lundi 25 juillet 2022

Mark et Délia OWENS – Le Cri du Kalahari – Poche point - 2022

 


L'histoire

Âgés de 23 et 26 ans, Délia et son mari Mark interrompent leurs études de biologie et zoologie animale pour aller étudier la faune et la flore dans le désert du Kalahari au Botswana. Ils y feront des découvertes importantes notamment sur l'organisation sociale des hyènes brunes (espèce protégée depuis) et sur le triste sort des antilopes et lions du désert peu nombreux. Le récit de leurs aventures est passionnant.


 

Mon avis

Paru en 1986, les éditions Points viennent de ressortir en poche ce livre, après le succès planétaire de « Là où chantent les écrevisses » de Délia Owens. On pourrait parler d'opportunisme, mais on sait que Délia Owens qui vit modestement en Caroline du Nord reverse les profits de ses livres des associations pour la sauvegarde de la vie sauvage et pour l'aide humanitaire.

Il s'agit d'un résumé de leurs carnets de note dans le séjour qu'ils ont effectués de 1974 à 1980 à « Deception Valley » dans le désert du Kalahari au Botswana. La ville la plus proche Maun est à une journée de route. Ils doivent donc faire très attention à leurs ressources en eau, en carburant et en vivres, sachant que dans cette partie du Botswana, les frigos sont rares et chers et que la nourriture se constitue de farines de blé et de maïs, de lait en poudre, de conserves.

Passionnés par la vie sauvage, ils nous racontent leurs rencontres avec les chacals, les hyènes brunes, les lions mais aussi des oiseaux. Nous sommes en 1974, le téléphone portable n'existe pas, pas plus que l'ordinateur, le GPS. Le désert du Kalahari n'est pas un désert de sable, mais un désert avec une végétation d'arbres (acacias), buissons épineux, herbes. Il comporte 3 saisons, celles des pluies, suivi de la saison sèche (+ 45° le jour, 10° la nuit), la saison froide (-30° à 10°). Il faut s'adapter aussi aux conditions extrêmes. Délia souffrira d 'anémie, de la malaria et d'une mononucléose.

Les deux écritures alternent révélant aussi les caractères des deux chercheurs. Mark assez fonceur et parfois inconscient du danger et Délia plus poétique, plus posée mais avec une volonté farouche.

Ils devront lutter contre les feux de brousse qui se propagent jusqu'au désert, les safaris de chasse (interdits depuis), et des périodes de sécheresse.

Alors qu'en 1974, l'écologie est un concept flou, ils se battront pour obtenir des subventions pour continuer leurs recherches et réussiront avec l'aide du WWF à créer une réserve pour les antilopes. En effet dans la chaîne alimentaire, les antilopes qui se reproduisent en nombres nourrissent les lions qui se reproduisent peu, puis les hyènes brunes et enfin les chacals.

Ce livre est à la fois émouvant, drôle avec des anecdotes amusantes. Parfait pour les vacances. A lire !

lire aussi : https://nathbiblio.blogspot.com/2022/05/delia-owens-la-ou-chantent-les.html

samedi 16 juillet 2022

David Heska Wanbli Weiden – Justice Indienne – Totem Poche - 2022

 

L'histoire

Réserve Indienne lakota de Rosebud, Dakota du Sud (USA).Virgil Wounded Horse est un justicier qui pallie aux manques de la police tribal (dont les moyens et les effectifs sont des plus absents). Sa méthode : contre quelques dollars, il va faire sauter quelques dents où un bras à des des violeurs de mineur(e)s, des types alcoolisés qui tabassent leur femme.Mais un jour, on lui confie une mission très différente : démanteler un réseau d'héroïne qui arrive dans la réserve... Va-t-il réussir ce défi, qui implique un membre de sa famille, et aussi ébranler ses convictions ?


Mon avis

Dans le genre polar amérindien, les amateurs connaissent Tony et Anne Hillerman qui sont des porte-paroles de la nation navajo.Voici David Weiden qui lui, pour être un lakota (une tribu sioux), nous entraîne dans son univers.

Il met surtout l'accent sur les difficultés de vie dans cette réserve indienne, où les gens sont pauvres, nourris par la mal-bouffe et s'abreuvant de bières de basse qualité. Les plus démunis vivent dans des mobile-home, mal chauffés l'hiver où il gèle, vivant de maigres allocations et n'ayant pas beaucoup d'espoir de trouver un emploi digne de ce nom.

