vendredi 19 août 2022

Berengère COURNUT – Née contente à Oraibi – Éditions Le tripode - 2019

 

L'histoire

Tayatitaawa (nom que l'on peur traduire par celle qui salue le soleil en riant) est née au sein du clan du Papillon à Oraibi, un petit village qui se situe sur la 3ème mesa au nord- est de l'Arizona. Élevée dans les traditions de son camps, cette petite fille sauvageonne a le goût des aventures et de la liberté. Comment trouver sa place dans le monde fermé des hopis et dans le monde tout simplement ? C'est l'enjeu de ce fabuleux romans.


Mon avis

Comme je une passionnée par les Amérindiens, mon avis sera forcément subjectif. Mais par essence même une critique littéraire est subjective. On peut analyser le texte avec les outils rationnels qui nous sont enseignés, mais notre ressenti devant un livre dépendra de notre personnalité, notre culture, nos influences.

Avec Tayatitaawa, cette jeune fille hopi que nous suivons de son enfance à sa majorité (18 ans), la majorité chez les hopis se fait à la première menstruation, nous allons vivre un voyage extraordinaire. Et aussi pénétrer dans la culture pourtant assez opaque des hopis, indiens pueblos, qui vivent de la culture des mais (il existe de nombreuses variétés), de la courge, les haricots noirs) et ont quelques troupeaux de chèvres. Le village où vit la jeune hopi est en déclin. Les maisons perchées et entassées sur la mesa se vident peu à peu. Les jeunes préfèrent la vie en ville, où les conditions de vie sont meilleures. Où la vie dans d'autres clans, plus riches et plus prestigieux comme le clan des Ours sur la 2ème mesa dont est issu son père, un homme silencieux, dont on sait qu'il a fait avant d'épouser sa mère un long voyage. Ce père trop vite disparu était un homme sage, un conteur à ses heures et surtout très tolérant envers sa fille un peu rebelle.

Tayatitaawa bien qu'élevée dans la traditions (le respect des ancêtres et des aînés, les fêtes qui rythment les saisons, ne fait rien comme les autres jeunes filles de son âge. Elle n'est pas pressée de se marier (le mariage est libre et non pas arrangé et est une cérémonie importante dans la vie de la femme. Les hopis sont une société matriarcale et exogame (chercher un mari hors du clan), mais la situation des femmes est paradoxale. Si la cheffe du village est une femme, souvent la plus âgée ou la plus sage, les autres ne participent pas aux cérémonies religieuses courantes, qui se passent dans des pièces souterraines appelées kiva, et où les dieux sont représentés par des kachinas (qui donneront les fameuses poupées hopis qui sont aujourd'hui pour les hopis qui vivent encore dans les 3 mesas une source non négligeable de revenus).

Si les hommes hopis sont destinés au tissage, à l’agriculture ou à la surveillance du bétail. Les femmes s’occupent de la maison, de la nourriture, d'aller chercher l'eau parfois à des heures de marche, et sont spécialistes selon les clans en poterie et en vannerie.

Mais surtout, nous assistons à la guérison de la jeune fille qui se plaint de mal de dos. A travers des pratiques chamaniques, les femmes et hommes-médecines soignent par les plantes, mais aussi par l'interprétation des rêves. Bien avant le courant des médecines douces et de l'herboristerie, bien avant Freud, les chamans savaient guérir dans une médecine holistique inspirée par leur propre mytholigie. C'est le prix à payer pour gagner sa liberté et fuir une vie qui serait monotone pour la jeune fille curieuse du monde.

La réserve Hopf est située dans la grande réserve Navajo et est gérée par elle. Mais les hopis sont un peuple discret, qui préserve encore aujourd'hui ses traditions.

A noter que l'édition propose un cahier de photos, issues des archives, qui nous permet de nous rendre compte de l'extrême pauvreté de ce peuple, mais qui a en lui une richesse intérieure sublime.

