L'histoire
Rachel, la trentaine prend tous les jours le train qui relie sa ville de banlieue Londres. Matin à 8h04 et soir à 17h56. Pendant ce voyage, elle passe devant une maison habitée par un couple qu'elle observe et qui la fascine. D'autant que ce couple vit dans son ancienne ville et vie, celle où elle avait un époux, un statut.Mais un jour elle perçoit une scène étrange dans la maison du couple. Quelques jours après la jeune habitante est portée disparue puis retrouvée morte. La petite vie, morne de Rachel trouve désormais un but : enquêter, alors qu'elle est alcoolique, sujette à des oublis de sa mémoire quand elle boit trop. Et si la vérité était enfouie dans un souvenir ?
Mon avis
Raconté par trous voix, celle de Rachel, de Megan et d'Anna la seconde épouse qui a remplacé Rachel, le roman est extrêmement bien structuré et donc il ne posera aucun problème de compréhension. Le style unique de l'auteure, avec un vocabulaire qui rappelle encore une fois l'eau (la pluie omniprésente ou la chaleur moite de cet été), eaux utérines, eaux alcoolisées, eau froide des douches que prend Rachel pour dessoûler, comme autant de repères qui structurent encore plus le récit.Mais c'est surtout la psyché des personnages qui interpelle ainsi que leurs 3 problématiques qui en font des sujets universels.
Nous avons Rachel, 35 ans, bouffie par l'alcool qu'elle ingère au moindre souci, tente d'arrêter, replonge et est dans le chagrin impossible du deuil de son mariage. Rachel ment sur la vie qu'elle mène. Elle est au chômage depuis des mois, ce qu'elle cache par honte vis-à vis de son entourage. Sa gentille colocataire essaye de l'aider à se sevrer, son ex-époux qui souffle le chaud et le froid, tant elle le harcèle dès qu'elle a trop bu à coups d'appels, de textos ou de visites importunes. Mais au réveil, lors de ses beuveries solitaires, Rachel ne souvient de rien. Hors elle doit se souvenir de la soirée où Megan a disparu, car elle sent que c'est peut-être la solution à l'énigme et sans cesse elle se heurte à sa mémoire évanouie.Megan, jolie femme, au passé de fugueuse, entend mener sa vie de façon libre. Même si son passé recèle un lourd secret (un infanticide), sa vie actuelle avec son mari, gentil, conforme mais assez jaloux ne la satisfait pas. Elle prend des amants dans des relations qui ne durent pas, elle ne veut pas d'enfants. Elle sent qu'elle étouffe dans cette petite ville de province, ayant perdu son emploi, et n'ayant rien à faire.
Enfin Anna, la seconde épouse de Tom, l'ex-mari de Rachel, qui lui a donné un enfant (Rachel est stérile, son pire drame), qui vit dans la peur de perdre sa petite fille, qui ne supporte plus les harcèlements de Rachel qu'elle croit complètement folle. Mais petit à petit les certitudes vont céder.
3 personnages de femme, trois les hommes d'hommes parfois insaisissables pour Rachel, cette « fille du train » anonyme, qui n'existe pas aux yeux des autres et qui s'enferme dans son propre malheur. Alcoolisme, perte de mémoire, obsessions de comprendre font de Rachel une héroïne hors du commun.
Et puis le rapport à la maternité. Comme si c'était une obligation de la femme. Maternité dont rêve Rachel pour existe, maternité assumée et protectrice d'Anna et refus de maternité pour la trop libre Megan.
Derrière les petites gens qui nous croisons dans les trains, métro ou bus du quotidien se cachent parfois des histoires insoupçonnables.Paula Hawkins nous entraîne dans un suspense haletant, et ne renie en rien son engagement féministe que l'on retrouve dans « Au fil de l'eau ».Addictif.
Extraits :
C'est ma faute. Je buvais déjà, de toute façon, j'ai toujours aimé boire. Mais je suis devenue plus triste, et la tristesse, au bout d'un moment, c'est ennuyeux - pour la personne qui est triste et pour tous ceux qui l'entourent. Puis je suis passée de quelqu'un qui aime boire à alcoolique, et il n'y a rien de plus ennuyeux que ça.
Le vide : voilà bien une chose que je comprends. Je commence à croire qu'il n'y a rien à faire pour le réparer. C'est ce que m'ont appris mes séances de psy : les manques dans ma vie seront éternels. Il faut grandir autour d'eux, comme les racines d'un arbre autour d'un bloc de béton ; on se façonne malgré les creux.
Mon gin tonic en canette frémit quand je le porte à mes lèvres pour en prendre une gorgée, fraîche et acidulée : le goût de mes toutes premières vacances avec Tom, dans un village de pêcheurs sur la côte basque, en 2005. Le matin, on nageait les sept cent mètres qui nous séparaient d’une petite île pour aller faire l’amour sur des plages secrètes ; l’après-midi, on s’asseyait au bar et on buvait des gin tonics amers, très alcoolisés, en regardant des nuées de footballeurs du dimanche faire des parties à vingt-cinq contre vingt-cinq sur le sable mouillé.
