L'histoire
Rinko, 25 ans, rentre dans son village natale après un désillusion sentimentale, où son ex lui tout volé. Murée dans le silence, la jeune femme ne sait faire qu'une seule chose : cuisiner. Aussi décide-t-elle d'ouvrir son propre restaurant, dans ce village qui se meurt et travailler des produits adaptés à ses clients.
Mon avis
Avec délice, je retrouve l'écriture merveilleuse d'Ito Ogawa dont le Ruban (également sur ce site et que je considère comme un chef d’œuvre) m'avait enchantée. L'auteure est une poète des mots. Ici, le vocabulaire culinaire est utilisé très subtilement dans ce roman au charme infini. Car au-delà des soucis, de la mésentente avec une mère un peu penchée sur l'alcool, c'est tout le pouvoir rédempteur de la cuisine ici qui va ramener Rinko à la vie qu'elle voulait. Son amitié fidèle avec un homme d'âge mur, un peu son papa d'adoption et ses relations cordiales avec les petits paysans font tout le charme de ce roman, une histoire simple mais universelle, la rédemption par un talent en nous.L'alimentation, que l'on relie en psychanalyse à la mère, est ici traitée avec le respect qu'on lui doit. Il ne s'agit pas de se goinfrer, mais de savourer des mets préparés pour vous, qui vous apporteront le bien-être nécessaire et même le courage de déclarer sa flamme à l'être aimé, ou donner du baume au cœur à des personnes endeuillées, voire même de sauver un lapin anorexique.
Et puis il y a ce Japon des paysans, des gens simples, qui boivent peut-être un peu trop, qui font circuler les ragots, mais qui cultivent leur terre avec l'amour du bon produit, dans cette esthétique japonaise où traditions et modernité se côtoient et se mêlent délicatement.
Mais avant tout c'est la poésie qui nous retient. Le regard que Rinko (le roman est écrit a la première personne du singulier) porte sur la nature et le monde est tendre, naïf comme elle le reconnaît, mais tellement attachant qu'on ne rêve que d'une chose, aller s'installer à cette table normée l'escargot, où le bonheur se déguste comme ce livre à chaque bouchée.
Et enfin la traduction (souvent le point faible de Picquier) est ici excellente.
Extraits :
Chaque gorgée faisait s'épanouir une prairie fleurie dans mon corps. Je ne m'imaginais pas encore très bien ce qu'était le paradis, mais si, à ses portes, on m'offrait ne serait-ce qu'une gorgée de ce champagne, j'y resterais sûrement pour l'éternité.
Dans la vie, nous sommes impuissants face à certaines réalités, je le sais bien. Très peu de choses dépendent de notre volonté, dans la plupart des cas, les événements nous entraînent comme le courant d'un fleuve, ils s'enchaînent sans rapport avec notre volonté sur l'immense paume de la main d'une instance supérieure.
Il y a ce qui a disparu pour toujours. Mais qui, néanmoins, demeure éternellement. Et puis il y a aussi, si on cherche avec ténacité, tout ce qu'on peut conquérir, toutes ces choses qui nous attendent.
L’amour n’a pas besoin d’artifices, alors j’ai simplement ajouté une pincée de sel.
Si tu cuisines en étant triste ou énervée, le goût ou la présentation en pâtissent forcément. Quand tu prépares à manger, pense toujours à quelque chose d'agréable, il faut cuisiner dans la joie et la sérénité.
C'est une petite colline sur laquelle se dresse un figuier d'une taille exceptionnelle. En dix ans, je n'avais pas eu une seule fois envie de voir ma mère, mais ce figuier, lui, m'avait manqué, et je l'avais cherché en rêve à de multiples reprises.
Mes confidences n'avaient été ni ma mère ni mes camarades de classe, mais la nature et la montagne.
Les souvenirs les plus chers, je les range bien à l’abri dans mon cœur, et je ferme la porte à clé. Pour que personne ne me les vole. Pour les empêcher de se faner à la lumière du soleil. Pour éviter que les intempéries les abîment.
L'être humain ne peut pas avoir le cœur pur en permanence. Chacun recèle en lui une eau boueuse, plus ou moins trouble selon les cas.
La neige a cessé un bref instant, révélant une multitude de minuscules lueurs, comme des flammes vacillantes.
Biographie
Ito Ogawa, née en 1973, est une écrivaine japonaise connue pour ses rédactions de chansons, notamment pour le groupe Fairlife, et ses livres illustrés pour les enfants.Avec "Le restaurant de l'amour retrouvé",
son premier roman, elle a obtenu un grand succès auprès des
critiques et du public. Le roman a remporté le Prix Étalage de la
Cuisine 2011 et une version cinématographique est sortie sur les
écrans japonais en 2010, sous le titre "Rinco's Restaurant".
En
2016 est édité "Le ruban", son second roman, qui raconte
l'histoire d'une grand-mère passionnée d’oiseaux et de son
nouveau compagnon à plumes, Ruban. La même année, Ito Ogawa
revient avec "Le jardin arc-en-ciel".
En savoir Plus :

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.