L'histoire
Dans la paisible campagne anglaise, se niche une bibliothèque pas comme les autres : celles des manuscrits refusés par les éditeurs. Chaque jour amène son lot de livres, dont il faut vérifier qu'ils ont bien obtenus des lettres de refus, puis les restaurer ou les relier et les classer. Ici, on emprunte pas de livres, on peut les consulter pour des recherches. Toute une équipe de passionnés assez loufoques entoure l'actuel directeur. Mais même pour des manuscrits dont personne ne veut, certains s'imaginent qu'ils recèlent des trésors, et quelques incidents vont troubler le calme légendaire de cette bibliothèque décidément pas comme les autres.
Mon avis
Voici un petit livre totalement hilarant, dans le style vert iritis humour. Certes il ne s'y passe pas grand chose.
Imaginez, au cœur de la verdoyante campagne anglaise, une bibliothèque qui accueille et recense les manuscrits divers qui ont été refusés par les éditeurs. Une idée farfelue imaginée par un ancien romancier qui n'a eu qu'un seul manuscrit publié. Pour être admis à cet étrange patrimoine, il faut avoir le manuscrit et les lettres de refus. Et c'est toute l'Angleterre qui envoie des romans ou des essais inachevés. Certains sans lettre de refus, hélas condamnés au pilori.
Mais le personnel lui-même est aussi loufoque que possible. Une actrice à la gloire passée se fait embaucher pour chercher dans les refusés des idées de scénario, des voleurs pas très subtils persuadés que la bibliothèque abrite dans ces rayonnages des chef-d’œuvre, ou des aspirants écrivains en mal d'inspirations. Tout ce petit monde cohabite dans l'écriture très policée de l'auteur, qui se livre là à un joli exercice de style. Ce côté burlesque est contrebalancé par la description du monde de l'édition où hypocrisie, obséquiosité sont légion. On sent dans le récit que l'auteur prend un malin plaisir à dénoncer les comportements de certains éditeurs n'hésitant pas à blesser un auteur par un courrier ignoble ou une lettre type sans explication.
Amusant et décalé, on y retrouve quand même l'amour infini pour les livres et le plaisir de lire. Parfait pour les vacances sous le parasol.
Extraits
les gens disent la vérité dans leurs journaux intimes. Leur vérité, bien entendu. Et je vous pose la question : quel autre genre de littérature peut prétendre à un tel degré d’authenticité ? Pas les autobiographies, ni les déclarations de revenus ni les correspondances. Surtout pas les correspondances, bien au contraire ! « Cela fait une éternité que je voulais t’écrire » – absurde : alors, pourquoi ne pas l’avoir fait avant ? « Tu me manques » – plus qu’improbable, si on éprouve le besoin de le dire. « Je pense à toi tous les jours » – c’est rarement le cas. Selon moi, dans chaque lettre, on trouve une seule phrase sincère au milieu d’un tas d’impostures. Mais le journal intime ! C’est à ce compagnon de la nuit, compatissant, attentif et discret que l’on confie la vérité. Des confidences libératrices, tourmentées ou joyeuses, mais toujours sincères. Des paroles surgies d’outre-tombe, qui disent les peurs, les espoirs, les modestes ambitions. Tous ces mots sont assurément précieux – comment ne pas vouloir les préserver ?
Dîtes-moi, s’enquit Ffolke resté jusqu’alors très discret, les autobiographies sont-elles à vos yeux à ce point suspectes ? -Eh bien, beaucoup de biographies ou d’autobiographies sont rédigées directement à partir de journaux intimes, n’est-ce pas, enrichies « de mémoire » ? Alors fatalement, le produit fini se rapproche d’une œuvre plus littéraire qu’historique.
Parce que je sais pertinemment qu'il existe dans ce public beaucoup, beaucoup de gens, des écrivains et des auteurs, des conteurs et des poètes, qui œuvrent dans la solitude, à l'écoute de leurs muses respectives, sans le réconfort de savoir qu'au loin il existe une lumière au bout du tunnel. Nul n'a plus besoin de rédiger un testament stipulant de "brûler tous les manuscrits" !
