mardi 9 mai 2023

DANIEL PENNAC – Terminus Malaussène – Éditions Gallimard NRF 2023 -

 


L'histoire

La suite de la saga Malaussène commencée en 1985 par Daniel Pennac. On y retrouve la famille au grand complet plus le vrai méchant « Pépère » qui espère bien se débarrasser de l'encombrante tribu. Ça kidnappe, ça fouraille, bref les rebondissements et les personnages s'accumulent au fil des pages pour notre plus grand bonheur.


Mon avis

Quel plaisir de retrouver l'écriture assez unique de Monsieur Pennac, dans un roman qui fait suite au cas Malaussène Tome 1. On y retrouve les personnages fétiches de l'auteur et des nouveaux venus, et heureusement un glossaire en fin de page nous permet de resituer les personnages qui ont bien sûr pris de l'âge. Maman Malaussène qui a eu chacun de ces 6 enfants d'un père différent, semble assagie et éprise d'une figure du banditisme et accessoirement astrophysicien.

Jamais de temps mort avec Pennac, cela s’enchaîne, entre son écriture dynamique et particulièrement amusante, des jeux de mots ou des anagrammes et ce brin de folie que l'on aime.

Mais on aime aussi Pennac pour le fond : sa fantaisie et l'ironie dédramatisent les aspects absurdes, injustes et violents d'une société somme toute désorientée. À travers une famille sous forme de tribu déjantée, l’auteur semble proposer une sorte de parade au sentiment de peur devant le « devenir » des jeunes. En effet, la peur du chômage, de la délinquance, de l'échec et de la pauvreté expliquée dans le livre Chagrin d’école par exemple, est ici déverrouillée dans la joie, l'humour et la liberté. L'auteur confesse : « [le] cosmopolitisme, chez moi, c'est presque génétique ! ». On retrouve ce cosmopolitisme dans le mélange des genres et des langues opéré par « Pépère », le chef de la bande d'escrocs. Mais notre auteur argue qu'il « ne parlerai[t] pas de métissage », car si le personnage de Pépère ajoute la soie au faubourg, il ne les mixe pas pour en faire une nouvelle identité composite : il efface leurs particularités (ethnie, religion…) en les neutralisant. Dans le milieu multiculturel de Belleville où l'auteur et ses personnages habitent, les différences culturelles semblent s'abolir. De même, la critique de la société et de ses vicissitudes est toujours bien présente dans cet opus : du capitalisme au consumérisme, du football à ses malversations, de la littérature vraie à la cupidité des éditeurs, de la cause des enfants (abusés, désocialisés, orphelins) à celle du troisième âge et à la mort exhibée , de la réflexion dans la pensée jusqu'au mensonge, etc., les chevaux de bataille de l'auteur mènent un train d'enfer à la pietà (pitié), un jeu de mots qui ridiculise tous les Lapietà et leurs anagrammes partielles.

Dans un style simple mais pertinent et grâce à des dialogues au ton enlevé et percutant, ce feuilleton dont l'auteur nous assure qu'il sera le dernier, garde un souffle qui ne s'est pas épuisé. Les portraits que dessinent les réparties et les apartés sous forme de parenthèses jubilatoires nous procurent des moments de pause dans l'action et de réflexion pour l'esprit. Un régal pour les amateurs de mots, pour le joyeux grain de folie d'un auteur qui ne semble pas vieillir.


Extraits 

  • Hadouch a sobrement résume notre histoire : -Au fond, Ben, vous avez passé votre vie à veiller sur le sommeil d´une femme qui ne se réveille que pour faire des conneries. Les conneries en question se prénomment Benjamin, Louna,Thérèse, Clara, Jérémy, Le petit et Verdun. ue notre volonté apprend que ce que nous avons fait relève de notre volonté.

  • Maman sonna le branle-bas. Elle avait des choses importantes à nous dire avant de partir. On ameuta Clara, Thérèse, Jérémy, Le Petit, Louna, Mosma, Sept et Maracuja. A quoi s'ajourèrent bien sûr Julie, Gervaise, Ludovic, Tuc, Manin, et Théo, brus et gendres homologués. Hadouch, Mo le Mossi, Simon le Kabyle, Alceste et Titus se joignirent en qualité de famille élective. La petite vingtaine habituelle.

  • Bref, en remontant me coucher j'ai vu C'Est Un Ange qui faisait la lecture à maman. Sept est un lecteur-né. Sa voix tranquille fait de chaque mot une évidence révélée, au sens photographique du terme. Quand Sept lit, n'importe quel texte devient "visible". Assister à une lecture de C'Est Un Ange c'est s'offrir un billet d'entrée dans la tête de l'auteur. On y voit l'émotion se muer en intention, l'intention s'élaborer en pensée, la pensée fleurir en phrases, les phrases s'égrener en mots, dont certains, mais pas n'importe lesquels, s'offrent des floraisons spectaculaires.

