L'histoire
A Ormberg, village de suède déserté par les entreprises, un corps de fillette a été découvert 8 ans auparavant sans jamais avoir été identifié. En 2017, la police suédoise décide de rouvrir les affaires non résolues, les fameux cold-case, Malin qui a fait partie de la bande de jeunes qui ont découvert le cadavre est devenue policière et travaille près de Stockholm. Mais comme elle est native d'Ormberg, elle est affectée à l'enquête avec les policiers chevronnés dont Hanne et Peter. Mais l'enquête devient complexe quand l'un des policier est porté disparu et qu'un autre cadavre est retrouvé. Malin va alors découvrir des secrets familiaux bien enfouis.
Mon avis
Camilla Grebe fait partie des autrices de polars suédois à la mode depuis la parution de son premier livre, et caracole au top des ventes dans son pays et en Europe.
Ce deuxième roman salué par la critique est un gros pavé de 425 pages dont l'intrigue se situe dans le village fictif d'Ormberg est situé en sudermanie, au sud-est de Stockholm. C'est une région couverte de forêts et en ce novembre glacial, la nuit tombe à 17h et il neige déjà.
Ormberg est un hameau, où vivent encore quelques familles. Les florissantes industries métallurgiques et textiles ont fermé, beaucoup d'habitants sont partis, sauf les natifs qui restent attachés à leur ville où il n'y a rien à faire. Parmi ceux qui restent, la mère de Malin, quelques familles qui vivent de petits boulots, et les quelques adolescents sont scolarisés à 60 km de là, dans la ville la plus proche. C'est le cas de Jake Olsson, un gringalet d'à peine 15 ans qui cache un terrible secret : il ne se sent pas heureux dans son corps de garçons, et quand il n'y a personne chez lui il se maquille, porte les habits de mère défunte et va se promener dans les bois. C'est comme cela qu'il sauve Hanne, l'une des enquêtrices, réputée la meilleure profileuse de la police, mais Hanne, la soixantaine, est atteinte de troubles de mémoires de plus en plus fréquent. Jake récupère le carnet où Hanne note tout, pour ne pas oublier et découvre la vie de cette femme, en froid avec son mari qui veut la placer en maison spécialisée, ce qu'elle redoute le plus. Avant de comprendre que le carnet est relié à l'enquête, Jake le garde et le lit dès qu'il peut en secret.
Malin de son coté déteste ce village où elle est née. Elle doit se marier avec un jeune homme ayant une bonne situation à Stockholm au grand dam de sa mère qui aimerait la garder près d'elle. Elle n'aime pas non plus sa tante Margareta, femme à poigne qui se mêle un peu trop de la vie des autres. De plus, sans se prétendre raciste, Malin explique aux enquêteurs dubitatifs que la police n'est pas la bienvenue et qu'un climat de méfiance règne dans ce hameau. Depuis une quinzaine d'année, un centre de réfugiés pour émigrés a été ouvert. Un centre propre, bien entretenu, où les bénéficiaire reçoivent une petite somme d'argent, de l'instruction pour apprendre le suédois et un métier alors que les locaux n'ont le droit à rien et doivent se battre ne serait-ce que pour le déneigement des principales routes. Ainsi Camilla Grebe fait la démonstration d'une des sources du racisme de base, le racisme social. Un refrain que l'on entend partout, que cela soit en Suède ou ailleurs. Les migrants ont droit à des aides et pas nous et d'ailleurs l'autrice explique qu'elle a écrit le roman dans ce sens, pour une prise de conscience. Comme rétorque Andréas, un autre policier à Malin « cela pourrait être toi, celle qui a fui la guerre et la famine ». D'autant que l'enquête démontre que la fillette morte puis sa mère étaient des femmes bosniaques qui avaient fui les massacres en Bosnie. Seule la tante âgée de la mère est restée vivre en Suède et n'ayant pas eu de nouvelles de sa sœur, elle a pensé qu'elle était retournée en Bosnie ou décédée.
Alternativement nous suivons Jake qui se prend de sympathie pour Hanne et qui finalement va résoudre l'enquête, tout en se posant toujours des questions sur ce qu'il est, certainement pas comme les hommes de la région qui se soûlent, battent leurs femmes, ne cherchent pas à se cultiver ou chercher une formation.
Si la démonstration de la montée du racisme est le point principal du roman, il est quand même un peu noyé sous une enquête un peu longue, la retranscription du journal d'Hanne en intégralité (autre thème abordé, celui de la mémoire qui part) et sur les questionnements de Jake à savoir le transgenre dont le mot n'est jamais prononcé ni approfondi. Ces trois thèmes se mélangent et finalement brouillent un peu le message initial de Camille Grebe.
