lundi 22 janvier 2024

Stéphane CARLIER – L'enterrement de Serge – Poche Pocket - 2023

 

L'histoire

Dans une petite ville à 80 km du Creusot, il va y avoir l'enterrement de Serge, le fils de Gilberte. La cérémonie promet d'être triste. Seules sont présentes, Arlette, la compagne de Serge, sa mère et une amie, la sœur bling-bling et son mari très près de ses sous ainsi que Garance, leur fille de 16 ans, scotchée à son portable.

Mais tout ne va pas se passer comme prévu.


Mon avis

J'avais beaucoup aimé le dernier Carlier « Clara lit Proust », celui-ci ne déroge pas à la règle, avec les portraits de toute une famille, un peu comme monsieur-madame, nous tous quoi. D'abord il y a le défunt Serge, qui a connu des déboires, de la prison et qui grâce à la rencontre d'Arlette, femme de ménage s'est assagit devenant chauffeur de bus scolaire. Ensuite comme au jeu des 7 familles, je demande la mère, une femme de 84 ans, en pleine forme qui outre une maison familiale au Creusot, possède un petit pavillon à Houlgate, et qui a une annonce à faire. La sœur du défunt est une femme désagréable, peu heureuse en ménage, avec un mari qui ne pense qu'à l'argent, surtout celui qu'il empoche, pas du tout celui qu'il doit dépenser. Elle le trompe d'ailleurs avec un homme dont on ignore tout si ce n'est qu'au moins elle s'éclate sexuellement.

Et puis il y a Garance, adolescente que ses parents « soûlent » et qui aimait bien son oncle là où ses parents le considéraient comme un minable, un raté. Un vieux compagnon en fauteuil roulant et les deux préposés funéraires, avec chacun une histoire viennent compléter le tableau.

Mais tout ne se passe pas comme prévu, l'inhumation est remise d'un jour pour cause de grève des employés du cimetière. C'est l'occasion pour la famille de régler quelques comptes, mais aussi de se ressouder grâce à tous les amis venus inopinément.

Comme toujours on retrouve chez Carlier ce mélange d'humour et de tendresse. Oui les personnages pourraient faire des parfaits clichés de ce qu'ils sont, mais non ils évoluent au fil des pages et le final réserve une bien jolie surprise à Arlette, cette femme de ménage simple, facilement méprisée ou ridiculisée.

L'auteur alterne entre les situations farfelues et son écriture si humoristique avec des moments de grande tendresse et de poésie. C'est tout cet humanisme joliment masqué par les mots qui me fait aimer cet auteur, dont les romans ne sont pas des chefs d’œuvre de la Littérature avec un grand L mais si plaisant à lire.


Extraits

  • La mort est le seul moyen d'échapper à ce cauchemar et, à vrai dire, il n'aura ni regrets ni trop d'hésitations : les satisfactions qu'il retire de l'existence sont insignifiantes à côté de l'horreur fondamentale qu'elle lui inspire.

  • Le père de Garance, le visage figé dans une grimace de constipé hémorroïdaire, décortique un document qui doit être sa facture.

  • Il est tombé amoureux. D'ailleurs, pourquoi on dit tombé ? On devrait dire monté puisque c'est ce qu'on ressent quand ça nous arrive. Il est monté amoureux, cette nuit.

  • La profession de croque-mort est à recommander aux personnes déprimées parce qu’être confronté chaque jour au malheur d’autrui est un moyen efficace d’échapper au sien.

  • Pourquoi les riches en veulent toujours plus ? Ça ne les rendra pas immortels. Surtout qu’on le sait bien, tous les anciens braqueurs vous le diront - et ce sont des gars qui ont brassé des millions d’Euros : le blé, c’est un mensonge qu’on se raconte à soi même. La vrai richesse, on l’a en se promenant en bord de Saône au début de l’automne, en sentant le parfum du forsythia dans l’air du soir, en faisant rire ou frémir un gamin à qui on lit une histoire. C’est dans ces moments là qu’on est vraiment puissant.

