jeudi 31 mars 2022

Seyhmus Dagtekin

Il est né en 1964 dans un village kurde isolé au sud-est de la Turquie : pas d’école, et un mode de vie traditionnel. La langue kurde est interdite par les autorités turques, mais on la parle un peu à Harun. En 1970, une école est construite. Dagtekin est scolarisé. Il poursuit ses études à Ankara, et se destine à travailler comme journaliste dans l’audiovisuel. En 1974, il part rejoindre son frère en France, à Nancy pour achever sa formation. Séduit par la langue française, il écrit directement en français des textes et des poèmes qui seront publiés aux éditions Le castor Astral, puis un roman « A la source, la nuit » chez Laffont. Peu apprécié des autorités turques, il n’est pas retourné en Turquie depuis 1992. Il aime pourtant rappeler qu’il n’a pas de drapeau qu’il soit turc, français ou kurde En 1974, il part rejoindre son frère en France, à Nancy pour achever sa formation. Séduit par la langue française, il écrit directement en français des textes et des poèmes qui seront publiés aux éditions Le castor Astral, puis un roman « A la source, la nuit » chez Laffont. Peu apprécié des autorités turques, il n’est pas retourné en Turquie depuis 1992. Il aime pourtant rappeler qu’il n’a pas de drapeau qu’il soit turc, français ou kurde. 

 

 Extraits

En rêver ne suffit pas, faut le faire " me disait mon père. Je me suis levé et j'ai commencé. J'ai mis une parole dans ma bouche qui puisse me lier au cœur de l'autre, qui puisse ouvrir mon cœur dans la bouche de l'autre.

 

******************************************

 

Je me dis que le monde, que l'être, sont comme un chaudron, et que l'art, l'écriture, en sont la louche. Plus la louche est longue et grande, plus on peut brasser les fonds et les limites du chaudron, plus on parvient à remuer les fonds et les limites de l'être. C'est le pari que je fais, le sens que je cherche à donner à travers la poésie et l'écriture : essayer d'allonger, d'agrandir le plus possible ma louche, mes moyens de remuer l'être, de pousser le plus en avant sa connaissance et de donner à en entendre le chant."

 

*********************************************

L'écriture, l'art, consistent pour moi à embrasser l'être d'un même regard, du plus petit au plus grand, pour instaurer une autre façon d'être ensemble.
Sortir du rapport de force et de domination pour entrer dans un rapport d'amour où l'autre est la condition même de mon existence.

 

*********************************************
Tandis que je mange la terre
La terre me recrache

L’eau me démange

Pour remonter à nos frémissements premiers

Comme ce liquide qui passe
Sans s’arrêter à ses tourbillons

Toi aussi, laisse-toi aller et goutte

Goutte à cette douceur, avant qu’un crapaud ne t’avale,

avant qu’une mouette n’avale le crapaud, dans le sable mouvant de la langue.

De même qu’ils marchent sur l’eau, l’eau les fauchera dans leur marche.




Êtes-vous contents maintenant de sortir mes yeux de leurs caves
et de les disperser à la suite d’une antilope qui glisse
d’une feuille qui tombe, d’une loutre qui retraverse une vue
chargée de mots que vous auriez voulu lire

de ce paysage que vous auriez voulu porter, comme le déploiement du sourire.

Êtes-vous contents que je reste collé à cette pierre
Que tout m’échappe

Sans que je n’échappe à rien ?

Toi aussi tu diras, tu n’arrêteras pas de dire
ce que tu as commis sur le sang du frère
Pour qu’il se mêle à quoi
Pour que tu deviennes la perte de quel mot
Dans la profondeur trouble de l’œil

 

 

Te voici entre routes et sables d’une topographie imaginaire Tu cherches à te pencher pour voir les bords de la ville…

Toi aussi tu me guettes

Je t’ai vue avec mon œil du malin

Je peux plus que te voir

Je peux te dessiner d’un jet

Tout comme tu peux m’effacer… demain sera à l’image de notre sourire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.