L'histoire
Hannah, une écrivaine « de vraie littérature », intellectuelle, un peu snob et assez alcoolique doit relever un défi : écrire un polar en 30 jours.
Pour cela son éditeur danois l'envoie dans un village perdu et tranquille d'Islande. Mais deux jours après son arrivée, un meurtre est commis. Titillée par la curiosité et jugeant peu compétentes les autorités locales, Hannah se met à jouer les détectives. Pour le meilleur et pour le pire.
Mon avis
Un polar dans le polar, c'est la recette utilisée par ce premier polar écrit par la danoise Jenny Lund Madsen. Et encore un polar nordique !
D'un coté nous avons Hannah, personnage haut en couleurs, à la fois alcoolique, colérique, et surtout irréfléchie dans ses actes. La voilà isolée au bout du monde, dans un village perdu d'Islande (le Danemark et l’Islande ont une histoire commune) où sa logeuse, une pétillante sexagénaire qui ne parle ni le danois ni l'anglais, comme la majorité des habitants. Elle doit écrire un polar en trente jours, challenge lancé par son ennemi juré, un célèbre auteur de polars dont les ventes dépassent l'entendement.
Mais voilà, à peine arrivée qu'un meurtre est commis. Un fait assez rare dans ce petit village, plongé dans la nuit dès 16h, dans le froid glacial de novembre. Hannah curieuse et persuadée que la police locale représentée par Victor est incapable, elle mène sa petite enquête, ce qui l'inspire pour son polar.
Seulement,entre ce qu'elle vit, des nombreuses mésaventures, où sa maladresse légendaire la font passer pour une idiote, et ce qu'elle écrit, il y a une différence de taille. Si elle s'inspire des faits selon son enquête, elle écrit un polar affreux, sans structure, en accumulant des morts mais sans aucune suite logique. Eh oui, écrire un polar impose une méthode de travail, une arborescence et ne pas finir ivre tous les soirs. Mais si elle est mauvaise romancière, malgré ses gaffes, elle finit par trouver le coupable (et là j'avoue que l'enquête est bien ficelée), tombe amoureuse de la femme du policier, mais évidemment livre à son éditeur un manuscrit épouvantable, alors que relater ce qu'elle vient de vivre en aurait fait sûrement un best-seller.
L'écriture fluide et amusante de ce polar nous emmène en territoire inconnu, dans un fjord perdu d'Islande, entre les fameuses sagas, les mensonges, la difficulté pour une étrangère un peu trop imbue d'elle-même de déjouer les pièges mais qui valide le dicton qui dit que la ténacité finit toujours par payer.Un polar très amusant et très facile à lire, et une illustration de la vie quasi figée dans un coin perdu d'Islande, loin des paillettes d'Helsinki, et du folklore local qui attire touriste du monde entier. Le roman serait dit-on adapté par Netflix.
Extraits :
Pourquoi les gens ne comprennent-ils pas que les bagages circulent tout le long du tapis, et qu’il serait donc plus judicieux de se répartir autour de celui-ci ? C’est le principe même de l’engin, nom de Dieu ! Les bras croisés, elle observe ses compagnons de voyage ; quel est leur but, de quoi ont-ils peur ? Que quelqu’un s’enfuie avec leur valise identique à toutes les autres et remplie de linge sale ? Ils ont voyagé tous ensemble à travers le matin ; traversé l’obscurité pour revenir une heure en arrière. Une expérience collective presque poétique et l’une des rares occasions où Hannah se sente appartenir à un groupe : nous voilà très haut dans le ciel, et si nous tombons, nous mourrons tous ensemble. L’idée d’une mort collective a quelque chose de rassurant. Mais ses compagnons de voyage sont maintenant sains et saufs et se conduisent comme des hyènes autour d’une charogne. Le sentiment de communauté est vite balayé par les querelles du tapis à bagages.
Un crucifix pend au-dessus du lit de la petite chambre mansardée. La statuette aux mains et aux pieds cloués montre un Jésus dans une rare agonie. À sa droite, la Vierge Marie pose dans une attitude chaste et implorante sur ce qui s’apparente à une image rapportée d’un pays catholique. Hannah désigne ses nouveaux colocataires suspendus au mur.— Vous êtes croyante ? Ella se fend d’un rire à réveiller les morts. Hannah est sur le point de l’arrêter en la voyant attraper le carnet qu’elle vient juste de poser sur la table de nuit, mais trop tard – la vieille dame a trouvé une page blanche sur laquelle elle est déjà en train de noter une phrase. Elle la lui tend. Je devenir peut-être religieuse le jour où une religion reconnaître les femmes. Mais avoir un homme nu cloué au-dessus de mon lit m’aider à dormir. Hannah sourit en désignant l’image sainte. Elles ont peut-être davantage de points communs qu’il n’y paraissait.
Margrét presse un peu sa main dans la sienne, en guise de salut sororal ou d’avertissement ? Hannah observe Margrét, Viktor est chanceux. Ce n’est pas le genre de femme qu’on trouve en couverture des magazines de mode, son physique est brut et anguleux. Tant mieux. Hannah a horreur de l’idéal féminin en vigueur de la jolie poupée douce et coquine ; de ces femmes minces à grosse poitrine, maquillées comme des pots de peinture, qu’on applaudit pour leurs petits pains sans gluten et leurs connaissances en matière de mode en période de grossesse et de post-accouchement. Margrét est différente. Ses cheveux noirs noués en tresse tombent comme une corde épaisse le long de son dos, ses pommettes hautes encadrent des yeux d’un brun intense qui fixent ceux de Hannah avec insistance. Margrét est grande, presque aussi grande que Hannah, et elle semble avoir un corps robuste, comme façonné dans de la lave en fusion.
