samedi 2 avril 2022

Jim Harrison - Grand Maitre - Flammarion


J'ai lu pas mal de choses ces derniers temps mais peu ont retenu mon intérêt. Sauf un. Un faux polar.
Sunderson, 65 ans, flic cultivé et un peu accroc au whisky part à la retraite. Avec un goût un peu amer en bouche, cet enquêteur du Haut Michigan (région des grands lacs) n'a pas pu achever sa dernière investigation.


Au fil d'un road movie littéraire qui nous mène du climat glacial des grands lacs aux plaines désertiques de l'Arizona, en passant par le middle west du Nebraska, Sunderson fait aussi un point sur sa vie et la "way of life" américaine. Quand la technologie remplace la réflexion et la pensée, quand l'argent facile devient l'unique richesse intellectuelle, quand les mafias et gourous agissent en toute impunité, que reste-t-il ?
La famille choisie (le meilleur ami, l'ex-femme qui reste le grand amour de sa vie, et une gamine abandonnée des siens)., les grands espaces de sa région natale, les promenades dans la nature et les parties de pêche à la truite, la simplicité d'une vie apaisée où le chant des oiseaux est le plus beau des cadeaux.

En signant cet avant dernier roman, Jim Harrison, l'écrivain le plus doué de sa génération (Dalva, Légendes d'automne) signe là un superbe roman, où il ne se prive pas pour critiquer la société américaine décérébrée, et où il nous livre son amour de la nature, des bonheur doux : vivre en osmose avec ce qui nous entoure, rechercher la simplicité, et non l'argent, s'entourer d'êtres chers même si ils sont peu nombreux. Ce roman, avec ses traits d'humour, sonne presque comme un testament.
Chez Rivages Noir, toujours merveilleusement traduit par Brice Matthieussent qui a rencontré plusieurs fois l'auteur.

Jim Harrison (1937 - 2016) est l'auteur de romans, de nouvelles, de poèmes, et d'essais. Il aura touché à tous les genres littéraires, et est traduit dans 23 langues. Si vous ne deviez qu'un lire un : l'épopée de Dalva et sa suite la Route du Retour, plein de secrets enfouis et de tendresse.

Melba Escobar - Le salon de beauté - Editions Denoel -


 Une retraitée fortunée et un peu seule s'installe dans les quartiers chics de Bogota (Colombie). Un quartier au luxe discret où ces dames pour tuer l'ennui se retrouvent au Salon de Beauté. La narratrice se prend d'affection pour une nouvelle esthéticienne, Karen, une belle jeune femme qui élève seule sa fille. Mais un jour, une autre employée du même institut est retrouvée morte et la dernière à l'avoir vue est justement Karen.


Tout le charme de ce premier roman (le seul traduit en France ce jour) réside dans l'opposition entre les quartiers luxueux et les bas fonds de la capitale colombienne. Ici l'écriture relève du documentaire, et les principales protagonistes sont des femmes, les hommes étant soit des ivrognes, des maffieux. 

Pourtant l'auteure Melba Escobar ne nous livre aucun discours féministe. Il faut lire entre les lignes, pour se faire une vision assez sombre finalement de la ville, comme coupée en deux entre la richesse discrète de la grande bourgeoisie et les bas-fonds invivables où s'entassent les familles pauvres, les maffias et les déconvenues. 


Ce petit livre se lit d'une traite. Classée comme polar, ce n'est pas l'intrigue en elle-même qui compte mais bien les rapports de classes, les rapports aux hommes dans une ville qui semble figée dans ses contradictions.

Gabriela Cabezon Camara -Pleines de grâce - 10/18


 Un livre un peu tcharbé cà vous dit ?

 Cleo travestie qui a vu la Vierge Marie en vrai décide avec l'aide de Quilty journaliste de transformer sa favela de Buenos Aires en une respectable communauté autonome avec les laissés pour compte du coin.
Avec "Pleines de Grâces", Gabriela Cabezon Camara nous offre un livre dense, plein d'aventures improbables dans un dialogue entre les 2 héroïnes. Un petit coté Queer et un histoire rocambolesque, teintée d'humour, de féminisme et de fantaisie.


L'auteure dont c'est à ce jour le seul ouvrage traduit en français à ce jour est journaliste à Buenos Aires et militante active pour venir au secours des femmes en détresse.
Le style est incisif et dense, le propos amoral, mais on y retrouve une exubérance comme la canopée qui borde le fleuve.
On aimera ou on détestera parce que ce livre ne nous laissera pas indifférent.
En poche 10/18

Tove Alsterdal - "La Maison sans miroirs" - aux éditions du Rouergue / Äctes noirs

Sonja et Daniel, suédois achètent un manoir "dans son jus" dans le nord de la Tchéquie, la région des sudètes. En farfouillant dans la cave, ils découvrent le corps d'un enfant mort dans les années 40. Puis c'est une femme qui vient d'être assassinée sur leur terrain, et Daniel est soupçonné par la police. Sonja, un peu désoeuvrée, commence sa propre 'enquête.