C'est dommage tout comme les redites (d'un autre coté, il ne faut pas perdre le lecteur avec pas de personnages qui se greffent au fil de l'intrigue. Quant à la fin, elle respecte le thème initial mais je n'en dit pas plus. Il semble surtout que l'autrice est joué sur la mémoire individuelle qui s'en va et sur la mémoire collective qui reste (la nostalgie du passé florissant de la ville, la défiance et même la haine de ces étrangers venus d'un pays lointain dont les habitants ignorent absolument l'histoire.
Bref cela se lit facilement, on retient aussi l'ambiance de noirceur qui hante le village, le noir de la nuit, la neige qui semble noire dans l'obscurité des forêts, le froid qui s'infiltre partout et en cela le travail d'écriture est bien fait.
Extraits
N’est ce pas le propre des idées noires ? Elles ne se voient pas de l’extérieur, elles n’existent qu’en nous, dans ce cagibi obscur, fermé par une lourde porte, qui peut contenir à la fois des pulsions suicidaires et le mal qui me ronge. Ce doit être là que mon père a rangé le souvenir de ma mère.
La première fois que Max est venu à Ormberg, j’ai eu honte – et honte d’avoir honte. L’agacement que j’éprouve parfois vis-à-vis de ma mère ne m’empêche pas de l’aimer, et ni Ormberg ni mon enfance ne devraient susciter chez moi pareil embarras. Pourtant, mon village représente tout ce que je rejette : campagne, chômage, vieillissement ; bâtiments en ruine, jardins souillés de carcasses de voitures et de baignoires rouillées qui servaient jadis d’abreuvoirs aux vaches ; et par-dessus tout, ces gens qui s’accrochent désespérément au passé. J’ai tellement plus d’ambition.
Oui, mais ici, ça fait des générations que ça dure ! Avant la crise du textile et la faillite de Brogren, il y avait une scierie et une usine métallurgique. Maintenant, il n’y a rien. Rien du tout. Les gens se sentent abandonnés. Normal que ça les agace de voir les demandeurs d’asile arriver et se faire tout servir sur un plateau d’argent : du personnel arabophone au centre de soin de Vingåker, des créneaux horaires spéciaux pour les femmes à la piscine.
Elle possède une beauté naturelle, à l’instar de beaucoup de jeunes filles. Une grâce dont elles n’ont même pas conscience. Avant que la vie et les années ne les rattrapent.
Je ne crains pas la mort, je crains de me perdre. C’est pourquoi ce journal revêt une telle importance. Pour retracer ma vie, mais aussi pour me rappeler qui je suis. J’existe. Pour quelque temps du moins.
Premièrement : je suis allée aux toilettes et je n'ai pas reconnu mon propre reflet. Prise de panique, il m'a fallu plusieurs minutes avant de me calmer. Je sais que ma maladie affecte ma mémoire des physionomies. J'ai du mal à reconnaître les gens. Mais MOI-MÊME ?
Huit mille hommes et garçons ont été assassinés au cours du massacre de Srebrenica. Ils ont été séparés de leur famille, embarqués et exécutés comme du bétail. Et le monde n’a pas levé le petit doigt. Huit mille ! Les hommes sont malades. Et ça ne prend jamais fin. Le mal nourrit le mal.
je prends conscience que plus aucun fantôme ou zombie au monde ne peut m'effrayer. Tout ce qui me glaçait le sang a perdu son pouvoir sur moi : les cadavres gluants, les démons, les morts-vivants carnassiers. Les tueurs armés de hache ou de tronçonneuse, les extraterrestres prêts à conquérir le monde qui engloutissent des cervelles humaines comme du pop-corn. La réalité est bien plus sordide.
Ici toute douilletterie est bannie. Vous n'avez pas le droit de vous plaindre du village ou de suggérer que vous aimeriez vivre ailleurs, par exemple à Stockholm, surtout pas à Stockholm. Si cette pensée a le malheur de vous traverser, gardez-la pour vous à moins que vous ne vouliez vous retrouver exclu de la communauté aussi vite et inexorablement que les estivants qui disparaissent au mois d'août.
La fillette n’a jamais été identifiée, bien qu’on ait relevé son ADN au niveau du fémur et que les journaux et la télévision aient relayé l’information. Les médias l’avaient baptisée la « fille d’Ormberg ». Le fait qu’un enfant disparaisse sans manquer à personne me fend le cœur.
Quasiment toute ma famille a péri pendant la guerre et je suis allée reconnaître presque tous les corps. J'ai étreint la dépouille de mon mari à Tuzla, j'ai enterré mon frère à Srebrenica, je me suis rendue aux charniers de Kamenica, au stade de Nova Kasaba où un millier d'hommes et de jeunes garçons étaient enfermés avant leur exécution. On doit savoir, c'est comme ça que ça marche. Quand on a été dépossédé de tout le reste, la connaissance est la seule chose qui nous aide à aller de l'avant. Vous comprenez ?
