L'histoire
1920, Inde. Lors d'une visite à Calcutta, le prince héritier du petit royaume de Sambalpur se fait assassiner en présence de capitaine Wyndham et de son sergent Sat Banerjee. L'assassin se suicide plutôt que de se faire arrêter. Il portait sur son front une marque représentant l'un des avatars de Vishnou, le dieu Indien. Pour la police anglaise, il s'agit d'un attentat terroriste par un fanatique religieux. Mais les deux inspecteurs de police ne sont pas du tout convaincus et décident de mener l'enquête à Sambalpur, réputée pour ses mines de diamants. Une enquête pleine de rebondissements.
Mon avis
Je ne connaissais pas cet auteur indo-britannique Abir Mukherjee et j'avoue que j'ai beaucoup de plaisir à lire ce livre, le deuxième de la série Wyndham et Banerjee.
Tout d'abord le style assez hilarant de l'auteur, comme un pastiche voulu de Raymond Chandler. Parfait dans son rôle de détective un peu désabusé, le Capitaine Wyndham aime beaucoup le pur malt, mais aussi fumer de l'opium une fois par semaine. Il est amoureux sans succès d'Annie, une riche indo-anglaise qui l'aide parfois dans ses enquêtes. A coté le très sérieux sergent Banerjee, méticuleux, fait un travail d'enquêteur minutieux, et leur grande complicité les aide à résoudre les cas les plus délicats.
Et puis, il y a la description de l'ambiance de l'époque. La Grande-Bretagne veut fédérer les maharajahs des différents petits royaumes d'Inde en un Conseil (pour mieux les contrôler) et le prince héritier n'était pas favorable à cette décision, mais l'enquête ne trouve aucune trace d'une intervention des services secrets de Sa Majesté. La description des palais et luxe des maharajas, si elle est un peu exagérée, nous suggère bien les fortunes de ces hommes qui se transmettent le pouvoir d'héritiers en héritiers. Aux bijoux magnifiques, les palais sont grandioses, meublés aussi bien par des meubles français ou anglais luxueux que des tentures orientales brodées d'or. Le vieux Maharajah, homme presque mourant donne à Wyndham le droit d'enquêter sur la mort de son fils adoré. Fils de sa deuxième épouse hélas décédé. La première épouse, la maharané Shubhadra est une femme pieuse qui n'a pas peu avoir d'enfants. Dans l'ordre de succession, il reste le frère de défunt, le prince Punit, un séducteur patenté et de la 3ème épouse un jeune enfant. Serait-ce un complot familial ? Où une intrigue économique, les mines de diamants doivent être cédées pour une grosse somme à la Compagnie Anglaise Indian Diamond ?
Cette époque surannée, prise entre croyances védiques et modernité, nous donne un aperçu de ce que pouvait être l'Inde, pas encore unifiée ni indépendante. L'auteur a aussi effectué un gros travail de recherche, le royaume de Sambalpur dans l'Orissa a vraiment existé avant sa disparation par l'East Company India. Haut lieu de culte du dieu Jagannath, un avatar de Vishnou. Un livre très agréable à lire pour sa dimension historique, son style hilarant et la place des femmes dans une société indienne en pleine mutation.
Extraits :
Combien de fils a le maharajah ? - Jusqu'à l'assassinat tragique du yuvraj, il avait trois héritiers reconnus au trône, les fils nés de ses épouses officielles. ceux qui sont nés de ses concubines n'ont aucun droit au trône. - Des concubines ? - Il en avait cent vingt-six à la fin mars, et deux cent cinquante-six rejetons, sans compter les trois princes officiels.
La voiture s’approche enfin des portes de la Résidence britannique, une vaste enceinte dans laquelle se trouve un bâtiment assez morne d’un étage avec un balcon qui court le long de la façade et un moteur sur le toit.
Je demande : ”Pas de drapeau britannique ?” Carmichael rougit. ”Non, je le crains. À cause des mites. Nous avons demandé que Calcutta nous le remplace, mais comme je vous l’ai dit nous sommes loin sur la liste des priorités du Bureau de l’Inde”.Il semble que l'homme était célibataire, et je me dis qu'un célibataire est plus susceptible d'avoir un chat qu'un homme marié. Tout le monde a besoin de compagnie, même un comptable.
J'imagine que seuls les hommes admis près d'elle doivent être...vous savez...
- Des eunuques ? -- Oui, monsieur. Il rougit. - Eh bien, sergent, si nous devions en arriver à cette extrémité, votre mère qui essaie de vous marier n'aurait plus à s'inquiéter.La mousson. Bien plus que la simple pluie, elle défend la vie, apporte la promesse d’une nouvelle naissance, brise la chaleur et a raison de la sécheresse. Elle est le sauveur de ce pays, le véritable dieu de l’Inde.
A Calcutta, se réveiller n'est pas précisément difficile. Quiconque y a passé une nuit vous dira qu'au petit matin la ville aime attaquer tous vos sens à la fois : les cris des jeunes coqs et des chiens errants, la puanteur des égouts, les punaises qui festoient sur votre corps. Ils se concertent tous pour rendre votre réveille-matin superflu.
