samedi 14 janvier 2023

Velma Wallis – Un cadeau du froid – Editions JC Lattès - 2009

 

L'histoire

C'est un conte que l'on raconte toujours en Alaska aujourd'hui encore, celui des 2 grand-mères. C'est un voyage à travers l'histoire des inuits tous là-haut presque au Pôle Nord.


Mon avis

Voilà un bien joli conte que nous traduit et enjolive Velma Wallis, un petit livre qui vous enchante par sa solidarité, le courage qui est la seule survie.

Dans cette tribu athabaskane, composée de nomades qui suivent le gibier, même si c'est cruel, il était coutume d'abandonner les vieilles personnes ou les malades incurables dans le dernier campement. Mais voilà, les 2 grand-mères qui sont abandonnées alors que la saison froide arrive n'ont pas du tout envie de mourir. Avec leurs sagesses et leurs connaissances ancestrales, non seulement elles vont survivre et retrouver leur famille, mais plus jamais la tribu n'oubliera les siens.

Ce conte est tiré d'une histoire réelle dans le passé des amérindiens d'Alaska.

Velma Wallis connaît son sujet. Elle est née dans une famille traditionnelles de 12 enfants. A 13 ans, son père décède et elle doit alors aider sa mère. Elle réussit toutefois à reprendre des études puis revient dans son village natal pour apprendre à vivre comme ses ancêtres. Passionnée de lecture, elle publie en 1993 cette légende que tous les indiens de la rosière Yukon connaissent et se transmettent de génération en génération. Elle décide alors de l'écrire l'ayant apprise de sa mère.

Elle écrit : "Les histoires sont des cadeaux que l'on fait aux plus jeunes. Malheureusement ce cadeau n'est plus souvent donné et reçu de nos jours, parce que la télévision, la rapidité de la vie moderne sont bien plus captivant pour les jeunes. Cette histoire est antérieure à l'arrivée de la culture occidentale, et je me devais de l'écrire ».



Etraits :

  • La nourriture était rare, mais les deux femmes se préoccupaient surtout d'avoir chaud et, la nuit, elles restaient à parler, pour se protéger l'une l'autre de la solitude et de l'angoisse menaçante. La tribu consacrait bien peu de leur précieux temps au bavardage : ils parlaient pour communiquer, pas pour établir des relations. Elles faisaient donc exception aux habitudes, elles parlaient tout au long des interminables soirées. Elles découvraient chacune les épreuves endurées par l'autre et y gagnaient un respect mutuel.

  • Elles ne s'étaient pas bien connues avant d'être abandonnées. Elles avaient été deux voisines rivalisant de jérémiades et échangeant des propos futiles. Là, le grand âge et la cruauté de leur sort étaient tout ce qu'elles avaient en commun. Cette nuit-là, à la fin de leur éprouvant voyage, elles ne savaient pas comment échanger des paroles amicales et chaque femme se repliait donc sur ses propres pensées.

  • En ces temps-là, il n'était pas exceptionnel de laisser les vieux derrière soi en cas de famine, mais c'était la première fois que cela arrivait dans cette bande -là. L'âpreté de la terre primitive semblait le demander, alors, pour survivre, les humains devaient imiter certaines coutumes animales. A l'instar des jeunes loups, les plus capables, qui rejetaient un chef âgé, ces gens devaient laisser les vieux afin d'aller plus vite, allégeant ainsi leur fardeau.

  • Les rapports s'améliorèrent donc entre les deux femmes et le reste de la tribu. Les uns et les autres avaient appris qu'un aspect inconnu de la nature humaine se révélait dans les épreuves. Les autres s'étaient crus forts, alors qu'ils étaient faibles. Et les deux vieilles qu'on avait jugées faibles et les moins utiles avaient été fortes. Une compréhension tacite s'instaura, et tous se trouvèrent friands de la compagnie des vieilles femmes, auprès desquelles ils trouvaient informations et conseils. Ils comprirent que, pour avoir vécu si longtemps, elles en savaient plus long qu'ils ne l'avaient cru.

  • Puis je m'avisai de l'importance d'être au coeur d'un grand groupe. Le corps a besoin de nourriture, mais l'esprit a besoin des gens.