Et puis il y a les origines. Métissé (fils d'un lakota et d'une osage, il n'est pas très bien considéré dans sa communauté car il n'est pas un pur lakota. D'ailleurs, les coutumes ancestrales ne l'intéressent pas, contrairement à Mary, sa petite amie, promise à un avenir de médecin grâce à la richesse de sa famille indienne, mais dont le père siège au conseil tribal.

Un livre qui est une tribune politique contre la politique des blancs à l'égard des lakotas ou des autres tribus indiennes issues des sioux. Parqués dans des réserves de allant du Dakota à Montana (la région des grandes plaines), ils ont certes droit à un Conseil Tribal qui a peu de moyens financiers, mais la pauvreté, l'absence de perspective et le sentiment d'injustice historique les laisse au banc de la société blanche ou riche.

C'est aussi un livre qui nous contente les traditions lakotas, dans un univers magique, à la philosophie simple d'entraide, de cérémonies de guérison (l'auteur précise bien que les coutumes décrites dans le livre sont partielles, les lakotas ne dévoilent pas aux non-initiés la totalité de leurs rites), jusqu'à la cuisine qui se rapproche de celle des anciens, plus saine et diététique. Il semble d'ailleurs que le retour aux traditions soit la seule parade qu'on trouvé les lakotas face au mépris des « wasicus », les blancs qui sont détestes et redoutés.

C'est aussi une quête interne, celle de Virgil, ancien alcoolique, homme costaud et violent qui ne trouve pas sa place au sein de la réserve, et son chemin pour faire cohabiter la justice, la modernité et la tradition salvatrice.

Quand au style de l'auteur, il peut faire penser à un Raymond Chandler du 21ème siècle, entre humour, réflexion sur la vie, le pouvoir et les origines. Un livre que j'ai adoré, étant donné ma passion pour les Amérindiens et que je vous conseille pour un extraordinaire voyage dans ces grandes plaines mythiques de l'ouest américain, loin des clichés western Hollywood.


Biographie :

David Heska Wanbli Weiden est un membre de la Nation Lakota Sicangu. Il est diplômé de l’Institute of American Indian Arts, et a reçu un doctorat de l’Université du Texas à Austin. Justice indienne est son premier roman.

Les critiques sont excellentes.



Extraits :

  • Le lendemain matin, je partis tôt pour mon rendez-vous à Rapid City. Les Indiens l'appellent Racist City, à cause des innombrables histoires de gens qui s'y font harceler par des habitants ou la police du seul fait qu'ils sont indigènes. À peine quelques années plutôt, un groupe de collégiens de Pine Ridge venu assister à un match de hockey en récompense de leurs bons résultats scolaires s'était fait arroser de bière et d'insultes par une bande de quinze hommes blancs installés dans une loge au-dessus d'eux. Les enfants avaient quitté le stade profondément humiliés. Les coupables avaient été identifiés et un seul avait été mis en accusation, seulement un, pour trouble à l'ordre public. À la surprise de personne, le jury acquitta le prévenu et les enfants apprirent une amère leçon sur la manière dont la justice fonctionne dans cette bonne vieille Amérique. Et les gens se demandent pourquoi les Amérindiens veulent rester dans leurs réserves.

  • En regardant la pierre tombale de ma mère, je me souvins de ce qu'elle m'avait dit juste avant de mourir.
    - Akita mani yo.
    "Observe tout en marchant." Je crois qu'elle voulait dire qu'il fallait que j'aie conscience du monde tel qu'il était vraiment, pas tel que je voulais qu'il soit. La conscience indienne.

  • Le ciel immense s'ouvrait devant moi tandis que je parcourais les prairies vallonnées et les étroits canyons ; la beauté de notre terre me remplit de joie.

  • Je me demandai comment ce serait, de vivre sans ce poids sur ses épaules, sans le poids des ancêtres assassinés, de la terre volée, des enfants maltraités, le fardeau qui pesait sur tous les Amérindiens.

  • Les Indiens ont toujours su qu'il fallait guérir l'esprit en même temps que le corps. Je veux utiliser les cérémonies, les herbes et les prières combinées aux remèdes allopathique pour aider les gens à marcher dans la beauté.

  • 'avais découvert que la tristesse était comme une vieille voiture abandonnée pour de bon dans un champ - elle change un peu avec le temps, mais elle ne disparaît jamais. On peut l'oublier pendant un moment, mais elle est toujours là, de plus en plus mangée par la rouille, jusqu'à ce qu'on la remarque à nouveau.

