L'histoire
Celine Watkins, 68 ans, est une sculptrice reconnue mais aussi une détective privée célèbre pour retrouver des personnes disparues. Quand la jeune Gabriela s'adresse à elle pour tenter de retrouver son père, officiellement mort, tué par un grizzli dans le Montana, elle décide de prendre en charge cette dernière enquête, accompagnée par son mari, le silencieux mais toujours présent Pete. La voilà partie dans un road movie, de New-York en passant par le Colorado, le Wyoming et le Montana, au volant du camping-car de son fils. E,n chemin, elle se remémore des éléments de son passé dans le Maine, les choix de vie qu'elle a fait et un avenir qui s'amincit, elle est atteinte d'un emphysème qui l'empêche de respirer.
Mon avis
Avis très mitigée sur ce roman, qui n'est pas un polar mais plutôt un suspens psychologique où la nature sublime ds grandes plaines et des montagnes est omnium-présente. Pourtant je ne le qualifierais pas non plus de « nature writing », la nature est ici décrite comme un peintre, mais ne joue qu'un rôle pacificateur dans une intrigue assez mince.
Bien évidemment il y a le personnage de cette grand-mère qui s'habille avec chic et porte un glock 26 (une arme de point) à la ceinture. Cette femme en presque fin de vie, est tenace, parfois impulsive, tempérée par son mari et a vécu une enfance et une adolescente privée d'un père volage et peu enclin à la vie de famille. A 15 ans, elle tombe enceinte et veut garder le bébé, mais elle est obligée par sa très snob famille d’accoucher sous X. Elle se marie et a un fils Hank, un peu alcoolo, journaliste d'une quarantaine d'années puis divorce avant de rencontrer son adorable compagnon. Si le succès artistique et policier arrivent vite, Celine est aussi passée par des moments de troubles, alcoolisme, drogues, mais elle s'en est sortie, car au fond c'est une battante.
Bref une enquêtrice singulière qui va bien évidemment résoudre l'énigme posée, avec les moyens du bord, un peu à l'ancienne, à partir de cartes topographiques, de téléphones portables d'un autre temps, et d'une bonne dose d'intuition. Le tout sous forme de road-movie à travers plusieurs états, où les descriptions de la nature, faune et flore sont peut être un peu trop présente. Sur les 330 pages du roman, la moitié sont consacrées à une nature que nous ne connaissons pas ou peu, des paysages magnifiques dont nous pouvons avoir quelques vues sur Google, mais en aucun cas cette nature ne joue une rôle, si ce n'est celui de la beauté des grands espaces dans le livre. Nous ne sommes pas dans « My Absolute Darling » de Gabriel Talent où la nature est fondamentale dans l'intrique, ni dans le best-seller de Delia Owens « Là où chantent les écrevisses » où la nature est amie/ennemie avec des personnages extrêmement puissants, même si ils sont parfois odieux. Ici, un peu discret enquêteur de la CIA nous met assez facilement sur la piste de ce qui a pu conduire le père disparu, photographe qui était au Chili lors de l'assassinat de Salvador Allende et le rôle supposé de la CIA dans le changement de régime, mais juste en effleurant le sujet, sans un réel travail de documentation qui aurait permis d'éclairer les activités de l'Agence Américaine sur ses activités sur l’Amérique du su Sud. Mais on appréciera l'écriture poétique et et douce de l'auteur, devenu célèbre pour « La constellation du chien » que j'ai bien envie de lire.
Extraits :
Elle avait cette démarche de jeunette dégingandée, les pommettes hautes, le nez proéminent et les grands yeux d'une jeune fille qui n'était pas belle, ni même jolie, peut-être, mais les adultes possédant une once de discernement savaient qu'elle deviendrait sublime avec l'âge, et même fascinante. Pour l'instant, elle n'était qu'une pauvre petite qui gardait une souris en peluche prénommée Myriam dans un minuscule panier sous son lit et passait la moitié de son temps dans le trou d'eau en contrebas de l'étable à repêcher les papillons de nuit pris au piège à la surface des eaux noires. D'autre part, elle était loin de chez elle et la vie d'agent secret et de résistante qu'elle s'était imaginée venait de s'évanouir dans un crépitement d'étincelles comme les rubans de pellicule qui cassaient sur le projecteur de l'école le vendredi soir.
J'ai emmené Mimi skier ici pour son treizième anniversaire. Je me souviens qu'on avait pris un gros téléphérique jusqu'au sommet - cette montagne-là, tu l'as vois ? - et une fois au-dessus de la couche de brouillard, le soleil brillait, le ciel était très bleu, et à l'approche du sommet, il y a eu une annonce dans la cabine qui disait quelque chose comme : "Si vous n'êtes pas un excellent skieur, restez dans le téléphérique pour le trajet du retour. "
Si la quantité de bonheur contenue dans une vie s’épuise, peut-être est-il possible de continuer à y trouver de la beauté, de la grâce et un amour infini.
