L'histoire
Voici le dernier tome des « Chroniques de Tahiti », Tiare, nom d'une fleur proche de la famille des gardénias. Nous retrouvons Materena, qui est devenue une star sur l'île grâce à son émission radio donnant la parole aux femmes. Mais, si ces 3 enfants sont en 2 en France et un à Bora-Bora comme chef cuisinier, Materena a bien envie de retrouver son père, dont elle connaît le nom et sait qu'il vit en France. Une idée qui fait rire Pito son mari, et cette fois sa femme le prend très mal. Elle envisage même un divorce. Mais un événement totalement inattendu va faire basculer la vie du couple : l'arrivée de Tiaré, la fille de son fils aîné et d'une jeune fille qui vit en Nouvelle Calédonie.
Mon avis
Voilà la dernière chronique des aventures de Materena et de son petit monde.
Bien que ces amis ne se gênent pas pour le lui faire remarquer, Pito, le mari ne se rend pas compte que sa femme est devenue une véritable star sur l'île, avec son émission radio où elle donne la parole aux femmes. De même Pito ne fait pas attention quand sa femme lui annonce qu'elle a envie de retrouver son père, dont elle connaît le nom et qui vit en France. Ce qui provoque une sérieuse bouderie, et Materena envisage un court instant le divorce.
Mais voilà qu'un bébé est déposé devant leur logis, leur fare (maison construite en bois et tôle), typique des quartiers populaires et pauvres de Papeete. Il s'agit de Tiare, la fille présumée de leur fils aîné Tamatoa qui finit son service militaire en France, et d'une jeune fille qui vit maintenant en Nouvelle Calédonie. Des explications s'imposent avec la famille de la jeune maman, mais le couple est mal reçu par des gens sans aucun savoir vivre. Très vite Pito trouve une ressemblance flagrante avec sa femme et les deux grands-parents sont sous le charme de ce joli bébé souriant. Et c’est là que Pito va changer totalement. De l'homme qui passait son temps à boire avachi sur le canapé après son travail, le voilà qui se transforme en papy-poule. Au grand plaisir de Materena, Pito décide de baptiser de suite la petite fille dans son église à lui (qu'il ne fréquente pas beaucoup), après une entrevue hilarante avec le curé. De plus toute sa famille se mobilise pour la petite princesse et lui offrir un baptême royal. Pito prend même un congé professionnel pour s'occuper de sa petite fille adorée. Sans que Materena lui dise quoi que ce soit, il s'occupe du bébé, donne le biberon, change les couches, veille sur elle dans son sommeil. Et les époux trouvent enfin une harmonie. Quand Tamatoa rentre, il laisse les grands parents s'occuper de sa fille, sort, fait la fête. Ce qui ne va pas du tout : il doit trouver un travail et s'occuper de son bébé. Il se prend une double avoine parentale et annonce qu'il a trouvé un emploi déconcertant certes, mais un emploi et fini par s'attacher à sa fille.
Pito lui, de son coté, se rendant compte que Materena est vraiment la femme qu'il aime de tout son cœur, va tout mettre en œuvre, discrètement, pour retrouver le père de Materena.
C'est bien connu, les mauvais parents font souvent des grands-parents magnifiques et c'est le cas de notre Pito, qui prend conscience de l'importance de sa famille, de sa femme qu'il a toujours aimé et se révèle enfin sous son meilleur jour.
C'est sous le signe de la tendresse, et des réconciliations que se termine cette trilogie. Bien sur on échappera pas à « Radio Cocotier » ni aux éternelles querelles entre les nombreuses tatas, cousines et cousins, parce que cela se passe comme cela à Tahiti. D'ailleurs, nous lecteurs français, qui avons une image un peu trop idyllique de la Polynésie française, découvrons qu'en fait les tahitiens n'aiment pas trop les farani, ces français soit touristes de passage, soit expatriés qui ne connaissent rien aux réalités de l'île. Certes on est très catholique, mais il y a aussi les traditions immuables, les chansons et les danses traditionnelles, la politesse (on ne reçoit pas un hôte sans lui offrir au moins une citronnade maison. On se dispute, on crie puis on passe à autre chose. On parle le tahitien et le français mais aussi l'anglais pour les besoins du tourisme. Ou on mélange un peu des trois. Il y a aussi une culture alimentaire particulière, des curies, mais aussi des recettes avec les cultures et arbres à pain classiques que toute famille qui se respecte doit avoir planté chez elle. Et puis il y a aussi ce mélange d'humour et de générosité. Dans l'adversité, le clan (comprendre la famille élargie) reste soudé et s'entraide.
On est un peu triste de quitter la famille de Materena, tant les personnages sont attachants, drôles ou un peu déjantés. On en redemande encore et encore.
Et comme toujours, un lexique vient nous apprendre quelques expressions tahitiennes en nous expliquant la façon de prononcé ! Aué Materena !
