons-nous espérer nous en sortir rapidement ?

  • Pourquoi s'imagine-t-on que l'amour doit être une passion violente, coercitive, que le désordre est synonyme de densité? C'est beau, de vivre humblement avec quelqu'un toute sa vie, de voir surgir dans ses yeux quelque chose d'inconnu, jour après jour, alors qu'on pensait y avoir tout lu.

  • Il faudra des années d'éducation, de contre-culture, d'enseignement, de transmission, de savoir donné, de mentalités changées pour défroisser les structures patriarcales, les postures masculinisantes, donnant de la valeur à la puissance, ou mutisme, à la rudesse.

  • Je constate que nous sommes nombreux à chier sur la société, cette structure humaine qui a abandonné l'idée de tendre vers l'équilibre plutôt que la surabondance. Ce monde qui laisse couler des hommes au fonds des mers, brûle et ne s'inquiète que des tendances à la une. Rien ne m'incite à participer à cette grande mascarade. Ceux qui tiennent le système, plongés dans leur mépris, se soucient si peu des gens, si peu de prendre soin.

  • Parce que oui, de l'extérieur, l'inimaginable donne l'impression que les solutions sont évidentes. Elles ne le sont pas.

  • C'est sa version à elle qui me manquera toujours.

  • Tout ce qui était susceptible de provoquer une rupture à l'intérieur du groupe familial l'effrayait. Le franchissement, même symbolique, d'une classe sociale pourrait entraîner une séparation. Elle le refuserait.

  • Quand on nous dit que, cette année, 213 000 femmes déclarent avoir été victimes de violences par leur conjoint ou ex-conjoint, il faut s'imaginer que cela représente, par analogie des pierres tombales, un peu moins de vingt-quatre cimetières américains de Colleville.

  • C’est épuisant, de ne pas savoir définitivement s’abandonner. De ne pas offrir une chance à ces vacances. Il faut encore que le gouffre du drame familial vienne tout vampiriser. Cela devient insupportable. Et sans Victoria, je chloroforme le moindre espoir d’euphorie.

  • Théodore, Suzanne, Vincent et les autres n’y peuvent rien. Même s’ils sont là, l’absence d’amarrage à mes parents manquera toujours. Oui, c’est beau, un couple complice, une équipe qui dure dans le temps. Mais cela reste un couple, dont la définition m’écrase depuis des années.

  • C’est elle, ma province maritime faussement cossue, gouvernée par l’oisiveté et les horaires des marées. Les perdus et les miséreux du secteur, les vieux bourgeois qui se partagent le patrimoine local, les belles baraques de la côte et les maisons de charme du centre-ville, les ménages d’actifs plus aisés qui s’installent dans les résidences autour, à Ablette ou Franchonville, et la moindre présence des 18-30 ans, comme moi, comme mes potes, qui avons les ressources les plus limitées tout en étant sauvés par l’accès à la propriété de nos familles.

  • Cette mort dont il était impossible de faire le deuil. Cette mort que l’on pose à distance de toute réalité depuis longtemps. Comment auraient-ils pu ? Déjà que, d’ordinaire, rien ne rend légère la venue d’un décès. Les gens meurent loin de chez eux, dans des cliniques ou des services hospitaliers, sans veillée à domicile, le corps et sa gestion refilés aux soignants, aux légistes, aux professionnels, en somme, à la rigueur et l’austérité des pompes funèbres. Alors, dans ce pays et cette culture où la mort nous est étrangère, ils ont appréhendé le départ de Sophie comme ils le pouvaient ; de façon désastreuse.


Biographie

Né Rambouillet, le 07/12/1994, à 21 ans, et avec seulement un EP à son actif, Tim Dup est l'une des dernières sensations de la chanson, grâce à sa voix qui rappelle Mano Solo, et des textes influencés par Brel ou Ferré.
Son premier EP vient de sortir, et son passage à Rock en Seine était très attendu ; il y jouait solo, avec un piano, un synthé et un ordinateur. De quoi fabriquer, en live, son propre mélange des genres, assez jubilatoire. « Enfant, j’ai beaucoup écouté Ferré, Moustaki, Gainsbourg. Plus tard, j’ai découvert le rap et l’électro. Comme beaucoup de gens de ma génération, je ne rejette pas la musique de mes parents, au contraire ; Brel, c’était un peu le slam d’aujourd’hui. Je suis dans l’intégration de mes influences, et leur réinterprétation. »
Alleluia ! Il fait partie de ceux qui vivifient la chanson, en soignant la grande tradition du texte sans rien figer dans son expression. D’ailleurs, l’avenir non plus n’est pas figé : « A la rentrée, je fais des concerts et je reprends ma vie d’étudiant – en communication et médias à la Sorbonne. Tout l’enjeu de cette année sera de concilier la fac et la musique. Pour l’instant, je veux me laisser le choix. » Si tout va bien, Tim Dup sortira un album en 2017. Il a d’ores et déjà quinze chansons prêtes à être dégainées.

En savoir plus ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tim_Dup


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