L'histoire
Toulouse, par une nuit glaciale de novembre, tour à tour, 2 automobilistes et un motard assistent au meurtre par balles d'un joggeuse, à la sortie 16 du périphérique. Ils s'enfuient sans prévenir la police. Le lendemain, ils reçoivent chacun des textos qui leur indique que le meurtrier connaît leur identité et sait qu'ils n'ont pas appelé les secours.
Pendant ce temps, la commissaire de police Sandrine Poujol est interrogée par des membres de l'IGPN. Voilà 6 mois qu'un tueur sadique s'en prend aux joggeuses, et la police, malgré les renforts du « 36 », de la BTS et des profileurs, n'arrive pas à la mettre la main dessus. Surnommé Baba-Yaga, le tueur a un mode opératoire bien connu,, il enlève les victimes, les torture horriblement avant de les étrangler et de laisser les cadavres un peu partout dans la ville. Serait-ce lui qui aurait aussi tué la joggeuse ? Pourtant personne ne parle de ce dernier meurtre, ni dans la presse locale, ni à la police qui n'a rien vu. Mis sur la sellette, les 3 individus qui ne se connaissent pas vont devoir échapper à un tueur fou.
Mon avis
O Toulouse chantait Claude Nougaro, cette belle ville rose où le soleil est généreux plus de 200 jours par an, où la brique rose et les églises romanes font la joie des touristes.
Mais ici, c'est une autre ville qui est montrée et qui a le couleur du noir ou du rouge sang. En cette fin novembre, la température est glaciale et tard dans la nuit, 3 personnes rentrent du travail et assistent au même triste spectacle, une joggeuse se fait tirer dessus par un individu dans un van noir. Seulement, trop fatigués ou trop pris de panique, aucun d'entre eux ne s'arrête et porte secours à la victime. Plus étrange encore, aucun des médias locaux, focalisés sur une affaire criminelle qui endeuille la ville ne parle de ce crime.
Premier témoin, Ludovic est le cliché même du jeune dirigeant d'une très rentable société, habillé à la dernière mode, écoutant la dernière musique branchée, vivant dans un confortable pavillon décoré ultra branché. Mais Ludovic cache aussi un coté sombre. Il ne supporte plus sa femme, et il a déjà été violent avec elle. Dès qu'il reçoit le premier texto du tueur, il éloigne épouse et les deux jumelles qui sont ses amours et plonge dans une angoisse paranoïaque.
Ousmane est lui livreur uber, il passe ces journées à livrer des repas sur sa moto. Il vit avec son meilleur ami, et le frère de celui-ci, un parfait fainéant qui vend un peu de shit et en consomme encore plus, dans un appartement HLM sale et négligé. Ousmane qui a reçu aussi un texto est le seul qui va voir la police pour dénoncer le crime, mais le policier ne le prend pas au sérieux, rien ne leur a été signalé. Lui aussi cède à l'angoisse et la panique. Et se tourne vers son colocataire pour l'aider, tout en ne lui faisant pas confiance. Enfin Claire, ambulancière, très jolie femme qui souffre de lombalgies sévères, vit seule dans un petit pavillon sans luxe (à part des tonnes de vêtements) hérité de sa grand-mère. Elle aussi reçoit des textos ou des mails comme les autres. Mais elle aussi cache une double vie, avec des rendez-vous où elle est maîtresse sadique auprès de clients fortunés. Les mails sont signés de Baba-Yaga, le nom donné à la presse par le tueur fou et sadique qui a déjà tué et mutilé 14 joggeuses dans la ville rose et reste insaisissable, malgré les moyens déployés.
Ainsi se met en route une machination diabolique, où les trois témoins feront tout pour sauver leur peau.
Pas besoin de connaître Toulouse, même si bien sûr les toulousains reconnaîtront les lieux comme le célèbre restaurant « L'entrecôte » ou des lieux inconnus.
