mardi 10 janvier 2023

JAMES MC BRIDE – Deacon King Kong – Gallmeister Totem 224 - 2022

 

L'histoire

Sacré Sportcoat (veste de sport). Bien imbibé de la boisson du cru, le king kon un mélange explosif de whisky -distillé avec mieux vaut pas savoir quoi) blesse Deems, le jeune dealer de la misérable cité des Causes house, lot d'HLM en piteux état, d'abord habité par les italiens puis laissé aux noirs, latinos. Tous se réunissent autour de Five Ends, la seule église chrétienne du coin. Toute une galerie de personnages plus farfelus les uns que les autres, un maffieux italien mais qui a les codes de la morale des dealers qui s’entre tuent, du bon fromage qui apparaît chaque mois, et des histoires d'amour improbables. Et Sportcoat n'est pas en reste pour foutre une belle pagaille, mais aussi rétablir les dommages causés par ces drogues dures.



Mon avis

Un polar, une farce urbaine, une chronique hilarante d'un quartier du Brooklyn plus pauvre que pauvre, voilà l'univers dans lequel évoluent les personnages inventé par James Mc Bride. On rit, on est ému, on s'amuse beaucoup avec ce livre qui comporte aussi sa face sombre. La misère qu'un quartier du vieux Brooklyn dont les immeubles ne sont pas entretenus, où la paroisse locale fait office de cabinet de psychologues, de messes improbables et d'assistance sociale. Les gens de couleurs vont travailler comme femmes de ménages, ouvriers, mal payés et méprisés dans les quartiers chics et blancs de Manhattan. Sportcoat lui est le diacre (deacon en anglais) de l'église et enchaîne des petits boulots avec plus ou moins de sérieux. Tout dépend de son degré d'alcoolisme, car il est un gros consommateur de ce King Kong, une boisson qui doit bien titrer à 50°, un petit whisky distillé par ses potes Rufus et Hot Sausage (avec en plus de la liqueur de menthe ou de la pomme on ne sait pas). Sport, ancien entraîneur de base-ball est bien amer de voir que les jeunes de la cité ne font plus de sport mais vendent de la drogue, exploités par des maffias qui se livrent en prime des guerre de territoire. Le terrible Blunt a ses tueurs et le sort des femmes noires qui pensent gagner un peu mieux leurs vies connaissent l'enfer de la prostitution, de la déchéance et de la came. Et si la police le recherche, elle ne le trouve jamais. Y a l'omerta du quartier (c'est pas un mauvais bougre le diacre) et il est souvent en vadrouille ou à cuver peinard chez un des ses potes. Mais il aime rendre service, sans même se faire payer, et au fond c'est un brave gars. Les catastrophes qu'il déclenche, il s'en rend même compte. Mais il a derrière lui, les anciens de la cité, ceux qui ont fondé l'église. La jolie Gee, la femme du pasteur, les sœurs qui s'engueulent, le comité de soutien à Porto-Rico, les maris et les femmes qui se bagarrent mais jamais méchamment. Cela se passe dans les années 60/70. James Mc Bride comme toujours est bien documenté sur le sujet, et sous forme de farce, une fois encore, le livre dénonce le racisme entre noirs et blancs, la place des gens de couleurs dans une Amérique qui va bientôt faire sa révolution (mais ce n'est pas du tout évoqué dans le livre), ici on suit le quotidien de nos amis entre deux fous-rires et une prise de conscience nécessaire parce que peu importe notre couleur de peau, on est potes.

Avec beaucoup d'humour, une grosse pincée de tendresse, vous ne quitterez pas ce dernier livre de James Mc Bride, que les américains considèrent comme l'un des meilleurs écrivains actuels.


Extraits :

  • Avec la statue de la Liberté en vue, gigantesque monument de cuivre rappelant que cette ville était une machine qui avait broyé les aspirations des pauvres bien plus impitoyablement que n'importe quelle égreneuse de coton ou n'importe quel champ de canne à sucre du Sud. Et maintenant, l'héroïne était là pour faire de leurs enfants de nouveaux esclaves, asservis par une simple poudre blanche.

  • Cuffy Lambkin, diacre de l'église baptiste des Five Ends devint un homme mort en sursis par un après-midi nuageux de septembre 1969. C'est le jour où le vieux diacre - Sportcoat pour ses amis - traversa à grands pas l'esplanade de la cité Causeway, un ensemble de logements sociaux de South Brooklyn, colla un vieux colt calibre 38 sous le nez d'un dealer de dix-neuf ans nommé Deems Clemens et pressa la détente.

