mercredi 17 août 2022

Henry-David THOREAU – Walden ou la vie dans les bois – Totem poche N° 78 – éditions 2017 (existe aussi chez d'autres éditeurs).


 

L'histoire

En 1845, Henri David Thoreau part vivre 2 ans dans une cabane qu'il a construire, à 50 km de Concord (actuel Massachusetts). Il fera des aller-retours à Concord mais vivra en autarcie et entouré de la nature.

Surtout il méditera sur la vie humaine, la place de l'homme dans cette jeune société américaine.


Mon avis

Ce grand classique de la la littérature américaine n'a pas pris une ride. Bienévidemment, il faut le remettre dans son contexte, de 1845, où les USA étaient encore en pleine colonisation.

Mais Walden, par son écriture (que l'on pourrait dire maniérée mais c'est ainsi que l'on écrivait à l'époque pour les jeunes lecteurs) est aussi un texte fondamental. Il prédit le mouvement écologiste actuel et aussi le courant de « nature writing » qui influencera de plus en plus de jeunes auteurs. Le nature wrtiting consiste à écrire des romans où la nature sauvage est la toile de fond de l'intrigue.

Il ne faut pas idéaliser Walden. Il n'a pas vécu en totale autarcie. Il reçoit des visiteurs, il se rend souvent à Concord, il trouve de l'aide. Ce n'est pas un aventurier total. Ce temps-là, il médite et surtout critique la société de son temps. Les bondieuseries, l'accumulation de biens aux dépens de la nature, l'utilisation des animaux (bœufs, chevaux) pour l'agriculture, les hiérarchies admises. Il n'est pas contre le travail, mais le travail productif (se nourrir, construire sa maison) mais à une échelle raisonnable, ce qu'il faut pour vivre simplement et heureusement.L'opposition chez Thoreau se fait entre le destructible et l'inépuisable. Il se considère comme pauvre, mais un pauvre heureux parce qu'il se débarrasse du superflu pour aller à l'essentiel de ce qu'il est (et qui vaut pour lui, il précise que c'est à chacun de chercher sa voie).

On ne peut pas dire que ce livre appartienne à un genre littéraire précis : tour à tour poétique, guide pratique, méditations intimes, pamphlet politique avec comme seule architecture littéraire les saisons. Increvable gentil anarchiste, il passera quelques jours en prison pour avoir refusé de payer ses impôts. Il a mis plusieurs années à peaufiner son texte, les traducteurs ont aussi eu beaucoup de mal à rester fidèle à son récit.


Extraits :

  • Mieux que l'amour, l'argent, la gloire, donnez moi la vérité. je me suis assis à une table où nourriture et vins riches étaient en abondance, et le service obséquieux, mais où n'étaient ni sincérité, ni vérité; et c'est affamé que j'ai quitté l'inhospitalière maison

  • Après une tranquille nuit d’hiver je m’éveillai avec l’idée confuse qu’on m’avait posé une question, à laquelle je m’étais efforcé en vain de répondre dans mon sommeil, comme quoi – comment – quand – où ? Mais il y avait la Nature en son aube, et en qui vivent toutes les créatures, qui regardait par mes larges fenêtres avec un visage serein et satisfait, sans nulle question sur ses lèvres, à elle. Je m’éveillai à une question répondue, à la Nature et au grand jour. La neige en couche épaisse sur la terre pointillée de jeunes pins, et jusqu’au versant de la colline sur laquelle ma maison est située semblaient me dire : En Avant ! La Nature ne pose pas de questions, et ne répond à nulle que nous autres mortels lui posions. Elle a, il y a longtemps, pris sa résolution. « Ô Prince, nos yeux contemplent avec admiration et transmettent à l’âme le spectacle merveilleux et varié de cet univers. La nuit voile sans doute une partie de cette glorieuse création ; mais le jour vient nous révéler ce grand ouvrage, qui s’étend de la terre droit là-bas dans les plaines de l’éther. »

  • Parfois, après une indigestion de société humaine et de commérages, ayant usé jusqu'à la corde tous mes amis du village, je m'en allais à l'aventure plus loin encore vers I'ouest que là où d'ordinaire je m'arrête dans des parties de la commune encore plus écartées "vers des bois nouveaux et des pâtures neuves", ou bien, tandis que le soleil se couchait, faisais mon souper de gaylussacies et de myrtilles sur Fair-Haven Hill, et en amassais une provision pour plusieurs jours. Les fruits ne livrent pas leur vraie saveur à celui qui les achète non plus qu'à celui qui les cultive pour le marché. Il n'est qu'une seule façon de l'obtenir, encore que peu emploient cette façon-là. Si vous voulez connaître la saveur des myrtilles, interrogez le petit vacher ou la gelinotte. C'est une erreur grossière pour qui ne les cueillit point, de s'imaginer qu'il a goûté à des myrtilles. Jamais une myrtille ne va jusqu'à Boston ; on ne les y connaît plus depuis le temps où elles poussaient sur ses trois collines. Le goût d'ambroisie et l'essence du fruit disparaissent avec le velouté qu'enlève le frottement éprouvé dans la charrette qui va au marché, et ce devient simple provende.