  • L’obscurité s’avança, le pays devint calme et silencieux. Il fallait beaucoup de concentration pour s’occuper durant ces longues heures. Les deux femmes confectionnèrent force accessoires avec les peaux de lapin, mitaines, bonnets, passe-montagnes. Mais, en dépit de ces activités, une grande solitude se referma lentement autour d’elles.


Bibliographie

Née en 1960, Velma Wallis est née à Fort Yukon, Alaska, dans une tribu athabaskane d’environ 650 personnes. Née dans une fratrie de treize, Velma Wallis a été élevée de manière traditionnelle, dans le respect des aînés de la tribu. Puis elle suit des études de littérature à l’Université de Fairbanks puis elle revint et vit seule un an dans une cabane de trappeur près de la rivière Yukon. La légende racontée est hélas aussi une réalité : sa propre grand mère perdit la moitié de sa famille dans la région de Circle City. Adoptée par un chaman, elle fit élevée dans le camps des pêcheurs de Chalkyitisk.

Parlant l'anglais mais aussi plusieurs dialectes Gwich'in', dont les athabaskans sont l'une des 11 groupes ethniques, répartis en clan. La langue n'est pas un problème, les différentes ethnies se comprennent. Elles descendent des asiates qui passèrent de la Sibérie orientale vers l'Alaska, il y a des millions d'années. Les athabaskanes sont des nomades qui vivent le long des rivières, car ils vivent de la pêche (les gwich'in sont des chasseurs vivant en forêt. Mais l'arrivée des colons, de l’alcool, des maladies, la population fut largement décimée. Elle est depuis sédentarisée mais certains groupes continuent de vivre de façon traditionnelle.En 1993, elle publie la première édition du Cadeau du froid qui devient aussitôt un best-seller international traduit en 17 langues, avec plus d’un million d’exemplaires vendus.
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Sur le roman


Sur l'Alaska

Sur la rivière Yukon

Sur les Amerindiens du grand Nord

vendredi 13 janvier 2023

BRIT BENNETT – l'autre moitié de soi – Autrement 2020 ou poche « J'ai lu »

 

L'histoire 

En 1954, les jumelles Désirée et Stella fuient Mallard en Louisiane. Un tout petit village fondé et peuplé uniquement de noir à la peau blanche qui peuvent facilement être confondus avec des personnes blanches. Quatorze ans plus tard, Désirée revient avec sa fille Jude, 7 ans, plus noire que le charbon, fruit d'un mariage toxique avec un homme qu'elle fuit. Mais Désirée, mal accueillie dans son village natale en raison de la couleur de peau trop noire de sa fille, a du mal à se faire accepter. Elle n'a aucune nouvelle de sa jumelle don on dit qu'elle aurait épousé un homme blanc, se faisant passer pour une femme blanche. En 1978, Jude part faire des études supérieures à UCLA en Californie et quelques temps plus tard, elle tombe par hasard sur sa tante et la fille de celle-ci (raciste et blanche). Comment cette famille étrange va-t-elle pouvoir se retrouver, à travers les conditions sociales et raciales d'une Amérique qui sort tout juste de la ségrégation ?



Mon avis

Un très joli roman, écrit dans une langue simple et presque douce pour raconter une histoire incroyable. Sur 3 générations nous suivons la famille Vignes. La grand mère Adèle, arrière petite fille du fondateur de Mallard, la ville qui n'existe sur aucune carte postale élève seule les deux jumelles Désirée et Stella, après la mort de son mari. Dans ce village tout se sait, toutes les opinions sont tranchées : on aime pas les blancs qui étaient esclavagistes, mais on aime pas non lus les noirs à la peau trop sombre qui rappelle aussi les conditions de jadis et le peu de révolte. Bref à Mallard on est unique et plus les bébés ont la peau clair et les cheveux roux-blonds plus on est heureux. Mais on s'ennuie terriblement aussi dans cette bourgade repliée sur elle-même et ses traditions. Les deux jumelles ne veulent pas aller faire des ménages dans les luxueuses propriétés des maisons des anciens esclavagistes. Alors elles décident de fuir, et abandonner leur mère, se promettant de lui envoyer de l’argent pour qu'elle aussi ne s'épuise pas. Arrivée à la Nouvelle-Orléans, elles trouvent des jobs miteux avant de chacune saisir leur chance. Stella se faisant passer pour une femme blanche devient secrétaire et finit par épouser son patron, un homme très riche, dont elle a une jolie petite fille blonde aux yeux bleus nommée Kennedy. Désirée travaille pour le FBI et rencontre son mari, un noir qui très vite la tabasse. De cette union naît Jude, à la peau plus sombre que la nuit, habituée au racisme quotidien fuit elle aussi Mallard pour étudier à Los Angeles. Sans amis à la fac, elle se lie avec des drag queens (qui ont de respectables métiers le jour) et rencontre l'amour de sa vie avec Reesen en pleine mutation sexuelle, qui lui aussi a du fuir sa famille, connaître la rue et sa misère. 