  • On est jeté dans cette vie comme un caillou au hasard et la suite dépend surtout de l'endroit où on est tombé.

  • Mais bon, la vie ne marche pas comme ça. Un homme dans la force de l'âge ne peut pas dire à une famille croisée sur une aire d'autoroute Prenez moi avec vous, je suis vraiment seul et vous ne m'inspirez que de l'amour. Quand on écrit un livre, oui, on peut s'approprier la vie des autres, c'est même encouragé. Mais, dans la vie, c'est plus délicat

  • Donc, ce que je voulais vous dire, c'est ça : les gens que vous aimez, n'attendez pas pour leur dire. Parce qu'après il est trop tard, on se retrouve à faire des listes à trois heures du matin et à les lire bêtement devant un cercueil.

  • La tendresse est probablement la chanson la plus triste du répertoire français. L'écouter dans un corbillard garé devant un cimetière, un lundi après-midi, sous un ciel menaçant, relevé de l'exploit. Ça pourrait faire l'objet d'une épreuve olympique.

  • Serge et son père. Ces deux-là, c'était comme le café et le dentifrice, ils n'allaient pas ensemble.

  • Une dernière chose ,qui n'a rien à voir .Je peux me tromper mais j'ai l'impression qu'il y a quelque chose entre ma mère et Mme Vilmotte. Vendredi,elles ont débarqué dans la chambre alors que je dormais .À mon réveil,elles regardaient par la fenêtre et il me semble qu'elles se tenaient la main.Je n'ai plus le temps de creuser la question mais si effectivement elles sont ensemble ,rassure Gilberte.Dis-lui ,s'il te plait,que rien ne pourrait me rendre plus heureux que de la savoir amoureuse.

  • Ses parents s’apprêtent à lui payer une école de dessin en plein cœur de Paris à neuf mille balles de frais de scolarité mais c’est Arlette qui est « trop cool » avec son clafoutis. franchement, y a des baffes qui se perdent.

  • Il n'en a rien fait, heureusement- depuis quand les maîtres de cérémonie funéraire donnent leur avis sur les prestations de la famille aux obsèques ?



Biographie

Né Argenteuil, Val d'Oise , le 31/08/1971, Stéphane Carlier est un écrivain français.
Après une hypokhâgne et une maîtrise d'Histoire à Paris IV, il est pigiste dans diverses rédactions parisiennes (France-Soir, Gala, L'Express).
En 1996, il entre au ministère des Affaires étrangères qui l'affecte aux Etats-Unis, où il passe dix ans (New York, Los Angeles, Palm Springs) puis en Inde, à New Delhi. A son retour, il passe deux ans et demi à Lisbonne avant de s'installer en Bourgogne, où il réside aujourd'hui.

Afin que son patronyme n'influence pas les éditeurs, il signe son premier roman Antoine Jasper et l'envoie par la poste, depuis Los Angeles, où il vit à l'époque. Sylvie Genevoix, alors éditrice à Albin Michel, est la première à le contacter.
Son troisième roman, Les gens sont les gens, paru en 2013, est sélectionné pour le Prix Orange du Livre. Les droits sont optionnés pour le cinéma, tout comme ceux des "Perles noires de Jackie O." et d'"Amuse-bouche".
Il envoie "Le Chien de Madame Halberstadt" aux éditeurs par la poste, sous le nom de Baptiste Roy. Quatre d'entre eux se montrent intéressés, dont le Tripode, qui le publie en 2019 avec un certain succès (17 000 exemplaires écoulés).
Son huitième roman, "Clara lit Proust" (également envoyé par la poste) est publié par Gallimard, dans la collection blanche, en septembre 2022. Fin janvier 2023, plus de 30 000 exemplaires sont écoulés et sept traductions en cours (Italie, Allemagne, Espagne, Brésil, Grèce, Roumanie, Bulgarie).




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