dimanche 11 septembre 2022

Zoyâ PIRZAD – On s'y fera – Editions Zulma -2007 (ou livre de poche)

 

L'histoire

Arezou, la quarantaine, a repris l'agence immobilière de son père à Téhéran. Elle doit également gérer sa mère MahMonir, une femme capricieuse et égoïste et sa fille , adolescente rebelle qui en guerre contre le monde entier, et surtout sa propre mère. Quand un certain Monsieur Zardjou lui fait une cour assidue, Arezou, déjà divorcée et débordée par son travail et sa famille hésite.


Mon avis

L'écriture légère, parfois poétique, parfois très drôle de Zoyâ Pirzad nous enchante. Elle décrit avec humour et tendresse la vie de 3 femmes dans un Téhéran en pleine mutation avec l'arrivée au pouvoir des Mollahs.

Nous avons la grand-mère Mah-Mounir, une femme qui a été habituée à vivre dans le luxe (ce qui a ruiné son père dont Arezou essaye de combler les dettes). Égoïste, toujours prête à s'en pendre à sa fille, passant son temps à colporter des ragots, toujours prête pour un chantage affectif, c'est presque une caricature de ces femmes a qui tout est du, et pour lesquelles l'amour se mesure en bracelets d'or ou objets de luxe. Ayeh, sa petite fille est tout aussi capricieuse. Mal remise du divorce de ses parents, elle vit la vie adolescente, à vouloir absolument un téléphone portable dernier cri, ou un objet futile, ne fait pas grand chose au lycée et ouvre un blog où elle déverse ses griefs. Prise entre les désirs de la jeunesse américanisée mais aussi influencée par le nouveau régime, elle trouve le soutien de sa grand-mère, pour tenter de faire la loi face à sa mère.

Enfin il y a Arezou, qui dirige une agence immobilière, mange un peu trop, fume et discute avec son amie de toujours Shirine, une jeune femme qui ne se remet pas de son divorce, toujours amoureuse de son mari et qui tient un discours féministe, comme d'ailleurs de nombreuses femmes croisées dans le livre. Arezou, une femme simple, généreuse avec ceux qui sont dans la peine, fait la connaissance d'un monsieur Zardjou, serrurier aisé dans la banlieue de Téhéran. Si elle le trouve idiot au début, il se révèle être un homme charmant, toujours prêt à rendre service, courtois et aussi respectueux. Petit à petit Arezou commence à éprouver des sentiments et envisage de se marier. Mais à quoi bon ?

Un roman féministe tout en douceur, qui dénonce la lâcheté de certains hommes, et les différences culturelles entre ces femmes qui ont connu le régime d'avant 1979, et qui se retrouvent avec la police des mœurs et des restrictions qui vont venir. Un glossaire en fin de livre permet de comprendre certaines expressions en persan classique et en persan commun (langage développé par les jeunes). Certains jeux de mots ne pouvant être traduits en français, le traducteur nous renseigne dans un glossaire.

Et puis il y a Téhéran, ville tentaculaire où subsistent encore des vieilles maisons, la beauté des montagnes au loin et le parfum exquis des fleurs de glace (inconnue en France). Des petits moments de poésie, comme seule Zoyâ Pirzâd en a le secret.

J'avais déjà beaucoup aimé le recueil de nouvelles « Le goût âpre des kakis », j'ai encore plus adoré ce livre qui a des parfums de thé à la menthe, de rose, qui nous montre le quotidien de la vie iranienne.

 

Extraits :

  • Ma mère est une séductrice née. Elle séduit les hommes, elle séduit les femmes, et probablement, quand elle est seule face à son miroir, elle se séduit elle-même.

  • Tu as besoin de quelqu'un qui t'apaise avec des attentions, des "je t'aime", des fleurs, des petits mensonges, des gâteries... C'est tout. Et mon petit doigt me dit que ce monsieur est une aspirine exceptionnelle.

  • Supposons qu’il soit le plus cohérent, le meilleur de tous les hommes, combien de temps tiendra-t-il ? Jusqu’à quand me supportera-t-il ? Et puis ensuite ?

  • Tu es comme une pile sur laquelle on tire tout le temps sans jamais la recharger. Tu dois penser un peu à toi (Shirine). - Comment faire ? Arezou) - Trouver le chargeur.

  • -J'étais en train de me dire que si c'était lui qui avait voulu repartir en France... D'un signe de tête, elle désigna Hesam en train de chuchoter à l'oreille d'une femme aux cheveux teints. C'est probablement lui que j'aurais épousé... - C'est donc la France que tu as épousée ! dit Shirine en riant.


Biographie

Née à Abadan en 1952, Romancière, nouvelliste, Zoyâ Pirzâd est née d’un père iranien d’origine russe par sa mère et d’une mère arménienne.Mariée, mère de deux garçons, elle débute sa carrière d'écrivain après la révolution de 1979.

Elle a d’abord publié trois recueils de nouvelles dont "Comme tous les après-midi", en 1991. Trois recueils repris aux éditions Markaz à Téhéran en un seul volume.
En 2001, elle a publié un roman, "C’est moi qui éteins les lumières", salué par de nombreux prix, dont le prix du meilleur livre de l'année. En 2004 elle publie: "On s’y fera" roman très remarqué.
Zoyâ Pirzâd est aussi traductrice d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carol et de poèmes japonais. Elle fait partie des auteurs iraniens qui font sortir l’écriture persane de ses frontières et l’ouvrent sur le monde.
Sa langue est un persan simple et quotidien, une langue très équilibrée. La leçon ultime de Zoyâ Pirzâd est humaniste.


En savoir Plus :

Lire l'article sur le goût âpres des kakis : ici


 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.