Et puis Stella, la femme double. Celle qui s'assimile à une blanche, vivant dans le confort du mensonge mais angoissée par la peur qu'on devine ses origines. Stella qui a tout, le bon mari, la belles maison, le confort luxueux d'un palace dans le quartier le plus huppé de Los Angeles. Secrète, perpétuelle insatisfaite, elle rêve de devenir une grande mathématicienne.Sa fille Kennedy, élevée dans ce luxe cède à la paresse, arrête ses études au grand désespoir de ses parents pour finir actrice minable de série B. Avec Jude, elle entamera une amitié qui réunira peut-être une famille totalement éclatée.

Ici c'est non seulement l'héritage et la quête d'identité sur ce qu'on est vraiment que le racisme ou les racismes, des blancs envers le noirs et inversement qui est décortiqué au sein d'une famille presque exclusivement féminine. Les hommes que l'on croise, à part l'ex-mari de Désirée sont des faire-valoir, des hommes gentils, qui aiment sans se poser de question de couleur de peau.

Avec cette histoire totalement originale, pour son deuxième roman, Brit Bennett porte un autre regard sur le racisme et prône la tolérance. Elle y adjoint aussi la bienveillance à la lutte LGBT, parce que les causes sont les mêmes, l'ignorance, les clichés, le poids de l'histoire. On a comparé cette jeune autrice à Toni Morrisson. UN roman captivant, qui sous une apparence nonchalante porte des thèmes forts.


Extraits :

  • Il laissa le silence s'installer, la dévisageant. Puis elle sentit sa main sur sa nuque. Tendre, presque comme on consolerait un enfant en pleurs. C'était tellement déstabilisant, tellement différent de sa brusquerie habituelle, qu'elle resta sans voix. Soudain, il tira sur son foulard. Les traces commençaient à s'estomper mais, même dans la pénombre, l'hématome qui s'étalait sur son cou était encore bien visible. Tous ces gens qui s'extasiaient sur la clarté de son teint quand elle était enfant, aucun ne l'avait prévenue. Personne ne lui avait dit que la colère d'un homme marquerait plus facilement sa peau.

  • C’étaient de braves gens, d’honnêtes citoyens qui donnaient aux bonnes œuvres et grimaçaient devant les reportages où l’on voyait des shérifs matraquant des étudiants noirs dans le Sud. Ils pensaient que ce Martin Luther King était un orateur remarquable, approuvaient peut-être certaines de ses idées. Jamais ils ne lui auraient tiré une balle dans la tête, et peut-être même avaient-ils pleuré à son enterrement – dire qu’il laissait des enfants si jeunes –, mais de là accepter qu’il s’installe dans le quartier, il y avait un monde. 