  • La lampe vacilla, créant d'étranges ombres sur le portrait de Chief Red Cloud, le seul chef de la tribu qui avait vaincu l'armée américaine sur le terrain qu'ils avaient volé quelques années auparavant. Red Cloud, qui était mort seul, oublié de tous dans son grand âge, à quelques kilomètres d'ici.

  • l n'y a pas de mot pour dire adieu en lakota. Voilà ce que ma mère me répétait. Bien sûr, il existe des mots comme tous, "plus tard", que les gens utilisent comme substitut moderne. Elle m'avait dit que les lakotas n'avaient pas de terme pour l'adieu parce que nous étions connectés pour toujours. Dire adieu signifierait que le cercle était brisé.

  • Beaucoup de gens qui ne sont jamais allés dans une réserve supposent que la population y est exclusivement composée d'indiens. En réalité, un grand nombre de Wasicu s'étaient vu donner un lopin de terre des réserves à la fin du XIX° siècle, quand le gouvernement fédéral avait promulgué une loi pour lotir la plupart des réserves en parcelles de soixante-cinq hectares; ils avaient attribué la majorité des concessions statutaires à des Indiens mais en avaient donné un nombre considérable à - qu'elle surprise - des fermiers et ranchers blancs. Au temps pour leur promesse : " Cette terre vous appartiendra tant que l'herbe poussera."

  • - Des navets ? Depuis quand tu cueilles des navets ?
    - Eh bien, Lack m'a dit que le tinpsila est l'aliment indigène le plus important dans les Plaines. On peut le manger cru, le rôtir comme une pomme de terre, et même le râper comme une farine et fabriquer du pain indien.


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vendredi 15 juillet 2022

Terry Tempest Williams – Refuge – Gallmeister – Totem - 2022


 


L'histoire

Terry Tempest romance l'histoire de sa famille, qui vit près du Grand Lac salé, à Salt Lake Cit (Utah – Usa). Passionnée d'ornithologie, elle vient faire des recensements des nombreuses espèce d'oiseaux qui vivent dans les marais autour du Grand Lac. En 1993, en raison de pluie importantes, la hauteur du lac atteint le record de 1283,7 m, alors qu'il ne doit pas dépasser les 1282 m. Des inondations noient les marais et chassent les oiseaux. En parallèle, sa mère, déjà victime d'un cancer de sein est atteinte d'un cancer des ovaires, auquel elle ne survivra pas. Très soudée la communauté familiale se ressert. Mais Terry a bien son idée sur ces cancers qui atteignent les femmes depuis quelques années.


Mon avis

Vous 'avez pas besoin d'être un passionné d'ornithologie pour lire ce livre assez enchanteur. En racontant son histoire familiale, l'auteur nous parle de son amour pour sa région et dévoile un scandale important.

L'augmentation des cancers chez les femmes seraient certainement due à des essais nucléaires menées par l'Armée dans le désert du Nevada jusqu'à leur interdiction en 1992. De plus l'exploitation des mines d'uranium, de charbon et de gaz de schiste ont pollué les sols des États du Colorado, de l’Utah, du Nouveau Mexique. Leur exploitations est aujourd'hui terminée (hormis le gaz de schiste) devant les protestation des populations. On se souvient qu'en 1979, la digue du bassin de décantation de la mine d’uranium de Church Rock, au Nouveau-Mexique, se rompit,elle relâcha plus de mille tonnes de déchets radioactifs et plus de 350 millions de litres d’eau acide et radioactive dans le Rio Puerco qui approvisionne en eau une partie de la Nation Navajo.

Mais le charme de ce roman tient à ce lien ténu entre la nature et l'humain. Salt Lake City a été fondée par une communauté de mormons, qui réussirent à implanter une activé agricole dans cette zone désertique. Loin des clichés que l'on peut avoir, les mormons sont certes des chrétiens respectant les vœux d'entraide physique et morale, ne pas vivre au dessus de ces moyens, et surtout respecter la nature et toutes les espèces du vivant ou du non vivant car « Dieu se trouve en chaque chose ». Élevée dans cette tradition, mais sans excès, Terry aime plus que tout la nature dont elle connaît chaque détail. C'est aussi un roman sur la résilience. Alors que les eaux du lac montent, les tumeurs de sa mère s'amplifient. Il faut apprendre à vivre avec le chagrin de la perte, mais aussi l'espoir que la nature redeviendra ce qu'elle fut. Les oiseaux de ce livre sont revenus nicher au Grand lake, et illuminer le ciel de l'infini espoir qui nous maintient en vie, quelque soient nos croyances privées.

