mardi 11 juin 2024

Agnès LEDIG – Se le dire enfin – J'ai lu – 2021 -

 

 

L'histoire

Édouard, 50 ans, décide d'abandonner sa femme, sur un coup de tête, en portant la valise d'une vieille dame anglaise. Cela faisait longtemps que son couple battait de l'aile. Il arrive au gîte du « Doux Chemin », perdu dans la forêt de Brocéliande. Accueilli chaleureusement par Gaëlle, la maîtresse des lions, il va rencontrer son fils muet Gauvain et une étrange et très belle jeune fille Adèle. Dans sa poche la lettre de son grand amour qui n'habite pas loin.


Mon avis

On retrouve dans ce roman, les thèmes chers à Agnès Ledig : la connexion avec la nature et la lutte contre les violences faites aux femmes. Cette fois-ci c'est la forêt de Brocéliande, haut lieu druidique avec ses arbres magnifiques, ses légendes, ses méandres qui sert de décor.

Les personnages sont tous un peu fracassés par la vue. Gaëlle qui vit seule depuis la mort de son mari et doit s'occuper de Gauvain, enfant mutique et hypersensible. L'étrange Adèle qui est une cavalière hors-pair et qui cache aussi un lourd secret. Susan, l'écrivaine un peu trop fureteuse, qui espionne en douce les activités des membres. Puis il y a Raymond, le voisin bourru mais sympathique, qui parle une sorte de patois hilarant. Enfin Platon, le chat philosophe observe son petit monde en distribuant coups de griffes ou affections selon.

Édouard fait le point sur sa vie. Il n'aime plus sa femme, trop superficielle, trop dans l'apparence, et espère renouer avec celle qu'il a toujours aimé qui vit dans la région justement.

La paix de la nature, la mer déchaînée, les petites bruines de cet été finissant et l'heure des grands choix et des révélations.

Agnès Ledig sait dire en douceur les malheurs et sa poésie n'est plus à démontrer. Mais, c'est son deuxième livre, et j'aurais aimé qu'elle change de sujet. J'aurais aussi aimé plus de place à la magie de Brocéliande, aux légendes et un peu moins d'introspection de la part d’Édouard, qui hésite encore. 465 pages c'est un peu trop pour révéler ce que l'on a compris dès les premières pages. Et les personnages sont un peu trop clichés pour moi. On est loin de la puissance d'écriture d'une Tiffany Mc Daniel, bref ce livre ne laissera pas des souvenirs mémorables.

Mais c'est bien écrit, c'est page turner si on ne connaît pas.



Extraits

  • Platon s’approcha de l’arbre à pas de loup, grimpa le long du tronc couvert d’une mousse épaisse, ses griffes largement déployées pour atteindre l’écorce et s’y agripper. Deux énormes branches jumelles – qui, à deux mètres du sol, partaient à l’opposé l’une de l’autre – offraient à son corps gracile une zone plane et confortable. Il s’allongea et ferma les yeux. Le chat pouvait rester ainsi des heures sans bouger. À l’affût du moindre bruit, en sécurité, perché là-haut au bord d’une clairière calme.
    Le temps s’écoulait, rythmé par l’agitation alentour et les nombreux chants d’oiseaux.
    Le bruissement des feuilles répondait au murmure imperceptible des graminées qui dansaient dans le vent. L’animal, enveloppé de verdure, se laissait bercer par le concert que la nature lui jouait, riche de milliers de solistes. Platon ne céderait jamais sa place car il sentait qu’elle était sienne. Rien ne pouvait s’opposer à cette douce vérité. Après sa sieste, il pandicula avec soin puis s’éloigna comme il était venu, vers sa maison de Doux Chemin, intrigué par cette sensation éprouvée durant son sommeil. Il se retourna juste avant de bifurquer vers le sentier qui menait au hameau, pour regarder le tilleul une dernière fois. Rien ne serait plus comme avant.

  • Que veux-tu ? Avec qui ? Pourquoi ? Comment ? Pose-toi ces questions mille fois et agis. Tu as plus de printemps derrière toi que devant. Il est temps. Le passé est révolu. Le présent est ici. Tu y joues un rôle, ton rôle. L'avenir s'imposera. Attends.
    La liberté est l'oxygène de certains amours. Elle en a besoin, toi aussi, tu le sais. Tu respires mieux depuis que tu es ici; Et il n'y est pas question de feuilles ou de béton. Tu es un affranchi. Un affranchi du couple. L'idée te convient, elle convient à Elise. Certains canapés ont des messages subliminaux à délivrer.
    Rien n'empêche de s'aimer. Surtout pas cette liberté-là. Vivre seul à deux donne envie de partager plus fort les moments plus rares. Tu as l'âge où tout bouge, tout se remet en question, tu as lâché quelques certitudes, compris quelques règles simples, imaginé assez de scénarios pour savoir celui qui te convient. réfléchis et à la fois arrête de réfléchir. Vis.

  • Lui revint la description que Gaëlle avait fait de son fils, et qui le replongea au creux de sa propre enfance. L’hypersensibilité dont il avait souffert, sur laquelle il n’avait jamais posé de mots. Il avait dû appartenir à cette catégorie d’enfants différents qu‘on appelait aujourd’hui précoces, ou dys-quelque chose. Quarante ans plus tôt, ce genre de dépistage n‘était pas monnaie courante. Le comportement de cet adolescent le renvoyait à sa propre réalité – il en fut consolé. Sa différence, ressentie depuis toujours, ne lui apparaissait plus comme une faiblesse mais comme un fait dont il s’était accommodé.

