dimanche 26 mars 2023

CARMEN MOLA – La Bestia – Actes Sud - 2022

 

L'histoire

Madrid, printemps 1834. Entre le choléra qui fait des ravages et les guerres carlistes, la ville espagnole est bien mal en point. Les morts se comptent par milliers, des quartiers entiers (souvent les plus pauvres) sont brûlés, obligeant les gens à fuir dans les environs. Et pour couronner le tout voilà que des cadavres de très jeunes filles totalement déchiquetées sont retrouvées ici et là. Pour les habitants déjà effrayés, il s'agit de l'oeuvvre de « la Bête », une créature fantasmagorique entre l'ours, le sanglier, le serpent géant. Mais ceci n'impressionne pas le journaliste Diego, qui est persuadé qu'il s'agit d'un ou plusieurs humains. Avec le policier Donoso et l'aide de la jeune Lucia, dont la petite sœur a disparu mystérieusement, ils mènent l'enquête. Et le pire est à venir.


Mon avis

Après la vague des polars nordiques, les libraires nous disent que la tendance des lecteurs est aux polars historiques. Le dernier opus de Carmen Mola (qui est en fait un collectif d'auteurs espagnols) ne déroge pas à la règle. Évidemment si vous êtes une âme très sensible, passez vite votre chemin. Sinon, entrez dans ce Madrid méconnaissable, presque encore moyen-âgeux, où à coté des pauvres, vivent la bourgeoisie qui se terre chez elle, par peur de la maladie.

L'héroïne du livre est la jeune Lucia, 14 ans, qui vient de perdre sa mère et doit protéger sa petite sœur Clara qui a 11 ans et est très affectée. Lucia est débrouillarde, elle commet quelques larcins qui lui permettent de manger, puis doit se prostituer, elle veut quitter Madrid pour le Sud. Mais voilà, lors d'un larcin, elle a volé une bague recouverte d'un symbole étrange, et objet de toutes les convoitises. On découvre alors qu'une secte mystérieuse est à l’œuvre.

Un roman qui nous plonge dans la noirceur d'une ville et des hommes, et qui resitue très bien le double contexte : celui des guerres carlistes (affrontement entre les partisans d'Isabelle et ceux de Charles) pour avoir le pouvoir et celui de l'épouvantable épidémie de choléra où la médecine ne peut rien faire, à part enterrer les morts.

Multipliant les rebondissements, les morts aussi et les personnages secondaires qui prennent selon l'action une importance plus ou moins accrue, La Bestia, explique le contexte, comme si nous aussi vivions dans ce Madrid là, mais nous donnant toujours à nous lecteurs un temps d'avance sur les héros qui nous permettent d'anticiper un peu la fin, mais sans nous dévoiler totalement la vérité.

On retrouve un peu de Dan Brown, ou des polars ésotériques, mais si on aime le genre c'est assez addictif. Et finalement très moderne, en écho avec notre époque et nos propres angoisse : les fake-news, les complots, les maladies inexpliquées (on pense à la Covid), la guerre en Ukraine.

Ce livre a reçu le prestigieux prix Premio Planeta en octobre 2021, qui récompense d'année en année les romans inédits les plus originaux écrits en langue espagnole.Personnellement, je préfère un Dan Brown (quand il ne commet pas trop d'erreurs historiques). Ici, je trouve que l'écriture est parfois redondante, même si l'intrigue est bien ficelée, il y a comme un air de déjà lu un peu poussif. Il est aussi dommage qu'une carte ne soit pas incorporée, car on se perd un peu dans la multitude des lieux. Reste quand même le joli personnage de Lucia, farouche et intelligente, indépendante aussi, ce qui est un fait rare pour l'époque où les femmes étaient soumises à leurs maris ou à leurs conditions sociales. Les grandes dames riches pouvant se payer le luxe de faire ce qu'elles veulent avec l'argent et parfois le consentement de l'époux.


Extraits :

  • Dois-je écouter vos vantardises ? Que voulez -vous savoir? - Les carbonari , des chevalières avec des masses croisées , des sacrifices rituels , pour saigner les petites filles , un élixir contre le choléra....Sans compter celui que la presse a appelé " la bête ".
    - Je ne vois pas de quoi vous parlez ".

  • Nous préférons nommer Bête ce que nous ne comprenons pas. De la même manière que nous rejetons les fautes des cruautés humaines sur le diable et ses subterfuges. Lorsque nous nous débarrassons de la mythologie, la réalité humaine apparaît.

  • Le sang ne l'a pas transformée en femme, il l'a transformée en victime. Peut-être est-ce là la véritable métamorphose qui accompagne les menstruations.

  • On ne se rend compte de ce qu'on aime qu'au moment où on le perd.


Biographie

Carmen Mola est le pseudonyme collectif signant les thrillers de la trilogie Elena Blanco. Les auteurs, trois scénaristes de la télévision espagnole, se sont réunis pour écrire ces livres, attribués jusqu'à la révélation de leur véritable identité, en octobre 2021, à une femme professeure, Carmen Mola. Les vrais auteurs sont donc Jorge Díaz, Agustín Martínez et Antonio Santos Mercero, plus connus comme scénaristes de télévision. Les auteurs ont remporté le réputé prix Planeta 2021, ce qui les a incités à révéler leur identité en octobre 2021.
Connue pour ses thrillers criminels espagnols ultra-violents mettant en vedette l'inspectrice de police Elena Blanco, Carmen Mola est décrite par son agence comme « la Elena Ferrante espagnole ». Avant la révélation du collectif, le nom Carmen Mola était présenté comme le pseudonyme d'une femme écrivain née à Madrid, proche de la cinquantaine et professeur de mathématiques. L’Institut pour les femmes présidée par l’écrivain féministe Beatriz Gimeno avait d’ailleurs inclus un des livres de Carmen Mola dans sa sélection d'« œuvres féministes ». La révélation a été critiquée par les militantes féministes, car la supercherie mise en œuvre (faux profil, faux entretiens dans la presse) et le fait d'avoir utilisé une signature féminine ont été jugés par les wokistes comme une manœuvre visant à augmenter les ventes.
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