jeudi 27 octobre 2022

MANUEL VASQUEZ MONTALBAN – L'homme de ma vie – Poche POINT 2002

 

L'histoire

Le célèbre détective Pépe Carvalho se retrouve à enquêter sur le meurtre d'un jeune homme membre d'une secte sataniste. Pars ailleurs alors que l'an 2000 arrive, il renoue avec Chario, disparue depuis 7 ans qui l’entraîne dans les mouvements indépendantistes catalans.

Mon avis

Ah ! Montalban et son célèbre détective privé Carvalho, une des joies de la littérature polar, tant le personnage est l'anti-héros. Sa copine de toujours Charo, une ex-prostituée s'est refait une virginité avec une bon client qui lui a offert une boutique d'herboristerie bio dans les nouveaux quartiers de Barcelone. L'amour s'éteint un peu, alors que Yes, la gamine des Oiseaux de Bangkok, réapparaît dans sa vie, et notre détective, un peu déboussolé, refuse cette histoire d'amour impossible. Car il vieillit Pépe, et il ne reconnaît plus sa Barcelone, les JO sont passés par là, et les quartiers se transforment, cèdent à la mondialisation, les petites gargotes authentiques font place à des restaurants branchés.

Écrit 2 ans avant sa mort, Montalbano dont c'est l'avant-dernier roman nous montre un héros vieillissant, fatigué de la vie, n'ayant plus goût à grand chose, même si (comme dans tous les romans du mètre espagnol, on retrouve la traditionnelle recette de cuisine, mais pas de voyages, le traditionnel brûlis de livres, et des balades dans un Barcelone agrandi).

En parallèle c'est l'histoire de la Catalogne espagnole qui se joue. Il y a les indépendantistes, les nationalistes, ceux qui s’opposent à une idée du triangle réunissant Toulouse/Barcelone/Milan, terres de la grande Catalogne qui serait un poumon économique qui réjouit les capitalistes.

Ce roman n'est qu'un prétexte pour avertir le lecteur de la dérive indépendantiste qui s'est emparée de la Catalogne il a vingt ans déjà. A travers une enquête sur l'assassinat d'un fils de la grande bourgeoisie barcelonaise, on découvre les liens insoupçonnés entre une partie de l'intelligentsia locale le clergé nationaliste et l'embryon des services secrets catalans . Sur un ton volontairement décalé, voire parfois moqueur, mais sans arrière-pensée malveillante, l'auteur démontre à quel point, province autonome d'Espagne se rêve en leader mondial des peuples sans nation. Rien que ça!

Montalban n'est ni pour ni contre la Catalogne libre, lui son combat est le capitalisme qui se croit tout permis. Même si il avertissait déjà, en 2003, que la fuite de milliers d'entreprises et les pertes d'emplois y afférentes (finalement réellement provoquées par le référendum sur l'indépendance de 2017) ne dérangeraient pas les anti-Madrid les plus farouches. Au contraire, conscient du niveau de vie privilégié de la Catalogne par rapport au reste de la péninsule ibérique, ces jusqu'au-boutistes estiment qu'un relatif appauvrissement leur serait favorable ! Selon eux, il ramènerait la population vers de supposées vraies valeurs comme la religion catholique, la langue et la culture catalanes et l'entraide à l'échelon local. Bref, un bon gros délire orchestré par des séminaristes exaltés et des fils de bonne famille qui n'ont jamais manqué de rien !

Le ton un peu différent, désabusé, montre un détective vieillissant, toujours un peu fauché, mais qui sent une fin proche. Son papa, Montalban est mort en 2005.

J'ai presque lu tous les Carvalho, je conseille à tous de lire au moins une des enquêtes du détective le plus déjanté de Barcelone, un monument littéraire. Parmi mes préférés  Les oiseaux de Bangkok, la rose d'Alexandrie, les mers du Sud.


Extraits :

  • Cela dit chef, je me réjouis de voir si nous allons gagner les élections contre Pujol et les catalanistes. Je suis personnellement plus catalan que quiconque, mais tant de nationalisme a fini par me fatiguer. Pour quelle raison les nationalistes le sont-ils autant ? Pourquoi sont-ils si lourds et si unidimensionnels ?

  • Les temps sont durs. La mondialisation nous frappe de plein fouet. Les multinationales ont pris le contrôle du marché de la police privée et on commence à considérer les indépendants comme une curiosité anthropologique. Il n’y a jamais eu autant de théologie sécuritaire ni autant de voyous et d’assassins sur le marché, mais la concurrence des multinationales de la répression est déloyale. Ce qui se passe avec l’OTAN est innommable. Pour l’instant, ils bombardent avec des missiles intelligents, mais ils vont bientôt arrêter les gens à distance et mettre en prison au moyen d’aimants sensibles à la chair humaine vaincue.