  • Elle a une excuse, étant jeune et privilégiée, et les jeunes croient qu’ils peuvent tout se permettre et décider de tout, et elle a certainement passé sa vie à entendre les gens parler en long et en large et dirent ce qu’ils pensaient qu’elle aimerait entendre plutôt que ce qu’elle devrait entendre.

  • Je ne savais pas que vous vous appeliez Thelonis Ellis, dit soeur Gee à Hot Sauvage. Je croyais que votre nom était Ralph, ou Ray... quelque chose comme ça.- Quelle différence ça peut faire ? - Une différence énorme, dit-elle avec exaspération. Ça fait de moi une menteuse vis-à-vis de la police. - Vous ne pouvez pas être une menteuse à propos de choses que vous ne connaissez pas, répliqua Hot Sauvage. La Bible nous dit que Jésus avait de nombreux noms.- Mince alors, Sausage, il est dit où dans la Bible que vous êtes Jésus ? - J'ai pas dit que j'étais Jésus. J'ai dit que j'étais pas limité à un seul nom. - Bon, et vous en avez combien ? demanda soeur Gee. - Combien il en faut à un homme de couleur dans ce monde ?

  • Donc il boit, il fait pousser des plantes, et il va à l'église. Jusque là, on dirait un catholique.

  • Il avait déjà découvert la magie de l'alcool à cette époque, en partie pour fêter le mariage de son père avec celle qui était devenue ainsi sa belle mère et qui lui recommandait souvent d'aller jouer sur la montagne Sassafras, à quatre cents kilomètres de là, et sauter tout nu du sommet.

  • Couché là, face au mur, l’odeur de la peinture au plomb parvenant jusqu’à ses narines, Deems pensa au vieil homme, non pas avec rage, mais plutôt avec perplexité. Il n’arrivait pas à comprendre. S’il y avait une personne dans les Cause Houses qui n’avait rien à gagner en lui tirant dessus, c’était bien Sportcoat.

  • u'est réellement cette ville de New York. On est venus ici pour être libres et la vie est pire ici qu'au pays. Les Blancs lui donnent simplement une autre couleur. Ça ne les dérange pas qu'on s'assoie à côté d'eux dans le métro ou sur les sièges à l'avant des bus, mais si on réclame le même salaire, si on veut habiter la maison voisine, si on est tellement abattu qu'on n'a pas envie de se lever pour chanter à la gloire de l'Amérique, ils nous tombent dessus avec une violence telle que le pus nous coule des oreilles.
    Elle réfléchit un instant. La bannière étoilée, s'esclaffa-t-elle. J'ai jamais aimé cet hymne traînassant, plein de mensonges, hypocrite et guerrier. Avec les bombes qui explosent et tout.

  • Y a plus de King Kong ? Ben non faut d'abrod préparer le king et ensuite le Kong expliqua Rufus.


Bibliographie

  • Née en 1957 James McBride est un écrivain, scénariste et journaliste.
    Il est né d'un père afro-américain, le révérend Andrew D. McBride (1911-1957) et de Ruchel Dwajra Zylska (1921-2010), une immigrée juive de Pologne et fille d'un rabbin orthodoxe qui se convertit au christianisme après son mariage. Il est le huitième d'une fratrie de 12 enfants élevés à Brooklyn.
    Il évoque l'univers de son enfance et le destin singulier de ses parents dans ses mémoires, parues en 1995, intitulées "La Couleur de l'eau" ("The Color of Water: A Black Man's Tribute to His White Mother").
    Titulaire d'un master en journalisme à l'Université Columbia en 1979, il a travaillé pour différents journaux américains comme "The Boston Globe", "People", "The Washington Post".
    "Miracle à Santa Anna" ("Miracle at St. Anna"), son premier roman, paru en 2002, rencontre un
    gros succès dont il tire un scénario, réalisé en 2008 par Spike Lee.
    James McBride obtient le National Book Award de la meilleure œuvre de fiction en 2013 pour son roman "L’Oiseau du Bon Dieu" ("The Good Lord Bird"). Il sera adapté en mini-série pour la télévision en 2020 avec Ethan Hawke.
    James McBride est aussi un musicien reconnu : saxophoniste et compositeur professionnel. Père de trois enfants, il vit entre New York et Lambertville, New Jersey.
    En savoir plus :


