mardi 28 novembre 2023

CHRYSTEL DUCHAMP- l'île des souvenirs – Éditons l'Archipel 2023-

 

L'histoire

Delphine, étudiante aux Beaux Arts de Lyon vient d'une famille riche mais rigide et très croyante. Aussi, alors qu'elle dispose d'un joli budget, elle passe son temps à faire la fête, boire, cumuler les amants. Et les amantes aussi. Hélas sa liaison avec Maëlys tourne au cauchemar, celle-ci étant possessive à souhait et Delphine doit porter plainte.
Quelques mois plus tard, Delphine est enlevée par un homme en noir, et retenue enchaînée. Mais une autre prisonnière est aussi là, Maëlys. Toutes les deux sont droguées aux psychotropes (somnifères, anxiolytiques et autres). Le mystérieux homme en noir torture Delphine qui décède. Maëlys parvient à s'échapper mais elle est frappée d'un black-out total . Qui est cet homme en noir ? L'équipe de police va avoir bien du mal à trouver la vérité.


Mon avis

Un polar psychologique et même psychanalytique au sens le plus freudien du sens.

Voici 2 héroïnes aussi différentes que possibles : la belle Dephine qui oublie son éducation stricte en jouissant des plaisirs de la supposée vie étudiante et Maëlys, son contraire, timide, enrobée et affichant ouvertement une homosexualité. Malgré une liaison entre les 2 jeunes femmes qui se passait bien, Delphine, toujours en quête de plus de divertissements rompt brutalement, ce qui provoque la rage de l'ex, qui va la harceler. Seule une plainte mettra fin aux agissements de Maëlys.

Quelques semaines plus tard, les 2 jeunes femmes sont kidnappées par une femme en noir, puis Delphine est torturée à mort, par l'homme en noir, devant Maëlys qui lui a pardonné et reste en état de sidération. Elle réussit à s'enfuir mais ne se rappelle rien de cette fuite, juste qu'elle appelle au secours pour sauver Delphine dans un état qui fait que personne ne la comprend. Hospitalisée, avec dans le corps d'importantes doses de psychotropes et sous le choc, elle arrive à dire ce qui lui est arrivé et les policiers découvrent le cadavre déjà en état de putréfaction. L'affaire fait un scandale, l'ambitieux capitaine Romain de la section criminelle de Lyon n'a pas de piste. Opportunément, un homme qui se présente comme profiler, propose son aide. Malgré la réticence de la police, il établit un profil type et suggère que Maëlys devrait suivre une psychothérapeute spécialisée en événements post-traumatiques qui se trouve être aussi la petite amie du profiler.

Ici ce sont les souvenirs enfouis qu'il faut faire remonter à la surface. Devant des événements traumatiques, que ce soit des viols dans l'enfance, la vison d'un spectacle réel et sanglant, selon les individus, le cerveau peut totalement occulter l’événement traumatique, qui se manifestera alors par des TOC (troubles obsessifs du comportement), des dépressions, des cauchemars ou un vague sentiment de malaise, voir rien du tout selon les individus. Chacun finalement se fabrique des souvenirs à sa convenance. Mais peut-on implanter des faux souvenirs à une personne. Certains psychiatres américains en ont fait la démonstration.

L'écriture de Chrystel Duchamp sait se faire à la fois narrative et anxiogène mais aussi presque documentaire lorsqu'on aborde les sujets tenant à la psyché. L'autrice a d'ailleurs effectué des recherches dans le domaine de la traumatologie et de la gestion des souvenirs personnels. Les paroles sont données tour à tour aux 2 femmes, à l'inspecteur de police, au profiler et à la psychologue. Le prélude et le dernier chapitre à la narratrice qui s'est fait discrète hors ces deux chapitres. Ce qui rend assez intéressante la structure de ce thriller maîtrisé jusqu'à la dernière ligne.

Les âmes sensibles s'en passeront, les amateurs de psychologie pas de comptoir aimeront. Alors à lire ou pas ? Oui si vous êtes curieux de nouvelles explorations littéraires. Et aussi pour une énigme dont vous n'avez aucune idée.


Extraits

  • Le rouleau compresseur". A cette expression, Romain préférait la métaphore de la "Boule de neige". D'abord petite, abritant en son centre la victime, elle prenait naissance au sommet d'une montagne avant de s'élancer le long d'un versant enneigé. Au cours de sa descente, elle grossissait, collectant preuves, témoignages et prélèvements jusqu'à former une énorme boule blanche. Quand l'enquête se concluait par une réussite, l'amas de neige arrivait intact en bas de la montagne. Quand l'enquête se soldait par un échec, la boule explosait et l'avalanche détruisait tout sur son passage

  • La banalité du « Que fais-tu dans la vie?» peut être comparée au célèbre «Ça va? » formulé chaque matin par vos collègues de travail. Ne voyez pas dans ces deux mots un quelconque intérêt pour votre état de santé : les humains sont, en majorité, programmés pour produire ce son en se saluant.
    Votre réponse est tout aussi mécanique. Vous affirmerez vous porter comme un charme. En réalité, vous avez été malade toute la nuit - ne jamais se coucher le ventre rempli de fromage à raclette - et votre moral est au plus bas - Greta Thunberg a annoncé ce matin qu'il n'y avait plus d'espoir pour la planète. Bref : ça ne va pas, mais vous ne le dites pas.