Il semble d'ailleurs que certains aspects de la philosophie mormone se croisent avec celles des Indiens Navajos dont la Grande Réserve s'entend sur les 4 états cités plus haut (les four corners).

Un livre qui, malgré la tragédie, nous offre la beauté de la nature. Extrêmement documenté, il reste aussi très actuel avec les crises énergétiques que nous connaissons, mais aussi avec les crises climatiques.


Biographie :

Terry Tempest Williams est née en 1955 dans le Nevada et a grandi dans l’Utah. Naturaliste et activiste engagée dans la défense des droits des femmes, son combat pour la préservation de l’environnement l’amène à témoigner devant le Congrès à plusieurs reprises. Elle y dénonce les effets des essais nucléaires réalisés dans le désert du Nevada et qui sont alors minorés par le gouvernement. Auteur de nombreux récits, essais et poèmes, elle est aujourd’hui une voix incontournable de l’Ouest américain.


Extraits :

  • Je prie les oiseaux parce que je crois qu'ils portent les messages de mon cœur vers les cieux. Je prie les oiseaux parce que je crois en leur existence, en la façon dont leurs chants commencent et finissent chaque journée - invoquant et bénissant la Terre. Je prie les oiseaux parce qu'ils me font penser à ce que j'aime et non pas à ce que je redoute. Et à la fin de mes prières, ils m'enseignent comment écouter"

  • quand Émily Dickinson écrit: "L'espoir est cette chose avec des ailes qui se perche dans l'âme", elle nous rappelle, comme le font les oiseaux, la force pragmatique et libératoire de la foi.

  • Les paysages que nous connaissons et auxquels nous retournons deviennent des lieux de consolation. Nous nous sentons attirés par eux en raison des histoires qu'ils nous racontent, des souvenirs qu'ils renferment, ou simplement en raison de leur beauté pure qui, sans cesse, nous interpelle et nous appelle.

  • Ne dis rien, me répétait Maman. Tu sais ce que toi tu penses, c'est ça qui compte.Et pendant de nombreuses années, c'est ce que j'ai fait : j'ai écouté, j'ai observé et j'ai forgé mes opinions en silence, au sein d'une culture qui pose rarement de questions parce qu'elle détient toutes les réponses.

  • Les premières étoiles apparaissent. Un croissant de lune. (…) Le calme du désert m'éclaire comme une traînée de lumière sur l'eau.

  • J’ai été élevée dans la croyance en un monde spirituel, dans l’idée que la vie existe avant sa manifestation terrestre et continuera à exister après, que tous les êtres humains, les oiseaux, les joncs, et toutes les autres formes d’existence avaient une vie spirituelle avant d’apparaître physiquement sur terre. Que tous occupaient une sphère d’influence qui leur avait été assignée ; que tous ont une place particulière, que tous servent à quelque chose.

  • Je veux voir cette mer intérieure comme une représentation de la Femme – de moi-même – dans son refus de se laisser domestiquer. L'Utah peut bien essayer de l'endiguer, dévier le cours de ses eaux, entrecouper ses rives de routes, cela ne changera rien au bout du compte. Elle nous survivra. En elle, je reconnais la nature sauvage, brute et indépendante. Elle me dépouille de tout stratagème, de tout conditionnement, et elle me déclare : "Je ne suis pas ce que tu vois. Interroge-moi. Tiens-t'en à tes propres impressions."
    On nous apprend à ne pas nous fier à nos propres expériences. Cette mer m'apprend que l'expérience, c'est tout ce que nous avons.

  • Les oiseaux ont le pouvoir de dénouer les fils de mon chagrin.

  • Tout ce que nous avons, c’est l’instant présent.

     

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jeudi 7 juillet 2022

Melissa DA COSTA – Tout le bleu du Ciel – Éditions Livre de poche - 2019

L'histoire

Émile, 26 ans est atteint d'un Alzheimer précoce et dégénératif qui lui donne 2 ans à vire au mieux . Il n'a nullement envie de rester allongé sur un lit d'hôpital à attendre des essais cliniques qui de toutes façons ne le guériront pas. En cachette de sa famille et de ses amis, il part en camping car avec Johanne une jeune femme mystérieuse qui parle peut mais qui est d'une redoutable efficacité. Un road movie dans les Pyrénées, avec des amitiés qui se nouent, un drôle de mariage et un vent de fraîcheur en attendant la fin.