  • S'attribuer les résultats des autres, expliquait Titus, c'est le secret des carrières bien menées. Il y faut juste une musculature adaptée à l'ascension des voies hiérarchiques. C'est comme ça que les pires avalent les échelons, depuis toujours, et il n'est pas rare de trouver le plus con au sommet, uniquement pour avoir développé cette faculté morpionneuse: grimper.

  • Il fait beau, il fait beau… C’est comme l’autre,là, à Paris , avec ses plages…Bronzer toute l’année. Soit-disant pour dépolluer la capitale. Des plages sur les bords de la Seine… Qui est-ce qui l’a décroché ce marché de gisants ? J’aimerais bien le savoir…

  • Mes frères et mes sœurs sont ce qu’ils sont depuis toujours, on ne les influence pas, ni moi ni quiconque, un peu comme les personnages des romans dont nous tournons la dernière page et pour qui, quels qu’aient été nos craintes et nos espoirs, nous n’avons rien pu faire.

  • Ne vous préoccupez pas de ce qu’ils disent, puisqu’ils mentent, mais de la façon dont ils le disent. Analysez leur style – leur style, vous m’entendez ? – comme si vous étiez leurs profs.

  • Une seule bouchée et la femme de votre vie se retrouve à vos côtés. D’où la sérénité qui rend possible l’analyse des faits.

  • Quand Sept lit, n’importe quel texte devient visible. Assister à une lecture de C’est Un Ange c’est s’offrir un billet d’entrée dans la tête de l’auteur. On n’y voit l’émotion se muer en intention, l’intention s’élaborer en pensée, la pensée fleurir en phrases, les phrases s’égrener en mots, dont certains, mais pas n’importe lesquels, s’offrent des floraisons spectaculaires.

  • On en apprend chaque fois un peu plus avec Pépère. Pourtant, on n’a pas l’impression d’apprendre. Il fait réfléchir, quoi. On avance en réflexion. Un peu plus loin chaque jour.

  • Depuis quand l’explétif « en fait » est-il devenu la ponctuation du menteur ?

  • Il ne faut jamais profiter du sommeil des aimés pour retourner vivre tout de suite. Attendre un peu. Le temps qu'il faut. Mon seul principe éducatif.

  • Apparemment, c’est un des bons trucs de la vie : fabriquer du bonheur sans que personne n’en sache rien…

Biographie

Né en 1944 à Casablanca (Maroc) Daniel Pennacchioni, dit Daniel Pennac, est un écrivain français. Il travailla comme chauffeur de taxi et illustrateur, avant de devenir en 1969 professeur de littérature de secondaire d'abord au collège Saint-Paul à Soissons, puis à Nice, et enfin à Paris. Il y enseigna notamment au lycée privé Paul-Claudel d'Hulst.

Son premier livre, écrit en 1973 après son service militaire, est un pamphlet qui s'attaque aux grands mythes constituant l'essentiel du service national, "Le service militaire au service de qui ?". Il devient alors Daniel Pennac, changeant son nom pour ne pas porter préjudice à son père.
En 1979, il fait un séjour de deux ans au Brésil, qui sera la source d'un roman publié vingt-trois ans plus tard : "Le Dictateur et le hamac" (2003). Dans la Série Noire, il publie en 1985, "Au bonheur des ogres", premier volet de la série des Malaussène, une série de polars humoristiques. Il diversifie son public avec une tétralogie pour les enfants, "Kamo" (1992) mettant en scène des héros proches de l'univers enfantin, préoccupés par l'école et l'amitié.

À ces fictions s'ajoutent d'autres types d'ouvrages : un essai sur la lecture, "Comme un roman" (1992), deux ouvrages en collaboration avec le photographe Robert Doisneau et "La débauche", une bande dessinée, avec Jacques Tardi (2000). "Chagrin d'école", un livre tenant de l'essai et de l'autobiographie publié en octobre 2007 aux éditions Gallimard, a reçu le prix Renaudot la même année. Avec "Mon frère" (2018), hymne à l'amour pour son aîné disparu, Daniel Pennac livre un poignant récit intime.
Daniel Pennac a écrit ou coécrit plusieurs scénarios pour le cinéma ou la télévision, parfois en adaptant ses propres livres. Il vit à Paris avec sa seconde femme, l'écrivaine Véronique M. Le Normand.

En savoir plus :

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Sur la saga Malaussène



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