L'histoire
Didrik, sa femme Carola et leurs 3 enfants dont un petit bébé de 3 mois passent leurs vacances d'été au nord du Lac Siljan dans le comté de Dalécarlie au centre ouest de la Suède. Lorsque des incendies éclatent un peu plus au Nord, dans le Jamtland et le feu se propage à toute vitesse. Se rendant compte du danger, Didrick est sidéré de voir que sa luxueuse berline tout électrique est à court de batterie, et on leur conseille de se rendre dans une ville à 11 kilomètres de là, puis dans un camps de réfugiés climatiques à Ratviik, où des familles s'entassent déjà, avec le peu de bien qu'ils ont peu récupérer. Touristes mais aussi habitants évacués, il faut prendre un train pour Stockholm. Mais le fils cadet est introuvable tout comme sa sœur adolescente. La mère Carola, dont l'entente avec son mari n'est pas au beau fixe, décide de partir et laisse son mari partir avec le bébé. Mais à Stockholm c'est un climat de guerre civile. Les militants écologistes sont en rage contre le gouvernement qui n'arrive pas plus à gérer ces feux qu'à apporter des secours. Les magasins sont pillés, le renfort de la police et des barrages pour empêcher de rentrer dans la capitale sont installés. Bienvenue en enfer. C'est la première des 4 histoires comptées dans ce livre.
Mon avis
Jens Liljestrand est un documentariste spécialisé dans l'écologie. Ce premier roman, traduit en 22 langues est toujours un best-seller en Suède, mais aussi dans les pays nordiques.
Ici, il nous livres 4 histoires, racontées par quatre protagonistes qui vivent chacun la situation des ces feux monstres selon leur ressenti.
Didrik, ce père de famille, consultant réputé en questions environnementales n'est en fait qu'un homme qui prêche de belles paroles, se-complait dans le statut de « réfugié climatique » alors qu'il n'a fait que des boulettes. Assez riche pour se payer de belles vacances, car la famille devait partir en Thaïlande, n'hésitant pas à dévorer une cote de bœuf bien saignante, dès son arrivée à Stockholm, il se réfugie chez sa maîtresse, Mélissa, à qui il a fait les promesses classiques du type qui n'a pas envie de quitter sa femme et son confort. Mélissa, influenceuse, souvent sans le sou, vit pour l'été dans un bel appartement qui est prêté par des riches propriétaires en vacances. Elle essaye de lire un livre, et pour elle, les questions de réchauffement climatiques existent, mais elle part du principe qu'il faut profiter un maximum de la vie et de ses plaisirs. Un peu raciste sur les bords, auto-centrée, elle finit par mettre dehors son ex-amant dont elle ne supporte plus les mensonges. Malgré les supplications de celui-ci. Elle garde toute fois Becka, qui grandit, ne voulant pas faire vivre l'enfer à ce bébé, qu'elle remettra plus tard à sa mère Carolina.
André, fils d'une ancienne star du tennis prend à son tour la parole. C'est le fils de l'homme qui a loué son appartement à Mélissa. Mal dans sa peau, mais admirant son père qui pourtant le traite de loser, il profite pourtant de la fortune immense que son père gaspille, sans se préoccuper une seconde de ce qui se passe, hors de sa maison de vacances dans l'île de Sandham, privilégiée par un climat agréable.
Enfin Vilga, l'adolescente de 16 ans, l'aînée de la famille de Didrik, fait elle un autre choix. Retrouver son petit frère, que le père a littéralement jeté dans une voiture d'inconnus et reste introuvable. Pour cela, elle fait preuve d'une grande intelligence, aide aux camps de réfugiés et est finalement la seule personne sympathique de ce gros pavé de 700 pages.
Bien
évidemment, tout y passe : la surconsommation, L'auteur
condamne fermement la société de consommation, et surtout les plus
riches d'une absolue irresponsabilité. Quoiqu'il arrive, ils restent
centrés sur leurs modes de vie, convaincus qu'ils auront toujours
les ressources pour se tirer d'affaire contrairement aux plus démunis
qui n'ont aucune chance de survivre aux pénuries.
Sceptiques,
résignés, indifférents ou indignés : lorsqu'ils sont confrontés
à une situation de crise, les personnages réagissent tous de la
même manière, sauver leur peau avant tout.
Mais 700 pages, avec un interminable chapitre sur la famille d'André, c'est trop. On sature un peu. D'autant que l'on connaît déjà les problèmes liés au réchauffement climatique, mais héla, individuellement comment réagirions-nous face à une catastrophe (on pense aux inondations qui ont frappé cet hiver/printemps en France), aux feux de 2022 dans les landes, où la terre est toujours chaude en sous-sol. Mais nous n'avons pas encore vécu une forme d'apocalypse où la société se divise, et se meut en une double guérilla. Les écologistes furieux manifestent, tandis que les pillards en profitent ce qui rend Stockholm invivable. Et dans tout le pays où malgré l'aide de la Norvège, ces méga-feux n'arrivent pas être circoncis.