Très bien structuré le roman alterne les voix des 3 témoins puis celle de l'équipe de police, puis un gamin malicieux qui lui aussi a vu la scène mais ne s'est pas fait repérer par le tueur. Un véritable jeu de piste où nous mène par le bout du nez l'auteur. Car ce polar vraiment bien ficelé se lit à une vitesse folle.
Si il exagère à souhait les traits de ses principaux témoins, il y a une sous-jacente critique sociale. Ludovic ce bon manager trempe dans des affaires louches mais possède tous les signes extérieurs de richesse. Ousmane travaille pour pas grand chose, son seul défaut pour boucler les horaires infernaux des livreurs Uber est d'ignorer le code de la route. Claire enfin est le cliché de la femme indépendante, qui s'assume seule, malgré des problèmes de santé (la crise du Levothyrox et ses conséquences). Sachant parfaitement se mettre en valeur, elle refuse pourtant tout amoureux, au nom de sa liberté et se donne une carapace de fierté pour masquer son angoisse. La commissaire de police, jeune femme enrobée subit les remarques sexistes et grossophobes de ces collègues masculins, qui la traite d'incapable, alors qu'elle seule peut résoudre l'enquête.
Voilà un très chouette polar qui se déguste assez rapidement, avec la touche d'humour dans l'écriture, et une intrigue menée tambour battant.
Extraits :
Météo France a annoncé de la neige sur Toulouse, mais aucun flocon n’est encore tombé sur la ville rose. Une ville rose qui, après des mois de terreur, est passée au rouge. Rouge comme les joues de la joggeuse. Rouge comme son smartphone qui la géolocalise, qui calcule la distance qu’elle a parcourue et, approximativement, enregistre ses paramètres vitaux. Rouge comme les écouteurs de son iPod intemporel qui lui balance la voix mélancolique d’Ed Sheeran dans les oreilles.
Le Glock 17 crache son venin Parabellum 9 mm au visage frigorifié de la joggeuse. La douille s’éjecte contre le plafond de l’utilitaire, ricoche, retombe sur le siège passager. Un trou éclot sur le front de la jeune femme ; la balle se fraye un chemin jusqu’au fond de la boîte crânienne, broyant, déchiquetant, pulvérisant tout sur son passage en une bouillie d’os, de sang et de matière cérébrale.
Il sait ce qui l’attend, et la perspective d’une nouvelle altercation ne l’encourage pas vraiment à regagner sa maison. Il visualise déjà la scène : sa femme, prostrée sur le canapé d’angle, un plaid sur les jambes, devant une série américaine à la con, un verre de Tariquet dans la main et l’esprit embrouillé par les saloperies chimiques qu’elle gobe du matin au soir. Sous l’emprise d’un cocktail alcool-anxiolytique, voilà comment il imagine sa charmante épouse, patientant dans leur pavillon de Balma, à la périphérie de Toulouse.
La vengeance n'est pas un plat qui se mange froid. C'est un plat que l'on peut surgeler, congeler à souhait, mais, lorsqu'on le consomme, il brûle les papilles, comme un feu ardent qui vous consume de l'intérieur.
Les êtres humains sont tous les mêmes, en fin de compte. Effritez leur quotidien, assaisonnez avec une goutte d'anarchie et leur instinct bestial reprendra le dessus sur des siècles de conditionnement instauré par les doctrines de la civilisation. Ils sont tous pitoyables. Pathétiques. Prévisibles. Des animaux.
C’est en forgeant qu’on devient forgeron ; en écrivant qu’on devient écrivain ; c’est en tuant qu’on devient tueur en série. Dans tous les cas seule la pratique permet de perfectionner son art.
Il y a dix ans, on lui a diagnostiqué une hypothyroïdie. Une maladie plus fréquente chez les jeunes femmes, qui implique un traitement à vie à base d'hormones pour suppléer le déficit de son métabolisme.
