lundi 6 juin 2022

Djaïli Amadou Amal – Les impatientes – Editions Collas 2020 ou Poche J'ai Lu

 


Le marathon des mots est un important festival littéraire que se tient de 23 au 30 juin 2022 à Toulouse et dans la région. Il réunit des écrivains, et des artistes. Cette année l'Afrique est mise à l'honneur.


L'histoire

Elles s'appellent Hindou, Ramla ou Safira. Elles vivent au sud du Sahel dans des familles qui appliquent à la lettre Le Coran. Dès l'enfance on les a déjà promise à des hommes qui n'ont que des intérêts financiers avec les familles et on les éduque à être des bonnes épouses soumise à la loi du mari. Certaines n'en ressortiront jamais indemnes, d'autres trouveront la force de s'enfuir.


Mon avis

Ce premier livre traduit en français de Djaïli Amadou Amal est en partie le reflet de sa propre histoire. Mariée à 17 ans contre son gré, elle réussira à s'enfuir du Cameroun, pour un autre pays d'Afrique. Grâce à des études elle trouve un emploi et devient écrivain. Elle a déjà publié 4 romans.

Les Impatientes raconte le sort des femmes du sahel condamnées à des mariage arrangé. Il s'agit d'unir des clans riches pour augmenter les fortunes. Viol conjugal, violences, polygamie, rien n'est épargné à ces femmes souvent très jeunes à qui on refuse souvent une éducation scolaire pour les préparer à leur vie d' épouses parfaites, selon les lois d'un islam strict qui considère la femme comme « esclave de son mari ». Et ce ne sont pas les mères – qui ont subi le même sort – qui vont décourager leurs filles. Sauf une mère un peu érudite mais dont les pouvoirs sont limités. Car les mariages sont arrangés par tout le clan, les pères mais aussi les oncles selon la place qu'ils tiennent dans la famille (souvent liés à la richesse).

Ce petit roman court mais poignant dénonce avec forces des coutumes d'un autre age et d'un autre temps. Combien sont ces femmes qui aujourd’hui encore sont mariées de force à qui l'ont demande de la patience et dont on adoucit le sort par des tenues magnifiques, des bijoux en or, des servantes ?

Un livre qui se lit très facilement mais qui nous donne à réfléchir sur l'emprise du patriarcat absolu dans certaines régions d'Afrique.

L'écriture sobre et volontairement simple est au service de ce que l'on ne sait pas, de ce que l'on ne veut pas voir.


Biographie :

Né en 1985 dans le nord du Cameroun, Mariée 2 fois à 17 et 22 ans (le dernier conjoint étant un homme alcoolique et violent), l'auteure réussi à s'enfuir. Elle publie son premier roman en 2010 aux éditions africaines Ifrika.

Elle vit à Douala en compagnie de son mari, un ingénieur également écrivain. Elle est reconnue comme une femme influente au Cameroun et comme une romancière de premier plan. En France, les Impatientes atteint la finale du Goncourt 2020. Elle remporte cette même année le Goncourt des lycéens et d'autres prix. Elle fonde l'association 'Femmes au Sahel » qui finance des études pour les jeunes filles et les aide à sortir des mariages forcés.


Extraits :

  • L'amour n'existe pas avant le mariage, Ramla. Il est temps que tu redescendes sur terre. On n'est pas chez les Blancs ici. Ni chez les Hindous. Tu comprends pourquoi ton père ne voulait pas que vous regardiez toutes ces chaînes de télé ! Tu feras ce que ton père et tes oncles te diront. D'ailleurs, as-tu le choix ? Epargne-toi des soucis inutiles, ma fille. Epargne-moi aussi, car ne te leurre pas, la moindre de tes désobéissances retombera invariablement sur ma tête.

  • Patience, munyal, Hindou ! On te l'a déjà dit. Une peule ne pleure pas quand elle accouche. Elle ne se plaint pas. N'oublie pas. A chaque instant de ta vie, tu dois te maîtriser et tout contrôler. Ne pleure pas, ne crie pas, ne parle même pas ! Si tu pleures à ton premier accouchement, tu pleureras à tous les autres. Si tu cries, ta dignité sera bafouée. Il y a aura toujours quelqu'un pour raconter au quartier que tu es une poltronne. On serre les dents mais on ne se mord pas les lèvres. Si tu mords les lèvres, tu pourras les transpercer au plus fort de la douleur et sans même t'en rendre compte. C'est la volonté d'Allah d'enfanter dans la douleur mais un enfant n'a pas de prix. Patience !

  • Mon oncle était devenu mon beau-père. Et je devais soigneusement l’éviter, me déchausser avant de passer à côté de lui, baisser les yeux et fléchir le genou pour le saluer. Et je devais garder mon voile sur la tête en la présence de ma tante, devenue ma belle-mère. Je ne pouvais ni boire ni manger devant elle. Il me fallait aussi éviter de parler, de bavarder ou de rire. Mon cousin Moubarak était devenu mon époux. Je lui devais soumission et respect.



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