L'histoire
Fernanda, une belle et insolente lycéenne passionnée de littérature et de films d’horreur, se réveille pieds et poings liés dans une cabane au milieu de la forêt équatorienne. Sa kidnappeuse n’est pourtant pas une inconnue : il s’agit de sa professeure de lettres, Miss Clara, une femme hantée par le souvenir de sa mère et harcelée depuis des mois par ses élèves dans un établissement catholique de l’Opus Dei, réservé aux élites de Guayaquil.
Fernanda et ses amies se veulent des filles libres, non soumises aux codes moraux de la société, et passionnées par les films d'horreur et le « creepypastas » ces légendes urbaines, elles vont aller jusqu'aux confins des relations amicales, sexuelles et machiavéliques. A leur dépens.
Mon avis
La plume de Monica est à la fois poétique, précise et audacieuse, car très imagée. A titre d’exemple, Anelise appelle l’adolescence « l’âge blanc ».
L’auteure élabore un thriller horrifique et psychologique, minutieusement construit, énigmatique et bouleversant. Un roman explorant le côté sombre de la féminité, où les hommes sont absents, ou presque. Grâce à un fort pouvoir de suggestion, mélangeant volontiers délire et réalité, utilisant la terreur cosmique dans le plus pur style de Lovecraft, Monica dépeint les peurs et les réactions de ces adolescentes, occupées à se construire, grandir et apprendre. On retrouve même une référence au body horror, de manière subtile, avec la maladie dont souffrait la mère de Clara.
Mâchoires » joue avec l’esprit du lecteur, brouillant son environnement. C’est extrêmement dérangeant, ce qui en fait un excellent roman d’horreur psychologique. Atypique et envoûtant à la fois. Et puis il y a aussi en miroir un amour passionné pour la littérature et la poésie, avec des références à des grands écrivains ou poêtes.
Extraits
En ce sens, le fait que le Lycée ne soit pas ouvert aux garçons était est un facteur clé car cela modifiait les relations entre les filles ainsi que l’organisation sociale des classes. Dans un groupe mixte, par exemple, l’élément le plus turbulent - celui qui faisait le malin et se faisait mettre à la porte - était en général un garçon. Il y avait aussi cette éternel flirt entre garçons et filles d’une même classe, qui fonctionnait par contraste : plus ils étaient provocateurs et violents, plus elles étaient sages et responsables - ou du moins faisaient semblant de l’être car ce n’était qu’un masque pour attirer leur proie. Il y avait, bien sûr, des exceptions : des gamines qui enfreignaient les règles, abusaient de la patience de leurs professeurs et frappaient leurs camarades, mais en général les filles se construisaient en opposition à ce genre de comportements qu’elles voyaient chez les autres et qu’elles associaient à une masculinité qui leur était interdite.
Une fille ne se rend jamais compte qu'un jour il lui faudra être la mère à la mâchoire. Mais tu es comme ma fille parce que tu es mon élève. Je me rends responsable de tout le mal que tu fais .Ouvre toi bien .On va éteindre ensemble les lumières pour qu'apparaisse le Dieu blanc de ta pensée. L'immense vérité du néant. Tu le sais, non?Bien sûr que oui.Bien sûr que tu le sais.Tu sais bien que les filles qui ont trop d'imagination finissent tarées, mais à présent tu vas apprendre quelque chose d'important .Réjouis-toi.Voici la couleur de la peur .Le blanc du lait.Le blanc de la mort.Crane enneigé de Dieu.Bienvenue dans la mâchoire volcanique.Bienvenue chez moi.Entrons.(Page 315/316).
Être la fille, avait-elle compris avec le temps, revenait à être la mort de sa mère–tout le monde engendre son assassin, pensa-t-elle, mais seules les femmes en accouchent–et cette mort, elle l’emporte comme une graine dans sa profession, dans sa coiffure, dans ses vêtements et même dans ses gestes…
Parce que la nature des filles, disait le credo, c'était de sauter sur la langue maternelle main dans la main; survivre à la mâchoire pour devenir ma mâchoire, prendre la place du monstre, c'est à dire celle de la mère Dieu qui donnait naissance au monde du désir.
Son imagination est musculaire, elle est comme attachée à son squelette, et elle est, je ne sais pas, réelle. C’est quelque chose qui bouge.
Bigraphie
Monica Ojeda est née en 1988 en Équateur. Monica Ojeda Franco est une écrivaine équatorienne, poétesse, nouvelliste et romancière.Elle a obtenu son baccalauréat universitaire à l'Université catholique de Santiago de Guayaquil, suivi d'un master de l'Université Pompeu Fabra de Barcelone. Elle prépare son doctorat à Madrid.Elle est l'autrice des romans "La
desfiguración Silva" (Prix Alba, 2014) et "Nefando"
(2016), ainsi que du recueil de nouvelles "Las voladoras"
(2020) et du recueil de poèmes "El ciclo de las piedras"
(Prix National de Poésie 2015).
En 2017, elle a été considérée
comme l'une des 39 meilleurs écrivains latino-américains de fiction
de moins de 40 ans.
Avec la publication de "Mâchoires"
("Mandíbula", 2018), Ojeda est devenue l’une des
autrices de langue espagnole avec la plus grande perspective
internationale.
Elle vit et travaille à Madrid depuis 2016.
Mâchoires est son
premier roman traduit en français.
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