Je prends une autre gorgée, puis une troisième ; la canette est déjà à moitié vide mais ce n’est pas grave, j’en ai trois autres dans le sac en plastique à mes pieds. C’est vendredi, alors je n’ai pas à culpabiliser de boire dans le train.J’ai l’impression d’étouffer.
Est-ce que cette maison a toujours été aussi minuscule ? Et ma vie, a-t-elle toujours été si minable ? Est-ce que c’est ça dont je rêvais ? Je ne m’en souviens plus. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a quelques mois j’allais mieux et, aujourd’hui, je n’arrive plus à réfléchir, à dormir, à dessiner, et l’envie de m’échapper devient insurmontable. La nuit, allongée là, réveillée, j’entends cette voix dans ma tête qui répète sans relâche, un murmure : « Disparais. » Quand je ferme les yeux, je vois surgir des images de mes vies passées et futures, de tout ce que je rêvais, des choses que j’ai eues et que j’ai jetées. Si je n’arrive pas à m’installer confortablement, c’est que, partout où je regarde, je ne trouve qu’un mur : la galerie fermée, les maisons de cette rue, les velléités d’amitié envahissantes de ces femmes ennuyeuses de mon cours de Pilates, la voie ferrée au bout du jardin avec ses trains qui emmènent constamment des gens ailleurs et qui me rappellent une douzaine de fois par jour que, moi, je ne bouge pas. J’ai l’impression de devenir folle. (Megan)Soyons francs, encore aujourd’hui, la valeur d’une femme se mesure à deux choses : sa beauté ou son rôle de mère. Je ne suis pas belle, et je ne peux pas avoir d’enfant. Je ne vaux rien.
Je ne peux pas dire que mes problèmes d’alcool ne viennent que de tout cela. Je ne peux pas les mettre sur le compte de mes parents ou de mon enfance, d’un oncle pédophile ou d’une terrible tragédie. C’est ma faute. Je buvais déjà, de toute façon, j’ai toujours aimé boire. Mais je suis devenue plus triste, et la tristesse, au bout d’un moment, c’est ennuyeux – pour la personne qui est triste et pour tous ceux qui l’entourent. Puis je suis passée de quelqu’un qui aime boire à alcoolique, et il n’y a rien de plus ennuyeux que ça.
Deux fois par jour, je bénéficie d'une fenêtre sur d'autres vies, l'espace d'un instant. Il y a quelque chose de réconfortant à imaginer la vie des inconnus, à l'abri chez eux.
Sur le côté, quelqu'un a écrit: LA VIE N'EST PAS UN PARAGRAPHE. Je repense au paquet de vêtements au bord des rails et ma gorge se serre. La vie n'est pas un paragraphe et la mort n'est pas une parenthèse.
La pièce s'assombrit plus encore et je me retrouve là bas, allongée dans l'eau, son petit corps appuyé sur le mien , la flamme d'une bougie vacillant juste derrière moi.
J'entends la cire couler, son odeur dans mon nez, et un courant d'air froid vient souffler sur ma nuque et mes épaules. Je me sens lourde, mon corps s'enfonce dans la chaleur de l'eau. Je suis épuisée. Et, soudain, la bougie est éteintes j'ai froid. Très froid, j'ai les dents qui claquettes mon crâne, le corps tout entier qui tremble. La maison me semble trembler aussi, le vent hurle et s'engouffre sous les tuiles du toit.
Biographie
Paula Hawkins
est une écrivaine britannique.
Elle est née et a grandi à
Harare au Zimbabwe. Son père était un professeur d'économie et
journaliste pour la finance. Sa famille déménage à Londres en 1989
alors qu'elle a 17 ans.
Elle étudie la philosophie, la politique
et l'économie à l'Université d'Oxford.
Elle écrit des articles
sur les affaires pour The Times, tout en écrivant plusieurs articles
en indépendant et écrit un livre de conseil financier pour les
femmes, "The Money Goddess" (2006).
Vers 2009, Hawkins
commence sa carrière de romancière en écrivant des fictions
romantiques sous le pseudonyme d’Amy Silver. Elle rencontre le
succès commercial avec son roman "La Fille du train" (The
Girl on the Train, 2015), un thriller abordant la violence domestique
et l'alcoolisme féminin. Il a été un phénomène en librairie et
s'est vendu à 11 millions d'exemplaires à travers le monde.
Il a
été adapté pour le cinéma par Tate Taylor, en 2016, avec Emilie
Blunt dans le rôle de Rachel Watson.
Paula Hawkins a vécu en
France et en Belgique. Elle vit désormais dans le sud de Londres.
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