Durant l'été, le laboratoire qui confectionnait la molécule a eu la brillante idée de modifier un des excipients de la formule, engendrant un gigantesque scandale sanitaire à l'échelle nationale. Comme la plupart des patients dépendants à ce traitement, Claire a présenté des effets secondaires imputés, vraisemblablement -sauf pour le gouvernement- au nouveau médicament. Crampes. Irritabilité. Prise de poids -que seule Claire a remarqué, compte tenu de sa taille de guêpe. Mais surtout une grande fatigue.« Les infos, Virgin Radio. À Toulouse, 102.4. Mesdames, messieurs, bonjour. Le parquet de Toulouse a saisi un nouveau juge dans l’affaire du fantôme de Toulouse. Le procureur de la République défendra et expliquera son choix ce matin lors d’une conférence de presse prévue à onze heures. Les enquêteurs poursuivent toujours leurs investigations. Toutes les pistes sont exploitées. Nous vous rappelons que le portrait-robot de l’homme recherché est affiché partout dans la ville et qu’un numéro vert est mis à disposition pour toutes informations, tous renseignements susceptibles d’aider les enquêteurs. La police insiste sur le fait que si vous voyez cet homme, vous devez immédiatement prévenir les autorités. Vous ne devez, en aucun cas, agir seul. Nous rappelons également la mise en place du couvre-feu fixé à vingt et une heures, instauré depuis le mois dernier. Évitez, dans la mesure du possible, de vous déplacer seul après cet horaire. Le tueur en série que l’on surnomme Baba-Yaga a déjà fait quatorze victimes et est extrêmement dangereux.
Ousmane grommelle un vague merci, réprime l’envie de demander à l’employé trop souriant pourquoi il leur a fallu aussi longtemps, puis cale le sac débordant de boîtes en carton entre ses jambes. Inspection sommaire du contenu : le nombre de boîtes a l’air correct. À table ! Il tourne la poignée de l’accélérateur, suit le lacet étroit et sinueux pour quitter l’établissement. Le sac stabilisé entre ses mollets lui offre un soupçon de chaleur supplémentaire très appréciable.
Après deux grossesses et le cap des trente-cinq ans tout juste franchi, elle reste bien conservée. Du moins c’est ce qu’elle estime quand elle s’ausculte devant la glace de la salle de bains – en toute modestie –, ou qu’elle interprète les regards libidineux des hommes qui la croisent. Surtout dans cette tenue. Ce soir-là, cependant, le running n’a pas l’effet antidépresseur escompté. Une course loin d’être salvatrice, mais qui, au contraire, la fait cogiter à plein régime. Les tracas de la vie quotidienne se bousculent dans son esprit. Elle rumine. Boulot. Famille. Crèche. Nounou. Boulot. Courses : qu’est-ce qu’on va manger demain ? Congés. Boulot. Me trouve-t-il toujours aussi attirante ? Boulot. Cadeaux de Noël – déjà ! Un mois sans sexe : pourquoi ne m’a-t-il pas touchée depuis des semaines ? Réponse, évidente : boulot. Boulot. Boulot !
Biographie
Nicolas Druart est
infirmier depuis 2012. Il a commencé l'écriture en 2015 à la suite
d'un arrêt longue maladie pour des problèmes de dos. "Nuit
blanche" (2018, Nouveaux Auteurs), son premier roman, est
récompensé par le Prix du suspense psychologique 2018. En 2019, il
publie un nouveau thriller, "Jeu de dames". Né en région
parisienne, il habite à Toulouse.
En savoir plus :
Sur le roman
vidéos
Presse
https://www.eyrolles.com/Litterature/Livre/jeu-de-dames-9782819505990/
https://www.ladepeche.fr/2022/02/22/le-nouveau-thriller-de-nicolas-druart-10126550.php
Dans l'univers du roman
Sur Toulouse
plan de la ville : voir google Map.
Sur les tueurs en série
profilage : https://www.tueursenserie.org/definition-du-profilage/
https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2002-4-page-1195.htm
https://www.scienceshumaines.com/la-psychopathologie-des-conduites-criminelles_fr_11204.html
Sur le Levothyrox :