  • Elle n'était pas idiote au point de croire qu'un jour elle serait claire, mais marron, pourquoi pas ? Tout, sauf ce noir infini. Elle essaya donc de conjurer le sort. Elle avait vu une publicité pour Nadinola dans 'Jet', une femme caramel (...) souriante, la bouche écarlate, un homme lui parlant à l'oreille : 'La vie est plus belle quand on a le teint frais, lumineux, clair-Nadinola !' Elle avait arraché la publicité et l'avait pliée en quatre. Elle l'avait gardée sur elle pendant des semaines, la dépliant si souvent que les plis blancs fendaient les lèvres de la femme. Une crème, c'était tout ce dont elle avait besoin. Elle s'en tartinerait la peau et, à la rentrée, elle retournerait à l'école métamorphosée.(Jude)

  • Mentir, elle savait faire. La seule différence entre le mensonge et le théâtre, c’était le public : dans un cas, il n’était pas au courant, dans l’autre, si ; mais au bout du compte il s’agissait toujours de jouer un rôle. (Stella)

  • Son père était si clair de peau que, par certains matins glacials, elle pouvait voir le bleu de ses veines quand elle retournait son bras. Mais rien de tout cela n’avait fait de différence, le jour où les Blancs étaient venus le chercher, alors qu’est-ce que ça pouvait bien faire d’avoir le teint clair ?

  • Quand on a une jumelle, on a parfois l’impression de vivre avec une autre version de soi. Tout le monde a sans doute ce fantasme d’un soi alternatif. Sauf que le sien était réel. Stella se réveillait le matin face à elle-même. Certains jours, elle lui paraissait une étrangère. Pourquoi est-ce que tu ne me ressembles pas plus ? pensait-elle. Comment suis-je devenue moi et comment es-tu devenue toi ?

  • Barry se vantait de sa capacité à compartimenter sa vie. " J'obéis à la Bible, lui avait-il dit une fois. Fais en sorte que ta main droite ne sache pas ce que fait la gauche." Il était Bianca, deux samedi par mois et, le reste du temps, elle n'existait pas. (...) . Bianca avait sa place et Barry la sienne. On pouvait vivre une vie coupée en deux . Tant qu'on savait qui était aux commandes.

  • Sous les applaudissements de ses camarades, alors que Stella s’effaçait, avalée par l’obscurité du gymnase, elle s’était enfin sentie une personne à part entière, pas une jumelle, pas la moitié incomplète d’une paire.

  • Une femme avec un cerveau, il n'y a rien de plus effrayant pour un homme.

  • Il était né dans l'Ohio et ne s'était jamais aventuré au sud de la Virginie. Sa mère l'avait poussé à aller étudier à Morehouse, à Atlanta, mais non, il avait préféré l'université d'Etat de l'Ohio. C'était avant la déségrégation des campus. Il avait assisté à des cours où des professeurs blancs ignoraient ses questions. (...) Il sortait avec des filles à la peau claire qui refusaient de lui tenir la main en public. Le racisme du Nord, il connaissait ; celui du Sud, non merci. Si sa famille était partie, c'était pour une bonne raison et il n'allait pas remettre en cause leur jugement. Ces ploucs ne le laisseraient sans doute même pas rentrer chez lui, plaisantait-il. Il arriverait là-bas pour faire du tourisme et se retrouverait à ramasser du coton.

  • Mais Stella était devenue blanche depuis des années maintenant, presque la moitié de sa vie. Quand on jouait un rôle aussi longtemps, ça cessait peut-être d'être un rôle. À force de prétendre qu'on était blanc, on le devenait.

  • Elle ne comprenait pas très bien ce dont il parlait, mais elle était heureuse de faire partie d'un nous. On croit qu'être unique, ça fait de soi quelqu'un d'exceptionnel. Non, ça fait juste quelqu'un de seul. Ce qui est exceptionnel, c'est d'être reconnu et accepté.

  • Après le campus idyllique, ses immenses pelouses vertes, les vélos qui sillonnaient les allées, et les bâtiments de brique où elle pénétrait toujours avec une certaine révérence, baissant la voix comme si elle était à l'église, West Hollywood lui faisait l'effet d'un autre monde. A la résidence universitaire, elle côtoyait une ambition acharnée ; lorsqu'elle rentrait chez elle, elle croisait des gens dont les rêves de célébrité avaient déjà été brisés. Des cinéastes qui travaillaient dans des magasins Kodak, des scénaristes qui enseignaient l'anglais aux migrants, des acteurs qui jouaient des spectacles burlesques dans des bars miteux. Tous ceux qui ne réussissaient pas à percer faisaient partie intégrante de la ville ; sans le savoir, partout on marchait sur des étoiles à leur nom.

