vendredi 1 avril 2022

Lorand Gaspar, sol absolu

 


Lorand Gaspar est né en 1925, en Transylavnie. Enfant, il rêvait de devenir physicien et écrivain.
Prisonnier pendant la guerre, une époque dont il n'aime pas parler, il réussit à s'enfuir et rejoins Paris en 1946. Malgré des conditions de vie difficile, il entame des études de médecine. "J'y voyais une sorte synthèse entre l'art et la science" écrit-il en préface du receuil "Sols Perdus" (NRF GALLIMARD).
Il gagne de à peine de quoi se nourrir et va habiter avec d'autres amis hongrois dans une ancienne maison clause, boulevard Edgar Quinet. "Nous formions une république à tout point de vue bigarrée, difficile à gouverner".

En 1954, Lorand Gaspar finit ses études de médecine et trouve un poste de chirurgien à l'hopital français de Betlhéem. Il embarque avec sa femme et ses trois enfants, ravi de découvrir un monde "d'images fabuleuses". La réalité est plus complexe : "la pureté du chant des paysages millénaires portait dans la sérénité immuable la violence de la passion des hommes".
Plus tard, il visitera les villes légendaires de Damas, Alep, Sidon, Jericho, Antioche.

L'hopital français s'est établi dans un ancien couvent, dans la partie israélienne de Betléem. Peu pratique d'accès, encombré, il y reçoit pourtant de très nombreux malades. Même si il reste d'une grande modestie, on imagine que le médecin-poète a mis toute son énergie pour la construction d'un hôpital plus
moderne. Ce qui ne l'empêche pas de pratiquer également la chirurgie à Jérusalem. Très vite, il s'attache à cette terre multiple, allant se ressourcer dans les déserts de la péninsule arabique, toujours à la recherche d'authenticité et de beauté.
"Il me faudrait l'espace d'un livre pour essayer de faire revivre tant de visages, essayer de rendre quelque chose des joies, des angoisses, des passions vécues avec tant d'intensité, la faim que je sentais en moi, intarissable, d'aller, de découvrir, de connaître".

Il exercera son métier de chirurgien à Jérusalem jusqu'en 1970, souffrant des tensions incessantes. Il raconte la difficulté de travailler lors de la guerre des 6 jours en 1967, la peur aussi, sa maison est pillée.
"Depuis l'enfance, je connaissais ces abîmes infranchissables opposées par la passion d'un bien unique, entre deux récits exclusifs l'un de l'autre, mêlant des faits, des argumentations indéniables aux inventions et aux utopies de l'imagination".

Lassé par une vie quotidienne devenue complexe, il accepte un poste de chirurgien à Tunis, même si il dit quitter ce pays "la mort dans l'âme".
Retraité actif, il s'investit dans la recherche médicale et dans les sciences cognitives à l’Institut de Médecine Environnementale de Paris.

Dès 1968, il publie "Le quatrième état de la matière" qui recoit le prix Apollinaire en 1967.
En 1998, il reçoit le prix Goncourt pour l'ensemble de son oeuvre.
Ses oeuvres sont publiées chez Gallimard.


Mais laissons le poète parler.

Si loin que le sourire ne sait les paupières
Tiré des cris longs d'oiseaux en vol
la lettre fluide des choses sans mémoire
le jour brûlé, il arrive qu'on oublie les paroles

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Ces métaux que je courbe dans ma voix
pour que tu existes dans le noir
J'ai vidé la nuit de sa brillante pacotille
et j'entends la foulée qui ouvre encore
tout un poumon dans les pierres -

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l'extrême patience qui nous lime
Le pain d'un jour, et l'eau mesurée
la démesure de nous taire
et parmi tant de blancs
trouver à tâtons
les chemins étroits de nos veines.

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mais comment dire l'amour
le désastre et le commencement
le temps courbé sous la veille infinie
et les débris de plâtre
incrustés sous la peau -

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Telle une présence ronde dans la paume de l'homme élargit
ton âme jusqu'à manquer à la terre.
Par cette pente du fugitif
j'aperçois les tables nues de vents;
la vacuité de ta demeure
Départ et fin de même signe.

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