jeudi 19 octobre 2023

Catriona WARD – la dernière maison avant les bois – Éditions Sonatine 2023


L'histoire

Ted Bannermann vit dans la dernière maison de l'impasse de Needless Street à Portland. Cet homme d'une quarantaine d'année vit seul, avec sa chatte Olivia, et des temps en temps la visite de sa fille à peine adolescente Lauren, franchement insupportable. Ted ne travaille pas, en raison de problèmes de santé. Il vit la plupart du temps chez lui, et sort juste pour le nécessaire, ou va se promener dans les bois.

Il se souvient aussi qu'il y a 11 ans, une petite fille a disparu dans les bois, que son corps n'a jamais été retrouvé et Ted a très peur que le « Meurtrier » comme il l'appelle ne revienne tuer un autre enfant. Mais c'est l'installation d'une nouvelle voisine Dee qui va changer et bouleverser le destin de Ted.



Mon avis

Voilà un polar pas banal du tout, comme vous n'en n'avez probablement jamais lu.

Dans ce roman choral, vous allez de surprises en surprise. Il y a Ted qui parle de son quotidien bien monotone, mais aussi Olivia, la chatte qui observe tout et qui sait se comporter en félin royal, en allant consoler son maître, et qui se lie d'amitié avec un autre chat, nommé Nocturne qui partage discrètement sa chasse avec elle. Lauren, qui rend visite en général le week-end à son père est toujours maussade, jamais contente, et la papa prend bien conscience que ce n'est pas facile d'éduquer une pré-adolescente, qui risque bien de lui causer du souci plus tard. Et puis il y a Dee, une femme qui a perdu sa petite sœur Lulu, ainsi que sa famille. Lulu, qui avait 9 ans était la petite chouchoute de la famille, au grand désarroi de Dee, toujours punie. La police a eu beau chercher, l'enquête ne mène à rien, et Dee veut savoir ce qui est devenue de sa sœur. Dee a tout perdu dans cette épreuve : sa mère, ivre de chagrin a fini par quitter le domicile conjugal, son père a sombré dans l'alcoolisme et la dépression et est finalement mort d'un AVC . Dee qui rêvait d'être danseuse classique n'a pas pu se payer des études et a vécu de petits boulots. Hors Dee a entendu parler de Ted, qui a l'époque avait été interrogé par la police, mais rien de suspect n'avait été trouvé et aucune charge retenue contre lui. Mais pour Dee cela reste une piste à suivre, et elle va s'installer dans la voisine voisine de Ted.

Nous avons donc : un chat qui parle et qui lit la bible en cachette, un homme pas très beau, qui ne prend pas plus soin de lui que de sa maison, et qui semble très attaché au souvenir de sa mère, une petite boite à musique cassée dont la ballerine ne tourne plus, un vieux magnétophone où la mère de Ted prenait des notes pour ses recherches. Ted qui aime manger, souvent des choses incongrues, décide de s'en servir pour mémoriser ses recettes de cuisine.

Mais alors qui a commis ce crime odieux et pourquoi ? Je ne peux pas spolier le livre, ce serait vous ôter toute envie de le lire. Mais pour brouiller les pistes, déstabiliser le lecteur, l'autrice sait y faire. Qui est au fond Ted, qui vit isolé dans une maison dont les fenètres sont remplacées par des panneaux de bois (posés il y a 11 ans quand il était suspecté par la police, puis innocenté, il était au super marché à l'heure des faits, mais la mentalité des citoyens est ce qu'elle est, et des faux justiciers lui ont défoncés les fenêtres. Si tout cela est passé, Ted n'a pas songé à remettre des fenêtres en verre, juste quelque petits trous dans les bois. Puis il y a eu des oiseaux morts trouvés dans son jardin, piégés à la glu, que Ted a eu le supplice de devoir enterrer, car les oiseaux et la nature il aime cela, mais sans trop s'aventurer dans ces bois maléfiques semble-t-il.. Et quels sont ses rendez-vous où il est absent plusieurs heures chaque semaine ?

Caroline Ward tisse sa toile comme une araignée littéraire, avec des rebondissements, et une psychologie fouillée des personnages. Souvent bien des polars nous laissent deviner le coupable à mi-lecture ou assez facilement. Là, c'est un labyrinthe méticuleux, dans une ambiance de plus en plus stressante qui va vous tenir en haleine.

Et surtout ce roman a aussi une vocation, mais cela vous le lirez dans la postface.Addictif à souhait, on a beau jouer les détectives, on aura bien du mal à se douter de la fin. Encore une belle publication des Éditions Sonatine, toujours à la recherche de l'original.