  • Les meilleurs tueurs à gage viennent des régions où l'on ne mange pas à sa faim ou de celles ravagées par la guerre. Or, ces pauvres ne sont pas stupides: ils savent pertinemment que les élites des pays riches ont toujours besoin d'assassins.

  • J’ai toujours vu dans les mathématiques un produit éthéré, séraphique, sujet aux plus stricts préceptes, sans tache, sans fissures, virginal, aussi solide et consistant que… c’était dégoûtant ; jusqu’à l’apparition à l’horizon, pour les tirer de leur goût de rance, de leur rigidité, de leur odeur de vertu (des mites ?), l’apparition, donc, desdites équations (tel le septième de cavalerie en panavision, avec la bande sonore qu’il faut à ce moment-là), et grâce à elles les mathématiques devinrent : magiques, imprévues, surprenantes, indéterminées, ambiguës ; en un mot : déconcertantes.

  • Si l’amour est une roulette russe, pourquoi pas le sexe ? Quand on me met une capote, on me fait prendre tellement de distance que je ne bande plus. C’est comme si on m’avait mis un stigmate sur la queue. Je comprends qu’il soit important pour les athlètes sexuels de ton âge de ne choper aucune infection pour pouvoir voter aux prochaines élections et aux suivantes, tenir le pays à bout de bras, faire des enfants et agiter des drapeaux jusqu’à ce que la mort nous sépare.

  • On peut mourir de froid parce qu’on n’a pas un rond, et on peut aussi avoir le froid en dedans parce qu’on n’a pas un sentiment, une affection, même pas le souci de soi.

  • Tout être humain devrait pouvoir faire un enfant, écrire un livre, planter un arbre et déposer une recette de poulet fricassé à l’américaine.

  • Je ne crois pas à la modernisation. Tout est moderne, en permanence. Aujourd’hui est un jour plus moderne qu’hier. Et ne parlons pas de demain.

  • Los individuos pueden tener compasion, los pueblos no. Ser una nacion me complicaria demasiado la vida. Pero adoro las naciones de los otros.

  • Todo ser humano deberia poder tener un hijo, escribir un libro, plantar un arbol y patentar una receta de pollo en pepitoria.

Biographie :

Manuel Vázquez Montalbán (1939 - 2003) est un romancier, essayiste, poète et journaliste espagnol. Il est surtout connu pour les romans policiers de Pepe Carvalho.

Il fit des études de philosophie et de lettres à l'Université Autonome de Barcelone, et fut diplômé de l'école de journalisme de Barcelone.
Il s'engage politiquement dans les mouvements de gauche catalans, milite au PSUC et devient même membre du Comité Central. Ces activités le mènent dans les prisons franquistes. En 1962, un conseil de guerre le condamne à trois ans de prison pour ses activités dans la résistance antifranquiste. C'est dans la prison de Lérida qu'il écrit son premier essai, "Informe sobre la información".

Après être sorti de prison, il commence sa carrière de journaliste dans la revue Triunfo, et collabore à plusieurs publications, telles que Siglo XX, Tele/Xprés, Por Favor. Par la suite, il écrit également dans des journaux réputés tels qu'El País, Interviú ou Avui, dans lesquels il signe des articles jusqu'à sa mort.

En 1967, il publie son premier recueil de poésie, "Une éducation sentimentale", suivi en 1969 de "Movimientos sin éxito". La même année parait son roman "Au souvenir de Dardé". Mais c'est en 1972 qu'il crée le célèbre personnage du détective Pepe Carvalho.
Manuel Vázquez Montalbán reçoit plusieurs prix dont le Premio Nacional de Narrativa pour "Galindez" en 1991, le prix Europa en 1992 et le Premio Nacional de las Letras Españolas en reconnaissance de toute son œuvre en 1995.
Il meurt d'une crise cardiaque à l'aéroport de Bangkok, de retour d'une tournée littéraire en Australie.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Manuel_V%C3%A1zquez_Montalb%C3%A1n


En savoir Plus :

Sur l'auteur :

Sur la Catalogne

Sur Barcelone


Photos des lieux du roman

Barceloneta, quartier populaire

Barrio Chino, quartier populaire et ouvrier

La horchata, boisson au lait d'amande glacée et sucrée

Ville Olympique, devenue quartier chic de Barcelone (Montjuic)

San Cuga, dans l'arrière pays


Vallvidreda, quartier où réside Carvahalo

Cimetière de poblenou - Quartier gothique

Mémorial de Walter Benjamin

Parc Guell, autour de la Sagrada Familia de Gaudi

Quartier gothique du vieux Barcelone

Ramblas de Raval, quartier dangereux réhabilité depuis

Le parc Tibérola, un des poumons verts de Barcelone

Chapelle Guell inachevée de Gaudi dans la banlieue de Barcelone à Santa Coloma

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