Extraits
Est-ce que tu te rends compte que le taux d'adultères à Tahiti est quelque chose comme soixante pour cent ?" - Soixante pour cent ? Pour l'adultère, Pito était au courant ( trois de ses oncles se sont fait choper en flagrant délit ) mais il ne savait pas que le taux était si élevé. - Soixante pour cent, confirme Heifara, lugubre. Et tu sais lequel des deux prend le plus souvent l'initiative de tromper l'autre ? - Le mari ? " Pito ne parle pas d'expérience, mais d'après ce qu'il a entendu raconter dans la famille. - Aita ia, c'est la femme. - La femme ! Non, Pito n'en revient pas. Tiens par exemple, il n'arrive pas à imaginer ses taties en train de tromper leurs maris. Ses taties sont toutes de saintes femmes ! D'abord elles ont élevé les enfants, fait le ménage, la lessive, la cuisine, les bouquets de fleurs pour la messe. Ensuite elles ont élevé les petits-enfants, fait le ménage, la lessive, la cuisine, les bouquets de fleurs pour la messe.
Dès que Pito est arrivé au boulot, il a pris sa tête normale, sa tête du boulot, celle qui ne trahit rien de ce qui se passe à l'intérieur. Il n'affiche jamais ses ennuis au boulot, pas comme certains qu'il connaît. En ce qui le concerne, ce qui se passe à la maison ( ce qui se passe bien comme ce qui se passe mal, mais surtout ce qui se passe mal ), c'est pas les oignons de personne.
Pito est très reconnaissant que sa femme ne se soit pas laissée aller. Il a plein de cousines qui étaient mignonnes quand elles étaient jeunes, mais dés qu'elles ont pondu leur premier gosse, ' aué ho'i é ! elles se sont mises à manger comme quatre. Sans compter le ketchup et le lait de coco, et repasse-moi encore le plat, ça fait trois fois mais ça fait rien...
Ah, il ne faut pas grand-chose à un homme pour être heureux. Un peu de mà'a, un peu de zizi-panpan, un peu de calme le soir, et il peut respirer.
Et Joséphine ajoute qu'elle est bien soulagée de voir que Materena n'a pas changé, qu'elle est toujours la même, sympa et tout. Elle n'a pas laissé la célébrité lui monter à la tête ( et elle est restée avec son mari qui gagne des clopinettes et qui ne brille pas par son intelligence, n'ajoute pas Joséphine ).
Hmm. Materena préfère l'amour dans le noir. De son point de vue, l'obscurité est un atout pour une femme , surtout si elle a eu plusieurs enfants.
Plus tard, en franchissant le seuil de chez lui, un peu défoncé mais très détendu, Pito se surprend à souhaiter que sa femme, pour une fois, l'engueule un bon coup. Comme ça au moins, il saurait ce qu'elle lui reproche.
Les hommes, c'est comme les melons, dit la jeune femme avec un air sérieux qui pourrait faire croire qu'elle a une longue expérience. Comme disent les Farànis : y en a des mûrs, et y en a des pas mûrs.
Quand tu restes trop longtemps sans rien faire, tu te réveilles de plus en plus tard le matin et la moindre chose devient une corvée.
Quand Materena a eu son boulot à la radio, Pito a eu peur qu’elle se mette à parler high class, qu’elle devienne une «Madame-Moi-Je», mais elle est restée la Materena avec qui Pito vit depuis presque un quart de siècle. Elle court tout partout dans la maison avec son balai, peut-être pas tout à fait autant qu’autrefois — au moins, le balai peut se reposer de temps en temps. Elle prête des œufs aux cousines qui n’ont pas eu le temps d’aller chez le Chinois avant qu’il ferme. Elle fait la cuisine, elle rit, elle râle, elle ratisse les feuilles et elle angoisse quand son gâteau- banane sort du four avec un air bizarre. Elle va à la messe, elle discute avec les taties, elle va tirer l’herbe sur les tombes de ses ancêtres, elle rend visite à sa mère régulièrement... C’est une vahine tahiti assez typique. Et elle n’est pas à la maison ce soir. Alors, en sifflotant parce que personne ne lui demande où il va, Pito sort de la maison pour se rendre au rendez-vous nocturne extrêmement important qu’il a avec ses collègues, autour d’une caisse de Hinano.
Tu ne peux pas téléphoner à ton fils pour la première fois de ta vie et compter qu'il va te faire des confidences juste parce que toi, tu es prêt à lui en faire.
L'expression "Faut pas pa'i faire caca dans ta cour" dit bien ce qu'elle veut dire : faut pas faire tes conneries là où tu peux te faire prendre, sinon tu vas te retrouver dans la merde jusqu'au cou.
J'appelle ma fille tous les jours, et tous les soirs." Tapeta explique qu'elle l'appelle dans sa tête, pas au téléphone. Dans sa tête et dans son cœur.
Biographie
Célestine Hitiura Vaite est une écrivaine polynésienne , née à Papeete, en Polynésie française, en 1966 qui vit en Australie.
En savoir plus ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9lestine_Hitiura_Vaite

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