L'histoire
A 20 ans, Laura et Alina, meilleures amies s'étaient jurés de ne pas être mères. 10 ans plus tard, Alina décide de tomber enceinte. Une grossesse difficile et un enfant handicapé qui vont demander à Alina un courage de mère surhumain. Elle est soutenue par Laura qui ne juge pas mais qui maintient ses convictions. Pourtant Laura se prend d'affection pour son petit voisin, un enfant difficile.
Mon avis
Un roman fort, triste et beau qui ne tombe pas dans le pathos, grâce à l'écriture nuancée de Guadalupe Nettel. Le roman, raconté du point de vue de Laura, alterne les chapitres entre les 2 femmes, sans forcément un lien de temporalité, ce qui ne nuit en rien à la compréhension du livre.Ici c'est la maternité que l'auteure mexicaine interroge. Laura ne veut pas d'enfants. Elle va se faire ligaturer les trompes. Ses arguments, pour cette féministe convaincue sont l'asservissement de la femme à la maternité et ses cortèges d'ennuis (accouchement, nuits blanches, allaitement, éducation que l'on confie surtout aux mères). Anaïs Nin, dans son premier journal, ayant appris qu'elle ne pourrait pas avoir d'enfants écrivait en 1919 : la maternité n'est pas le but de la femme, elle a aussi d'autres moyens de création. Une phrase choc pour l'époque mais noyée dans l'intensité de ses journaux. Laura tient bon, éconduit les prétendants qui veulent fonder une famille, se heurte aux reproches de sa mère. Toutefois, pendant quelques mois, elle en arrive à s'occuper de son jeune voisin, un enfant sujets à des colères terribles que la mère, femme seule et fragile ne peut plus assumer.
Alina, elle, rencontre son mari et tentent de procréer : examens médicaux, tentative de FIV (une seule car cela coûte très cher au Mexique). Finalement Alina tombe enceinte. Une petite fille est attendue Inès. Mais les échographies finales indiquent un manque de développement du cerveau et avant même la naissance, les parents savent que l'enfant ne survivra pas. Pourtant Inès naît et ne semble ni sourde, ni aveugle, et plonge sa mère dans des interrogations sans fins, et surtout sans solutions pratiques. Les médecins ne sont guère optimistes. Mais Inès s'accroche à la vie. Aidée par une association et une nounou compétente, Alina reprend espoir.
C'est toute l'histoire d'une médecine mexicaine où les bons soins sont payants, figée dans ses certitudes et ses concepts que nous raconte l'auteure. Mais aussi une interrogation sur le fait d'être mère. La détresse d'Alina qui ne sait pas quoi faire de ce bébé différent, et la problématique, ici comme chez nous de l’accompagnement médical, social, scolaire des enfants handicapés, le regard des autres. Et puis, il y a aussi les violences faites aux femmes.
Un livre à lire mais dans une période où vous vous sentirez forte, car l’histoire est dure, touchante, et chacun réagira selon sa sensibilité.
Extraits :
Les deux pigeons étaient revenus. Posés sur le nid, ils roucoulaient plus fort que d’habitude, me semblait-il. Regrettaient-ils la présence de l’autre œuf ? Vivaient-ils sa disparition comme une perte douloureuse ou était-ce une chose à laquelle les pigeons et les autres animaux étaient préparés, quand nous autres êtres humains ne pouvions tout simplement pas le tolérer ?
Je fais partie de ces gens dont le corps se crispe intégralement quand les pleurs d'un bébé retentissent dans un avion ou la salle d'attente d'un cabinet, et qui deviennent fous si ces cris se prolongent au-delà de dix minutes. Mais ce n'est pas non plus comme si les enfants me repoussaient complètement. Les voir jouer au parc ou s'écarteler pour un jouet dans un bac à sable peut même parvenir à me distraire. Ils sont un exemple vivant de ce que nous serions nous, êtres humains, si le civisme et les règles de savoir-vivre n'existaient pas.
Incontestablement une grossesse change quantité de choses, entre autres la relation que l’on entretient avec les gens : les amies qui avaient décidé de ne pas avoir d’enfants la regardaient à présent différemment, comme si Alina était atteinte d’une maladie contagieuse. Au contraire, celles qui en voulaient et voyaient le temps passer la contemplaient avec une admiration teinte d’envie. J’ignore si l’une d’elles, autre que moi, était sincèrement heureuse pour elle.
Quand on est jeune, il est facile d’avoir des idéaux et de vivre en accord avec eux. Ce qui est compliqué, c’est de maintenir une cohérence dans le temps malgré les difficultés que nous impose la vie.
Biographie
Guadalupe
Nettel écrivain née à Mexico en 1973. Elle a obtenu de nombreux
prix littéraires dont le prix Herralde et le prix Anna-Seghers. Ses
livres sont traduits en plusieurs langues.
Guadalupe Nettel a
passé son enfance entre le Mexique et la France, où elle a obtenu
le titre de Docteur en Sciences du Langage à l'École des hautes
études en sciences sociales.
Son premier roman, El Huésped
(Anagrama, 2006), a été publié simultanément en français par les
éditions Actes Sud sous le titre L'Hôte.
Les éditions Dalva (filiale d'Actes Sud) se consacrent uniquement à la littérature ecrite par des femmes.
En savoir Plus :
https://letracteursavant.com/category/rencontre-avec-une-autrice/
https://www.quetalparis.com/rencontre-avec-guadalupe-nettel/

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