mercredi 12 juin 2024

Katarina Mazetti – Mon doudou divin – Editions Gaïa - 2012

 

 

L'histoire

Wera, pigiste en mal de succès trouve un sujet qui intéresse le magazine suédois Circulaire, dont la cible est les bobos chics. Elle va s'infiltrer dans une petite communauté « La Béatitude » qui veut réinventer un nouveau Dieu ? Installée dans un ancien camps de scout mal entretenu, elle se retrouve avec 4 autres individus plus le couple qui dirige le groupe. Des personnages qui ont tous quelque chose à cacher et qui sont (selon elle) totalement cinglés. Mais peut-on vivre sans Dieu ou sans croyance ?



Mon avis

La suédoise Katarina Mazetti s'empare d'un sujet complexe : la croyance en un Dieu. Non sans humour, le récit alterne entre les pensées de Wera et celles de Madeleine, une femme mystérieuse, plus toute jeune, qui ne se sépare jamais de son sac à dos noir.

Le couple qui les héberge a tout du cliché (voulu) : Annette, femme grassouillette, figure maternelle et son époux Adrian, le gourou habillé d'une robe de moins bleu foncé, qui énonce platitudes sur platitudes. Parmi les invités, il y aussi Karim, un jeune homme musulman qui est pour la fusion des 3 religions à Dieu unique (catholique et juifs), une mystérieuse dame grise qui ne se lie pas beaucoup et ne parle que par poèmes, le médecin radié Bertil qui fait la démonstration que l'humain a besoin de croire en quelque chose, ce quelque chose qu'il appelle Dieu mais qui est fait pour le rassurer (qui, croyant ou pas, n'a jamais dit un jour « au mon dieu ») ? Annette fait une crise de féminisme en rappelant que les hommes ont rejeté les déesses mères antiques pour mieux contrôler les femmes. Adrian lui veut un dieu écologique et bienfaisant concrètement. Madeleine veut oublier ses péchés et renouer avec la foi. Wera qui enregistre en secret ce petit monde, s'en fout royalement, et propose elle des dieux à la carte. Les discussions sont vives, chacun campant sur ses positions. Mais Wera découvre vite que tout le monde a quelque chose à cacher : que contient le sac noir de Madeleine, qui est ce docteur Bertil, assez riche mais radié de l'ordre des médecins. Annette et Adrian forment un couple mal assorti et qui ne s'entend plus. Karim a un besoin immense de reconnaissance. La femme grise est insignifiante, personne ne fait attention à elle.

D'une plume malicieuse qui sait aussi parfois se faire un peu angoissante, l'autrice suédoise s'en donne à cœur joie pour démystifier les religions. Mais pourtant, ne reste-t-il pas en chacun de nous ce petit désir de croire en quelque chose ?

Petit roman facile à lire, il vous fera réfléchir sur le poids de la religion, vos croyances, et peut-être vous faire réfléchir et remettre en questions vos certitudes. C'est bien fait, sans leçons de morale, çà se lit vit et c'est très drôle. La fin est assez épique mais je ne spolie pas.



Extraits

  • Les images le montrent bien : s'il existait une quelconque entité divine, elle serait malveillante et il faudrait la combattre par tous les moyens !
    " Le Dieu des catholiques qui a sur les mains le sang de millions de séropositifs et qui déclare que l'amour physique est un péché, pendant que les curés violent des petits garçons. Le Dieu tu-ne-tueras-point des bombardiers, qui laisse ses serviteurs bénir les bourreaux avant l'attaque. Le Dieu des musulmans qui pousse de jeunes hommes à se faire exploser en même temps que des innocents. Qui sert d'alibi pour réduire des femme en esclavage, pour faire d'elles le bétail des hommes et des prisonnières de leur propre corps. Le Dieu des juifs qui construit un nouveau mur de Berlin, le Dieu des hindous qui massacre les sikhs et les musulmans... et inversement...
    "Oui, les apôtres de toutes les religions avancent dans le sang, baignent dans le sang, tiennent des peuples entiers en esclavage dans un abominable abus de pouvoir ! LA FOI EN "DIEU" EST UNE PANDÉMIE QUI MENACE L'EXISTENCE DE L'HUMANITÉ !"

  • A la place de l’orgueil se déroule la Faiblesse-du-moi. Tu ne fais l’affaire que lorsque tu as acheté tel ou tel produit ou assimilé tel ou tel message ! Et nous devenons des victimes faciles pour les experts et les publicitaires, aussi faciles que nous l’avons un jour été pour le prêtre qui nous promettait le royaume des cieux.
    Au lieu de l’Avarice nous visons dans un Gaspillage porteur de mort. Nous savons tous que nous avons hypothéqué les ressources du futur et que nous sommes en train de les dilapider dès aujourd’hui. Nous avons mangé la nourriture de nos enfants, comme des parasites. Nous avons fabriqué nous même l’apocalypse qui nous attend.
    Le péché capital Luxure est devenu une industrie de luxure qui nous pousse dans l’Ennui. Qui peut vivre le vertige d’un baiser lorsque les sens ont été stimulés à outrance par des copulations routinières dans tous les orifices du corps ? L’amour comme exercice de fitness interminable où celui qui flanche doit feindre ses orgasmes !