Galerie Photo 







 

 
danse rituelle, jeune fille hopi avec sa coiffure macaron qui indique qu'elle veut se marier et sa mère, kachinas, maman et son enfant, le village d'Oraibi, poterie et tissage en feuille de yuca et troisième  mesa où se situe Oraibi.


Extraits :

  • Il était maintenant midi. Le soleil tapait fort, il valait mieux prendre un peu de repose avant la danse publique. Nous aurions pu chercher les membres du clan de l’Ourse parmi la foule, mais ma mère préférait rester discrète. Elle ne souhaitait pas voir la famille de mon père tant qu’elle n’était pas sûre que son fils allait bien. Patangwupööqa a proposé que nous trouvions refuge chez son frère de la Citrouille. Cet homme et sa femme nous ont accueillis avec beaucoup de gentillesse, nous offrant abondamment à boire et à manger.

  • Les quatre anciens ont rappelé que, pour un un clan fragile comme le nôtre, l'urgence était de ne pas péricliter. Il fallait que nos familles puissent vivre dans une certaine prospérité. Pour cela, il fallait veiller à ce que chacun se conduise en bon Hopi, selon des principes de vie mesurés, afin d'éviter maladies et mauvaises récoltes. Bien guidé, le clan du Papillon pouvait se maintenir, voire se renforcer ; laissé en friche et en errance, il courait le risque de disparaître.
    Avec une pointe

  • « Alors comme ça, tu voyages dans la Maison des morts ?» Je ne savais pas trop quoi répondre : étais-je vraiment venue ici de mon plein gré ? Et qu'étais-je censée y faire ? Comme s'il avait entendu mes interrogations, Màasaw a dit : «En passant d'un monde à l'autre, tu ne fais rien d'autre que ce qu'on fait tes ancêtres au moment de l'Émergence, puis des migrations. Tu es jeune, tu n'es sans doute qu'au début de ton voyage et nous sommes là pour te guider, si tu le souhaites.» Mon seul souhait pour le moment aurait sans doute été de revoir mon père et de lui parler. Toujours comme s'il m'avait entendue, Màasaw a précisé : «Si tu décides de rester ici, tu ne devras chercher personne. Celui qui a été ton père ou n'importe qui de ta famille dans l'autre monde ne te sera plus rien dans celui-ci. De même que tu passes toi-même des frontières, il faut accepter le voyage des âmes et des esprits.»

  • Selon lui (le père de Tayati), dans l'existence, il y avait un temps pour agir en commun et un temps pour se faire sa propre expérience du monde. Contempler les animaux, les roches et les végétaux pour les comprendre était un devoir au moins aussi important que celui d'honorer les esprits, et en tout cas plus noble que de surveiller ses voisins.

  • Le papillon est fragile, il ne faut pas tenter de le retenir quand il a envie de s’envoler.

  • L'inquiétude ne doit pas devenir superstition. Entendre une chose mauvaise ne veut pas dire qu'elle s'est produite ou qu'elle se produira. Redouter la méchanceté est légitime, mais refuser d'écouter les peurs de ses frères et une faute.


Biographie

Bérengère Cournut (née en 1979 à Asnière ) est correctrice dans la presse et l’édition et écrivaine française.
Un temps secrétaire du traducteur Pierre Leyris, dont elle accompagne les œuvres posthumes chez l’éditeur José Corti (Pour mémoire, 2002 ; La Chambre du traducteur, 2007), elle publie son premier roman, "L’Écorcobaliseur", en 2008.
Elle a publié trois livres aux éditions Attila et deux plaquettes de poésie à L’Oie de Cravan, où elle déploie un univers littéraire onirique empreint de fantaisie langagière.
Elle est également auteure de "Palabres" (Attila, 2011), publié sous le pseudonyme Urbano Moacir Espedite en collaboration avec Nicolas Tainturier (ils apparaissent en page de couverture comme "traducteurs du portugnol").
Enfin, elle publie en 2016 un roman intitulé "Née contente à Oraibi" (Éditions Le Tripode) inspiré d'un voyage qu'elle a fait sur les plateaux de l'Arizona, à la rencontre de la tribu amérindienne des Hopis.



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