L'histoire
James McBride raconte son enfance et surtout l'histoire de Rachel (Ruth) sa mère, une femme extraordinaire. Fille d'émigrés juifs, son père alcoolique et violent tient une épicerie à Suffolk en Virginie. Rachel vit sous la surveillance permanente de son père, le racisme patenté des blancs chrétiens puritains et des menaces du Ku Klux Klan. Sans amies, elle tombe amoureuse d'un pasteur noir, se marie avec lui et a 8 enfants. Au décès de cet époux elle se remarie à un autre noir et aura 4 enfants de plus. Une vraie tribu, pauvre, qui vit dans le pire quartier du Quenns, mais peu importe. La mère se fiche de la couleur des autres et réussit le miracle de faire faire à tous ses enfants des écoles supérieures. Un magnifique portrait de femme, dans une Amérique où débute le mouvement des droits civiques, les discours de Martin Luther King et le mouvement des blacks Panthers.
Mon avis
Les éditions Gallmeister ont fait réviser la première traduction de ce roman autobiographique de James Mc Bride (sorti en 1996), pour lui donner un aspect plus dynamique et plus proche de l'écriture de Mc Bride. Les traducteurs de Gallmeister rencontrent en général les auteurs ce qui leur permet d'affiner les traductions au plus juste.
Il a fallu 14 ans à l'écrivain américain pour retracer l'histoire de sa mère, en enquêtant auprès des proches, des amis. Quelle femme cette mère ! Née Rachel, débarquée aux USA de sa Pologne natale à 2 ans en 1923, sa vie valait bien un roman.
James est le 8ème des 12 enfants de sa famille. Sa mère a subi les violences d'un père se prétendant rabbin et faisant régner la terreur dans sa famille. Il pratique un judaïsme dévoyé, est raciste, nous sommes encore dans l'Amérique ségrégationniste. Alors Rachel devient Ruth, s'enfuit à New-York, épouse un jeune homme noir avec lequel elle fonde une église évangélique, se convertissant au catholicisme. Sa famille la renie et elle ne les reverra jamais. A la mort de son premier époux, elle se remarie avec un autre homme noir dont elle a 4 enfants. Mais le papa aime tous les enfants sans distinction. Se moquant des préjugés, vivant très pauvrement, elle organise pourtant la vie de sa tribu avec deux objectifs : se foutre de ce que les autres pensent mais faire des études supérieures car le savoir et la culture offre des bons métiers. Nous passons ainsi de la ségrégation à son abolition en 1964 (chaque enfant de la famille s'engageant plus ou moins dans la lutte pour les droits civiques).
Le style vif et amusant de James Mc Bride rend ce roman à la fois amusant et terriblement touchant. Alternant une sorte de confession de sa mère et leurs vies avec ses remous, les copains, la vie pauvre du Queens, il y a aussi une énorme tendresse pour cette mère lionne qui a su mener à bien sa tribu.
Le livre aussi interroge sur l'identité : elle est la seule blanche dans un monde de métis et de noirs, ses enfants même si ils sont élevés dans l'amour de Jésus sont quand même aussi nés de mère juive (la judaïté se transmet par la mère). Les enfants ne se préoccupent pas de cela, ils vivent dans un joyeux capharnaüm, se disputent, jouent ensemble, se taquinent. Finalement une enfance particulière vu de l'âge adule mais pleine de vie, d'un amour infini qui fait fi des couleurs de peau, es discriminations pour un monde plus joyeux et la misère, la faim, la ségrégation finalement ne sont que des aléas dont comme le dit Maman Mc Bride : on s'en fout.
Extraits :
Il n'y en avait que pour la violence et la mort à Suffolk. Rien d'autre. Sous leur apparence polie, hospitalière, les gens restaient des sauvages. Des bombes prêtes à exploser. La chaleur, la haine, l'alcool rendaient fous, et pour un rien, les doigts appuyaient sur les gâchettes. C'est l'atmosphère du Sud, je la sens encore, un air lourd de secrets terribles. (Rachel)
Parfois, sans en avoir toujours conscience, nos idées, notre foi, nos centres d’intérêt sont ancrés dans le passé. Nous songeons à une autre époque, à d’autres lieux, à d’autres personnes et perdons notre emprise sur le présent. Parfois, nous sommes persuadés que nous serions plus heureux si nous pouvions remonter le temps. Mais quiconque tente l’expérience court vers une déception assurée. Quiconque, après des années d’absence, revisite sa ville natale mesure effaré la distance qui sépare ce qu’il voit des souvenirs qu’il en avait. Il a beau parcourir les rues et les routes familières, il n’est plus qu’un étranger dans un pays étranger, incapable de retourner chez lui, même en esprit. La vie l’a conduit dans un autre monde, ce qu’il regrette n’existe plus. Ni physiquement ni en rêve, il ne retrouvera ce qui fut.
New York me grisait. Tout le monde y semblait trop occupé pour se soucier de votre race ou de votre religion. J'adorais ça. (Ruth)
Aux États-Unis, quand on pense aux Afro-américains, la première idée qui traverse l'esprit est celle de la délinquance, pas celle qu'un Noir puisse avoir une mère blanche et juive.
