L'histoire
Hank et Alma sont mariés depuis plus de 20 ans et ont trois « charmants » bambins, Marnie 8 ans, Lilirose 4 ans et Lino, le petit dernier. Déprimé par sa vie de bureau, les engueulades avec sa féministe de femme qui passe plus de temps à s'occuper de son association féministe radicale que de son foyer, Hank décide de tout lâcher, et d'emmener sa famille vers l’Espagne, sans PC, sans Smartphone, avec quand même une provision de couches, de lait maternel et quelques valises. Mais partir avec 3 petits monstres n'est pas de tout repos surtout dans un pays où on ne parle pas la langue même si c'est juste l'Espagne....
Mon avis
Un livre très amusant sur la vie d'une famille lambda, enfin pas si lambda que cela.
Il y a le père Hank, pas plus respecté par ses enfants qu'il amuse tout de même en leur racontant des histoires farfelues. Alma, son épouse est une fervente militante féministe qui exige le partage des tâches à la maison et se dispute souvent avec son époux. Et puis les 3 rejetons, de véritables terroristes à leur manière. Marnie, très intelligente qui ne loupe pas une occasion de se chamailler avec sa seur, Lilirose capable de piquer des colères monstres. La cadette a des idées très précise de ce qu'elle veut et pour les obtenir, elle n'hésite pas à piquer une scène haute en décibels. Enfin le bébé Lino, 9 mois, réclame son biberon tel une sirène d'alarme.
Hank est déprimé par son travail sans perspective, la vie citadine, les gens stressés, les smartphones qui sonnent sans arrêt, et aussi la mésentente latente avec son épouse. Aussi, après après négociations, il propose à la famille de partir à l'aventure, une semaine, direction l'Espagne voisine, mais sans ordinateurs, sans portables, ni GPS. Surtout il espère reconquérir les faveurs de sa femme qui lui refuse ostensiblement toute relation intime. De plus le voyage s'avère bien plus compliqué que prévu. Entre les erreurs de route, le fait de devoir donner son biberon de 250 ml au bébé surtout la nuit, les caprices de la cadette qui zozote le français sans que personne ne la reprenne, et l'aînée détachée de tout cela, voilà un road movie, raconté avec humour par Hank.
Qui un jour n'a pas eu envie de larguer les amarres, de tout lâcher pour foncer vers l'inconnu en laissant derrière soi la vie actuelle, où le travail n'épanouit pas, où l'on communique à travers des machines, où les amis ont aussi des familles à gérer et où le week-end, entre les courses du samedi, occuper les enfants ou les mener à leurs activités extra-scolaire et où l'on roupille à peine le dimanche car Bébé a besoin de son biberon.
Sous l'humour un peu déjanté de Hank, se cache une critique en règle de la société, juste avant qu'elle ne soit atteinte par le covid. On s'amuse d'autant plus que toutes les tentatives du mari pour recoucher avec sa femme se soldent par un échec cuisant : hurlements de bébé, caprice de Lilirose, cauchemars (les récits fantastiques de Papa laissent des traces dans l’inconscient). D'autant que Madame n'y met vraiment pas du sien. Entre migraine subite, réveil des enfants, endormissement rapide et sans réaction, on se doute bien que quelque chose ne va plus dans ce couple, qui finalement ne s'aime plus sans se le dire, tant leurs idéaux sont incompatibles. D'ailleurs la phrase fatidique « j'ai rencontré quelqu'un » finit par achever un mari arrivé au bout d'une histoire. Et juste le temps de repasser la frontière espagnole que le covid et le couvre-feu avec autorisation de sortie s'invite.
Les personnages sont volontairement assez caricaturaux, et l'écriture joyeuse et ironique vous promet quelques bons moments.
Hélas, je regrette la fin « ouverte » comme l'on dit, qui ne va pas du tout dans la logique du roman, assez court. Ici on ne fait pas dans l'analyse psychologique approfondie, mais on visite l’Espagne du sud (Andalousie) exactement comme un touriste qui est juste là pour un selfie (rappelons que la famille n'a pas de téléphone), avant de refaire des kilomètres et surtout gérer l'intendance !!
Bref c'est amusant, un peu prévisible, mais cela ne restera pas comme un excellent roman.
Extraits
Nous nous sommes approchés. Il y avait un papillon bleu sur le pare-brise. Un mot de bienvenue, certainement. Au cours de siècles, les Cordouans avaient été envahis par les Phéniciens, les Romains, les Wisigoths, les Arabes et maintenant les touristes. L'hospitalité n'avait plus de secret pour eux.
Elle avait des idées compliquées au sujet de ce que devait être un homme et la répartition des fonctions au sein du couple.Elle voulait un mec au sens le plus viril et testostérone du terme,mais en moins masculin,en plus sensible et aussi efféminé que possible. Ça donnait des trucs bizarres, des impératifs contradictoires, un idéal impossible de macho délicat et soumis, je n’y comprenais rien.
Les lèvres fines et ourlées de Lino se sont entrouvertes. Oui mon Linouchet ? Une déflagration gutturale m'a soufflé au visage un rot de supporter du Monchengladbach. Un vent acide de lait caillé qui a carbonisé mes sinus. J'ai tourné la tête sous la rafale, perdant un instant ma faculté d'orientation.
C'est vrai, les enfants sont capables de transformer n'importe quel divertissement en nouveau motif de crise, ce qui nécessite de les en distraire également, dans un mouvement potentiellement infini de diversion pour lequel on n'est jamais trop de deux, pourquoi croyez-vous qu'on a inventé le couple ?
Biographie
Né en 1964 à Lavaur dans
le Tarn, Philippe Segur est un universitaire et écrivain ayant écrit
sa première nouvelle, parue dans un magazine de la presse enfantine,
à l'âge de onze ans. Il exerce d'abord de petits métiers (veilleur
de nuit, employé de presse, ouvrier agricole, vendeur,
illustrateur…) avant de soutenir sa thèse de doctorat en droit
(1993) et de devenir professeur d’université sans pour autant
cesser d’écrire. En 1994, il devient agrégé des facultés de
droit.
Il attendra cependant l’âge de trente-huit ans pour
publier son premier roman, "Métaphysique du chien" (2002),
après avoir essuyé un grand nombre de refus. Le roman obtient de
nombreux prix notamment le Prix Renaudot des Lycéens en 2002.
Il
conçoit ses deux activités, universitaire et littéraire, mais il
interrompt néanmoins sa carrière universitaire de 2006 à 2008 pour
se consacrer à l’écriture avant de retourner à
l’enseignement.
Il enseigne le droit constitutionnel et les
libertés fondamentales à l'université de Perpignan Via Domitia.
Il a été membre du jury du Prix du Jeune Écrivain de 2005 à
2012 et chroniqueur littéraire pour le journal L’Indépendant
(Groupe Sud-Ouest) de 2012 à 2013.
Philippe Ségur est également
l’auteur de romans policiers sous le pseudonyme de A. W. Rosto.
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