jeudi 9 juin 2022

Jeanine Cummins – Américain Dirt – Éditions Rey – 2020 - ou poche 10/18 2021

 

L'histoire

Lydia bibliothécaire, et son fils de 8 ans Luca voient leur famille massacrée par un des cartels de la drogue à Acapulco (Mexique). Son mari,journaliste d'investigation pour un grand quotidien connaît l'identité  du nouveau chef du cartel qui fait la loi depuis quelques mois dans la ville. 16 personnes sont tuées et achevées, autrement dit toute sa famille, et Lydia connaît leur assassin un lecteur assidu de la librairie qu'elle dirige.

Se sachant en danger, elle doit fuir au plus vite en protégeant ce qu'elle a de plus cher au monde son fils. Mais où aller à par «El Norte » autrement dit les États-Unis où elle a un oncle qui vit à Denver. Déjà il faut fuir Acapulco, joindre Mexico et se diriger vers la frontière, rendue de plus en plus inaccessible par les polices mexicaines et américaines. Il faut sauter sur des trains de marchandises puis trouver un passeur qui ne soit pas un escroc. Des lieux de passages dangereux, des amitiés de fortune mais solides, des « coyotes » (passeurs frauduleux), tout un univers que découvre Lydia, dans sa fuite pour essayer de recommencer une vie ailleurs.


Mon avis

Un livre à lire absolument pour comprendre que le phénomène migratoire n'est pas un rêve d'absolu ou un mirage d'un monde meilleur mais juste pour sauver sa peau. En 2017, un migrant mourrait toutes les 21 heures à la frontière entre le Mexique et les USA, et à l'intérieur du continent d'Amérique Latine, un migrant mourrait toutes les 90 minutes. Le nombre de personnes déclarées disparues au Mexique s'élève officiellement à 40 000 et chaque jour, la police découvre des fosses communes où s'entassent des milliers de morts. Ce n'est pas une fiction c'est une réalité dans ce pays dominés par les cartels qui font la loi et qui s'infiltrent partout. Le Mexique reste 1er au triste rang des journalistes tués.

Ce roman raconte le difficile parcours des migrants, les femmes et les jeunes filles surtout. Comment il faut savoir se fondre dans la foule, se cacher, avoir de quoi survivre, pouvoir payer un passeur. Et plus que tout c'est aussi un roman d'amour entre une mère qui doit taire ses angoisses et ses peurs pour protéger son enfant, mais on se demande parfois si ce n'est pas l'enfant doué d'un sens de l'observation hors du commun qui protège sa mère.

L'écriture électrique de Jeanine Cummins nous fait vibrer à chaque rebondissement et on se prend à souhaiter que les deux héros arrivent enfin à trouver la paix dans un pays qui n'est pas le leur, où il faudra se cacher encore pour avoir la fameuse carte verte. L'entraide entre migrants est aussi forte que la défiance vis-à vis d'individus suspects ou peu scrupuleux. De plus, on comprend que Lydia n'est pas une pauvre femme sans ressources. Elle parle l'anglais, a des moyens financiers, pas énormes mais assez pour survivre avec son fils. Bien loin des clichés et furieusement en écho avec l'actualité en Ukraine. Un livre à lire absolument pour en finir avec les migrants, pour comprendre que chaque histoire est complexe et qu'un jour nous aussi, nous aurons hélas pas d'autres choix que celui de partir vers un ailleurs où notre sécurité sera assurée.


Biographie :

Jeanne Cummins est une romancière américaine née en 1974 à Cadix en Espagne d'une mère espagnole et d'un père américain. Elle même a épousé un migrant mexicain un universitaire recherché dans son pays. American Dirt est son quatrième roman qui a subi une controverse de la part de l'écrivaine et féministe mexicaine Myriam Gurba qui avance l'idée que Jeanine Cummins n'a pas la légitimité pour écrire des histoires mettant en scène des personnes issues d'autres communautés que la sienne. Mais le roman a fait l'objet de recherches très sérieuses de la part de l'auteure et elle n'a en aucun cas fait un plagiat quelconque. Americain Dirt a été un énorme succès Outre Atlantique.


Extraits :

  • En suivant les rails qui traversent la ville, elle est terrifiée à l’idée que quelqu’un les remarque, que le garde de la veille soit en route pour son travail à bord de son véhicule – est-ce que ces hommes font la navette pour aller travailler ? Si c’est comme ça que ça s’appelle ? Est-ce qu’ils embrassent leurs femmes et leurs enfants le matin, grimpent dans la berline familiale et partent pour une journée de viols et de chantages, puis reviennent le soir, épuisés et affamés, manger leur rôti de bœuf ?

  • La fuite de la violence et de la pauvreté, les gangs plus puissants que leurs gouvernements. Elle écoutait raconter leur peur et leur détermination, tout résignés qu’ils étaient à atteindre les Estados Unidos ou à mourir sous l’effort, parce que demeurer dans leur pays signifiait que leurs chances de survie étaient encore plus minces.

  • Le taux d'affaires criminelles non résolues au Mexique dépasse les quatre-vingt dix pour cent. L'existence d'une policia en tenue constitue un poids illusoire à l'impunité réelle du cartel. Lydia le sait. Tout le monde le sait.

  • Le seul bénéfice que procure l'état de migrant, d'avoir adopté aussi complètement ce déguisement, c'est une quasi-invisibilité. Personne ne les regarde, en fait les gens s'emploient à ne pas les regarder.

  • Il est donc bien là. Le réservoir de chagrin qui se remplit, intense et profond sous la meurtrissure, la preuve que son humanité est toujours présente, intacte. Il faut qu'elle l'enterre de nouveau, c'est trop tôt pour le laisser s'exprimer.

  • Elle songe à quel point les migrants doivent faire preuve de capacité d'adaptation. Ils sont obligés de changer d'avis, chaque jour, chaque heure. Et de ne s'entêter que pour une seule chose : survivre.

  • Les différentes façons de mourir à bord de "la Bestia" sont plus épouvantables les unes que les autres : vous pouvez être écrasé entre deux wagons quand le train emprunte une courbe. Vous pouvez vous endormir, tomber du toit, être aspiré sous les roues, avoir les jambes sectionnées (…) Pour finir il y a la violence ordinaire omniprésente : on peut mourir battu, poignardé, à moins qu'on vous tire dessus. Le vol est évidemment à prévoir. Les enlèvements en vue de rançon sont monnaie courante. Les kidnappeurs torturent souvent leurs victimes pour mieux persuader la famille de payer. Dans les trains, les uniformes représentent rarement ce qu'ils sont censés représenter. La moitié des gens qui se prétendent migrants, "coyotes", ingénieurs des chemins de fer, ou membres de la migra travaille pour le cartel. Tout le monde touche des pots-de-vin.


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