samedi 2 avril 2022

Asa Avdic - Isola - Actes Sud



2037. La Suède vit sous un régime totalitaire, gouvernée par le "Parti" sous un climat particulièrement rude.
Anna Francis; brillante diplomate est recrutée par le Président lui-même pour participer à l'évaluation de candidats au "RAN", organisme mystérieux dont le nom fait frémir le soldat le plus aguerri. Munis de consignes confidentielles, elle envoyée avec les participants pour 48 h sur l'ile la plus reculée de Stockholm, Isola. Mais sur place; rien ne va se passer comme prévu.
Voilà un roman passionnant qui se lit à 4 niveaux :

- Roman de suspense, l'action est intense, et le rebondissement se fait petit à petit jusqu'à la dernière page.


- Roman d'anticipation : qui est donc de Parti (et son oligarchie de riches privilégiés et qui est ce Président omnipotent ? Qui le RAN (on suppose qu'il s'agit d'un service d'espionnage particulièrement efficace). Le culte du secret à tous les niveaux et les techniques de manipulation mentale : par drogues, par surveillance bien étudiée, par conditionnement psychique. 

- roman féministe : Anna a choisi de privilégier sa carrière (pour un passif familial) au détriment de l'éducation de sa fille, confiée à sa propre mère avec laquelle elle entretient des relations conflictuelles, et se sent rongée par la culpabilité. Pas plus qu'elle n'a le temps pour construire une vie amoureuse stable. Un très beau personnage de femme, immensément seule, forte et faible mais très intelligente..


- roman écologique : il semble que plus rien ne pousse dans cette Suède glaciale et sombre, où les riches peuvent s'offrir des produits importés comme des fruits et légumes secs.
Pour simplifier je dirais que ce roman tient des meilleures intrigues d'Agatha Christie, des univers de Philip K. Dick et de Georges Orwell.
Si vous commencez sa lecture vous ne pourrez plus le quitter.
Asa Advic publie là son premier roman, elle est journaliste et réalisatrice de documentaires pour la télévision suédoise.


 

Steffen Jacobsen - Triphée aux Editions Télémaque


 le polar nordique se porte toujours aussi bien. Avec "Trophée" de Steffen Jacobsen (médecin puis écrivain danois, peu d'ouvrages traduit en français) remet à son goût les chasses à l'homme.

 
A la mort de son père, l'héritière d'un empire industriel danois découvre un dvd où elle reconnait son père tuer un homme, entouré d'autres chasseurs. Bouleversée, elle veut comprendre et confie cette enquête délicate à un détective privé de renom pour identifier les victimes et les organisateurs de cette chasse inhumaine.... 


Si l'intrigue est bien fichue - si un peu prévisible peut-être, reste le fond. Cette haute société danoise qui se croit tout permis, dans le luxe délirant et son sentiment de surpuissance est très bien décrit. Ces gens qui ont tout, sauf la morale, flirtent aussi dangereusement avec les idées nationalistes extrêmes, ce qui n'est pas sans faire écho à notre politique actuelle. Un bon polar, bien mené, qui se lit tout seul.
Trophée, de Steffen Jacobsen aux éditions Télémaque.


Jurica Pavicic - "Leau rouge" - Editions Agullo


 Silva, 17 ans, disparait en 1989 de Misto, son village natal de Croatie.
Fugue ? Départ volontaire ? Accident ? Il faudra presque 30 ans pour résoudre le mystère. Mais au-délà de l'intrigue c'est aussi 30 ans d'histoire de la Croatie qui vont traverser la vie des principaux protagonistes, des gens d'un petit village, avec leurs rancoeurs, leurs non-dit, leurs émotions. 

Ici on regarde ce qui se déroule (Chute de Tito, guerres, puis crise économiques et renouveau touristique) avec fatalité. Les villageois de Misto attachés à leur terroir parfois rude ne profitent guère de la nouveauté. L'ascenceur social n'est pas pour eux ou faiblement.
Derrière la jolie carte postale touristique, ce cache les laissés pour compte, ceux qui vivaient chichement de la pêche, qui cultivaient une terre difficile, et qui finissent par vendre leurs maisons ou leurs terres au plus offrant.