Mon avis

Voilà un livre qui a beaucoup fait parler de lui et a reçu des critiques prestigieuses. Il en fallait pas moins pour oser s'aventurer sur le délicat sujet de la fin de vie. Ici, le héros choisit de vivre ces derniers jours en totale liberté. Découvrir des paysages magnifiques et aussi nouer des amitiés profondes. Et puis il y a ce personnage magnifique de Johanne, femme discrète mais dévouée. Elle aussi a souffert de quelque chose et pleine d'empathie et de résilience, elle n'abandonne pas cet homme parfois désemparé, sujet à crises de black out.

La maternité est mise en avant. Celle que refuse Émile à son premier amour Laura, celle perdue par Johanne, et l'attitude de cette femme meurtrie qui devient la maman du héros au fur et à mesure que celui-ci perd la mémoire et régresse dans l'enfance ;

La beauté des paysages, les amitiés nouées font tout le charme de ce livre.

Ce voyage est au fond une quête de soi, de sa propre résilience et de la compassion. Johanne mutique est aussi une femme pragmatique, qui ne va jamais lâcher la tâche qu'elle s'est elle-même confiée. Les personnages féminins dans ce livre sont des femmes fortes, même si elles ont des apparences fragiles. Ce sont les porteuses de vie et d'amour. Sans tomber dans le cliché, mais rien que par le choix des prénoms Émile, Léon sont des prénoms du passé. Johanne, Laura, Laëticia des prénoms actuels.

Hélas, le roman aurait gagné en légèreté si l'auteure avait réduit les histoires d'amour passées des deux protagonistes qui en plus sont des redites qui n'apportent rien à l'intrigue. Et allégé le pathos qui entoure les derniers moments de la vie d'Emile, la simplicité est parfois bien plus touchante que le surplus.

Et puis il y a des références à des auteurs sous forme de citations et un peu trop de Paolo Coelho à mon goût, gourou new-âge qui aligne des vérités que l'on sait déjà.

Un roman à lire si vous avez votre boite de mouchoirs, mais je reste mitigée. Certes l'écriture est facile, sans effets littéraires, mais il y a un peu de « trop » dans ce livre.


Biographie :

Née en 1990 à Lyon, Mélissa Da Costa suit des études d’économie et de gestion à l'Institut d'administration des entreprises de Lyon (IAE) (2008-2011), elle est chargée de communication dans le domaine de l’énergie et du climat.

Elle suit également des formations en aromathérapie, naturopathie et sophrologie.
"Recherche compagnon(ne) de voyage pour ultime escapade" (2017), sortie en librairie sous le titre "Tout le bleu du ciel" (2019), est son premier roman. Salué par la presse, il a reçu le prix du jeune romancier au salon du Touquet Paris Plage.


Extraits :

  • Je pourrais vous faire une liste des raisons qui m’ont poussé à partir. Ça pourrait vous aider à comprendre et à me pardonner. Vous pourriez en trouver au moins une qui serait valable, pour chacun d'entre vous. La première et la plus évidente, c’est que je ne veux pas de cet essai clinique et que je ne veux pas crever branché à des électrodes. Je ne veux pas être un rat de laboratoire. Si la maladie doit m’emporter, qu'elle m'emporte, mais par pitié que tous ces médecins me fichent la paix ! 

  • L’effort physique permet au mental de totalement lâcher prise. Les pensées se succèdent en tourbillon, mais un tourbillon calme et serein. À certains moments on est à peine conscients qu’on pense. Il y a des souvenirs qui remontent tout doucement, qui s’imposent sans provoquer d’émotions douloureuses. On les regarde avec une certaine distance et avec bienveillance.

  • Si nous pleurons parce que le soleil n’est plus là, nos larmes nous empêcheront de voir les étoiles.

  • Son visage est baigné de la lueur dorée du coucher de soleil, ce qui accentue encore l’irréalité de la situation. Émile songe : cette fille est un poème.

  • À faire de vivre dans le passé comme tu dis, ou dans l'angoisse du futur, on finit par oublier qu'il y a de la beauté dans tout... ou presque tout... Quand on est enfant, on le fait naturellement, non ? On s'émerveille devant... devant un caillou qui a des reflets argentés ou... ou devant une plume. On ramasse des pissenlits et on s'extasie devant leur jaune intense. Après ça, on trouve ça laid, les pissenlits... On les considère comme des mauvaises herbes.

  • Quand on ne peut revenir en arrière, on ne doit se préoccuper que de la meilleure façon d'aller de l'avant.

  • Accepter de recevoir est un geste de générosité, tu sais... Peut-être encore davantage que le fait de donner.

