lundi 2 janvier 2023

ZOYA PIRZAD – Un jour avant Pâques – Zulma 2008 (ou livre de poche)


L'histoire

La vie d'Edmond, arménien vivant en Iran sur trois périodes de sa vie : son enfance dans un petit village au bord de la me Caspienne, sa vie adulte où il est directeur d'école à Téhéran et sa vie de vieil homme qui doit se réconcilier avec sa fille.


Mon avis

Hasard des lectures, l'Arménie revient en force ici, mais vu par Zoya Pirzad, qui sait de quoi elle parle puisqu'elle même est née de mère arménienne et père iranien. Comme toujours, l'écriture est douce et les choses restent toujours dans un non-dit pudique. Pourtant de tous les livres que j'ai pu lire de cette grande dame, c'est peut-être l'un des plus engagé. Ici, c'est du coté arménien qu'elle se place. Et du coté des femmes, même si le héros Edmond raconte l'histoire, un peu comme si il était le témoin de sa propre vie.

Sa mère, femme d'esprit indépendant, se bat contre son mari qu'elle a épousée sans amour. Elle se bat aussi contre les femmes de la famille de son mari, engluées dans des croyances catholiques d'un autre âge, tolérant à peine les musulmans, et ayant des idées très précises sur la place de la femme : au foyer, bonne ménagère et mère, garante de la culture arménienne. Ici, le génocide arménien n'est pas évoqué, mais bien plus la vie quotidienne. Martha l'épouse d’Edmond ne supporte pas l'idée que leur fille unique décide d'épouser un musulman érudit et tolérant. Par contre, elle va protéger Danik, la jeune assistance scolaire dont le crime fut d'avoir voulu épouser un iranien et qui a du fuir sa ville natale pour éviter le scandale. La vie est pourtant harmonieuse dans ce Téhéran de 2007 entre les communautés. On s'entraide dans les moments difficiles, on partage avec les plus démunis.

Alors qu'actuellement les femmes (les hommes et les jeunes) se battent pour la liberté et la démocratie en Iran, cet ouvrage fait du bien, et nous fait espérer des jours meilleurs où l'on vivra en paix dans un beau pays, pacifié et multiculturel.

Un glossaire en fin de livre nous permet aussi de nous familiariser avec certaines coutumes iraniennes et perses, notamment la nourriture. Ce petit roman (100 pages) se lit vite et se garde pour sa poésie du quotidien.

Près de 150 000 arméniens vivent en Iran, dans la région d'Ispahan.



Extraits :

  • La maison de mon enfance était mitoyenne avec l'église et l'école.
    La cour, comme dans toutes les maisons des petites villes côtières, était remplie d'orangers sauvages. Un massif bordait la véranda du rez-de-chaussée. Mon père y plantait ses fleurs au printemps et pendant l'été. Dès l'automne, il était inondé jusqu'à l'hiver.
    Le rez-de-chaussée était fait de larges pièces aux plafonds hauts soutenus par des piliers de bois. La lumière y pénétrait seulement par la cour, si bien qu'en fin d'après-midi il était plongé dans l'obscurité. Personne n'y habitait. Effat Khanom y gardait son savon et ses bassines pour la lessive hebdomadaire. Les jours de pluie, elle venait y étendre le linge sur des cordes tendues entre les piliers. Ma mère y remisait aussi tout ce qu'elle n'utilisait plus mais dont elle n'avait pas le courage de se défaire : mon berceau, mon baby-trotte, sa propre bicyclette d'enfant, une armoire à glace qui lui venait, disait-elle, du trousseau de sa mère.

  • Le mot "déshonnête" me trottait dans la tête. Nous étions en visite chez ma grand-mère. "L'honneur d'une femme, dit celle-ci, c'est de se soumettre aux volontés de son père jusqu'à son mariage, et une fois tenue par les liens sacrés du mariage, d'obéir à son mari. C'est pour nous une coutume millénaire."
    Ma mère ironisa :"Et que pensent nos coutumes millénaires de l'honneur des hommes ?"

  • L'intelligence n'a rien à voir avec la culture

  • Dis-moi, Edmond, ce n'est pas une faute de tomber amoureux ?

  • Tahareh était la seule non-arménienne de notre ville dont on pouvait parler à ma Grand-Mère sans qu'elle fronçât le sourcil.


Bibliographie

Née en 1952 à Abadan (près du Golfe Arabique), Romancière, nouvelliste, Zoyâ Pirzâd est née d’un père iranien d’origine russe par sa mère et d’une mère arménienne.
Mariée, mère de deux garçons, elle débute sa carrière d'écrivain après la révolution de 1979.
Elle a d’abord publié trois recueils de nouvelles dont "Comme tous les après-midi", en 1991. Trois recueils repris aux éditions Markaz à Téhéran en un seul volume.
En 2001, elle a publié un roman, "C’est moi qui éteins les lumières", salué par de nombreux prix, dont le prix du meilleur livre de l'année. En 2004 elle publie: "On s’y fera" roman très remarqué.
Zoyâ Pirzâd est aussi traductrice d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carol et de poèmes japonais. Elle fait partie des auteurs iraniens qui font sortir l’écriture persane de ses frontières et l’ouvrent sur le monde.
Sa langue est un persan simple et quotidien, une langue très équilibrée. La leçon ultime de Zoyâ Pirzâd est humaniste. Elle vit aujourd'hui quelque part en Europe.

En savoir plus :

En savoir Plus :

Sur le roman


Sur la place des arméniens en Iran

 

Sur la condition des femmes arméniennes

La condition des femmes en Arménie n'est pas reluisante : violences (une femme sur '4 en serait victime selon Amnesty International). La femme arménienne doit respecter les 4 piliers qui sont : le respect de son mari, l'éducation pieuse des enfants et de l'histoire, prendre soin de ses beaux-parents et s'occuper de sa maison. Autrement dit une forme d'esclavagisme, issu d'un catholicisme orthodoxe moyen-âgeux. Malgré une convention internationale signée en 2019, l’Arménie a bien du mal à faire respecter les droits des femmes. https://www.ohchr.org/fr/news/2022/10/experts-committee-elimination-discrimination-against-women-commend-armenia-continuing



Play-list

Viguen est un grand chanteur irano-arménien très apprécié en Iran


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.