En savoir Plus :

Sur le roman

Sur les grands Hlm de Brooklyn


Sur le trafic de drogues à New-York


Sur les ghettos noirs à New-york


Play-list

vendredi 6 janvier 2023

JAMES MC BRIDE – La couleur de l'eau – Gallmeister Totem 168 - 2020

 

L'histoire

James McBride raconte son enfance et surtout l'histoire de Rachel (Ruth) sa mère, une femme extraordinaire. Fille d'émigrés juifs, son père alcoolique et violent tient une épicerie à Suffolk en Virginie. Rachel vit sous la surveillance permanente de son père, le racisme patenté des blancs chrétiens puritains et des menaces du Ku Klux Klan. Sans amies, elle tombe amoureuse d'un pasteur noir, se marie avec lui et a 8 enfants. Au décès de cet époux elle se remarie à un autre noir et aura 4 enfants de plus. Une vraie tribu, pauvre, qui vit dans le pire quartier du Quenns, mais peu importe. La mère se fiche de la couleur des autres et réussit le miracle de faire faire à tous ses enfants des écoles supérieures. Un magnifique portrait de femme, dans une Amérique où débute le mouvement des droits civiques, les discours de Martin Luther King et le mouvement des blacks Panthers.



Mon avis

Les éditions Gallmeister ont fait réviser la première traduction de ce roman autobiographique de James Mc Bride (sorti en 1996), pour lui donner un aspect plus dynamique et plus proche de l'écriture de Mc Bride. Les traducteurs de Gallmeister rencontrent en général les auteurs ce qui leur permet d'affiner les traductions au plus juste.

Il a fallu 14 ans à l'écrivain américain pour retracer l'histoire de sa mère, en enquêtant auprès des proches, des amis. Quelle femme cette mère ! Née Rachel, débarquée aux USA de sa Pologne natale à 2 ans en 1923, sa vie valait bien un roman.

James est le 8ème des 12 enfants de sa famille. Sa mère a subi les violences d'un père se prétendant rabbin et faisant régner la terreur dans sa famille. Il pratique un judaïsme dévoyé, est raciste, nous sommes encore dans l'Amérique ségrégationniste. Alors Rachel devient Ruth, s'enfuit à New-York, épouse un jeune homme noir avec lequel elle fonde une église évangélique, se convertissant au catholicisme. Sa famille la renie et elle ne les reverra jamais. A la mort de son premier époux, elle se remarie avec un autre homme noir dont elle a 4 enfants. Mais le papa aime tous les enfants sans distinction. Se moquant des préjugés, vivant très pauvrement, elle organise pourtant la vie de sa tribu avec deux objectifs : se foutre de ce que les autres pensent mais faire des études supérieures car le savoir et la culture offre des bons métiers. Nous passons ainsi de la ségrégation à son abolition en 1964 (chaque enfant de la famille s'engageant plus ou moins dans la lutte pour les droits civiques).

Le style vif et amusant de James Mc Bride rend ce roman à la fois amusant et terriblement touchant. Alternant une sorte de confession de sa mère et leurs vies avec ses remous, les copains, la vie pauvre du Queens, il y a aussi une énorme tendresse pour cette mère lionne qui a su mener à bien sa tribu.

Le livre aussi interroge sur l'identité : elle est la seule blanche dans un monde de métis et de noirs, ses enfants même si ils sont élevés dans l'amour de Jésus sont quand même aussi nés de mère juive (la judaïté se transmet par la mère). Les enfants ne se préoccupent pas de cela, ils vivent dans un joyeux capharnaüm, se disputent, jouent ensemble, se taquinent. Finalement une enfance particulière vu de l'âge adule mais pleine de vie, d'un amour infini qui fait fi des couleurs de peau, es discriminations pour un monde plus joyeux et la misère, la faim, la ségrégation finalement ne sont que des aléas dont comme le dit Maman Mc Bride : on s'en fout.