  • A la Nouvelle-Orléans, Stella se divisa en deux. Elle ne le remarqua pas tout de suite, parce qu'elle avait été double toute sa vie : elle était elle-même et elle était Desiree. Belles et rares, on ne les appelait jamais les filles, uniquement les jumelles, comme si c'était un titre officiel. Elle s'était toujours définie ainsi mais, à la Nouvelle-Orléans, la division s'opéra peu après son renvoi de la blanchisserie. Ce jour-là, à Dixie Laundry, elle rêvassait, songeant à la matinée où on l'avait prise pour une blanche au musée. Ce qui lui avait plu, ce n'était pas tant d'être blanche que d'être quelqu'un d'autre.

  • À Socorro, il s'était enveloppé la poitrine de bandages blancs, et, le temps d'arriver à Las Cruces, il avait réappris à marcher, jambes écartées et épaules carrées. Il se disait que c'était plus sur pour faire du stop. En réalité, il s'était toujours senti Reese. À Tucson, c'était Thérèse qui lui faisait l'effet d'un déguisement. Est-ce qu'une personne était authentique, si on pouvait s'en dépouiller comme d'une vieille peau en mille cinq cents kilomètres ?

  • Quand j'étais petite, à quatre ou cinq ans, je croyais que c'était juste la carte de notre côté du monde. Que l'autre face se trouvait sur une carte différente. Mon père m'a dit que c'était idiot." Son père l'avait emmenée dans une bibliothèque et, quand il avait fait tourner le globe, elle avait bien vu qu'il avait raison. Mais, alors que Reese passait son doigt sur la carte, elle se rendit compte qu'une part d'elle espérait toujours que son père s'était trompé, qu'une partie du monde restait à découvrir.

  • When you married someone, you promised to love every person he would be. He promised to love every person she had been. And here they were, still trying, even though the past and the future were both mysteries.

  • But what had changed about her? Nothing, really. She hadn't adopted a disguise or even a new name. She'd walked in a colored girl and left a white one. She had become white only because everyone thought she was.

  • There was nothing to being white except boldness. You could convince anyone you belonged somewhere if you acted like you did.

  • The world worked differently than he'd ever imagined. People you loved could leave and there was nothing you could do about it. Once he'd grasped that, the inevitability of leaving, he became a little older in his own eyes.


Bibliographie

Née en 199 en Californie, Brit Bennett est essayiste et romancière afro-américaine.
Elle est diplômée à l'Université Stanford et titulaire d'un MFA à l'Université du Michigan. Elle y a également remporté le prix Hopwood de la Nouvelle des étudiants ainsi que le Prix Hurston/Wright des écrivains de faculté.
Ses travaux ont été publiés dans les magazines The New Yorker, The New York Times, The Paris Review et Jezebel.
"Le cœur battant de nos mères" ("The Mothers", 2016), son premier roman, a été sur la liste des best-sellers du New York Times et finaliste de nombreux prix littéraires. Il a été acheté par la Warner pour une adaptation cinématographique.En 2016, elle fait partie des 5 lauréats de la National Book Foundation parmi 35 candidats sélectionnés.
Brit Bennett vit à Los Angeles.

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Sur le roman

Sur la dépigmentation des peaux noires


Sur la situation actuelle des transgenres aux USA


Sur la situation des afro américains en Louisiane


Mariage interraciaux

Couleurs de peaux


mardi 10 janvier 2023

JAMES MC BRIDE – Deacon King Kong – Gallmeister Totem 224 - 2022

 

L'histoire

Sacré Sportcoat (veste de sport). Bien imbibé de la boisson du cru, le king kon un mélange explosif de whisky -distillé avec mieux vaut pas savoir quoi) blesse Deems, le jeune dealer de la misérable cité des Causes house, lot d'HLM en piteux état, d'abord habité par les italiens puis laissé aux noirs, latinos. Tous se réunissent autour de Five Ends, la seule église chrétienne du coin. Toute une galerie de personnages plus farfelus les uns que les autres, un maffieux italien mais qui a les codes de la morale des dealers qui s’entre tuent, du bon fromage qui apparaît chaque mois, et des histoires d'amour improbables. Et Sportcoat n'est pas en reste pour foutre une belle pagaille, mais aussi rétablir les dommages causés par ces drogues dures.



