L'histoire
Pour cause de prescription, un pédophile est relaxé par la cour d'appel de Cagliari (Sardaigne). Deux jours plus tard, des millions de citoyens sardes et italiens reçoivent une vidéo : un homme déguisé présente le pédophile ligoté sur une chaise de dentiste, il lui a arraché 28 dents. Il rappelle l’acquittement et les méfaits de son otage puis propose aux internautes de juger eux mêmes : peine de mort ou acquittement. La vidéo devient virale et en masse, le public savamment manipulé par celui qu'on surnomme vite le Dentiste votent pour la mort. Le cadavre est retrouvé dans un coin perdu dans la campagne sarde . Mais le Dentiste ne s'arrête pas là. De quoi donner des sueurs froides aux deux inspectrices Eva et Mara qui seront épaulée par un criminologue réputé, le charismatique et très bel homme, le vide-questeur Strega. .
Mon avis
Nous retrouvons le romancier sarde Pulixi pour un deuxième polar où il reprend ses deux enquêtrices, Eva Croce, la rebelle et Mara Rais la distinguée. Deux femmes que tout oppose mais qui sont les meilleures inspectrices de Cagliari. On leur adjoint un bel homme, Strega vice-questeur à Milan, un génie de la criminologie et de profilage mais aussi un homme détruit par la mort de son co-équipier.
Il s'agit de traquer un «sérial killer » qui se prend pour un justicier. Un homme invisible mu par l'idée que la Justice Italienne est fautive et qui veut changer le système. Il prépare méthodiquement ses crimes et fait voter le public à travers des liens intraçables puisqu'ils transitent par certains pays peu fréquentables, dans une totale impunité. Si on a une idée vague de son physique, l'homme est introuvable et sème la panique jusqu'au sommet de l’État
Un défi pour ce trio d'enquêteurs chevronnés, qui en plus doit faire face à une émission de télé-poubelle qui se saisit de l'affaire pour influencer aussi le public.
Ici, notre écrivain s'attaque aux dangers des réseaux sociaux, où l'anonymat permet à chacun de laisser cours à ses pulsions violentes sans se rendre compte qu'il y a une manipulation derrière. On pense bien évidement aux affaires de harcèlement informatique qui tournent parfois au drame (suicide d'adolescents) ou à des fraudes tout genre.
La lenteur de la justice (tout comme chez nous) devient la cible. Se faire justice soi-même est interdit en France et en Italie, mais face à un système défaillant en Italie, le débat est relancé. Que voterions-nous dans l’anonymat le plus total face à un criminel relaxé alors qu'il a commis des horreurs ? Quelles sont nos limites entre le bien et le mal ?
Mais l'auteur tacle aussi ces émissions de télé qui n'informent pas, mais sont là pour pousser l'audience à coup de fake-news, de désinformations et de reportages bidons. En France, on pourrait penser aux chaines CNEWS, C8 avec TPMP.
Pulixi dont j'avais déjà beaucoup aimé le premier livre « l'iles de âmes » a une écriture très cinématographique. Des chapitres courts, des dialogues ciselés qui mélangent le patois corse, sarde, lombard, le petit coté onirique qui sont ses marques de fabrique. Bref on est totalement happé par cette enquête qui laisse quelques surprises et pas mal de rebondissement. Pulixi joue avec nos nerfs et la fin est totalement inattendue.
Extraits :
On a la lumière et les ténèbres qui dansent ensemble, échangeant les rôles. La lutte éternelle entre le bien et le mal.
La haine est comme un orchestre. Elle a besoin de quelqu’un qui la dirige, qui fait monter la tension et la cadence, pour laisser ensuite exploser toute cette impétuosité dans une chevauchée majestueuse. Le Dentiste était en train d'éduquer les gens à la haine. Et la haine est toujours l'antichambre de la violence.
Au bas de l’écran défilaient les messages envoyés par les téléspectateurs : la teneur des propos aurait fait pâlir un officier de la SS.
Milan ou Inter ? demanda-t-il au vice-questeur. - Ni l'un ni l'autre. Je suis allergique au foot.- Quelle horrible maladie. Mais vous n'êtes pas supporter de la Juventus, c'est déjà cela.