Le mérite de l'auteur est de nous démontrer que nous n'avons pas tous la même solidarité, le même désir quand le vrai danger est là.
Mais une écriture plus resserrée, moins de détails répétés sur les états d'âme des principaux protagonistes aurait à mon avis été bien plus percutant. On fini noyé sous une masse d'informations, alors que nous ne sommes plus de bébés et que la plupart d'entre nous sont quand même au courant du réchauffement climatique et de ces conséquences, si bien démontrées dans ce livre. Que ferions-nous personnellement dans une telle situation entre guérilla civile et incendies monstrueux ? Pour ma part, j'ai constaté l'entraide des populations lors des inondations en France, et je crois que tout ce qu'anticipe notre auteur pourra être évité si nous nous donnions les vrais moyens de vivre plus simplement . N'oublions pas que seuls les dirigeants, les politiques peuvent vraiment orienter au mieux les choix car non, on n'a pas de planète B. Mais cela c'est un autre combat, très peu évoqué dans le livre, alors qu'il me semble crucial.
Extraits
Je sors sur le ponton. Le petit bocal en verre se trouve là, juste à côté de l’échelle. Le thermomètre flotte comme d’habitude à la surface de l’eau, attaché à l’un des poteaux par un petit fil en nylon, j’ai une soudaine envie d’y jeter un coup d’œil. Vingt-neuf degrés. Je ne vois pas le dauphin, le vent a dû l’emporter. Je regarde l’orée du bois. La fumée est passée de gris foncé à noire comme la poix. Entre les cimes des arbres, j’entrevois des flammes. Le ciel est une bouillie de suie et de cendres traversé de traînées écarlates, il tremble dans la chaleur, malgré le vent j’entends les craquements des arbres et des buissons. Je fais volte-face et je me dirige vers le petit vieux.
— Allez, venez ! Nous pouvons nous serrer dans la voiture, vous ne pouvez pas rester, vous le comprenez bien !
La société ne doit pas gaspiller du temps et des ressources inutilement, juste parce que vous…
Il demeure immobile. J’avance d’un pas vers le banc, je tends une main. Le vieux corps se fige, un mouvement imperceptible sous les vêtements, des tendons, du cartilage qui se tendent. L’idée de le hisser du banc, le guider, le porter, le transbahuter jusqu’à la maison puis à la voiture où se trouve déjà une famille de trois enfants avec tout son paquetage me fatigue d’avance.La civilisation court à sa perte et à terme aussi toute l'espèce, la plupart des gens pensent sans doute que l'être humain existera sur cette plante dans cent ans, trois à cinq cents ans c'est aussi possible de se l'imaginer, sous une forme quelconque, au moins dans certaines régions, mais dans mille ans ? Dix mille ans ? C'est ridicule, pourquoi existerions-nous encore ? Elle sourit de ses dents d'une blancheur éclatante. Et dans cela réside une certaine liberté. Une consolation. Il n'y a pas de problèmes environnementaux, il n'y a pas de crise climatique, il n'y a pas de fin du monde. Ce qu'il y a, ou y avait, c'est une espèce de mammifères qui s'est multipliée ah point de briser tous les écosystèmes dont elle dépendait, ce qui l'a menée au suicide collectif et c'est dommage, bien sûr, si on a le malheur d'appartenir à cette espèce, mais dans une perspective cosmique ou évolutive, c'est tout à fait insignifiant. Ça n'a pas la moindre importance. Elle balaie le public du regard. Certains prennent des notes, mais le majorité d'entre nous l'écoutons sans broncher. Alors qu'est-ce qui importe ?
La nature ne négocie pas. On ne peut ni la convaincre, ni l'apaiser, ni la menacer. Nous sommes une catastrophe naturelle qui s'étend depuis dix milles ans, nous sommes la sixième extinction de masse, nous sommes un super-prédateur, une bactérie meurtrière, une espèce invasive, mais pour la nature nous sommes qu'une ride sur la surface. (...) Lorsque nous disons que nous sommes en train de "détruire la planète" ou d'"endommager la nature" c'est un mensonge égocentrique. Nous ne détruisons pas la planète. Nous ne détruisons que nos possibilités d'y vivre.