Hannah lève les yeux de son écran et les plonge dans le ciel parsemé d’étoiles. Cette nuit d’écriture n’est pas si mauvaise. Elle finira peut-être bien par aboutir à un roman policier. Elle compte les pages, vingt. Quelle longueur doit faire un polar au juste ? Deux cent cinquante pages au bas mot, si elle veut qu’on la prenne au sérieux. Elle en est capable ! Une légère euphorie s’empare d’elle, elle attrape son téléphone pour envoyer un message à Bastian mais s’arrête aussi net. Pour lui dire quoi ? Que depuis ce meurtre, tout va comme sur des roulettes, qu’elle s’approprie purement et simplement des faits réels, qu’elle ne prend même pas la peine d’inventer des noms sans rapport avec la réalité. Et qu’au passage, elle vient de s’enticher de la femme de l’officier de police.
L’écriture est un travail manuel, c’est un métier comme un autre. Il est donc essentiel de s’astreindre à une discipline rigoureuse ; de s’atteler à la tâche, à des horaires précis et de ne pas s’arrêter d’écrire avant d’avoir atteint le nombre de pages qu’on s’est fixé en amont. Il est également important de manger sain et de faire de l’exercice pour entretenir sa vivacité intellectuelle.
Un seul meurtre dans un roman policier, est-ce bien suffisant de nos jours ? N'en faudrait-il pas plutôt quatre ou cinq pour retenir l'attention des lecteurs ? Et puis, il faut aussi alterner entre différents points de vue et insérer des passages cinématographiques, pour faire croire au lecteur que ce qu'il est en train de lire est plus intéressant que cela ne l'est réellement. Hannah doit essayer.
Il voulait triompher de chacun d’entre eux, partir à la conquête de la vie et revenir pour leur montrer qui il était devenu. Il brûlait d’impatience face à tout ce qu’il avait à accomplir. Qu’ils aillent tous se faire foutre. Il était presque arrivé au bord de la mer, le goût des vagues envahissait sa bouche. En se léchant les lèvres il se sentit capable de n’importe quoi. Il aurait pu se tuer, tuer quelqu’un, c’était sans importance. Il n’était pas n’importe qui. C’est lui qui détenait le pouvoir, il pouvait décider de tout.
Biographie
Née
en 1983 au Danemark, Jenny Lund Madsen est une scénariste
danoise.
Elle a écrit une thèse sur la représentation lesbienne
dans le cinéma danois, où elle a cartographié la fonction et la
fréquence des personnages lesbiens. Ils étaient très peu nombreux
- d'ailleurs par rapport à la représentation des homosexuels - et
leurs histoires avaient le plus souvent été réduites à des
seconds rôles comiques.
Elle est scénariste et ses crédits
incluent des épisodes de Rita et Mercur et le travail de scénariste
principal sur la dernière saison de Sjit Happens. En ce moment, elle
travaille sur la troisième saison de Deception for DR - en plus des
nombreux films et séries sur lesquels elle travaille en parallèle.
Trente jours d'obsucrité est son premier roman
En savoir plus :
son insta : https://www.instagram.com/jennylundmadsen/
En savoir Plus :
vidéos
Critiques presses
https://gallmeister.fr/livres/520/lund-madsen-jenny-trente-jours-d-obscurite
https://www.ledevoir.com/lire/733968/polar-trente-jours-d-obscurite-elle-ecrit-au-meurtre
https://actualitte.com/livres/1468694/trente-jours-d-obscurite
https://www.lapresse.ca/noel/2022-12-12/des-polars-impossibles-a-lacher.php
https://www.livreshebdo.fr/livres/trente-jours-dobscurite-gallmeister-9782351782750
Dans l'univers du roman
Sur les lieux
photos : https://www.gettyimages.fr/photos/islande et https://www.islande-explora.com/blog/photo/
Isafjorbur : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Dsafj%C3%B6r%C3%B0ur
et https://www.visitonsislande.com/isafjordur
Sur les sagas islandaise
https://www.persee.fr/doc/annor_0570-1600_1990_hos_23_1_4029
la saga lue par Hannah : https://fr.wikipedia.org/wiki/Saga_de_Hrafnkell et ici https://www.youtube.com/watch?v=DP3CQVGpNpY
Sur la vie quotidienne islandaise
https://www.geo.fr/voyage/islande-sauvage-a-la-decouverte-des-fjords-de-louest-195741
https://www.terdav.com/magazine-voyage/islande-terre-inachevee
https://www.persee.fr/doc/noroi_0029-182x_1967_num_53_1_1549
https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2003-4-page-655.htm
Play-List
Bjork : https://www.youtube.com/watch?v=p0mRIhK9seg&list=RDEMpOuZU5N48Jwor54OkbcjgQ&start_radio=1
Traditionnel : https://www.youtube.com/watch?v=0QdbeM2JWYE&list=PLT8rpIP10KVg0xQMVsCVDeyTdL70spl20
Traditionnel : https://www.youtube.com/watch?v=9d8SzG4FPyM&list=RDQMUwKjkTYbxAE&start_radio=1
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bj%C3%B6rk (sur Bjork)
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