Mais moi, suis-je noir ou blanc? - Tu es un être humain. Travaille à l'école, sinon tu deviendras un moins que rien. -Un moins que rien noir ou blanc ? -Pour un moins que rien, la couleur n'a aucune importance.
Enfant, je me demandais souvent d'où venait ma mère, comment elle était arrivée dans ce monde. Quand je l'interrogeais, elle répondait : "C'est Dieu qui m'a faite", et changeait de sujet. Si je m'étonnais qu'elle soit blanche, elle haussait les épaules : Non , j'ai la peau claire". Puis, elle parlait à nouveau d'autre chose. Exposer son histoire personnelle ne faisait pas partie du programme d'éducation qu'elle appliquait à ses douze enfants café au lait, curieux et indociles.
Un autre après-midi, en revenant de l'église à la maisons, je lui demandai si Dieu était noir ou blanc. - Ni l'un ni l'autre, répliqua-t-elle agacée. Dieu est pur esprit. - Mais qui préfère-t-il, les Noirs ou les Blancs? - Il aime tout le monde. C'est un esprit, je te dis.- C'est quoi un esprit?
- Un esprit est un esprit. - De quelle couleur est l'esprit de Dieu? - Il n'en n'a pas. Dieu a la couleur de l'eau. C'est-à-dire aucune. Je n'avais rien à opposer à cet argument massue qui aujourd'hui encore me paraît sans réplique. (dialogue entre James et sa mère).Être mort ou en vie, ce n'est pas du tout pareil, me dis-je. Moi, je suis vivant. Le plus beau cadeau qu'un homme puisse faire à un autre consiste à lui donner la vie. Le pire des péchés est de la lui ôter. Toutes les lois et toutes les religions du monde sont accessoires. Ce ne sont que de vulgaires mots et croyances auxquels les gens choisissent d'adhérer tout en semant la haine et le meurtre derrière eux. Je m'avançais sur un autre chemin et espérais que mes enfants m'y suivraient. Le cœur en paix, je repartis pour New York. Je réalisais que ma grand-mère n'avait pas souffert inutilement. Elle n'était pas morte en vain. (Ruth)
Assise dans son petit fauteuil à bascule, elle aimait regarder les oiseaux par la fenêtre de sa chambre au premier étage. Elle posait des miettes de pain sur le rebord et chantonnait en yiddish quand ils venaient picorer: "Feygele, feygele, gay a veck!" ("Petit zoziau, petit zoziau, envole-toi!"). Ensuite, elle agitait les bras pour le plaisir de les voir prendre leur liberté à tire-d'aile. (Ruth)
There's such a big difference between being dead and alive, I told myself, and the greatest gift that anyone can give anyone else is life. And the greatest sin a person can do to another is to take away that life. Next to that, all the rules and religions in the world are secondary; mere words and beliefs that people choose to believe and kill and hate by. My life won't be lived that way, and neither, I hope, will my children's. I left for New York happy in the knowledge that my grandmother had not suffered and died for nothing.
He thought money he spent to take care of his wife would do it, you know, substitute for the fact that he didn't love her. But a wife wants love. She was a good Jewish wife to him, but their marriage was starting to crumble because he didn't care about her. That's why I knew I was leaving home. I wasn't going to have an arranged marriage like my parents did. I'd rather die first, which I did do in a way, because I lost my mother and sister when I left home.
Bibliographie
Né en 1957
James McBride est un écrivain, scénariste et
journaliste.
Il est né d'un père afro-américain, le révérend
Andrew D. McBride (1911-1957) et de Ruchel Dwajra Zylska (1921-2010),
une immigrée juive de Pologne et fille d'un rabbin orthodoxe qui se
convertit au christianisme après son mariage. Il est le huitième
d'une fratrie de 12 enfants élevés à Brooklyn.
Il évoque
l'univers de son enfance et le destin singulier de ses parents dans
ses mémoires, parues en 1995, intitulées "La Couleur de l'eau"
("The Color of Water: A Black Man's Tribute to His White
Mother").
Titulaire d'un master en journalisme à
l'Université Columbia en 1979, il a travaillé pour différents
journaux américains comme "The Boston Globe", "People",
"The Washington Post".
"Miracle à Santa Anna"
("Miracle at St. Anna"), son premier roman, paru en 2002,
rencontre un gros succès dont il tire un
scénario, réalisé en 2008 par Spike Lee.
James McBride obtient
le National Book Award de la meilleure œuvre de fiction en 2013 pour
son roman "L’Oiseau du Bon Dieu" ("The Good Lord
Bird"). Il sera adapté en mini-série pour la télévision en
2020 avec Ethan Hawke.
James McBride est aussi un musicien
reconnu : saxophoniste et compositeur professionnel. Père de trois
enfants, il vit entre New York et Lambertville, New Jersey.