  • Je travaille comme journaliste free-lance dans une petite localité. Si petite que les automobilistes de passage sont sidérés de tomber sue le panneau "Merci de votre visite, à bientôt" alors qu'ils croyaient tout juste arriver. Oui, il est parfaitement possible de louper complètement la ville, si on n'y prend pas garde. Je projette de déménager, mais il faudrait d'abord que ma vieille mère décide de mourir, elle n'en a plus que pour un an ou deux, au grand maximum. On n'est pas les meilleures amies du monde, mais on observe une sorte de neutralité armée, et je suis son seul enfant.

  • Je n'ai évidemment pas approché la solution du mystère d'un seul millimètre : qu'est ce qui peut bien pousser des personnes totalement ordinaires et normales ( en tout cas en apparence) à mettre en veilleuse leur existence de tous les jours pour venir sonder le fond de leur âme dans ce décor glauque ?

  • Et autre chose ! Toutes les cultures depuis l'aube des temps ont eu des mythes et des dieux - et à moins d'être cinglé au point de croire en tous, on est bien

  • obligé de tirer la conclusion que c'est un simple mortel qui les a bricolés au coin du feu dans sa hutte !

  • M'est venue à l'esprit la définition italienne des scouts : "un groupe d'enfants vêtus comme des idiots, menés par un idiot vêtu comme un enfant."

  • Ils étaient issus d'horizons divers et n'avait qu'une seule chose en commun :
    Aucun n'entretenait de relation avec le bonhomme surnaturel et barbu qui passait ses journées sur un trône la haut dans la stratosphère à trier les chèvres des moutons.

  • Il parlait comme un sauveur et il ressemblait à un dictateur, jamais auparavant je ne me suis rendu compte à quel point ces deux rôles sont si proches.

  • Ma voisine mange du yoghourt russe et du ginseng et pense qu'elle vivra au moins jusqu'à quatre-vingt-dix ans. Je lui ai demandé pourquoi elle voulait atteindre un tel âge plutôt que de mourir dix ans plus tôt comme la plupart des gens. Que se passe-t-il donc de si spécial entre quatre-vingts et quatre-vingt-dix ans? Il me semble que c'est précisément la période de vie dont on pourrait se passer.

  • Personne n’a encore réussi à profaner mon petit esprit méfiant et acariâtre avec des mystifications évangéliques, et si un jour je me sentais merveilleusement rachetée de mes péchés, j’irais immédiatement consulter un psy !

  • L'épouse (?) d'Adrian, Annette, vêtue d'une couverture de cheval indienne brodée. Elle avait le menton appuyé dans ses grosses mains rouges et elle regardait Adrian fixement, le visage totalement inexpressif. Je n'ai pas su déterminer si elle était fière de lui ou si elle prenait des mesures à vue de nez pour lui confectionner une nouvelle tenue.

  • Nous les femmes, nous avons solidairement mis un pied hors de notre foyers pour nous charger des fardeaux de nos hommes, mais eux n'ont pas encore porté les nôtres, alors qu'ils s'en trouveraient bien plus heureux ! Et ne serait-ce pas suffisant, ça, vouloir rendre le monde meilleur pour la moitié de l'humanité, pour ne pas dire toute l'humanité ?

  • Mais évidemment que DIEU existe ! avait-il rugi subitement. C'est à dire pas en tant qu'être divin ! Mais le concept "DIEU", c'est le plus grand politicien, le plus grand manipulateur et lèches bottes de tous les temps, et ses fidèles, ces abrutis malléables, peuvent se constituer en lobby, le plus grand de toutes les sociétés !



Biographie

Katarina Mazetti est une journaliste et écrivaine suédoise, née en 1944. Elle grandit à Karlskrona, port naval du sud de la Suède. Après des études de journalisme, elle amorce sa carrière dans des journaux locaux. Plus tard, elle reprend ses études et obtient une maîtrise de littérature et d’anglais à l’Université de Lund.

Elle travaille comme professeur à Malmö, puis comme producteur et journaliste à la Sveriges Radio (Radio suédoise) de 1989 à 2004. En littérature, elle publie des livres pour tous les âges, ainsi que des critiques littéraires, des chansons, des comédies et des chroniques pour des journaux et la radio. Son premier ouvrage de littérature d'enfance et de jeunesse est un livre d’images écrit en vers hexamètres classiques.

Elle vit pendant vingt ans avec son compagnon et ses quatre enfants dans une petite ferme du nord de la Suède avant de s'installer à Lund. Publié en 1998, son premier roman destiné aux adultes, "Le mec de la tombe d'à côté" ("Grabben i graven brevid") est fondé sur son expérience en tant que femme d'agriculteur. Il a été traduit en 22 langues et a connu un grand succès. Vendu à 450 000 exemplaires en suédois, il sera adapté au théâtre, à la télévision et au cinéma. En 2002, le film, réalisé par Kjell Sundvall, est un succès, vu par plus d’un million de suédois. En 2008, elle signe un roman historique intitulé "Le Viking qui voulait épouser la fille de soie" ("Blandat blod").
Elle est également l'auteur de la série jeunesse "Les Cousins Karlsson" ("Kusinerna Karlsson") ayant pour héros les quatre cousins Karlsson (7 tomes, 2012-2016).

Voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Katarina_Mazetti


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