  • ..marcher seule... On se retrouve plongé en soi, on n’ est plus vraiment conscient de ce qui se passe autour. L’ effort physique permet au mental de totalement lâcher prise. Les pensées se succèdent en tourbillon, mais un tourbillon calme et serein. À certains moments on est à peine conscient qu’on pense. Il y a des souvenirs qui remontent tout doucement, qui s’imposent sans provoquer d’émotions douloureuses. On les regarde avec une certaine distance et avec bienveillance.

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dimanche 3 juillet 2022

Jenny OFFILL – Atmosphère – Éditions Dalva - 2021

 


L'histoire

Lizzie est bibliothécaire à New-York. Elle répond aussi aux mails de son ancien professeur de lettres devenue spécialiste de la crise climatique. Elle doit aussi soutenir son frère dépressif et un mari qui ne fait pas grand chose à part finir une thèse sur Démocrite un philosophe grec oublié.Sous forme de petites chroniques, nous faisons connaissance avec une galerie de personnage du monde intellectuel de la Grosse Pomme.


Mon avis

Ce livre reste un incontournable de la littérature américaine classique où il s'est écoulé à des millions d'exemplaires. C'est une chronique un peu farfelue des villes urbaines et des pseudos intellos qui ne se posent pas les bonnes questions. C'est aussi une critique acerbe de la classe moyenne.

La narratrice laisse son esprit vagabonder, du concret à l'abstrait, du plus trivial au plus profond, du noble au ridicule et du drôle au tragique. On suit sa pensée sans linéarité, en passant parfois du coq-à-l'âne, en retournant dans le passé ou en se projetant dans l'avenir. Un avenir qui n'est pas rose, d'ailleurs. Pour mettre du beurre dans les épinards, Lizzie accepte d'aider Sylvia, son ancienne directrice de thèse, qui donne des conférences et produit des podcasts sur les dérèglements climatiques : comme Sylvia est débordée, Lizzie répondra à ses courriels, réponses qu'on retrouve, souvent en encadré, dans le texte. Ainsi, entre ses proches, les abonnés déjantés de la bibliothèque et les correspondants aussi anxiogènes que leurs questions, l’auteure nous présente une image de la société d'aujourd'hui. Encore plus actuelle (le livre a été publié aux USA en 2016, a l'arrivée de Bush au pouvoir). Il pose les questions aussi du totalitarisme, de l'avenir incertain, des transhumanistes aux survivalistes.

Le ton est très amusant, et des petits encadrés nous dévoile les réponses hilarantes auxquelles Lizzie, pleine d'empathie, toujours en questionnement, répond.

Un livre qui reste d'actualité, facile à lire, plein de petites réflexions, avec des allers-retours dans le passé de l'héroïne.. Un livre à la fois drôle mais inquiétant sur nos perspectives d'avenir.


Biographie :

Née en 1968 dans le Massachusetts, Jenny Offill est enseigne l’écriture à Queens University, Brooklyn College et l’université de Columbia. Elle écrit aussi des livres pour la jeunesse.


Extraits :

  • Le problème d’un mariage assorti, avait-elle dit, c’est que sur le moment, il a l’air parfait. C’est comme une clef qui glisse toute seule dans une serrure. Mais la question, c’est : est-ce vraiment dans cette pièce là que vous avez envie de passer votre vie ?

  • Est-ce qu’on doit se procurer une arme ? demande Ben. Mais c’est l’Amérique. Quelque-un qui tue moins de trois personnes ne passe même pas aux informations.

  • Une tortue est attaquée par une bande d'escargots. La police enquête mais la tortue ne leur est d'aucune aide. "Ça s'est produit si vite", dit-elle.

  • Je suis assise face à un type sexy en manteau vert qui donne l’impression de me connaître. Quand j’étais plus jeune, je savais pourquoi un homme me regardait, mais désormais ce n’est en général qu’à cause d’un trou de mémoire.

  • Question : Quel est le moyen de préparer mes enfants au chaos à venir ?
    Réponse : Vous pouvez leur apprendre à coudre, à jardiner, à bâtir. Même si les techniques de maîtrise de la peur sont peut-être plus utiles

  • Question : quelle est la différence entre une catastrophe et une urgence ?
    Réponse : une catastrophe est un événement brutal qui entraîne de gros dégâts et des pertes importantes. Une urgence est une situation où les actions normales ne peuvent se poursuivre et où il faut réagir de façon immédiate pour éviter une catastrophe.