En
savoir plus :
https://www.youtube.com/watch?v=pWbW6JN3wUY (il parle très bien le français)
son groupe de musique : https://www.facebook.com/watch/?v=1327743350586322
son site : https://www.jamesmcbride.com/
En savoir Plus :
Sur le roman
https://gallmeister.fr/livres/399/mcbride-james-la-couleur-de-l-eau
https://www.senscritique.com/livre/La_couleur_de_l_eau/42799606
Sur la ségrégation raciale aux USA
https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9gr%C3%A9gation_raciale_aux_%C3%89tats-Unis
https://www.lhistoire.fr/%C3%A9tats-unis-un-si%C3%A8cle-de-s%C3%A9gr%C3%A9gation
Sur les grandes figures de la lutte anti-ségrégation
M.L. King : https://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_Luther_King
Malcom x : https://fr.wikipedia.org/wiki/Malcolm_X
Daisy Bates : https://fr.wikipedia.org/wiki/Daisy_Bates_(militante_politique)
Black Panther (BBP) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Black_Panther_Party
NAACP :https://fr.wikipedia.org/wiki/National_Association_for_the_Advancement_of_Colored_People
Nota : les communautés juives progressistes ont largement aidé les noirs dans les mouvements de luttes :
L'AJC : https://fr.wikipedia.org/wiki/American_Jewish_Committee
L'ADN : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anti-Defamation_League (plus contesté pour sa politique trop pro-Israëlienne)
Sur le judaïsme orthodoxe
https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2019-1-page-86.htm (contestation des femmes)
https://www.la-croix.com/Religion/Judaisme/Femmes-judaisme-revolution-silencieuse-2019-11-25-1201062520 (contestation des femmes)
https://www.cairn.info/revue-societe-droit-et-religion-2014-1-page-33.htm (sur la condition des femmes)
https://swissjews.ch/fr/services/savoir/fiches/la-situation-de-la-femme-juive/
Même si les femmes combattent la religion juive orthodoxes, celle-ci impose aux femmes : de parler le yiddish, d'être dévouée à son mari, de s'occuper de la nourriture casher, et de la bonne éducation des enfants. Certains rabbins peuvent dissoudre des mariages si la femme ne peut pas donner des enfants à son mari.
Le film d'Amos Gitai Kaddosh explique bien cette situation : https://fr.wikipedia.org/wiki/Kadosh
Sur les mariages interraciaux aux USA
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mariage_interracial_aux_%C3%89tats-Unis
https://afroculture.net/couples-mixtes-noir-et-blanc-celebres-qui-durent-dans-le-temps/
Play-list
cantique : https://www.youtube.com/watch?v=81a7V0MhJpg
cantique : https://www.youtube.com/watch?v=YTpUQO0aryw
Lester Young : https://www.youtube.com/watch?v=rWDxsudvCX4
Cab Calloway : https://www.youtube.com/watch?v=cwWjpVfEL8Y
Billy Ekstine : https://www.youtube.com/watch?v=l3RJwjQDuJM
Archie Bell : https://www.youtube.com/watch?v=5YsXsWljxcY
Martha Reeves : https://www.youtube.com/watch?v=mJtiTsetlvU
King Curtis : https://www.youtube.com/watch?v=wtjJXJ0oaNc
Curtis Mayfield : https://www.youtube.com/watch?v=xz5zBedqT2U
Aretha Franklin : https://www.youtube.com/watch?v=PB2Mu2zBzjw
The Spinners : https://www.youtube.com/watch?v=ojCikI9npJQ
Randy Crawford : https://www.youtube.com/watch?v=G6d63p4YS5g
Etta James : https://www.youtube.com/watch?v=YPwI9ig5W24
Kool and the Gang : https://www.youtube.com/watch?v=3GwjfUFyY6M
Stevie Wonder : https://www.youtube.com/watch?v=mMTkujnftIs
Marvin Gaye : https://www.youtube.com/watch?v=4bXlolgoe7M
Bill Withers :https://www.youtube.com/watch?v=6POZlJAZsok
Bill Withers : https://www.youtube.com/watch?v=Nuanwn3v-2I
James Brown : https://www.youtube.com/watch?v=ClhBXVygWbc
Dexter Gordon : https://www.youtube.com/watch?v=zdR7v0WbZbA
Charlie Parker : https://www.youtube.com/watch?v=3fgxyyrqZ-I
Tina Turner :https://www.youtube.com/watch?v=jhkIh4x4mmM
Chaka Khan : https://www.youtube.com/watch?v=TjWmw-8-OEk
Roberta Flack : https://www.youtube.com/watch?v=xVybozv_L3M
Donny Hateway : https://www.youtube.com/watch?v=HeHiio1sTTI&list=RDEMi0ye3UCIBa-nrLOR-ccHeA&start_radio=1&rv=WkfTLnE5Vtk
Womack & Womack : https://www.youtube.com/watch?v=R8AOAap6_k4
Quelques photos
Le red Hook Projet dans le Quenn, quartier noir et pauvre Saint Nicolas à Manhattan, quartier juif Saint Albans dans le Quenn où James vit dans une maison Louiseville Norfolk en Virginie (enfance de Ruth) Suffoll en Virginie, connue autrefois pour sa production de cacahuètes.
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