Mon avis

Un polar, une farce urbaine, une chronique hilarante d'un quartier du Brooklyn plus pauvre que pauvre, voilà l'univers dans lequel évoluent les personnages inventé par James Mc Bride. On rit, on est ému, on s'amuse beaucoup avec ce livre qui comporte aussi sa face sombre. La misère qu'un quartier du vieux Brooklyn dont les immeubles ne sont pas entretenus, où la paroisse locale fait office de cabinet de psychologues, de messes improbables et d'assistance sociale. Les gens de couleurs vont travailler comme femmes de ménages, ouvriers, mal payés et méprisés dans les quartiers chics et blancs de Manhattan. Sportcoat lui est le diacre (deacon en anglais) de l'église et enchaîne des petits boulots avec plus ou moins de sérieux. Tout dépend de son degré d'alcoolisme, car il est un gros consommateur de ce King Kong, une boisson qui doit bien titrer à 50°, un petit whisky distillé par ses potes Rufus et Hot Sausage (avec en plus de la liqueur de menthe ou de la pomme on ne sait pas). Sport, ancien entraîneur de base-ball est bien amer de voir que les jeunes de la cité ne font plus de sport mais vendent de la drogue, exploités par des maffias qui se livrent en prime des guerre de territoire. Le terrible Blunt a ses tueurs et le sort des femmes noires qui pensent gagner un peu mieux leurs vies connaissent l'enfer de la prostitution, de la déchéance et de la came. Et si la police le recherche, elle ne le trouve jamais. Y a l'omerta du quartier (c'est pas un mauvais bougre le diacre) et il est souvent en vadrouille ou à cuver peinard chez un des ses potes. Mais il aime rendre service, sans même se faire payer, et au fond c'est un brave gars. Les catastrophes qu'il déclenche, il s'en rend même compte. Mais il a derrière lui, les anciens de la cité, ceux qui ont fondé l'église. La jolie Gee, la femme du pasteur, les sœurs qui s'engueulent, le comité de soutien à Porto-Rico, les maris et les femmes qui se bagarrent mais jamais méchamment. Cela se passe dans les années 60/70. James Mc Bride comme toujours est bien documenté sur le sujet, et sous forme de farce, une fois encore, le livre dénonce le racisme entre noirs et blancs, la place des gens de couleurs dans une Amérique qui va bientôt faire sa révolution (mais ce n'est pas du tout évoqué dans le livre), ici on suit le quotidien de nos amis entre deux fous-rires et une prise de conscience nécessaire parce que peu importe notre couleur de peau, on est potes.

Avec beaucoup d'humour, une grosse pincée de tendresse, vous ne quitterez pas ce dernier livre de James Mc Bride, que les américains considèrent comme l'un des meilleurs écrivains actuels.


Extraits :

  • Avec la statue de la Liberté en vue, gigantesque monument de cuivre rappelant que cette ville était une machine qui avait broyé les aspirations des pauvres bien plus impitoyablement que n'importe quelle égreneuse de coton ou n'importe quel champ de canne à sucre du Sud. Et maintenant, l'héroïne était là pour faire de leurs enfants de nouveaux esclaves, asservis par une simple poudre blanche.

  • Cuffy Lambkin, diacre de l'église baptiste des Five Ends devint un homme mort en sursis par un après-midi nuageux de septembre 1969. C'est le jour où le vieux diacre - Sportcoat pour ses amis - traversa à grands pas l'esplanade de la cité Causeway, un ensemble de logements sociaux de South Brooklyn, colla un vieux colt calibre 38 sous le nez d'un dealer de dix-neuf ans nommé Deems Clemens et pressa la détente.

  • Elle a une excuse, étant jeune et privilégiée, et les jeunes croient qu’ils peuvent tout se permettre et décider de tout, et elle a certainement passé sa vie à entendre les gens parler en long et en large et dirent ce qu’ils pensaient qu’elle aimerait entendre plutôt que ce qu’elle devrait entendre.