  • Elise.
    Il y pensait le matin, le soir, dans tous les moments où de belles choses se présentaient à lui et qu'il avait envie de partager. Elle était l'incarnation du beau dans ce monde plutôt laid.
    Elle était une nuit de pleine lune quand on a peur du noir.
    Elle était le rayon de soleil sur le feuilles d'automne.
    Elle était la première fleur du printemps.
    Elle était la campagne enneigée à l'aube.

  • S'il y a bien deux choses sur lesquelles l'homme n'a aucune prise, c'est le temps qu'il fait et le temps qui passe.

  • Puis il demanda au vieil homme s’il connaissait bien la forêt, sa légende, s’il croyait à la magie qu’on lui prêtait. — C’est en nous qu’est la magie, les arbres sont juste un moyen de nous la montrer. Pour d’autres ce sera la mer ou la montagne.

  • Et si je fais le mauvais choix ?
    -Et si tu fais le bon? Personne n'a dit que la vie était facile. Traversons la en de grandes enjambées heureuses plutôt qu'en rampant.

  • Quand elle alluma le ventilateur au centre de la roue, le mécanisme s'enclencha et délivra ses premières bulles. Elle éclata de rire. De ce rire enfantin qu'elle n'avait pas perdu. Qui avait fait fondre Edouard à quinze ans. Qui le faisait fondre à cinquante. Ce rire, aussi petit et innocent soit-il, désintégrait toutes les peines, toutes les peurs. Il s'installait au premier plan, cachant derrière lui toute la misère du monde.

  • Le miroir aux fées, ou lac de Morgane. Encaissé et entouré de végétation, le lieu et protégé du vent, d'où la surface immobile, comme un miroir. Le Val sans retour est un des lieux les plus symbolique de la forêt. Élève de Merlin, la fée Morgane, après avoir trouvé son amoureux Guyomard dans les bras d'une autre, jeta une malédiction sur les amants infidèles en les enfermant dans ce Val. Lancelot du Lac réussi un jour à les libérer. La réputation sulfureuse de Morgane a fait scandale quand l'abbé Gillard l'a fait apparaître sur le chemin de croix de l'église du Graal. je te montrerai quand nous la visiterons. Gaëlle resta silencieuse un long moment lui pensait aux avances d'Adèle. La ressemblance est troublante avec la fée. Belle, élancée aux atouts certains, aux cheveux longs noirs, libre et provocante. Un peu magicienne.

  • Cette liberté immense et trop soudaine lui donna le vertige. Un angoissant vertige. Tous ses repères voltigeaient, ce q'il avait construit s'effritait. Il se sentait disparaître à l'intérieur de lui-même, n'être qu'un éboulement, un puits naturel qui se forme, sans pouvoir s'accrocher aux parois trop friables. Il allait mourir sous ses propres gravats.

  • Au moyen age une ancolie sur un tableau voulait dire que celui-ci recelait un message caché. C'était aussi la signature de Léonard de Vinci, dont le célèbre dessin de l'Homme de Vitruve illustre les proportions du corps humain, dans lesquelles on retrouve le nombre d'or.

  • Éprouvant le besoin de le toucher, il s'approcha du tilleul. Une sorte de fluide invisible l'envahit, l'aidant à apprivoiser le vertige du vide.
    Ne te sens pas coupable. On a parfois besoin de se retrouver seul pour faire le point. Tu as aimé ta femme. Peut-être pas aussi fort qu'il est possible, mais tu l'as aimée. Puis tu l'aimes moins. Différemment. Tu as de l'affection. Une simple affection. même le désir s'en est allé. Alors pourquoi tu restes ?
    Par confort ? Par habitude ? La peur de décevoir ? Ou celle, plus insidieuse, de faire mal ? Tu réfléchis beaucoup, alors que tu as déjà toutes les réponses.
    Cherche bien. Cherche en toi. Tu sais. Pieds nus dans l'herbe mouillée, il pensait à Elise. Tout sonnait juste au fond de lui. Oui. Tout sonnait juste. 

     

Biographie

Agnès Ledig est une romancière française née à Strasbourg en 1972.
Après une expérience en agronomie, elle décide d’intégrer l’école de sages-femmes de Strasbourg. Spécialisée en prévention, contraception et accompagnement émotionnel des femmes, elle obtient son diplôme et devient sage-femme libérale. Elle est sage-femme libérale en Alsace jusqu'en 2015. Elle est l'épouse d'un agriculteur normand et mère de trois enfants.
Agnès Ledig commence à écrire en 2005, pendant la maladie de son fils Nathanaël, souffrant d'une leucémie. Pour répondre aux questions que posaient tous ceux qui se préoccupaient de Nathanaël, elle tenait un bulletin hebdomadaire. Un professeur de médecine qui suivait l'enfant lui a révélé son don de transmission et l'a encouragée à écrire. Quand Nathanaël est parti, elle ne s'est plus jamais arrêtée.

"Marie d’en haut" (2011), son premier ouvrage, a remporte le prix "coup de cœur des lectrices" du roman Femme Actuelle 2011.
En moins de cinq ans, Agnès Ledig s'est imposée comme l'une des romancières françaises les plus aimées du grand public. Ses trois best-sellers, "Juste avant le bonheur" (2013), prix Maison de la Presse 2013, "Pars avec lui" (2014) et "On regrettera plus tard" (2016) sont aujourd'hui traduits en 12 langues.
En 2016, elle publie son premier album jeunesse, "Le Petit Arbre qui voulait devenir un nuage", illustré par Frédéric Pillot, qui illustrera également son deuxième album, "Le cimetière des mots doux" (2019). En 2020, elle publie son septième roman "Se le dire enfin", suivi de "La toute petite reine" (2021).

son site : https://www.agnesledig.fr/biographie


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