vendredi 24 juin 2022

Pete FROMM – Lucy in the Sky – Gallmeister poche (Totem) - 2022

 

L'histoire

Lucy, 14 ans. Grande perche pour son âge, les cheveux coupés à ½ cm par son père, a l'âme rebelle et les idées bien arrêtées. Ce garçon manqué, qui s'habille en jeans, sweets et baskets ne voit jamais son père, bûcheron qui part de longs mois au Canada pour travailler. Elle est en conflit permanent avec sa mère qui l'a eu à 16 ans, une femme qui n'assume pas totalement sa maternité et a des amants, tout comme Lucy, qui ne se préoccupe pas de l'opinion des autres, a le verbe haut et drôle mais qui cache une peur terrible de l'abandon.


Mon avis

Un roman sur l'adolescence à la fois drôle et émouvant. Cette Lucy là, vous ne l'oublierez pas. Elle est grande pour son âge, refuse toute féminité (son père lui rase les cheveux deuils qu'elle est enfant), vit un amour compliqué avec son meilleur ami Kenny, un garçon fragile dont on se demande si elle ne joue pas le rôle de grande sœur, et a le chic pour se mettre dans des situations embarrassantes.

Surtout le rapport mère-fille est ici pointé du doigt. On se demande parfois qui est la plus adulte des deux. La mère volage, privée d'adolescence par sa grossesse et souvent abandonné par ce père drôle mais trop souvent absent. Cette mère, féminine et jolie femme n'assume pas vraiment ses infidélités, pas plus quelle n'assume son rôle de mère. Lucy, elle, assume ses relations avec Kenny, puis Tim un gentil gaillard qui voudrait l'épouser, alors qu'elle n'a que 15 ans. Lucy trompe son ennui et sa solitude en passant ses journées de vacances dans les bras de ses amoureux, mais aussi des nuits à guetter le retour de Maman. Papa est parti pour toujours par sa faute. Elle redoute l'abandon et elle passe le plus clair de son temps seule, à faire le ménage et la cuisine pour la mère sans savoir si elle rentrera après son travail.

C'est aussi l'univers sans avenir pour les jeunes d'un village du Montana que nous raconte Pete Fromm. Les lycéens les plus chanceux iront à l'Université de Missoula, les autres s'engageront auprès de la base militaire du coin, ou iront travailler dans les champs de leurs parents. C'est une autre vision de l'Amérique rurale, où le voisin épie l'autre, où la sexualité est taboue et surtout où une fille comme Lucy n'a pas sa place. Trop rebelle, tenant tête à tout le monde, même si elle se détruit aussi par ses remarques acerbes, Lucy recherche son d'identité, sa place dans le monde qui ne soit pas épouse ou fille facile et surtout à échapper ce rôle infligé dans l'enfance de garçon manqué. On peut parler de roman d'apprentissage, du passage de l'enfance à l'adolescence et à la vie adulte, mais Lucy ne fera jamais rien comme les autres.

Encore un personnage inoubliable qui va rejoindre la galerie des égéries de Gallmeister, cet éditeur français qui signe des jeunes auteurs et en fait des best-sellers


Biographie :

Pete Fromm est né en 1958 dans le Wisconsin. Il a d'abord été ranger avant de se consacrer à l'écriture. Reconnu comme un grand écrivain, il vit à Missoula (Montana) avec sa famille.


Extraits :

  • Il avait le souffle court, et je sentis son haleine chaude et humide me chatouiller le sommet du crâne lorsqu’il dit : Ce que tu dois te rappeler, Luce, ce sont les retours. C’est tout ce qui compte. Le départ, ce n’est rien. Le temps que je passe loin d’ici, ce n’est rien. Rappelle-toi seulement les retours à la maison.
    On aurait dit un hypnotiseur. Un magicien plein d’espoir.
    Je me débattis, aplatie comme une crêpe entre eux deux. Il était loin d’en savoir autant qu’il croyait. Il devait partir, voir le vaste monde, des endroits dont nous pouvions seulement rêver. Pendant qu’il se promenait dans la géographie, nous restions là, toujours les mêmes. À attendre.

  • Je me remis à traîner dans la maison. Pourquoi ne pouvais-je pas être une de ces ados qui dorment jusqu’à midi ? La moitié de la journée était déjà écoulée avant qu’ils ne sortent de leur lit. (...)
    Je n’avais plus rien à faire, rien de ce à quoi j’imaginais que la plupart des filles consacraient de longues heures. Je n’avais pas de cheveux à essuyer ou à friser, à coiffer ou à sculpter avec du gel.

  • "Où est le "hors- bord, Mame ?
    C'est ainsi qu'il appelait la tondeuse électrique, avec sa proue dentée qui maintenait ma coupe à une longueur régulière de cinq millimètres .
    Comme si, en réussissant à me raser le crâne d'assez près , il parviendrait à supprimer le jambage de mon second chromosome X pour le réduire à un Y.
    Garçon manqué......
    J'avais passé toute mon enfance à ressembler à l'unique photo de lui enfant qu'il possédait , le visage perdu au milieu d'une armée d'enfants tondus, un troupeau de réfugiés ?, il n'avait jamais précisé. "

  • On choisit ses chaussettes. On choisit pas ses parents.

  • J’ai pas besoin d’une nouvelle vie, Maman. J’ai besoin de nouveaux parents. Elle se tut, et alors que j’allais dire que j’étais désolée, elle me mit les clefs de sa voiture dans la main. Comme une bénédiction. Les derniers sacrements.

  • Pendant toutes ces années, c’est pour ça que je l’avais laissé me raser la tête : si la seule chose qui lui manquait ici, c’était d’avoir un fils avec qui faire des trucs, je serais presque aussi bien qu’un garçon, je serais ce qu’on pouvait trouver de plus approchant. Je ne m’étais pas aperçue que ça ne servait à rien. Comme les baisers de Maman. Il partait quand même.

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