Désolé pour le bruit, mais je suis en train de ranger la voiture, nous devons nous dépêcher de partir.. Les informations, enfin ça dépend de ce que vous entendez par là. Bien sûr qu on a reçu des informations indiquant quil fallait partir etc., mais dans une perspective à long terme, cette canicule extrême est causée par une crise climatique que toutes les autorités du monde occidental connaissent depuis des décennies sans avoir agi, et là je pense qu on aurait pu mieux nous INFORMER, je veux dire, pas maintenant, mais il y a dix, vingt ou trente ans, on aurait au moins pu nous INFORMER que l'Etat n'avait pas l'intention de remplir sa mission la plus importante, à savoir protéger la population mondiale d'une série de catastrophes très prévisibles.
Nous devons leur apprendre que le pire n’est pas ce que la nature va nous faire. Mais ce que nous nous ferons les uns les autres.
L'insolence, l'égoïsme, l'absence totale de reconnaissance qui semblent couler dans ses veines, tout cela se pose comme une pellicule sale, grasse, sur le bonheur qui à l'époque m'emplissait chaque fois que je plongeais dans ses yeux bleu clair.
Lorsque nous disons que nous sommes en train de "détruire la planète" ou "d'endommager la nature", cer c'est mensonge égocentrique. Nous ne détruisons pas la planète. Nous ne détruisons que nos possibilités d'y vivre.
Pourtant, la chaleur c'est la mort, me dis-je, assis sur le quad, à regarder les flammes danser dans les cimes des arbres autour de moi. C'est mourir, faner, flétrir, se désintégrer, devenir cendre. La chaleur fait de nous des êtres indolents, paresseux, passifs, indifférents. Puis vient le feu. Et avec lui l'anéantissement.
Une époque où les journaux usaient encore de titres comme LE SUPER ÉTÉ CONTINUE! 0u LA CHALEUR MÉDITERRANÉENNE EST DE RETOUR! comme si la canicule était un phénomène dont il fallait se réjouir, les plages, la baignade, les terrasses, les soirées à transpirer dans les festivals de musique, les enfants euphoriques qui jouent dans le jet de l'arroseur de jardin, une époque où la Méditerranée était synonymne de cocktails et de traces de bronzage. Pourtant, la chaleur C'est la mort, me dis-je, assis sur le quad, à regarder les flammes danser dans les cimes des arbres autour de moi. C'est mourir, faner, Flétrir, se désintégrer, devenir cendre. La chaleur fait de nous des êtres indolents, paresseux, passifs, indifférents. Puis vient le feu et avec lui l'anéantissement.
Devenir mère c'est se briser, une plaie qui ne cesse jamais de saigner, s'ouvre à plusieurs reprises. Il y a des mots spéciaux que seule une mère peut prononcer, des larmes qui n'appartiennent qu'à elle.
C'est tout ce bordel aussi, dis-je avec un geste vers la situation chaotique sur le quai. La vie s'écoule et ce serait différent si l'on pouvait se projeter dans un avenir radieux, se dire que toi et moi on pourrait profiter d'une vie un peu luxueuse après cinquante, soixante ans, mais ça ne se passera pas comme ça, hein ? La vie c'est ça maintenant et ça va aller de mal en pis. Tout. On ne peut qu'espérer mourir avant que ça ne devienne totalement insupportable. Mais la chaleur, l'eau, la nourriture. Qu'on réussisse à faire fonctionner la société quelques années de plus, avant que la prochaine pandémie ne referme tout. Qu'on ne soit pas obligés de manger des insectes. Que les racistes et les fous ne conquièrent pas encore plus de régions du monde. Qu'il y ait du café à boire dans notre maison de retraite.
Biographie
Jens Liljestrand , né le
18 décembre 1974 à Västervik , est un auteur , critique littéraire
et journaliste suédois .
Il fait ses débuts en tant qu'écrivain
en 2003 avec le livre de reportage Made in Pride . En 2004, il publie
un autre livre reportage, Nous sommes des scouts suédois , portrait
d'enfants de la classe moyenne et des différentes ambitions qui les
nourrissent. Ses débuts dans la fiction ont eu lieu en 2008 avec le
recueil de nouvelles Paris – Dakar . Il a été suivi en 2011 par
Adonis , construit autour des membres d'un groupe de chant de Lund
.
"Et la forêt brûlera sous nos pas", son deuxième
roman, le premier traduit en France, est un livre ouvertement
militant. Il cherche à mettre la littérature au service d’une
cause, celle qui, aux yeux de l’auteur, devrait désormais
prévaloir sur toutes les autres : Le réchauffement
climatique.
Jens Liljestrand a reçu le prix de littérature
Tidningen Vi 2008 ; selon la motivation "pour ses histoires
déchirantes et surprenantes, où il dépeint le délire de l'homme
suédois contemporain avec une précision linguistique sans faille et
un humour cruel".
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