  • Question ; Quelle est la philosophie du capitalisme tardif ?
    Réponse : Deux randonneurs rencontrent un ours affamé sur un sentier. L'un d'eux sort ses chaussures de course et les enfile. "Tu peux pas courir plus vite qu'un ours", lui murmure l'autre. "J'ai juste besoin de courir plus vite que toi", répond le premier.

  • Je lui explique que je ne suis inscrite nulle part parce que les plateformes me donnent l'impression de me transformer en écureuil. Pas vraiment en écureuil, mais en rat qui peut s'empêcher d'appuyer sur un levier.

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Les éditions Dalva se sont spécialisées dans l'écriture au féminin et mettent en avant de jeunes auteures qui veulent comprendre et changer le monde.

Karine LAMBERT – l'immeuble des femmes qui ont renoncé aux homme – livre de poche - 2016

 


L'histoire

Elles sont 5 femmes d'âges et métiers différends. Pour un loyer modeste, elles vivent dans un immeuble appartenant à la « Reine », mais à une seule condition. Aucun homme ne doit franchir la grille du portail. Le seule mâle toléré est Jean-Pierre, un bon gros chat roux, qui se fait bichonner par toutes ses dames. Mais l'arrivée d'une nouvelle locataire Juliette risque bien de bousculer ces femmes dans leur conviction.


Mon avis

Un tout petit livre qui ne prendra pas trop de place dans votre bibliothèque mais qui est très amusant. Une galerie de femmes à la fois drôles et touchantes. Il y a la Reine, ancienne danseuse étoile qui vit dans les souvenirs de ses plus beaux rôles et de ses admirateurs. Guiseppina, une italienne d’origine pauvre, a fui l'Italie et surtout un père et 3 frères qui ont ont contrôlé sa vie avec violence. Simone elle a fui ses Vosges natales trop ennuyeuses puis est partie sur un coup de tête en Argentine et elle en est revenue avec un bébé que le père n'a jamais voulu connaître. Rosalie est prof de yoga, et ne jure que par la méditation, quittée sans un mot par son mari. Et puis arrive Juliette. Certes Juliette connaît des déboires amoureux, mais ne renonce pas à trouver l'âme sœur. Internet ne la séduit pas, pas plus que les datings où les petits arrangement de son meilleur ami.

L'écriture de Karine Lambert est vive, et au passage nous fait visiter un coin de Paris, le XX me arrondissement, où il existe encore des petites maisons avec jardin, des petits commerces.

Une réflexion aussi sur l'amour, le vie à deux et le sens à donner à sa vie. Pas un chef d’œuvre mais de quoi égayer l'été.



Biographie :

Observatrice et sensible au monde qui l’entoure, Karine Lambert est une romancière et une photographe belge. Derrière son objectif, elle capte des instants essentiels : éclats de rire, de fragilité et de vérité. Que ce soit avec des images ou des mots, elle raconte ce qui la touche.Passionnée par l’être humain et sa capacité à se réinventer, les thèmes qu’elle explore et les univers qu’elle crée sont à chaque fois très différents. Il est cependant toujours question d’amour de la vie, de perte de repères et de solidarité.Ses livres sont publiés en treize langues dans plus de vingt-cinq pays.« Écrire, c’est mettre de l’ordre dans mes émotions, un espace de liberté, une grande salle de jeux... et vivre toutes les vies que je ne vivrai jamais. Je suis tour à tour danseuse étoile, gardien de zoo ou platane centenaire ».


Extraits :

  • Elle n'a plus envie de provisoire ni d'un homme sur mesure qui comblerait son manque au millimètre près. Elle ne veut plus de rêves géants et de réalité minuscule. Elle ne veut plus d'urgences qui se croisent. De mâles au sexe raide et aux promesses floues. De nuits sans lendemains. Elle ne veut plus être un lieu de passage. Elle voudrait calmer sa course folle, poser ses valises. Elle voudrait retrouver le même homme à côté d'elle chaque matin. Ouvrir les rideaux et dire à son chéri :" Qu'est ce qu'on fait aujourd'hui ?" Elle voudrait rentrer, qu'il lui demande comment s'est passée sa journée et lui poser la même question en retour. Un homme imparfait, des mots doux, des gestes tendres.

  • Marcher, danser, tomber, vieillir : la vie, c’est une succession de déséquilibres.

  • L'amitié, tu sais, c'est comme une écharpe très douce dans laquelle on s'enroule.

  • Quand on est en colère ou triste, les pensées se transforment en marsupilamis bondissants.

  • S’adapter au bonheur, c’est pas donné à tout le monde.