  •  Le mal du siècle : tout être humain doté d’une connexion wifi avec la possibilité de formuler son opinion et de la servir à une armée de followers transis d’admiration. Cette forme de “liberté d’expression”, au lieu d’enrichir la pensée, l’appauvrissait. Les gourous du net - les râleurs, les complotistes et tous les autres vers dans la pomme - se distinguaient par leur paresse intellectuelle. Ils ne réfléchissaient pas, ne rédigeaient pas, n’argumentaient pas. La plupart du temps, ils se contentaient de partager un article existant qui illustrait leurs propos et injectaient ainsi une dose supplémentaire de paranoïa au sein d’une société déjà mal informée et méfiante. Les moins stupides accompagnaient parfois leur copier-coller d’une phrase de leur cru, dévoilant l’étendue de leurs lacunes orthographiques ou syntaxiques. Quand un commentaire leur était adressé à ce sujet, ils répliquaient ne pas avoir de temps à perdre dans la relecture et la correction de trois cents caractères. En bref, leurs publications, comme leurs opinions, étaient bourrées d’erreurs.

  • Devant elle, figure de proue vivante, se tenait une silhouette emmaillotée. Sans s'expliquer la nature de ce sortilège, elle comprit toutefois s'être dédoublée pour tenir, dans ce tableau, les deux rôles. Celui du rameur menant la barque vers l'île. Un corps qui fuit l'horreur. Et celui de la silhouette blanche qui se laisse conduire. Une âme qui lutte pour sa survie. Ce tableau était devenu un refuge. Son refuge pour ne pas sombrer dans la folie.

  • Aux murs étaient accrochés un crucifix, un miroir au verre fissuré et un tableau qui capta l’attention du capitaine. Sa culture artistique était trop pauvre pour lui permettre de nommer cette œuvre ou son auteur. Clémence déplorait qu’il boude musées et expositions, et lui reprochait son manque d’intérêt pour l’art. Il lui rétorquait qu’il était né avec l’incapacité de s’émouvoir devant une sculpture ou une peinture. Toutefois, en ce matin de mai, cette toile le bouleversa. 

  • Au cours de cette année de formation, j'ai d'ailleurs découvert que le trauma n'était pas un événement en soi. Ainsi, un épisode jugé "traumatique" par une personne ne le serait pas nécessairement pour une autre.

  • A sa grande surprise, la captivité et la peur lui avaient révélé qu'espérer la bonté d'une entité supérieure était la clé de sa survie

  • Une relation stable ? Jamais de la vie ! Pour parer à ce type de profil, Tinder s'était imposé comme l'outil idéal. L'application donnait accès à un énorme catalogue d'êtres humains répertoriés selon leur situation géographique et, surtout, selon leurs attentes en matière de relation sentimentale. Dans sa fiche descriptive, Delphine avait précisé ne pas chercher l'amour. Elle refusait de sacrifier sa liberté et n'avait pas troqué l'emprise parentale pour une dépendance affective.

  • A la voix d’Abba ou des Bee Gees se mêlaient le crissement de la scie à os, le craquement des côtes dans une cage thoracique, les sifflements et les éclats de rire du légiste.

  • L'être humain est nombriliste. Il nichera ses problèmes dans les moindres recoins de la discussion. Face à ses velléités de domination verbale, vous le laisserez monologuer et déposerez vos armes à ses pieds. Inutile de vous battre : quelle que soit la gravité de votre affliction, son cas sera plus critique que le vôtre. En résumé, les humains s'enquièrent de vos nouvelles : par politesse, par automatisme, par égocentrisme.

Biographie

Née en 1985, Chrystel Duchamp a signé en 2020 "L'Art du meurtre", un premier suspense salué par le public et la critique : « Une écriture enlevée, sombre et claquante. Un polar addictif et original. » (Le Parisien-Aujourd'hui en France).
Aux éditions de l'Archipel a ensuite paru en 2021 "Le Sang des Belasko", qui vient d’être réédité chez Archipoche.
En 2022 est sorti "Délivre-nous du mal" : « Un drame sociétal bien réel… Une histoire incroyablement bien conçue… Les fans du genre seront comblés jusqu'à la dernière ligne. » (Laure, 20 minutes).

Elle est cofondatrice du collectif les Louves du Polar, un collectif de romancières de polars qui se soutient et qui encourage l'écriture de polars même si les auteurs ne sont pas des membres du collectif. Elles se sont développées en France, en Grande-Bretagne, en Espagne, aux Pays-Bas et en Suisse.

Son Facebook : https://www.facebook.com/chrystel.duchamp.auteur/

voir aussi : https://leslouvesdupolar.fr/

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