Dans ce beau roman qui nous rend accroc des les premiers chapitres, parce que ce n'est pas vraiment un polar, pas un livre d'histoire (je vous renvoie aux sites sur l'Histoire de la Croatie), nous entrevoyons l'âme dalmate avec toutes ses émotions. La structure même du roman est assez atypique. La parole est donnée aux principaux acteurs dans tout ce temps et même la vérité finale sera cachée.
Considéré par certains critiques littéraires comme le polar de l'année (je ne trouve pas les ingrédients du polar classique, pour moi c'est un roman somptueux) "L'eau rouge" nous livre une aventure littéraire, parfois poétique, parfois cruelle.
Jurica Pavicic, journaliste et écrivain qui vit à Spit, renoue avec ses thèmes de prédilection : la famille, l'économie politique de son pays.
Si vous deviez n'en acheter qu'un seul, c'est celui-là.
Aux éditions Agullo.

Dany Lafferière - Comment faire l'amour avec un ègre sans se fatiguer - Editions Zulma 2020

 

En 2020 est paru une nouvelle édition de livre de Dany Lafferière (membre de l'académie française) au joli titre de "Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer". Cette réédition est enrichie d'un extrait d'une interview de l'auteur.


Si vous n'avez pas lu ce roman à prendre au 3ème degré, je vous le conseille. Les aventures un peu foireuses d'un couple de potes qui pour l'un pense que Freud est l'auteur du Coran, et l'autre revendique sa négritude qui se limite à boire, draguer les filles avant de songer à, qui sait, ouvrir sa vieille remington..


On sait que l'auteur est particulièrement engagé dans la lutte anti-raciste et pour la promotion de la littérature canadienne. Et surtout ne jamais perdre de vue que l'auteur adore nous provoquer, et nous plonger dans des univers farfelus.




 

Mizukami Tsutomu - "Le temple des oies sauvages" - éditions Picquier poche.


 
A 13 ans, Jinen, enfance malheureuse et physique difforme entre au service d'un maitre bouddhiste. Cet homme, débauché, alcoolique passe son temps à malmener et humilier son apprenti et fait de sa maitresse son esclave sexuelle. Puis un jour, le Maître disparait.
 
Tsutomu Mizukami, auteur de Kyoto (1919-2000) joue subtilement avec nos émotions de lecteur. Ici, aucun des personnages n'est charismatique ou bon. A commencer par le petit moine, présenté comme inquiétant, mutique, et peu sympathique. La maitresse elle est une femme soumise partagée entre sentiments maternels et dégoût envers Jinen.
 
Auteur populaire au Japon, Mizukami raconte aussi son enfance misérable. Ces romans présentent un Japon sombre, terre frustre et engluée dans un automne crépusculaire. Il recevra des nombreux prix. Ses histoires se situent souvent dans des temples bouddhistes (il a failli être moine) pour en dénoncer les excès. C'est aussi l'auteur des pauvres, des humbles, des miséreux.
Un univers que je vous conseille,si vous souhaitez une autre vision du Japon pays toujours fascinant.

James Sallis - Sarah Jane - Editions Rivage Noirs -

Sarah Jane, 17 ans, quitte son kansas natal pour s'enfoncer encore plus dans le "south deep south". Une vie chaotique, qui semble détachée d'elle : tour à tour militaire, cuisinière, étudiante puis policière dans une ville de nulle part, Sarah Jane raconte ces rencontres dans un ouvrage magistral.
Ici c'est l'Amérique des bas-fonds, des oubliés, des communautés marginales, des amitiés pas vraiment solidaires, des amours sans lendemain.


James Sallis, auteur de polars et connu pour Drive (adapté au cinéma avec dans le rôle titre Ryan Gosling, frise le polar mais surtout nous dresse avec ce dernier roman, un portrait de femme magnifique, toujours dans la fuite, jusqu'à ce que ....
Il y a des relents de Carson Mc Cullers dans ce sud poisseux, une écriture sans fioriture, sans superflu, et une forme de poésie dans ce petit bijou
qui vous tient éveillé toute la nuit...