Retourner chez ma mère était vraiment une piètre idée – quand on est adulte, on ne doit pas vivre chez ses parents. Je ne comprends pas comment Margareta et Magnus se supportent. Mon cousin aurait dû quitter le nid il y a vingt-cinq ans. Mais Margareta n’a personne d’autre. Magnus non plus. La solitude est manifestement un ciment plus fort que l’amour.
J'ai beau éprouver de la mélancolie, je sais que c'est la bonne décision : je dois mettre les voiles – je l'ai toujours su, je crois. Non que mon enfance fût malheureuse – j'avais une foultitude d'amis et des parents qui n'étaient ni meilleurs ni moins bons que d'autres. Or, il y a quelque chose dans ce village que je ne supporte pas. Comme si l'air était poisseux, irrespirable ; comme si les forêts m'observaient ; comme si tous les misérables individus incapables de s'extirper d'ici s'évertuaient à me retenir.
Des générations d'Inuits y ont vécu sans laisser de traces, à la différence de nous, les hommes modernes, qui ne laissons dans notre sillage que dévastation.
J'adore me balader seul dans la forêt-et plus encore quand je porte les vêtements de ma mère. Je m'imagine à Katerineholm, en chemin vers un bar ou un restaurant. Un vœux pieux, bien sûr.
Dans la Bible , il est écrit qu'on doit aimer son prochain comme soi-même, ce qui signife qu'on n'a pas le droit de blesser ou de tuer un autre être humain - c'est ce que nous a expliqué notre professeur . Or, d'après Saga, les chrétiens auraient massacré plus de personnes au nom de Dieu que les musulmans.Pour elle, ce sont les religions qui sont dangereuses .Il ne faut jamais se soumettre à une foi - elle fait de nous son esclave .
Ça aurait pu être toi... Tu aurais pu être celle qui fuit la guerre et la famine.
Biographie
Née en 1968 à Älvsjö ,
Camilla Grebe est une romancière suédoise. Titulaire d'un
master en administration des affaires (MBA) de Handelshögskolan i
Stockholm, une école de commerce, elle fonde la maison d'éditions
Storyside, spécialisée dans le livre audio. Elle y cumule les
fonctions de directrice du marketing et de directrice générale,
puis dirige une société de conseil.
En 2009, elle écrit, en
collaboration avec sa sœur Åsa Träff (1970), psychiatre
spécialisée dans les troubles neuropsychiatriques et de l'anxiété,
"Ça aurait pu être le paradis" ("Någon sorts
frid"), un roman policier qui se déroule dans le milieu des
cliniques psychiatriques. Avec ce roman elles sont saluées comme les
nouvelles voix du polar scandinave.
En 2015, elle a publié "Un
cri sous la glace" ("Älskaren från huvudkontoret"),
son premier roman en solo. Elle enchaînera avec "Le Journal de
ma disparition" ("Husdjuret", 2017), "L'Ombre de
la baleine" ("Dvalan", 2018) puis "L'Archipel des
larmes" ("Skuggjägaren", 2019). Elle a obtenu deux
fois le Prix du meilleur roman policier suédois, remis annuellement
par la "Svenska Deckarakademin" (Académie suédoise du
roman policier) depuis 1982 : en 2017 pour "Le Journal de ma
disparition" et en 2019 pour "L'Archipel des larmes"
!
Elle a écrit cinq polars avec sa sœur (2009-2015) et trois
autres (2013-2016) avec l'un de ses amis, le financier Paul
Leander-Engström (1966), dont "Dirigenten från Sankt
Petersburg" (2013), adapté en série télévisée en 2018.
Camilla Grebe vit à Stockholm.
sa page FB : https://www.facebook.com/camillagrebeauthor/
Sur le roman
vidéos
Presse
https://www.senscritique.com/livre/le_journal_de_ma_disparition/31794608
https://plus.lapresse.ca/screens/4989bea1-c472-4f2a-91cf-5f84d4d66f0c%7C_0.html
https://www.lexpress.fr/culture/livre/camilla-grebe-signe-des-polars-petris-d-humanite_1875275.html
Dans l'univers du roman
Sur les massacres en Bosnie
https://museeholocauste.ca/fr/ressources-et-formations/genocide-musulmans-de-bosnie/
https://www.geo.fr/histoire/que-sest-il-passe-durant-le-massacre-de-srebrenica-214116
Politique migratoire en Suède
https://www.la-croix.com/Monde/Immigration-desastre-heresie-humanitaire-Bosnie-2021-01-05-1201133161
Sur l'accueil des migrants