Les gens acceptaient très bien l'idée d'une sorte de sélection naturelle. Mais voici ce que lui se demandait : cette fameuse sélection naturelle, lourdement biaisée depuis toujours par l'intérêt commercial, faisait-elle vraiment en sorte de révéler au public toutes les œuvres dignes de ce nom ? La réponse était assurément non.
La librairie se situe, selon le bref article que lui consacre le guide des bibliothèques britanniques (section R a W), à proximité d'Hereford, au sein d'une campagne riante et vallonnée, dont l'accès sera peut être plus aisé en véhicule privé motorisé. La suggestion était tout à fait pertinente. Le manque d'accessibilité a toujours été l'une des qualités les plus reconnus de l'etablissement. L'article continuait ainsi : " La bibliothèque des refusés fut fondée en 1962. Cette institution innovante poursuit depuis lors sa mission bien particulière."
Cher monsieur,
En dépit des quarante-sept rudes années que je viens de passer dans l'édition, je ne parviens pas à comprendre comment quelqu'un peut oser écrire un manuscrit tel que celui que vous nous avez envoyé. C'est peu de dire que cela relève d'un scandaleux gâchis de papier dactylographié.
Vous êtes, monsieur, un affront vivant à tous les arbres qui poussent sur cette planète.Comme vous le savez tous, nous sommes ici afin de recueillir et de préserver pour la postérité les manuscrits qu'aucun éditeur n'a souhaité publier. Telle est notre mission. Dans la plupart des cas, les éléments entrants sont accompagnés de lettres de refus offrant une idée des relations de l'auteur avec les agents et les éditeurs. Parfois, il ne s'agit que d'une sélection pour donner le ton. D'autres fois, la correspondance est plus volumineuse. Le record se situe à ce jour aux alentours de deux mille lettres.
Les projecteurs du marketing pouvaient, il en était convaincu, transformer en succès de librairie, n'importe quel roman choisi au hasard... A renfort de chirurgie esthétique, de génie génétique et de campagne publicitaire, tout manuscrit pouvait se métamorphoser en best-seller et trouver sa place dans la folle farandole.
Montague Patience apporta ainsi avec lui l'idée, sans doute traditionnelle dans sa profession, qu'il vaut mieux laisser les livres en paix sur leurs étagères plutôt que de les exposer à la maltraitance des lecteurs.
cher monsieur,
Notre décision spontanée de ne même pas oser toucher votre manuscrit s'apparente à un instinct de survie, tel celui qui pousse un cheval sous œillères à reculer d'une falaise surplombant un volcan en pleine éruption, ou celui qui commande à un homme étrennant de nouveaux souliers, en route pour un diner en tête à tête, à contourner automatiquement et délicatement une pile de déjections canines fumant encore sur le trottoir.Le fait est qu'il ne s'était pas senti aussi bien depuis des années. Il se demanda s'il n'allait pas recommander une très légère attaque à tous ses amis. Il tapota son goutte-à-goutte affectueusement. Quoi que ce fût, c'était un bon cru.
J'ai toujours ressenti que l'un des aspects les plus importants de la vie moderne et civilisée est la facilitation des modes d'accès. Cela se résume essentiellement à une relation collaborative, à un développement de cette symbiose primaire qui a permis à l'homme de sortir de la boue. Je te donne accès à moi, tu me donnes accès à toi.
Biographie
Né en 1951 à Angletter,
Irving Finkel est archéologue et assyriologue au British Museum,
grand spécialiste de l'antique civilisation mésopotamienne. Auteur
d'une thèse sur les exorcismes chez les Babyloniens.
En 2014, il
découvre une tablette cunéiforme qui contenait un récit
d'inondation semblable à celle de l'histoire de l'arche de Noé. Il
décrira cette découverte dans son livre "The Ark before
Noah".
Il est conservateur au département du Moyen-Orient du
British Museum de Londres
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