 

Avant de s'intéresser au roman noir et policier, James Sallis commence par écrire de la poésie et voyage à travers les États-Unis. Il est tour à tour poète, éditeur d'un magazine de science-fiction, guitariste, kiné, critique littéraire, professeur de création littéraire. Il traduit en anglais plusieurs auteurs comme Blaise Cendrars, Pablo Neruda, Jacques Dupin ou Raymond Queneau. Grand amateur de Chester Himes, il rédige en 2001 sa biographie posthume (Chester Himes : une vie).

James Sallis débute dans le roman noir avec la série de six romans consacrés à Lew Griffin. Ancien détective privé et agent de recouvrement, il a sombré depuis dans l'alcoolisme et la misère. Il évolue à La Nouvelle Orléans, et tente de s'en sortir en souhaitant devenir romancier. James Sallis s'est inspiré de Chester Himes pour créer ce personnage à la dérive dont la vie est une tragédie. Lew Griffin apparaît dans six romans.

Il est également le créateur de la série consacrée à John Turner, un ancien de la guerre du Vietnam, ex-flic et ex-détenu, qui s'est retiré dans le Tennesse. Dans Bois mort , il doit, à la demande du shérif local, participer à l'enquête sur un meurtre et reprendre contact avec le monde qu'il cherche à fuir. John Turner est également à l'honneur dans Cripple Creek et Salt River.

Pour le roman Drive il met en scène le Chauffeur, un homme sans nom à la manière des personnages des romans de Robin Cook ou Hugues Pagan. Cascadeur le jour, il devient chauffeur le soir pour le crime. À la suite d'un braquage raté, il perd l'un de ses amis et doit affronter ses anciens employeurs. Nicolas Winding Refn l'adapte en 2011 et réalise le film Drive avec Ryan Gosling dans le rôle-titre. James Sallis publie en 2012 Driven, la suite de Drive. Le chauffeur s'est retiré à Phoenix. Victime d'une agression, il perd sa femme et découvre qu'il est victime d'une vengeance.

En 2013, il obtient le grand prix de la littérature policière avec Le tueur se meurt. Il a 77 ans (né en 1944).


 

Hiromi Kawakami "Soudain j'ai entendu la voix de l'eau" (aux éditions Picquier poche).

Toute la délicatesse japonaise dans ce petit livre d'Hiromi Kawakami "Soudain j'ai entendu la voix de l'eau" (aux éditions Picquier et en poche 2016).


Miyako et Ryo, frère et soeur, décident de venir revivre dans la maison de leur enfance. Là les doux souvenirs de l'enfance, la tendresse d'une mère trop vite disparue, reviennent comme des vagues de nostalgie. Mais aussi les non-dits subtils qui percent sous la carapace affichée d'un bonheur par trop facile. Ryo échappe de justesse à une attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995, blessure enfouie qui en rappelle d'autres encore plus graves dans l'histoire du Japon.
Un joli roman plein de poésie et d'arrêts sur ces petits moments si simples et si légers qu'on a tendance à les oublier. 


L'auteure, née en 1968, a reçu de nombreux prix au Japon. Peu connue en France, c'est son dernier livre paru en 219 chez Picquier (qui pour une fois a fait une excellente traduction).
Pour les personnes sensibles, et délicates. Dans vos bonnes librairies ou bibliothèque

 

Autres livres

  • Abandons  Actes Sud ("Lettres japonaises"), 2003.
  •  Les Années douces   -  Picquier poche, 2005.
  •  Cette lumière qui vient de la mer, 2005    Picquier poche, 2008.
  •  Les 10 amours de Nishino -  Picquier poche, 2015.
  •  La Brocante Nakano - - Picquier poche, 2012.
  •  Lu Ma Me Je Ve Sa Di -  Editions Meet, .
  • 2006 : Manazuru  - Picquier poche, 2012.
  • 2008 : Le Temps qui va, le temps qui vient  -  Picquier poche, 2013.