  • Fais en sorte que gagner ta vie ne soit pas ton métier, mais ton loisir. Jouis de la terre, mais ne la possède pas. C’est par manque d’entreprise et par manque de courage que les hommes se trouvent là où ils sont, à acheter et à vendre, et à passer leurs vies à trimer comme des serfs.

  • Aimez votre vie, aussi pauvre soit-elle. Il est possible de connaître des heures plaisantes, palpitantes, somptueuses, même dans un asile de pauvres. La lumière du couchant se reflète de façon tout aussi éclatante dans les fenêtres de l'hospice que dans celles du manoir.....

  • La plupart des luxes, et beaucoup de ce qu’on appelle les conforts de la vie, ne sont pas seulement non indispensables, mais constituent de véritables entraves à l’élévation de l’humanité.

  • Les livres doivent-être lus avec les mêmes concentration et circonspection que celles avec lesquelles ils furent écrits. Les livres sont le trésor précieux du monde, et le digne legs des générations et des nations.

  • L’opinion publique est un tyran bien faible comparée à l’opinion personnelle que nous avons de nous-mêmes. Ce qu’un homme pense de soi, voilà ce qui détermine, ou plutôt oriente, sa destinée.

  • A l’état sauvage toute famille possède un abri valant les meilleurs, et suffisant pour ses besoins primitifs et plus simples ; mais je ne crois pas exagérer en disant que si les oiseaux du ciel ont leurs nids, les renards leurs tanières, et les indiens leurs wigwams, il n’est pas dans la société civilisée moderne plus de la moitié des familles qui possède un abri. Dans les grandes villes et cités, où prévaut spécialement la civilisation, le nombre de ceux qui possèdent un abri n’est que l’infime minorité. Le reste paie pour ce vêtement le plus extérieur de tous, devenu indispensable été comme hiver, un tribut annuel qui suffirait à l’achat d’un village entier de wigwams indiens, mais qui pour l’instant contribue au maintien de sa pauvreté sa vie durant.

  • J’avais dans ma maison trois chaises : une pour la solitude, deux pour l’amitié, trois pour la société.

  • La nature est aussi bien adaptée à notre faiblesse qu’à notre force. Le composé d’anxiété et de tension que certains éprouvent perpétuellement ressemble fort à une maladie incurable. Nous sommes poussés à exagérer l’importance du travail que nous accomplissons; songeons pourtant à tout ce qui est fait par d’autres et non par nous! Ou bien encore à ce qui se serait passé si nous avions été malades.

  • Soyez un Christophe Colomb pour des continents et des mondes entièrement nouveaux situés à l'intérieur de vous-mêmes, ouvrez de nouvelles voies navigables, non pas pour le commerce, mais pour la pensée.

  • Nous avons besoin de l’effet tonique de la Nature sauvage (…). Nous ne pouvons jamais avoir notre content de Nature. Nous devons nous régénérer à la vue de l’inexhaustible vigueur, à la vue des paysage vastes et titanesques - le bord de mer et ses épaves ; les terres sauvages et leurs arbres, les vivants comme ceux qui sont en voie de putréfaction ; les nuages d’orage et la pluie qui tombe pendant trois semaines en entrainant des crues. Nous avons besoin de voir nos propres limites transgressées, et que des formes de vies paissent librement en des lieux où nos errances ne nous mèneront jamais. J’aime voir que la Nature regorge de tant de vie qu’elle peut se permettre d’offrir des sacrifices par myriades, et de laisser des animaux se manger les uns les autres ; (…) Tout cela produit sur l’esprit de l’homme sage une impression d’innocence universelle. Le poison n’est finalement pas vénéneux, et les blessures ne sont jamais fatales.

  • Des millions d'individus sont assez éveillés pour effectuer un travail physique; mais seulement un sur un million est assez éveillé pour accomplir un effort intellectuel couronné de succès, un sur cent millions seulement est voué à une existence poétique ou divine. Etre éveillé, c'est être vivant.

  • La vraie moisson de ma vie quotidienne est quelque chose d'aussi intangible et d'aussi indescriptible que les teintes du matin et du soir. C'est un peu de poussière d'étoile, c'est un morceau d'arc-en-ciel que j'ai attrapé.

  • Soir délicieux, où le corps entier n’est plus qu’un sens, et par tous les pores absorbe le délice. Je vais et viens avec une étrange liberté dans la Nature, devenu partie d’elle-même.


Biographie

Henry David Thoreau (1817-1862) naît à Concord, dans le Massachusetts. À l’âge de vingt ans, il rencontre Ralph Waldo Emerson, qui devient son mentor et l’initie au transcendantalisme. Thoreau se retrouve à merveille dans ce mouvement de pensée pour lequel la proximité avec la Nature revêt une dimension spirituelle. 

Dans ses écrits, Thoreau mène des réflexions sur la vie simple, loin de la société, prônant l’individualisme et une certaine forme d’oisiveté dans la communion avec la nature. «Poète-naturaliste», père de ce qui deviendra le nature writing, Thoreau est aussi un militant convaincu qui se bat notamment contre l’esclavagisme et prône la désobéissance civile - idée promise à un grand avenir. Sib ouvrage publié en 1849, « la désobéissance civile » inspirera Ghandi, Martin Luther King ou Nelson Mandela.

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