En nous approchant davantage je vois que l'édifice est orné de sculptures de dieux et de mortels entremêlés dans le genre de positions que votre curé n'imaginerait probablement jamais, et accepterait encore moins d'afficher sur la façade de son église. Et pourtant, un prêtre serait parfaitement heureux avec des gargouilles ou des vitraux représentant les damnés en train de brûler dans les feux de l'enfer. Pourquoi nous les chrétiens nous montrons-nous aussi effarouchés par les représentations de scènes d'amour? De quoi nos cardinaux et nos archevêques ont-ils peur?
Pour autant que je sache, les femmes de Calcutta portent à peu près la même chose que l'année dernière et probablement l'année d'avant. La masse de jupons, corsets, robes à la cheville et sous-vêtements de flanelle que nos femmes s'obstinent à porter même dans la chaleur stupéfiante de l'été me paraît pure folie. Elles pourraient apprendre deux ou trois choses des indigènes, mais naturellement c'est hors de question. Après tout, nous sommes britanniques. Nous avons des principes. Ainsi, nos femmes et nous devenons à moitié fous en portant assez d'épaisseurs de vêtements pour pouvoir prendre le thé confortablement à mi-pente de l'Himalaya.
Au centre de la pièce, devant une planche à dessin, se tient Wilson. Un homme grisonnant au comportement pugnace d'un terrier et une passion pour la bière et pour la Bible, s'adonnant à cette dernière le dimanche et consacrant presque tous les soirs de la semaine à la première.
Sat s’assoit sur un divan brodé de fil d’or, un de ces meubles français, Louis XIV ou que sais-je, que l’on apprécie davantage de loin qu’en s’asseyant dessus.
On ne voit pas souvent un homme avec un diamant dans la barbe. Mais quand un prince ne trouve plus de place sur ses oreilles, ses doigts et ses vêtements, je suppose que les poils de son menton conviennent tout aussi bien.
Le compartiment sent l'essence de rose. D'un côté, un lit - un vrai, pas une couchette - est placé contre le mur. A côté, un fauteuil tapissé de velours violet et un petit bureau rococo avec des ornements cannelés qui donnent l'impression qu'il a un peu fondu à la chaleur. En face du lit il y a une garde-robe en noyer laqué et une porte qui mène à des toilettes avec lavabo en marbre et assez d'équipements en or pour faire ressembler l'Orient-Express à un train à bestiaux.
On a du mal à croire que Sambalpur puisse être essentiel pour quoi que ce soit. Il faut déjà le chercher à la loupe sur la carte, caché par le R d'Orissa. C'est tout petit, de la taille de l'île de Wight, avec une population en proportion.
Les lourdes portes d’acajou du Palais du Gouvernement se sont ouvertes à midi et ils sont sortis, aériens : une ménagerie de maharajahs, nizâms, nababs et autres, tous les vingt drapés de soie, d’or, de pierres précieuses et d’assez de perles pour ruiner un escadron de comtesses douairières. Un ou deux se réclament de la lignée du soleil ou de la lune ; le reste, de quelque autre parmi la centaine de divinités hindoues. Nous les mettons tous dans le même panier pour les appeler simplement les princes.
Biographie
Né en 1974 à Londres,
Abir Mukherjee a grandi dans l’ouest de l’Écosse dans une
famille d’immigrés indiens. Fan de romans policiers depuis
l’adolescence, il a décidé́ de situer son premier roman à une
période cruciale de l’histoire anglo-indienne, celle de
l’entre-deux-guerres.
Premier d’une série qui compte déjà̀
quatre titres, "A Rising Man" (L’attaque du
Calcutta-Darjeeling) a été́ traduit dans neuf pays.
En savoir plus :
Sur le roman
vidéos
Presse
https://www.letemps.ch/culture/livres/abir-mukherjee-signe-un-polar-princier-captivant
https://www.telerama.fr/livre/de-calcutta-a-brick-lane-le-souffle-du-polar-indien-7004913.php
https://actualitte.com/livres/252610/les-princes-de-sambalpur
Dans l'univers du roman
Sur l'histoire de l'INDE
Sur Sambalpur
sur l'Orissa devenue Odisha : https://fr.wikipedia.org/wiki/Odisha
Photos Orissa : https://www.gettyimages.fr/photos/orissa
Sur le Dieu Jagannath
photos : https://www.gettyimages.fr/photos/jagannath-temple-puri
sur Vishnou : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vishnou
Sur Krisna, avatir de Vishnou : https://fr.wikipedia.org/wiki/Krishna et https://mythologica.fr/hindou/krishna.htm
Sur les maharajas
https://www.dandy-magazine.com/les-maharadjas-des-fastes-dhier-a-la-realite-daujourdhui/
https://www.intermedes.com/article/156-pour-mieux-comprendre-inde-des-maharajas/
Sur le règne des femmes en Inde
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