Extraits :

  • Il n'y en avait que pour la violence et la mort à Suffolk. Rien d'autre. Sous leur apparence polie, hospitalière, les gens restaient des sauvages. Des bombes prêtes à exploser. La chaleur, la haine, l'alcool rendaient fous, et pour un rien, les doigts appuyaient sur les gâchettes. C'est l'atmosphère du Sud, je la sens encore, un air lourd de secrets terribles. (Rachel)

  • Parfois, sans en avoir toujours conscience, nos idées, notre foi, nos centres d’intérêt sont ancrés dans le passé. Nous songeons à une autre époque, à d’autres lieux, à d’autres personnes et perdons notre emprise sur le présent. Parfois, nous sommes persuadés que nous serions plus heureux si nous pouvions remonter le temps. Mais quiconque tente l’expérience court vers une déception assurée. Quiconque, après des années d’absence, revisite sa ville natale mesure effaré la distance qui sépare ce qu’il voit des souvenirs qu’il en avait. Il a beau parcourir les rues et les routes familières, il n’est plus qu’un étranger dans un pays étranger, incapable de retourner chez lui, même en esprit. La vie l’a conduit dans un autre monde, ce qu’il regrette n’existe plus. Ni physiquement ni en rêve, il ne retrouvera ce qui fut.

  • New York me grisait. Tout le monde y semblait trop occupé pour se soucier de votre race ou de votre religion. J'adorais ça. (Ruth)

  • Aux États-Unis, quand on pense aux Afro-américains, la première idée qui traverse l'esprit est celle de la délinquance, pas celle qu'un Noir puisse avoir une mère blanche et juive.

  • Mais moi, suis-je noir ou blanc? - Tu es un être humain. Travaille à l'école, sinon tu deviendras un moins que rien. -Un moins que rien noir ou blanc ? -Pour un moins que rien, la couleur n'a aucune importance.

  • Enfant, je me demandais souvent d'où venait ma mère, comment elle était arrivée dans ce monde. Quand je l'interrogeais, elle répondait : "C'est Dieu qui m'a faite", et changeait de sujet. Si je m'étonnais qu'elle soit blanche, elle haussait les épaules : Non , j'ai la peau claire". Puis, elle parlait à nouveau d'autre chose. Exposer son histoire personnelle ne faisait pas partie du programme d'éducation qu'elle appliquait à ses douze enfants café au lait, curieux et indociles.

  • Un autre après-midi, en revenant de l'église à la maisons, je lui demandai si Dieu était noir ou blanc. - Ni l'un ni l'autre, répliqua-t-elle agacée. Dieu est pur esprit. - Mais qui préfère-t-il, les Noirs ou les Blancs? - Il aime tout le monde. C'est un esprit, je te dis.- C'est quoi un esprit?
    - Un esprit est un esprit. - De quelle couleur est l'esprit de Dieu? - Il n'en n'a pas. Dieu a la couleur de l'eau. C'est-à-dire aucune. Je n'avais rien à opposer à cet argument massue qui aujourd'hui encore me paraît sans réplique. (dialogue entre James et sa mère).

  • Être mort ou en vie, ce n'est pas du tout pareil, me dis-je. Moi, je suis vivant. Le plus beau cadeau qu'un homme puisse faire à un autre consiste à lui donner la vie. Le pire des péchés est de la lui ôter. Toutes les lois et toutes les religions du monde sont accessoires. Ce ne sont que de vulgaires mots et croyances auxquels les gens choisissent d'adhérer tout en semant la haine et le meurtre derrière eux. Je m'avançais sur un autre chemin et espérais que mes enfants m'y suivraient. Le cœur en paix, je repartis pour New York. Je réalisais que ma grand-mère n'avait pas souffert inutilement. Elle n'était pas morte en vain. (Ruth)

  • Assise dans son petit fauteuil à bascule, elle aimait regarder les oiseaux par la fenêtre de sa chambre au premier étage. Elle posait des miettes de pain sur le rebord et chantonnait en yiddish quand ils venaient picorer: "Feygele, feygele, gay a veck!" ("Petit zoziau, petit zoziau, envole-toi!"). Ensuite, elle agitait les bras pour le plaisir de les voir prendre leur liberté à tire-d'aile. (Ruth)

  • There's such a big difference between being dead and alive, I told myself, and the greatest gift that anyone can give anyone else is life. And the greatest sin a person can do to another is to take away that life. Next to that, all the rules and religions in the world are secondary; mere words and beliefs that people choose to believe and kill and hate by. My life won't be lived that way, and neither, I hope, will my children's. I left for New York happy in the knowledge that my grandmother had not suffered and died for nothing.

  • He thought money he spent to take care of his wife would do it, you know, substitute for the fact that he didn't love her. But a wife wants love. She was a good Jewish wife to him, but their marriage was starting to crumble because he didn't care about her. That's why I knew I was leaving home. I wasn't going to have an arranged marriage like my parents did. I'd rather die first, which I did do in a way, because I lost my mother and sister when I left home.