  • Je ne savais pas que vous vous appeliez Thelonis Ellis, dit soeur Gee à Hot Sauvage. Je croyais que votre nom était Ralph, ou Ray... quelque chose comme ça.- Quelle différence ça peut faire ? - Une différence énorme, dit-elle avec exaspération. Ça fait de moi une menteuse vis-à-vis de la police. - Vous ne pouvez pas être une menteuse à propos de choses que vous ne connaissez pas, répliqua Hot Sauvage. La Bible nous dit que Jésus avait de nombreux noms.- Mince alors, Sausage, il est dit où dans la Bible que vous êtes Jésus ? - J'ai pas dit que j'étais Jésus. J'ai dit que j'étais pas limité à un seul nom. - Bon, et vous en avez combien ? demanda soeur Gee. - Combien il en faut à un homme de couleur dans ce monde ?

  • Donc il boit, il fait pousser des plantes, et il va à l'église. Jusque là, on dirait un catholique.

  • Il avait déjà découvert la magie de l'alcool à cette époque, en partie pour fêter le mariage de son père avec celle qui était devenue ainsi sa belle mère et qui lui recommandait souvent d'aller jouer sur la montagne Sassafras, à quatre cents kilomètres de là, et sauter tout nu du sommet.

  • Couché là, face au mur, l’odeur de la peinture au plomb parvenant jusqu’à ses narines, Deems pensa au vieil homme, non pas avec rage, mais plutôt avec perplexité. Il n’arrivait pas à comprendre. S’il y avait une personne dans les Cause Houses qui n’avait rien à gagner en lui tirant dessus, c’était bien Sportcoat.

  • u'est réellement cette ville de New York. On est venus ici pour être libres et la vie est pire ici qu'au pays. Les Blancs lui donnent simplement une autre couleur. Ça ne les dérange pas qu'on s'assoie à côté d'eux dans le métro ou sur les sièges à l'avant des bus, mais si on réclame le même salaire, si on veut habiter la maison voisine, si on est tellement abattu qu'on n'a pas envie de se lever pour chanter à la gloire de l'Amérique, ils nous tombent dessus avec une violence telle que le pus nous coule des oreilles.
    Elle réfléchit un instant. La bannière étoilée, s'esclaffa-t-elle. J'ai jamais aimé cet hymne traînassant, plein de mensonges, hypocrite et guerrier. Avec les bombes qui explosent et tout.

  • Y a plus de King Kong ? Ben non faut d'abrod préparer le king et ensuite le Kong expliqua Rufus.


Bibliographie

  • Née en 1957 James McBride est un écrivain, scénariste et journaliste.
    Il est né d'un père afro-américain, le révérend Andrew D. McBride (1911-1957) et de Ruchel Dwajra Zylska (1921-2010), une immigrée juive de Pologne et fille d'un rabbin orthodoxe qui se convertit au christianisme après son mariage. Il est le huitième d'une fratrie de 12 enfants élevés à Brooklyn.
    Il évoque l'univers de son enfance et le destin singulier de ses parents dans ses mémoires, parues en 1995, intitulées "La Couleur de l'eau" ("The Color of Water: A Black Man's Tribute to His White Mother").
    Titulaire d'un master en journalisme à l'Université Columbia en 1979, il a travaillé pour différents journaux américains comme "The Boston Globe", "People", "The Washington Post".
    "Miracle à Santa Anna" ("Miracle at St. Anna"), son premier roman, paru en 2002, rencontre un
    gros succès dont il tire un scénario, réalisé en 2008 par Spike Lee.
    James McBride obtient le National Book Award de la meilleure œuvre de fiction en 2013 pour son roman "L’Oiseau du Bon Dieu" ("The Good Lord Bird"). Il sera adapté en mini-série pour la télévision en 2020 avec Ethan Hawke.
    James McBride est aussi un musicien reconnu : saxophoniste et compositeur professionnel. Père de trois enfants, il vit entre New York et Lambertville, New Jersey.
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Sur le roman

Sur les grands Hlm de Brooklyn


Sur le trafic de drogues à New-York


Sur les ghettos noirs à New-york


Play-list