  • Une vie sans hommes, c'est une vie sans sel, sans sucre, sans piment, sans miel. 

     

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vendredi 1 juillet 2022

Mark Spragg – une vie inachevée – Editions Gammeister Poche (Totem) - 2020

 


L'histoire

Jean, 30 ans et sa petite fille de 9 ans fuient le compagnon violent et alcoolique. Mais elles ont peu d'argent, la veille voiture rend l'âme et Jean décide de retourner vivre quelques temps chez son beau-père Einar, dans le Wyoming où elle est née. Un homme qui la pense responsable de la mort de son fils. De retrouvailles et une fin inattendue.


Mon avis

Voilà un livre très agréable à lire et qui pose plusieurs questions.

Celui de la violence faite aux femmes, surtout dans les classes populaires où les jolies filles n'ont pas de cervelle et « qu'il faut mater ».

Mais aussi celui du pardon, parfois impossible. Einar, homme solitaire, le beau-père déteste cette belle-fille trop libre (mais pourtant trop malheureuse), ce même homme qui soigne avec une amitié infaillible son meilleur ami défiguré par un ours sauvage.

Il pose la question de la maternité. Élever seule son enfant, alors qu'on rêve d'une famille et qu'on ne fait pas les bonnes rencontres. Pourtant la petite Griff est une fillette très intelligente. Elle sait amadouer cet irascible grand-père, joue un rôle protecteur et critique vis-vis de cette mère volage qui ne sait ni garder un homme ni un emploi . Un emploi de serveuse ou de blanchisseuse, bref des emplois sans avenir.

Ici c'est la recherche de l'amour (familial, maternel, amoureux, amical) qui est le moteur des personnages. Et puis il y a le personnage de Mitch, l'homme malade et ami de toujours d'Einar, l'homme qui connaît la résilience, l'homme qui a tant d'amour dans son corps meurtri, le conciliateur,

C'est encore un portrait de l'Amérique des petits gens, les ranches d'hier qui ont fait la fortune des uns deviennent délabrés, les jeunes veulent un emploi en ville, les terres sont louées et les fermes n'ont plus la grandeur d'antan.

Une fois de plus Gallmeister signe un auteur « féministe dans l'âme », à l'écriture sans chichis, où l'on devine les paysages de ce grand ouest, pays des cow-boys, à l'ombre des montagnes « Big Horn » ou de Yellow Stones.


Biographie :

Mark Spragg est né en 1952 et a grandi dans un ranch du Wyoming. Il évoque son enfance et sa jeunesse passées parmi les chevaux au cœur d’une nature rude et majestueuse dans Là où les rivières se séparent. Outre "De flammes et d'argile", publié aux États-Unis en 2010, il est l’auteur de deux autres romans, dont "Une vie inachevée", qui a été porté à l’écran par Lasse Hallström, avec Robert Redford dans le rôle de Einar.Son œuvre est aujourd'hui traduite en quinze langues.


Extraits :

  • Elle presse ses mains bien à plat sur sa poitrine. Pas de tétons. Pour le moment, elle ne risque rien. Un matin elle se réveillera avec des seins, peut-être quelques poils entre les jambes, et tout commencera à aller de travers. Comme c'est allé de travers pour sa mère. Les seins, ça attire les caravanes et les pick-up, et ça fait beaucoup, beaucoup pleurer.

  • Il aurait dû y avoir un vieux con pour m'expliquer ce que c'est de vieillir. (…) Il y a sans doute eu un vieux con pour me l'expliquer, mais je ne l'écoutais pas.

  • Je ne me suis pas fait tabasser parce que je n'avais pas d'arme. J'ai été battue parce que je suis tombée amoureuse du type dont il ne fallait pas tomber amoureuse, que j'ai été trop stupide et trop terrorisée pour arrêter de faire semblant et m'avouer que je m'étais plantée.

  • Son reflet sourit. Elle ferme les yeux et tente d'imaginer l'homme qui a élevé son père. A quoi il ressemble. S'il sera capable de deviner tout de suite qu'elle est sa petite-fille.

  • Ici nous sommes dans l'Ouest sauvage, l'Ouest de jadis. Où les hommes sont des hommes, et où les femmes sentent la femme.

  • Il adresse un clin d’œil à Mitch et sourit de nouveau, comme s’ils étaient jeunes et ne croyaient pas vraiment à la mort, et comme si ces montagnes étaient un paradis sur le toit du monde qu’ils n’avaient jamais eu à quitter, pas un seul jour de leur vie.


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