C'est sans doute le matin, un filet de brume flotte au-dessus de la rivière, comme de la fumée, et un homme est sans doute en train de pêcher, sa canne inclinée en plein lancer.
S'il est là, c'est uniquement pour nous rappeler que les humains ne sont pas de taille face à la grandeur et à la beauté flagrantes.
Que la beauté la plus incontestable est peut-être celle qu'on ne peut jamais toucher.
Que Dieu existe là-haut, sous une forme ou une autre, sur ces sommets, dans ces lacs reculés et ce vent cinglant.Elle se rappelait avoir descendu l'allée, les feuilles qui tourbillonnaient dans le vent, et cette bourrasque dont le souffle avait assombri le vert des vieux arbres tels les doigts d'une harpiste tirant une note grave de son instrument.
Le petit jardin de devant était envahi par l'armoise, les herbes jaunies qui arrivaient aux genoux et une amarante se pressait contre la porte d'entrée comme un chien errant espérant pouvoir entrer.
Hank comptait parmi ces rares jeunes hommes fascinés par leur mère. Il se disait souvent qu'elle menait une vie beaucoup plus intéressante que lui, ce qui, à son avis, était une inversion de l'ordre naturel, et qui expliquait peut-être en partie sa décision d'écrire des récits d'aventure.
Après sa mort j’ai ouvert la fenêtre un peu plus grand et quand il pleuvait je laissais les gouttes éclabousser le rebord en brique et rebondir sur mon visage et dans le noir je m’imaginais que c’était une caresse de ma mère. Cette pluie, c’était peut-être elle. A cette époque, je pensais que la nuit permettait certaines choses qui étaient impossibles le jour.
Ses nombreux petits-enfants l’adoraient aussi parce qu’il était clair, y compris pour les plus jeunes, qu’elle avait tout vu ou presque durant sa longue existence, qu’elle comprenait la complexité et les nuances de l’âme humaine, et il était encore plus évident qu’elle aimait les gens par-dessus tout d’une adoration qui allait au-delà des mots, tant et si bien qu’elle leur adressait un clin d’œil et tolérait certaines de leurs bêtises parce que Dieu savait qu’en son temps, elle-même en avait fait, des bêtises.
Pendant qu'ils marchaient, Céline songea qu'ils cherchaient un père disparu deux décennies plus tôt, mais qui avait abandonné son enfant bien plus tôt encore et que cette enfant avait pratiquement toujours vécu sans lui. Comme elle-même. Que le retrouver à présent allégerait sans doute le cœur de la jeune femme , mais ne la soulagerait jamais de la tristesse qu'elle avait au fond d'elle.
Dans le monde selon Céline et Pete, l'endroit le plus intéressant d'une ville était la bibliothèque.
Céline sentit son corps se pencher en avant. D'après son expérience, il existait deux catégories d'histoire : celles qui suivaient des lignes prévisibles comme les sentiers tracés par le gibier sur le flanc d'une collline, et celles qui bifurquaient dès le départ vers autre chose, plus sauvages, qui battaient la campagne à la première occasion. Les plus étranges se chargeaient d'une odeur particulière.
Elle possédait également ce que Mimi appelait une Passion pour les Perdants. Céline prenait toujours le parti des faibles, des dépossédés, des enfants, de ceux qui n’avaient aucune ressource ni aucun pouvoir : les vagabonds et les sans-abri, les malchanceux et les toxicos, les abandonnés, ceux rongés par le remords, les brisés. Impossible de compter le nombre de chiens décharnés et tremblants que son fils avait fini par aimer, ni les familles chaotiques qui avaient séjourné chez eux plusieurs jours. Elle n’était donc pas une détective privée comme les autres. La plupart des gens se les imaginent comme des espèces de tueurs à gages – blasés, mercenaires, durs à cuire. Céline était une dure à cuire. Mais elle ne travaillait pas pour les nantis, elle n’espionnait pas les époux volages, ne surveillait pas de garçonnière et ne retrouvait pas les bijoux de famille.
Elle avait fini par croire que l'univers se composait de courants, comme une rivière ou un océan. Quand on voulait aller quelque part et que le cosmos vous entraînait dans une direction, autant suivre le mouvement. Surtout si on vous prenait en chasse.
Biographie
Né en 1959 à New-York,
Peter Heller est un écrivain américain de récits d'aventures et de
romans.
Écrivain “de plein air”, Peter Heller collabore
régulièrement à des magazines comme NPR, Outside Magazine et Men’s
Journal. Auteur de quatre livres de non-fiction sur la nature,
l’environnement, le voyage, l’aventure, il a été couronné par
de nombreux prix. Bien qu’il soit new-yorkais, qu’il ait étudié
dans le Vermont et le New Hampshire et qu’il vive aujourd’hui à
Denver, son CV correspond à celui de tout bon auteur du Montana qui
se respecte : il a été plongeur, maçon, bûcheron, pêcheur en
mer, moniteur de kayak, guide de rivière et livreur de pizzas.
En
savoir plus :
Sur le roman
Presse
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