mercredi 8 juin 2022

Ake EDWARDSON – Ce doux pays – poche 10/18 - 2009

 

 

L'histoire

Un bon petit polar cela vous dit. On connaît le succès du polar suédois, mais voici un auteur que j'aime beaucoup par ses histoires qui nous montre la Suède différemment.

Un triple meurtre est commis dans une supérette en bas de la « colline » qui mène aux quartiers nord de la ville, ceux construits pour les émigrés et qui ressemble furieusement à nous HLM. 86 ethnies y cohabitent. Sur ce crime, le commissaire Winter et son équipe n'ont rien : pas de traces adn, pas de témoins et surtout difficile de faire parler les habitants. L'omerta règne en mettre. Même les gangs connus et infiltrés d'indics n'y comprennent rien. Il va en falloir de la patience et un peu d'instinct pour résoudre cette fusillade.

Mon avis

Ake Edwardson vit à Göteborg en Suède (Nord Ouest). Cela se passe il y a plus de 20 ans mais l'histoire reste très actuelle. Face à l’afflux de migrants venus surtout du Kurdistan, pour fuir les persécutions régulière dont ils sont victimes en Turquie, mais aussi en Irak et en Iran, la Suède construit des cités. Dans les quartiers nord de Göteborg, on avait pensé mixité sociale. Mais les plus aisés et les bons suédois bien blonds ont migré vers des quartiers plus paisibles au sud de la ville. Donc dans ce coin on vit dans la peur. Peur d'être reconduit au bled parce qu'on est sans-papiers, peur d'être mêler à un trafic de drogue, peur de ne pas avoir d'emploi. Il est plus facile de gagner de l'argent avec la drogue et son système bien organisé. Mais cela les flics sont au courant. Ils laissent plus ou moins faire, du moment qu'il n'y a pas de drogues dures comme le crack. Mais il n'y a pas de trafic d'armes ni de prostitution à leur connaissance. Mais voilà, il est loin le pays kurde où les femmes ont un statut qui en font les égales des hommes... Petit à petit, les langues se délient, et l'enquête finit par démonter un réseau de prostitution où des très jeunes filles sont livrés à des blancs, trafic peu important et discret qui va voler en éclats.

L’intérêt du roman, outre le fait qu'il dresse un constat implacable de la politique migratoire de la Suède, est sa structure. Hormis les chapitres consacrés à l'enquête et écrit à la 3ème personne de singulier ou du pluriel, une voix écrite au « je » raconte son histoire, celle de la peur, de la difficile migration, de la mort toujours, bref de l'enfer que vivent tous ceux qui ne sont pas désirés dans leur pays.

Étrange écho avec l'actualité en Ukraine qui jette sur les routes des millions de civils.

Par ailleurs, et l'on peut parler d'une anticipation, l'action se déroule à la Saint Jean, le jour le plus court de l'année en Suède qui est particulièrement sec et chaud. Plus de 30°, 37° même sans un nuage à l'horizon. Le réchauffement climatique dont on nous parle de plus en plus était aussi une urgence il y a 20 ans.


Biographie :

Ake Edwardon est considéré comme l'héritier direct d'Henning Mankell, la grande référence du polar suédois, avant l'éclosion de la jeune génération (Stieg Larsson, Camilla Lakberg). Né en 1953, il a été journaliste puis il se consacre à l'écriture. Plus de 12 romans ont été traduit en français. D'autres publications ne sont pas traduites pour le moment. Il écrit aussi pour la jeunesse . Il est professeur de littérature à l'Université de Goteborg où il vit.

Extraits :

  • Il y avait un panneau à l'entrée de la grand place de Ranneberg, le centre économique du quartier. Winter apercevait une pizzeria qui ouvrait sur la place par une large baie vitrée. Il se gara en face du complexe sportif. En sortant du parking, il déchiffra le panneau : «Nous aimons la banlieue»
    Peut-être était-ce le Service du logement social qui l'avait fait poser. Ils percevaient les loyers. À moins qu'il ne s'agisse de la commune, ou d'une autre institution publique... Tout le monde aime la banlieue, pourvu qu'elle reste la banlieue, songea-t-il. Pourvu que les banlieusards n'en bougent pas. On appréciait moins leurs sorties dans le centre-ville. À Vasaplats. Du coup les bourgeois déménageaient... vers le sud, les banlieues sud. Encore plus au sud. C'était plus propre, plus beau, plus blanc. Pourtant à Ranneberg aussi, c'était beau et blanc. Le Service du logement social avait décidé qu'il n'y aurait pas plus de trois familles immigrées par bâtiment. Dommage qu'on n'y ait pas pensé avant, c'était ça la clé de l'intégration.

  • ans de nombreuses familles immigrées, les parents ne pouvaient rien contrôler. Ils n'avaient aucun contact avec le monde environnant, ne pratiquaient pas la langue, n'avaient aucun repère en dehors de la maison. Ils avaient peur. Les enfants sortaient dehors, dans ce monde étranger, effrayant. Les enfants, eux, faisaient d'incessants allers-retours entre ces deux mondes. Ils passaient la frontière cent fois dans la journée. Parfois ils ne rentraient pas à la maison.

  • Les Kurdes s'étaient répandus au-delà de leur territoire d'origine, puis à travers le monde entier, ils avaient franchi les frontières non reconnues comme telles de leur pays: une forme de diaspora qui rappelait si besoin en était que vivre sans frontières ne signifie pas toujours vivre libre.

  • Le crime, c'était une appartenance communautaire qui ne connaissait ni frontière ni religion.


En savoir plus : C

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