Il y avait une phrase qu’il aimait à répéter à ses étudiants en criminologie, et qui constituait la règle d’or du profilage criminel : « Si vous voulez comprendre un peintre, étudiez ses tableaux ; ils vous en diront beaucoup plus sur lui que n’importe quel témoignage. » Le même principe, expliquait-il, valait pour les tueurs en série. En analysant leurs crimes, en découvrant comment et pourquoi la victime avait été tuée, on avait beaucoup plus de chances de déterminer qui l’avait tuée.
Pour revenir à l'affaire, c'est précisément ça qui me préoccupe, dit-il. Dans cette époque de haine numérique, avec cette hostilité diffuse et la rage sociale qui anime les gens, la situation risque d'exploser, si on ne l'arrête pas à temps
Le facteur critique, c’est que ce raisonnement part d’un constat malheureusement exact : l’Italie est un pays où il est courant de poursuivre les victimes, surtout si ce sont des femmes, tandis que les coupables courent en liberté.
Il songea que les réseaux sociaux étaient devenus le nouveau valium spirituel, un anesthésiant pour survivre à l'aliénation urbaine. La connexion numérique comme antidote à la déconnexion identitaire.
Cchiù scuru di mezzanotti nun pò fari [Il ne peut pas faire plus sombre qu’à minuit], pensa Palamara. Mais contrairement à ce que soutenait le proverbe sicilien, la situation pouvait encore empirer.
Biographie
Né en 1982 à
Cagliari, Piergiorgio Pulixi est un écrivain italien, auteur de
romans policiers et de romans noirs, membre du collectif Mama Sabot,
créé par Massimo Carlotto, dont il est l'élève.
Après une
expérience d’écriture collective de romans noirs, il s’est
lancé dans une saga policière en 4 volumes, primée par le prix
Glauco Felici et le prix Garfagna. Il est aussi l’auteur d’une
série intitulée I canti del male (Les Chants du mal). L’Île
des âmes est son dernier roman, publié en 2019 par Rizzoli, et le
premier traduit en France.
En
savoir plus :
En savoir Plus :
Sur le roman
https://www.letelegramme.fr/livres/a-lire/polar-l-illusion-du-mal-01-09-2022-13159240.php
https://actualitte.com/article/109352/chroniques/l-illusion-du-mal-justice-nulle-part
https://www.lapresse.ca/cinema/critiques/2023-01-13/l-origine-du-mal/fastidieux-casse-tete.php
Dans l'univers du roman
Sur la Sardaigne
Sur Milan (Italie)
Sur Cagliari (Sardaigne)
Chez le dentiste (pure sadisme de l'auteure de ce site)
https://www.doctissimo.fr/html/sante/dentaire/sa_traitement_extractions.htm
https://www.francebleu.fr/emissions/ils-ont-fait-l-histoire/soigner-une-dent-l-enfer-autrefois
Play list
L'inspecteur Strega est grand amateur de jazz. Alors je vous proprose les titres suivants.
Muse : https://www.youtube.com/watch?v=d55ELY17CFM
Jazz NewOlreans : https://www.youtube.com/watch?v=gIPIB60DtqM
Coltrane : https://www.youtube.com/watch?v=HNnM2iRwHLE
Mina : https://www.youtube.com/watch?v=RN8IenPlQmo
The Boss : https://www.youtube.com/watch?v=129kuDCQtHs
Ron Smithe Quarter : https://www.youtube.com/watch?v=Ub24CgSedS4
Monk : https://www.youtube.com/watch?v=-yg7aZpIXRI
Clann : https://www.youtube.com/watch?v=w_ZTEKk8Ml0
Beath Hart : https://www.youtube.com/watch?v=w_ZTEKk8Ml0
A. Whinhouse : https://www.youtube.com/watch?v=CxYRbzGi8Rg&list=PLnrezQ1h5sNXKkBV4CGMQLld0Ze0VC5MZ
Photos
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Cagliari |
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Centre de Cagliari |
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Port de Cagliari |
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La magnifique plage Poetto où va surfer Eva |
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Le parc Monte Urppinu où se balade le Dentiste |
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Le village de Villarcidrooù vivait le Dentiste |
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La Questure de Cagliari |
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La Pierda Fitta, sculpture primitive représentant la déesse mère |
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L'ancien complexe industriel du Mixeddu, refuge du tueur |
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La vallée de Compidano aux alentours de Cagliari |
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Pinces anciennes pour les arracheurs de dents |
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