Ce polar signé Tove Alsterdal, journaliste suédoise, nous parle d'un fait peu connu de l'Histoire, celle, complexe des allemands sudètes, autrement dit ceux qui vivaient aux frontières de la Tchéquie depuis des années. Avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir, puis l'invasion de l'ancienne Tchécoslovaquie, les sudètes furent pris entre deux feux : soit ils adhéraient au régime nazi, soit ils entraient en résistance. Mais à la fin de la guerre, il furent expulsés (voir même massacrés) de leur pays natal et leurs biens confisqués , et l'Allemagne, voulant tourner la page avec le régime nazi, les parqua dans des camps ou les fit travailler dans des mines à ciel ouvert. (pour en savoir plus, Wiki est votre ami).

Si l'intrigue est intelligemment menée, il y a aussi une réflexion sur l'exil et sa solitude. L'héroïne qui ne parle pas le tchèque et très peu l'allemand, doit rechercher seule la vérité dans une région dont elle ignore tout et un mari mutique, avec lequel elle est en conflit  via des non-dits.
J'ai dévoré ce livre qui m'a incité à d'autres lectures. 

 Ses autres romans

 
 

"Rien n'est noir" - Clair Berest - Stock


[à lire si vraiment on a des sous à dépenser].
Encore un livre sur Frida Khalo, un de plus, qui se veut un roman s'inspirant de la vie de la plus célèbre des peintres mexicaines. Certes c'est bien écrit, mais l'auteure prête facilement à Frida des attitudes qui ne sont guère confirmées par les biographes sérieux : pochtronne, fumant cigares sur cigares et lui inventant des amants. Si cela est le symbole du féminisme, je ne vois pas l'intérêt. 
Frida Kahlo savait d'imposer sans tomber dans des excès - n'oublions pas qu'elle a souffert toute sa vie, des suites d'un accident et à subi une vingtaine d'opérations. Pas un mot ni une analyse de sa peinture où elle se raconte mieux que personne entre beauté et souffrance. Pas un mot sur son réel engagement au PCM (parti communiste mexicain).
 
Si vous voulez lire une bonne biographie, il y a l'ouvrage de référence de Rauda Jamis, "Frida Kahlo, autoportrait d'une femme" en poche, les ouvrages de Gérard de Cortanze en livre de poche et bien sur son auto-biographie, "Frida Kahlo par Frida Kahlo : écrits" chez Bourgois Editeur.

Il est vrai que l'image de la peintre est emblématique et parfois même surexposée (mode, objets à son effigie, à contre courant des valeurs émancipatrices de l'artiste).
Bref je vous laisse juger. Mais je préfère franchement vous conseiller d'autres livres et si vous voulez investir dans un très beau livre d'art : Frida Kahlo, "Tout l'oeuvre peint" -collectif chez Tasher.


 

"La Reine des lectrices" d'Alan Bennett. Folio

un tout petit livre amusant :
"La Reine des lectrices" d'Alan Bennett.
Sa Majesté la très sérieuse Elisabeth II abandonne soudain ces chiens et ses chapeaux pour rentrer dans une passion inattendue : la lecture.Elle lit de plus en plus au point d'affoler le très strict protocole de Buckingham, agacer son Duc de mari, oublier la moitié de ses obligations et surtout se mettre à réfléchir....
Ce petit livre en poche folio est une véritable ode à la littérature, assez avec l'humour so british qui va avec. 

Auteur pour la télévision britannique, Alan Bennett a d'abord commencé sa carrière en tant que comédien.Il écrit ensuite des pièces de théâtre à succès puis de scénario de films Auteur d'œuvres autant humoristiques que controversées, Alan Bennett est un réel chroniqueur des mœurs de l'Angleterre d'aujourd'hui.

Son récit La Dame à la camionnette (The Lady In The Van, 1999) a été adapté au cinéma par Nicholas Hytner en 2016 sous le titre The Lady in the Van.


 

L'auteur sans nom (livre de poche)



 

Si à 50 ans t'as pas lu un polar de "L'Auteur Sans Nom ( A. Nonymous en anglais), je dis pas que tu as raté ta life mais fais donc un petit effort pour goûter aux délices des aventures rocambolesques, saignantes et hilarantes de Bourbon Kid et ces copains, l'Iroquois, le Pape, et autres personnages haut en couleurs.
 
Chacun de ses romans est bourré de références musicales et cinématographiques (plus séries B, films noirs). Dans un style hilarant où la morale est rarement sauve.
A prendre au 3ème degré, et puis cela se lit tout seul. Mêmes les plus fragiles ne pourront résister.
Si des amis connaissent les coms sont bienvenus pour inciter les copains à un peu moins d'écrans et beaucoup plus de livres.
 
Devenu une star de polar, avec "Le livre sans nom" il a écrit 9 autres polars où il reprend ses personnages fétiches, dans des aventures abracadabrantesques, A.Nomyme n'a jamais dévoilé son identité. Certains pensent qu'il pourrait s'agir de Quentin Tarantino mais le mystère demeure.
Je vous conseille de les lires dans l'ordre de parution :
 
disponible en livre de poche, ou dans toutes vos bonnes bibliothèques.