Extraits :

  • Je vais te confier un secret, chaton. Tout le monde se sent comme ça par moment. Parfois, les choses vont mal et on a l'impression que rien ne pourra s'arranger, que l'avenir est bouché, comme le ciel un jour de pluie. Mais tu sais, la vie ça change à toute vitesse. Les choses bougent tout le temps, les bonnes comme les mauvaises, et le ciel finira par se dégager. Je te le promets. e crois que les enfants ressentent la douleur plus fort que les adultes, parce qu'ils ne savent pas encore jusqu'à quelle intensité elle peut monter.

  • Il y a une forte odeur de nettoyant ménager qui fait penser à une prairie en fleurs, en version chimique. J'imagine que dans le futur, on atteindra un moment où plus personne ne connaîtra le parfum d'une vraie prairie. Mais bon, si ça se trouve, d'ici là, les vraies prairies auront disparu et les fleurs seront fabriquées en laboratoire. Du coup, les ingénieurs feront en sorte que les fleurs aient une odeur de nettoyant ménager, parce qu'ils penseront que c'est ça, la véritable odeur des fleurs.

  • comme les fois d'avant, je ne me sens pas fier d'utiliser une photo de profil qui n'est pas la mienne, mais je sais que sans ça, personne n'accepterait de me rencontrer…

  • Les dieux sont plus proches qu'on pourrait le croire. Ils vivent au milieu des arbres, derrière un voile si fin qu'un simple coup d'ongle suffirait à le déchirer.

  • J’ai deux critères pour juger les gens ; comment ils traitent les animaux et ce qu’ils aiment manger. Ceux qui adorent la salade ont forcément mauvais fond. A l’inverse, ceux qui ont un faible pour le fromage ont tendance à m’inspirer confiance.

  • Pendant des semaines, j'emmagasine mes pensées les plus inintéressantes pour les raconter à l'homme-scarabée [son psy]. C'est du boulot, parfois, de trouver assez d'idées pour tenir une heure.

  • D'une manière générale, les animaux de compagnie valent mieux que leurs propriétaires. J'ai de la peine pour tous ces chiens, chats, lapins et souris forcés non seulement de vivre avec des gens, mais pire encore, de les aimer.

  • Les deux sœurs avaient les mêmes yeux que leur mère : les mêmes grands iris marron teintés de vert foncé, les mêmes longs cils noirs. Sauf que ce n'était pas cette ressemblance que voyait Dee chaque fois qu'elle croisait le regard de Lulu, mais le fait que sa sœur était la préférée de ses parents.

  • Quand on est arrivé à la maison, maman m’a fait couler un bain, puis elle m’a déshabillé et m’a examiné sous toutes les coutures. Elle a trouvé une coupure sur mon mollet qui saignait. Alors elle a sorti sa trousse d’infirmière et elle m’a fait deux points de suture pour refermer la plaie. Elle me cassait, puis elle me réparait, et ensuite elle recommençait – c’était comme ça, avec ma mère.

  • On ne peut pas deviner comment sont les gens juste à partir de ce qu'ils font. On peut très bien faire quelque chose de mal sans être quelqu'un de mauvais. Et à l'inverse, ça doit aussi arriver que des gens mauvais fassent quelque chose de bien une fois de temps en temps. Ce que je veux dire, c'est qu'on ne peut jamais savoir.

  • Dans notre vie de tous les jours, il est parfois difficile de dire à nos proches ce qu'on pense ou ce qu'on ressent. Et quand on garde des secrets, on finit souvent par se sentir très seul.

  • Le regard des autres transforme ma maison en un endroit que je ne reconnais pas.

  • Je voudrais que les gens sachent que tout ça, c'est uniquement une question de bienveillance. Nous sommes apparus pour protéger l'enfant. C'est ça qui compte.

  • C’est le jour où j’ai découvert ma raison d’être. Tous les chats en ont une, de la même manière que tous les chats peuvent devenir invisibles ou lire dans les pensées. (Sur ce dernier point, on est vraiment très forts.) 

     

BIOGRAPHIE

Catriona Ward est née à Washington, DC. Sa famille a beaucoup déménagé et elle a grandi notamment aux États-Unis, au Kenya, à Madagascar, au Yémen et au Maroc. Elle écrit des romans et des nouvelles, et des critiques pour diverses publications

En anglais : https://en.wikipedia.org/wiki/Catriona_Ward

Son site : https://us.macmillan.com/author/catrionaward

Son insta : https://www.instagram.com/catward66/?hl=fr


 

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