Bibliographie 

Né en 1957 James McBride est un écrivain, scénariste et journaliste.
Il est né d'un père afro-américain, le révérend Andrew D. McBride (1911-1957) et de Ruchel Dwajra Zylska (1921-2010), une immigrée juive de Pologne et fille d'un rabbin orthodoxe qui se convertit au christianisme après son mariage. Il est le huitième d'une fratrie de 12 enfants élevés à Brooklyn.
Il évoque l'univers de son enfance et le destin singulier de ses parents dans ses mémoires, parues en 1995, intitulées "La Couleur de l'eau" ("The Color of Water: A Black Man's Tribute to His White Mother").
Titulaire d'un master en journalisme à l'Université Columbia en 1979, il a travaillé pour différents journaux américains comme "The Boston Globe", "People", "The Washington Post".
"Miracle à Santa Anna" ("Miracle at St. Anna"), son premier roman, paru en 2002, rencontre un
gros succès dont il tire un scénario, réalisé en 2008 par Spike Lee.
James McBride obtient le National Book Award de la meilleure œuvre de fiction en 2013 pour son roman "L’Oiseau du Bon Dieu" ("The Good Lord Bird"). Il sera adapté en mini-série pour la télévision en 2020 avec Ethan Hawke.
James McBride est aussi un musicien reconnu : saxophoniste et compositeur professionnel. Père de trois enfants, il vit entre New York et Lambertville, New Jersey.
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En savoir Plus :

Sur le roman

Sur la ségrégation raciale aux USA


Sur les grandes figures de la lutte anti-ségrégation

Nota : les communautés juives progressistes ont largement aidé les noirs dans les mouvements de luttes :

L'AJC : https://fr.wikipedia.org/wiki/American_Jewish_Committee

L'ADN : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anti-Defamation_League (plus contesté pour sa politique trop pro-Israëlienne)


Sur le judaïsme orthodoxe

Même si les femmes combattent la religion juive orthodoxes, celle-ci impose aux femmes : de parler le yiddish, d'être dévouée à son mari, de s'occuper de la nourriture casher, et de la bonne éducation des enfants. Certains rabbins peuvent dissoudre des mariages si la femme ne peut pas donner des enfants à son mari.

Le film d'Amos Gitai Kaddosh explique bien cette situation : https://fr.wikipedia.org/wiki/Kadosh


Sur les mariages interraciaux aux USA


Play-list

lundi 2 janvier 2023

ZOYA PIRZAD – Un jour avant Pâques – Zulma 2008 (ou livre de poche)


L'histoire

La vie d'Edmond, arménien vivant en Iran sur trois périodes de sa vie : son enfance dans un petit village au bord de la me Caspienne, sa vie adulte où il est directeur d'école à Téhéran et sa vie de vieil homme qui doit se réconcilier avec sa fille.


Mon avis

Hasard des lectures, l'Arménie revient en force ici, mais vu par Zoya Pirzad, qui sait de quoi elle parle puisqu'elle même est née de mère arménienne et père iranien. Comme toujours, l'écriture est douce et les choses restent toujours dans un non-dit pudique. Pourtant de tous les livres que j'ai pu lire de cette grande dame, c'est peut-être l'un des plus engagé. Ici, c'est du coté arménien qu'elle se place. Et du coté des femmes, même si le héros Edmond raconte l'histoire, un peu comme si il était le témoin de sa propre vie.

Sa mère, femme d'esprit indépendant, se bat contre son mari qu'elle a épousée sans amour. Elle se bat aussi contre les femmes de la famille de son mari, engluées dans des croyances catholiques d'un autre âge, tolérant à peine les musulmans, et ayant des idées très précises sur la place de la femme : au foyer, bonne ménagère et mère, garante de la culture arménienne. Ici, le génocide arménien n'est pas évoqué, mais bien plus la vie quotidienne. Martha l'épouse d’Edmond ne supporte pas l'idée que leur fille unique décide d'épouser un musulman érudit et tolérant. Par contre, elle va protéger Danik, la jeune assistance scolaire dont le crime fut d'avoir voulu épouser un iranien et qui a du fuir sa ville natale pour éviter le scandale. La vie est pourtant harmonieuse dans ce Téhéran de 2007 entre les communautés. On s'entraide dans les moments difficiles, on partage avec les plus démunis.

Alors qu'actuellement les femmes (les hommes et les jeunes) se battent pour la liberté et la démocratie en Iran, cet ouvrage fait du bien, et nous fait espérer des jours meilleurs où l'on vivra en paix dans un beau pays, pacifié et multiculturel.

Un glossaire en fin de livre nous permet aussi de nous familiariser avec certaines coutumes iraniennes et perses, notamment la nourriture. Ce petit roman (100 pages) se lit vite et se garde pour sa poésie du quotidien.

Près de 150 000 arméniens vivent en Iran, dans la région d'Ispahan.



Extraits :

  • La maison de mon enfance était mitoyenne avec l'église et l'école.
    La cour, comme dans toutes les maisons des petites villes côtières, était remplie d'orangers sauvages. Un massif bordait la véranda du rez-de-chaussée. Mon père y plantait ses fleurs au printemps et pendant l'été. Dès l'automne, il était inondé jusqu'à l'hiver.
    Le rez-de-chaussée était fait de larges pièces aux plafonds hauts soutenus par des piliers de bois. La lumière y pénétrait seulement par la cour, si bien qu'en fin d'après-midi il était plongé dans l'obscurité. Personne n'y habitait. Effat Khanom y gardait son savon et ses bassines pour la lessive hebdomadaire. Les jours de pluie, elle venait y étendre le linge sur des cordes tendues entre les piliers. Ma mère y remisait aussi tout ce qu'elle n'utilisait plus mais dont elle n'avait pas le courage de se défaire : mon berceau, mon baby-trotte, sa propre bicyclette d'enfant, une armoire à glace qui lui venait, disait-elle, du trousseau de sa mère.

  • Le mot "déshonnête" me trottait dans la tête. Nous étions en visite chez ma grand-mère. "L'honneur d'une femme, dit celle-ci, c'est de se soumettre aux volontés de son père jusqu'à son mariage, et une fois tenue par les liens sacrés du mariage, d'obéir à son mari. C'est pour nous une coutume millénaire."
    Ma mère ironisa :"Et que pensent nos coutumes millénaires de l'honneur des hommes ?"

  • L'intelligence n'a rien à voir avec la culture

  • Dis-moi, Edmond, ce n'est pas une faute de tomber amoureux ?

  • Tahareh était la seule non-arménienne de notre ville dont on pouvait parler à ma Grand-Mère sans qu'elle fronçât le sourcil.


Bibliographie

Née en 1952 à Abadan (près du Golfe Arabique), Romancière, nouvelliste, Zoyâ Pirzâd est née d’un père iranien d’origine russe par sa mère et d’une mère arménienne.
Mariée, mère de deux garçons, elle débute sa carrière d'écrivain après la révolution de 1979.
Elle a d’abord publié trois recueils de nouvelles dont "Comme tous les après-midi", en 1991. Trois recueils repris aux éditions Markaz à Téhéran en un seul volume.
En 2001, elle a publié un roman, "C’est moi qui éteins les lumières", salué par de nombreux prix, dont le prix du meilleur livre de l'année. En 2004 elle publie: "On s’y fera" roman très remarqué.
Zoyâ Pirzâd est aussi traductrice d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carol et de poèmes japonais. Elle fait partie des auteurs iraniens qui font sortir l’écriture persane de ses frontières et l’ouvrent sur le monde.
Sa langue est un persan simple et quotidien, une langue très équilibrée. La leçon ultime de Zoyâ Pirzâd est humaniste. Elle vit aujourd'hui quelque part en Europe.

En savoir plus :

En savoir Plus :

Sur le roman


Sur la place des arméniens en Iran

 

Sur la condition des femmes arméniennes

La condition des femmes en Arménie n'est pas reluisante : violences (une femme sur '4 en serait victime selon Amnesty International). La femme arménienne doit respecter les 4 piliers qui sont : le respect de son mari, l'éducation pieuse des enfants et de l'histoire, prendre soin de ses beaux-parents et s'occuper de sa maison. Autrement dit une forme d'esclavagisme, issu d'un catholicisme orthodoxe moyen-âgeux. Malgré une convention internationale signée en 2019, l’Arménie a bien du mal à faire respecter les droits des femmes. https://www.ohchr.org/fr/news/2022/10/experts-committee-elimination-discrimination-against-women-commend-armenia-continuing



Play-list

Viguen est un grand chanteur irano-arménien très apprécié en Iran